Texte de l’homélie :
Nous sommes toujours en territoire païen. Dans la Bible, quand il est fait mention d’une ville ou d’une région, il est intéressant de voir ce dont il s’agit. Ainsi, Tyr et Sidon sont des villes en plein territoire de la Décapole, zone païenne sous l’autorité de l’armée romaine. Jésus se destine à la Galilée, puis à la Judée, et, comme on l’a vu dimanche dernier, Lui qui est pur au nom de la loi juive, il va à la rencontre de ceux qui sont considérés comme impurs.
Non seulement Il va à leur rencontre, mais Il accomplit des miracles sur eux. Rappelons que les miracles sont des signes que Dieu donne de Sa présence.
Aujourd’hui, c’est un miracle qui a un rapport avec la surdité. C’est aussi un point intéressant à voir : qu’est-ce que la surdité ? Entendons-là plutôt en un sens spirituel qu’en un sens physique. Cela n’a pas de rapport avec la surdité qui a un rapport avec le handicap, à la vieillesse ou à la maladie. Il s’agit d’une surdité dont nous pouvons être atteint lorsque nous sommes sourds à la parole de Dieu : nous ne pouvons pas la proclamer.
Jésus va alors ouvrir les yeux des aveugles et faire entendre les sourds, et accomplit ainsi la Parole d’Isaïe. Vous rappelez-vous des disciples de Jean-Baptiste, alors en prison, qui viennent voir Jésus et Lui demandent de sa part : « Est-ce toi ou devons-nous en attendre un autre ? », et qui repartent en disant : « Les aveugles voient, les sourds entendent ! » en reprenant les paroles de l’Ancien Testament signifie que c’est un signe messianique. C’est Lui qui vient sauver, c’est un signe que le Dieu sauveur est présent : tous les miracles sont des signes de Salut, des signes qui restaurent quelque chose de cassé.
Cela nous rappelle aussi qu’en nous, il y a quelque chose de cassé.
Ce paragraphe avec le mot « Ephata ! » nous rappelle le baptême : dans la liturgie de ce sacrement, on le reprend :
Extrait du rite d’ouverture de la liturgie du baptême.
Le prête ou le diacre qui baptise commence en signant les oreilles et la bouche de l’enfant que l’on amène pour être baptiser. Et l’on remarque qu’il y a un ordre : écouter et proclamer. Au plan anatomique et médical, une personne atteinte de surdité complète de naissance ne peut pas parler : elle ne sait pas s’exprimer correctement. Certes il apprend, il lit sur les lèvres, mais il a du mal à communiquer avec les autres. Donc, le fait de restaurer la capacité de l’ouïe restaure celle du langage, c’est à dire d’une communication, d’une relation avec les autres.
Quand Jésus accomplit un miracle, pensez-toujours que c’est en vue de la communion. Quel est le rôle du miracle si ce n’est de restaurer la capacité personnelle du miracle : vous le savez, dans la foi juive, l’infirmité de la personne fait poser la question de la raison du handicap, comme le font d’ailleurs les apôtres : « Est-ce lui qui a péché, ou bien ses parents ? ». Mais cela ne fait pas de doute que c’est quelqu’un d’impur, qui ne peut pas se marier, qui ne peut pas travailler, ni aller au temple.
En restaurant la santé, Jésus donne la possibilité à la personne de se marier et de se projeter de génération en génération, celle de s’insérer dans la vie sociale par le travail et la possibilité d’avoir un lien avec Dieu par le culte au temple.
Il est intéressant de voir que cette triple restauration que chaque miracle accomplit. C’est en quelque sorte un salut, une résurrection appliquée à toute la personne humaine dans sa dimension personnelle, privée, mais aussi dans sa dimension sociale et spirituelle.
A travers ce miracle de la surdité, on voit un signe très fort car, avec la surdité, cette capacité d’écouter empêche même de suivre le premier commandement de la loi juive qui est « Écoute, Israël ! Le Seigneur est ton Dieu ! » « Shema Israël », qui est l‘équivalent de notre Credo de notre foi chrétienne.
