Homélie de la bénédiction de l’oratoire de l’Aile de Lorraine

16 septembre 2024

« Nul n’est monté au ciel sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme. De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé, afin qu’en lui tout homme qui croit ait la vie éternelle. Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. »

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Texte de l’homélie

Chers frères et sœurs, nous voici donc dans cette nouvelle chapelle que nous expérimentons. La Providence a voulu nous donner un jour lumineux pour cette célébration et nous voyons comment la lumière rentre largement dans ce volume, dans cet espace tout neuf embelli de la présence de ces icônes qui ont été écrites par Gilles Weissmann, nous y reviendrons certainement par la suite.

Mais, pourquoi la communauté a-t-elle pris la décision – et pourrait-on dire, le risque – de faire cette nouvelle chapelle ? Celles et ceux qui ont connu la Grande Chapelle se rappellent vraisemblablement un office ou une messe pendant laquelle ils ont eu très froid quand c’était l’hiver. Et lorsque vous allés dans l’ancien oratoire des frères - plus chaud il est vrai - vous vous rappelez sans doutes combien il est petit, moins lumineux et le parquet pour ainsi dire mélodieux…

Bref, cet oratoire que nous bénissons aujourd’hui - et dans lequel nous demandons au Seigneur de répandre abondamment Ses grâces sur ceux qui le ferons vivre et sur celles et ceux qui viendront – a une autre mission que celle de satisfaire à notre besoin de confort : il nous rassemble au nom du Christ, autour du Christ, avec Lui et à partir de Lui pour la mission à laquelle Il nous demande de participer.

L’autel, c’est le Christ !

C’est vrai de ces icônes qui nous le rappellent, c’est vrai de cet autel qui ne sera pas béni aujourd’hui car il l’a déjà été dans un autre lieu. Et si la Providence et la communauté le veulent bien, je reviendrai volontiers pour en consacrer un nouveau. Mais, s’il est béni, nous voyons que sa pierre est nue car il va faire son premier usage pour la célébration de l’Eucharistie en ce jour.

Nous le savons, l’autel c’est le Christ ! Pour les Compiégnois ou pour les Noyonnais qui sont parmi nous, vous vous rappelez sans doutes la solennité qui entoure la consécration d’un autel, comme nous l’avons vécu pour les cérémonies respectives de l’église Sainte-Jeann-d’Arc et de la cathédrale de Noyon. S’il y a des rites successifs qui sont pratiqués pour cette célébration, c’est bien pour signifier quelque chose, qui est en fait quelqu’un : l’autel n’est pas simplement une table qu’on pourrait employer pour n’importe quel usage à un autre moment que la messe. Non, l’autel, c’est le symbole du Christ. Ce qui fait que, normalement, on ne déplace pas un autel parce qu’on ne déplace pas le Christ : on se déplace autour de Lui, on se déplace par rapport à Lui. Mais Lui, Il est le roc sur lequel nous pouvons bâtir, construire librement notre vie pour que, progressivement, elle soit attirée de plus en plus dans la gloire de Celui qui nous rassemble.

De fait, nous sommes rassemblés en ce jour où nous fêtons la Croix Glorieuse. Nous portons tous ces ornements rouges en cette occasion.

La Croix Glorieuse !

La Croix !

Pour nous qui sommes des fidèles habitués, ça passerait « comme une lettre à la poste »… Mais nous ne pouvons pas oublier que pendant des siècles, les Chrétiens on résisté à l’idée que la Croix soit un point de référence et de reconnaissance, un lieu de dévotion, car pour eux, c’était encore lieu du supplice réservé aux esclaves. Des juristes et autres historiens savent dire quelle était l’atrocité de ce type de mise à mort. Et c’est pourtant celui que le Seigneur Jésus a voulu assumer, porter et vivre pour nous.

Glorieuse ?

Que cela signifie-t-il ? Si l’on se rappelle du temps de notre adolescence, où l’on avait de grands idéaux comme ceux d’Ivanhoé, Alexandre Le Grand ou bien Napoléon, pour ne citer qu’eux, et l’on se souvenait d’eux pour le bon côté, le grand récit que l’on faisait de leurs actions, ils allaient de victoires en victoires, c’était la gloire !

Or, Celui dont on dit qu’Il est glorieux, le voici ravalé au rang de l’esclave, Il a subi cet infâme, cet atroce supplice de la Croix. Et voici rassemblés dans cette chapelle pour y adorer le Christ en Sa Passion et en Sa Gloire ! En Sa Passion, c’est à dire dans l’amour qu’Il a manifesté pour nous.
Et je me le dis, et nous pouvons nous le dire les uns aux autres : et nous, que faisons-nous pour par amour pour le Seigneur ?

