Homélie du deuxième dimanche de Pâques - Dimanche de la miséricorde

13 avril 2021

Les autres disciples lui disaient : « Nous avons vu le Seigneur ! »
Mais il leur déclara : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! »

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Texte de l’homélie :

C’est un long chemin que celui du Carême pour nous préparer à cette fête de Pâques qui dure huit jours… Chaque jour qui a suivi le dimanche de la Résurrection, nous l’avons fêté avec solennité, et il est maintenant temps d’en faire le bilan : qu’en est-il du chemin de conversion que nous avons fait pendant ce Carême ?

Au mieux, nous avons pu changer – ou tout du moins améliorer – tel ou tel comportement, mais est-ce vraiment là la conversion ? Car, selon son étymologie – métanoïa - il ne s’agit pas tant de changer de comportement, mais plutôt de changer de mentalité, notre manière de voir, notre intelligence. Selon l’Hébreu, c’est la techouva qui signifie « revenir à Dieu », c’est à dire mettre nos pas dans Ses pas, vivre de Sa vie.

Qu’est-ce que la miséricorde divine ?

On appelle ce dimanche le Dimanche de la Miséricorde. Et ne nous y trompons pas : la Miséricorde n’est pas une idée de Dieu, une représentation ou un attribut de Dieu qu’il s’agirait de méditer en le faisant dépasser des autres attributs. Je ne vais pas vous faire un grand discours sur la Miséricorde, car c’est une action, l’action propre de Dieu le Père qu’Il nous manifeste en Jésus. Et on le voit dans Sa miséricorde : Il ne va pas s’attacher à tous ceux qui font des efforts pour « être des gens bien », les scribes et les Pharisiens, Il va s’attacher aux pécheurs. Et dans Son ministère, la première qu’Il dit quand Il voit quelqu’un en détresse c’est :

« Tes péchés sont pardonnés. »

Et l’on voit bien cette action si bien déployée dans la semaine sainte : Jésus qui prend la place du pécheur, Lui l’Innocent qui vient transformer, qui vient racheter les pécheurs en portant nos blessures.

La conversion consistera donc à rentrer dans cette action de Dieu, de mettre nos pas dans Ses pas, de vivre suivant Son souffle qui fait renaître tout homme qui vient à Sa rencontre.

Toute cette semaine, on a vu avec les textes d’Evangile qui relatent la Résurrection de Jésus que cette nouvelle ne transforme pas immédiatement les disciples. Certes, en Le voyant, ils finissent par être dans la joie, mais ils sont plutôt stupéfaits, étonnés. Tous ne le reconnaissent pas au premier abord, car l’aspect physique du corps glorieux est différent, mais ils savent que c’est Lui, et petit à petit, ils ont la preuve à ces signes qui ne trompent pas : la voix pour Marie, la fraction du pain pour les disciples d’Emmaüs, les plaies des mains et du côté pour les apôtres, mais ils ne sont pas encore convertis, ils sont encore avec leurs vieilles mentalités et même s’ils ont déjà un peu reçu et accueilli Jésus, au matin de l’Ascension, ils sont encore avec leurs rêves de restauration politique : « Est-ce maintenant que tu vas pouvoir restaurer le pouvoir en Israël ? chasser les occupants et les dirigeants corrompus ? »
Et il faudra à la Pentecôte recevoir l’Esprit-Saint, le feu de Dieu inscrit sur leur cœur…

On verra alors le discours de Pierre changer du tout au tout, il devient clair. Le regard de Jésus, parfaite image de celui du Père très aimant, plein de tendresse et d’Espérance pour Ses enfants faibles et pécheurs, l’action de Jésus qui guérit et refait fluer la vie là où elle a fui et déserté. Résurrection et guérison continuent par nous ; les membres de Son corps, l’Eglise.

Comment Jésus s’y prend-Il dans cette manifestation aux disciples ?