Le premier commandement est d’écouter. Et vous savez peut-être que les premiers mots de la règle de Saint Benoît sont :
L’écoute est quelque chose de capital dans la vie chrétienne, et plus largement dans la vie spirituelle. Quelqu’un qui n’écoute pas a le cœur fermé, non pas parce qu’il est malade ou handicapé, mais par cette surdité intérieure créée par le péché : son cœur s’est endurci.
Ainsi, Jésus vient libérer les sourds pour faire comprendre que nous avons d’autres formes de surdité et que nous sommes invités à bénéficier du salut que nous donne le baptême. Le baptême nous donne la Foi. Et comme le dit Saint Paul :
« Fides ex auditu » du latin donne « La Foi vient de l’oreille ».
Elle vient de quelqu’un qui l’a proclamée. Il est indispensable de l’annoncer pour la transmettre : si personne ne l’annonce, comment pourrons-nous croire en la personne du Christ ?
Dans l’évangile de Matthieu, on voit Jésus qui fait de la boue avec ses doigts et sa salive, avec encore ici une référence à l’incarnation. Et dès que l’on voit Jésus qui touche la terre, on pense à Adam, Adama : Le « terreux ».
Ainsi, lorsque Jésus prend de la terre et la met sur les yeux de l’aveugle, ou comme ici sur les oreilles du sourd, c’est toute la personne humaine qui est restaurée.
C’est un très beau texte. Il nous amène à nous reposer la question des conversions auxquelles nous sommes appelés : ces manques d’écoute, ces endurcissements du cœur. On peut ainsi remarquer qu’il y a des paroles de Dieu que je ne veux pas entendre : par exemple, celles concernant la pardon. Il y a peut-être des personnes auxquelles nous ne voulons pas pardonner… Or, le Seigneur nous dit de façon explicite que la pardon est la manière d’accomplir le commandement nouveau. Parfois, en face de ce commandement là mon cœur est dur, je n’écoute pas et je me renferme sur moi-même.
Nous sommes ainsi invités à méditer sur cette très belle page d’Evangile où l’on voit des personnes qui amènent la personne malade à Jésus. Et, comme pour le paralytique pour lequel on a défait le toit pour le descendre au milieu de cette foule formidable, voici un bel exemple d’évangélisation auquel nous sommes aussi appelés.
« Plus Jésus leur interdisait d’en parler, plus ceux-ci Le proclamaient. »
Le mot proclamer est traduit par en Grec « kérigme », qui signifie aussi la Foi. Il est aussi employé pour parler de la mort et de la Résurrection du Christ. Le Kérigme est le cœur de notre Foi.
Il est intéressant de voir que le Seigneur nous appelle à nous convertir nous-même mais aussi d’emmener d’autres à aller à la rencontre du Seigneur pour qu’ils puissent écouter. Il y a des personnes qui n’ont rien reçu et n’ont aucune idée de rien sur le Christ, mis à part des grands a priori sur la Foi. Cela cache souvent une ignorance totale. L’enseignement du catéchisme est parfois trop loin…
Demandons au Seigneur aujourd’hui de faire de nous des apôtres pour que nous nous mettions nous aussi à l’écoute de la parole de Dieu et que nous n’ayons pas peur de l’enseigner et de la transmettre,
Amen !
Références des lectures du jour :
- Lecture du Livre d’Isaïe 35,4-7a
- Psaume 146(145),6c.7-8.9a.9bc.10
- Lecture de la Lettre de saint Jacques 2,1-5
- Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc 7,31-37 :
En ce temps-là, Jésus quitta le territoire de Tyr ; passant par Sidon, il prit la direction de la mer de Galilée et alla en plein territoire de la Décapole.
Des gens lui amènent un sourd qui avait aussi de la difficulté à parler et supplient Jésus de poser la main sur lui.
Jésus l’emmena à l’écart, loin de la foule, lui mit les doigts dans les oreilles, et, avec sa salive, lui toucha la langue.
Puis, les yeux levés au ciel, il soupira et lui dit : « Effata ! », c’est-à-dire : « Ouvre-toi ! »
Ses oreilles s’ouvrirent ; sa langue se délia, et il parlait correctement.Alors Jésus leur ordonna de n’en rien dire à personne ; mais plus il leur donnait cet ordre, plus ceux-ci le proclamaient.
Extrêmement frappés, ils disaient : « Il a bien fait toutes choses : il fait entendre les sourds et parler les muets. »