Nos frères, dans l’appel qu’ils ont ressenti à consacrer leur vie dans le charisme de la congrégation des Serviteurs de Jésus et de Marie, ont prononcé les vœux de pauvreté, de chasteté et d’obéissance. Dans notre assistance, il y a aussi des religieuses et des sœurs consacrées qui ont aussi voulu suivre le Christ et être signes de Sa présence à travers cet amour qui renonce à la richesse et à la possession des biens matériels, à la vie de famille avec conjoint et enfants et qui, par obéissance, acceptent de remettre leur liberté et leur volonté propre entre les mains d’une communauté, d’un charisme et d’un supérieur, ce qui va les aider à rentrer plus avant encore dans les intentions même du Christ lorsqu’Il s’offre à Son Père pour qu’Il réalise en Lui Son plan de salut de l’humanité toute entière.

Nous le savons, ce n’est pas rien de vivre une vie de pauvreté, de chasteté et d’obéissance, une vie que l’on choisit et à laquelle on est appelé, avec l’espoir qu’on pourra la porter avec la grâce de Dieu et que l’on accepte comme une ligne de fond.
Ainsi, nous voyons cet amour qui se manifeste à travers ces personnes qui ont consacré leur vie.

Nous aimons aussi tous le Seigneur, mais de diverses manières, dans l’état de vie où nous sommes, là où nous sommes, avec les épreuves que nous avons à porter ponctuellement et durablement. Nous essayons alors d’y accueillir Celui qui a aimé jusque sur la Croix pour vivre ce que nous avons à porter, non pas simplement avec résignation, mais avec une volonté que rien ne soit perdu, même ce qui nous est lourd, et qu’en l’offrant au Seigneur, cela soit transformé par la puissance même de l’amour qui a fait précisément passer Jésus de la Passion à la mort et de la Résurrection à la gloire. Et aujourd’hui, à travers la liturgie, c’est la perspective qui nous est redonnée : nous sommes appelés à passer de la mort à la vie !

Que ce soit à la Toussaint ou à Pâques, nous sommes invités à aller du passé à l’avenir, des ténèbres à la lumière, du découragement à l’Espérance, de l’étroitesse de l’emprisonnement à la liberté ! Et le Christ Glorieux nous montre que ce chemin est possible, qu’Il l’a emprunté pour nous et qu’Il veut le faire encore maintenant, avec et en nous.

Passer de la mort à la vie !

Les années passant, nous savons que notre corps va vers sa ruine, comme le dit l’apôtre Paul. Et nous avons justement sous les yeux ce que peut devenir une ruine : nombreux sont ceux parmi vous qui ont connu ce bâtiment comme une belle ruine, car il avait une belle façade. Et grâce au travail des ouvriers, et toutes les étapes qu’il a fallu passer, nous pouvons maintenant contempler et découvrir le résultat.

On peut faire le parallèle entre ces ruines que nous sommes sans Dieu, sans Son œuvre, et ce que nous pouvons être avec Lui, ce que nous sommes appelés à être avec Lui.

Célébrer la Croix Glorieuse, c’est revenir à la source qui est le Christ, Lui qui veut nous faire passer par l’amour de la Croix à la Résurrection, de la Passion à la vie et à la Gloire, de ce que nous sommes sans le Christ à ce que nous pouvons être avec Lui, par l’intercession de tous les Saints.

Ainsi, nous pouvons être dans l’action de grâce, et nous pourrons renouveler - comme nous sommes appelés à le faire à l’occasion de l’offertoire – l’offrande de nos vies :

« Seigneur, nous voici tels que nous sommes, tel que je suis.
Seigneur, à cause de Ton amour pour moi, pour nous, manifesté dans Ta Passion, et dans Ta gloire, viens poursuivre en moi, en nous, l’œuvre que Tu as si bien commencée.
Viens nous faire passer de la mort à la vie, viens nous attirer toujours plus dans Ta gloire, cette gloire que Tu veux pour nous ici rassemblés, que Tu veux dans le monde dans lequel nous vivons et dont nous sommes solidaires .
Par Ta présence en nos vies, aide-nous à puiser ici et dans tous ces lieux où tu nous rassembles la force d’être des témoins de cette espérance où c’est l’amour tel que Tu le manifestes qui aura, qui a déjà le dernier mot. »

Amen !


Références des lectures du jour (fête de la Croix glorieuse) :

  • Livre des Nombres 21,4b-9.
  • Psaume 78(77),3-4ac.34-35.36-37.38ab.39.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 3,13-17 :

En ce temps-là, Jésus disait à Nicodème : « Nul n’est monté au ciel sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme.
De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé, afin qu’en lui tout homme qui croit ait la vie éternelle.
Car Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle.
Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. »

Pour revoir la cérémonie entière en vidéo, consultez Bénédiction de l’oratoire de l’Aile de Lorraine : genèse du projet des icônes