Il se tient au milieu d’eux

Vous l’avez entendu, Il commence d’abord par Se tenir au milieu d’eux comme Ressuscité. Ce n’est pas un fantôme qui passe à travers les porte : Il Se tient au milieu d’eux, et Il est dans Sa gloire. Cela ne dépend pas de leur prière. Il est là, au milieu de leur peur, de leur couardise, dans les prisons intérieures dans lesquelles Ils sont enfermés, Il est là.
Rappelons-nous de la dernière parole de Jésus :

« Et moi je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin. »

Il est là à chaque instant de nos vies.

Il leur apporte la Paix

Ensuite, Il leur apporte la Paix. Entendons bien : il ne s’agit pas de la paix du monde, mais la paix qui est le fruit de la Croix et de la Résurrection. Nous n’apporterons jamais la vraie paix à nos proches si nous n’embrassons pas la Croix, si nous ne la traversons pas librement, c’est à dire dans ce geste d’offrande eucharistique comme Jésus le fait Lui-même à la Croix. Cette croix, la nôtre, celle des pécheurs que nous sommes appelés à porter comme Lui…

Jésus a pris la place du pécheur pour que le pécheur devienne libre, il fallait qu’Il prenne cette place. Le pécheur ce n’est pas « l’autre qui doit revenir », celui qui « ne vit pas bien », qui a une vie honteuse. Non, le pécheur c’est moi, c’est lui, c’est la chair de ma chair, et je dois m’asseoir à sa table, je dois porter le fardeau avec lui. Il ne peut pas être un étranger pour moi. Je ne peux pas mettre une barrière si je veux que la vie et l’action de miséricorde soit présente et efficace dans ma vie. Le don de la Paix s’enracine donc dans la Croix.

C’est pour cela que Jésus fait reconnaître Ses plaies des mains et des pieds, celle du côté.

Il leur donne des consignes

A partir de là, Il va donner trois consignes aux apôtre, vous l’avez peut-être entendu.

L’envoi

La première, c’est de les envoyer :

« De même que le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie. »

Nous sommes envoyés par Jésus comme Il est envoyé par le Père. Nous sommes appelés à Le représenter parfaitement, à L’incarner à laisser passer en nous le même flux de vie que nous recevons dans la prière, dans l’intime de notre cœur, et que cela puisse couler à travers nous.
C’est l’Incarnation qui se perpétue dans le présent : voilà le mystère chrétien. Ils ne verront Jésus que si tu aimes et que tu agis comme Lui, rencontrant, accueillant, faisant jaillir la vie du cœur mort des pécheurs et non pas pour asséner une vérité à laquelle il faut qu’ils se conforment pour être sauvés, mais de les rejoindre pour laisser encore couler ce flux de vie miséricordieux du Seigneur, être au service.
Le lavement des pieds du Jeudi Saint nous en était la parfaite image.

Nous sommes donc envoyés comme l’est Jésus par le Père : c’est le même envoi, la même place que Jésus.

Le souffle

Deuxièmement, Jésus souffle sur eux, et c’est le même don de l’Esprit-Saint. Il regarde tous les disciples et cela n’est pas lié à une place ou à une fonction, et l’on voit très bien le parallèle le texte de la Création dans Genèse 2 : ce souffle est une nouvelle création, il coule en nous et anime la boue, la glaise et la poussière pour donner la vie en plénitude.

Le pouvoir de pardonner

La troisième consigne c’est de leur donner le pouvoir de pardonner. Et le Notre-Père est clair : le croyant doit manifester ce pardon de Dieu. Nous ne prions pas pour changer Dieu, pour qu’il devienne miséricordieux des fois où il ne le soit pas vraiment… Jésus est la parfaite image du Père : quand nous Le voyons, c’est ce cœur, cet intime, cette totalité de Dieu. Il n’y a pas besoin de demander qu’Il devienne Miséricorde, mais plutôt que nous recevions et que nous soyons comme Jésus, ces acteurs et transmetteurs de l’image parfaite de la miséricorde de Dieu.
Oui, tout croyant doit manifester cette miséricorde qui doit voir chaque pécheur comme son fils, comme la chair de sa chair blessée auquel il est urgent de venir en aide.

Il ne faut pas croire qu’il faut réserver le pardon des péchés simplement aux ministres ordinaires du pardon. Bien entendu c’est important, mais si ce n’est pas porté avant, relayé et transcrit d’abord dans l’attitude de tous les Chrétiens, nous enlevons une occasion immense de conversion et d’accueil. Cela dépend de chacun de nous de répandre la vie nouvelle.
Alors, la célébration sera vraiment cette parole ultime de Jésus qui ressuscite, mais il faut tout ce travail en amont.

Dans l’Evangile, nous voyons ensuite l’histoire de Thomas. Il n’est pas là, et le déficit de cette expérience de la mise en présence avec Jésus avec la Paix qu’Il donne le conduit – lui comme nous – au doute. Et le texte insiste : il s’appelle Thomas en Araméen, Didyme en Grec, et encore Jumeau en Français. C’est intéressant de voir les jumeaux et les frères très proches dans la Bible : Caïn et Abel, Esaü et Jacob. C’est toujours comme ces deux faces qu’il y a en nous : l’un prêt à écouter, toujours dans les chemins du Seigneur - même si cela nécessite quelques transformations au cours de la vie comme on le voit pour Jacob – et l’autre qui est plus dans ce désir de pouvoir et qui veut mettre la main, empirique et direct… Nous avons vite fait de prendre l’expression : « Oh moi, je suis comme Thomas, je ne crois que ce que je vois ! », disons-nous bien qu’il est urgent de croire !
Si je me vois comme Esaü, comme Caïn que la chose immédiate, je ne verrai finalement rien. Regardez les chercheurs : s’ils ne croient pas qu’il y a quelque chose à trouver, s’ils ne cherchent pas, ils ne trouveront pas, et il ne se passera rien. C’est quand on se met à chercher que l’on trouve.
Et au sujet de la miséricorde, il nous faut chercher à comprendre, à imiter et à recevoir cette miséricorde, à nous mettre sous son flux qui s’écoule du cœur du Seigneur, qui s’écoule de ce Son souffle, Lui qui nous donne Son esprit que nous avons reçu dans les sacrements notamment à la confirmation, et que nous ne cessons de recevoir…

Alors, poursuivons notre chemin de conversion avec une phase nouvelle, une intelligence nouvelle, c’est à cela aussi que sert le temps pascal pour nous préparer encore à la Pentecôte, afin d’arriver à cette pleine transformation, non pas de notre propre petite perfection, ni de notre maîtrise sur nous-même - ce qui est important certes - mais pour vivre vraiment comme fils et fille de Dieu, non pas passifs et endormis mais vivant et transmettant la vie, la vie en plénitude,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre des Actes des Apôtres 4,32-35.
  • Psaume 118(117),2-4.16ab-18.22-24.
  • Première lettre de saint Jean 5,1-6.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 20,19-31 :

C’était après la mort de Jésus. Le soir venu, en ce premier jour de la semaine, alors que les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient verrouillées par crainte des Juifs, Jésus vint, et il était là au milieu d’eux. Il leur dit :
« La paix soit avec vous ! »
Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur.
Jésus leur dit de nouveau :
« La paix soit avec vous ! De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. »
Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et il leur dit :
« Recevez l’Esprit Saint. À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus. »
Or, l’un des Douze, Thomas, appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau), n’était pas avec eux quand Jésus était venu.
Les autres disciples lui disaient :
« Nous avons vu le Seigneur ! »
Mais il leur déclara :
« Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! »

Huit jours plus tard, les disciples se trouvaient de nouveau dans la maison, et Thomas était avec eux. Jésus vient, alors que les portes étaient verrouillées, et il était là au milieu d’eux.
Il dit : « La paix soit avec vous ! »
Puis il dit à Thomas :
« Avance ton doigt ici, et vois mes mains ; avance ta main, et mets-la dans mon côté : cesse d’être incrédule, sois croyant. »
Alors Thomas lui dit :
« Mon Seigneur et mon Dieu ! »
Jésus lui dit :
« Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu. »
Il y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas écrits dans ce livre.
Mais ceux-là ont été écrits pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu’en croyant, vous ayez la vie en son nom.