Homélie du troisième dimanche de Carême

4 mars 2024

« Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai. »

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Texte de l’homélie

Frères et sœurs, nous sommes dans la lumière de la Transfiguration, l’Évangile que nous avons proclamé dimanche dernier qui est le phare. Si ce temps de Carême est un temps où l’on fait des efforts, c’est aussi un moment pour contempler le Christ qui vit au milieu de nous, dans Sa lumière pour nous éclairer et nous guider, pour accomplir cette promesse : un jour, nous serons ressuscités avec Lui. Quelle bonne nouvelle ! C’est tout le but de notre vie chrétienne.

En ce sens là, je vous propose de méditer un peu davantage sur la bonne et sainte colère de Jésus. C’est une vrai colère que Saint Jean nous relate dans ce texte. Certes, nos colères à nous ne sont pas forcément si saintes que ça, car elles s’identifient souvent à des petits ou grands défauts à combattre. C’est aussi un des points d’effort que nous faisons pendant ce temps de Carême.

Mais, à la lumière de cette sainte et bonne colère, j’ai repéré dans l’histoire des hommes plusieurs colères salutaires qui ont changé le monde en bien. Dans l’Ancien Testament, nous connaissons tous la superbe grande colère de Moïse brisant les tables de la Loi. On se rappelle d’une autre colère, celle de Clovis cassant le vase de Soissons. Il y a aussi le fameux J’accuse d’Émile Zola. Tous ne sont pas saints mais nous nous en souvenons. Pensons également à l’Abbé Pierre qui se mit en colère en hiver 54…
Frères et sœurs, ce sont autant de cris différents face à l’inacceptable, face à des gens endormis qui permettent de voir aussi la colère sous un meilleur jour…

Par ailleurs, dans les Évangiles, il n’y a pas qu’une seule colère de Jésus. Même si celle que nous avons entendue ce jour est la plus manifeste, il y a au moins cinq colères explicites. Et il est intéressant de voir quelle en est la raison.

Pour commencer, dans Saint Marc au chapitre 5, il s’agit de l’endurcissement des cœurs. Dans Matthieu au chapitre 23, c’est contre l’hypocrisie que Jésus n’a cessé de combattre tout au long de sa vie. Dans Saint Marc à nouveau, au chapitre 11, c’est au sujet de la stérilité spirituelle et contre la désobéissance formelle à la Parole de Dieu que Jésus s’insurge. Enfin, il y a cette colère que Jésus exprima face au mépris des tout-petits.

Ces colères de Jésus sont là pour nous alerter sur des choses qu’il est important de ne pas faire. Il peut donc être utile de relire ces passages et de nous en imprégner.

En faisant un zoom rapide sur cette colère au Temple rapportée par Saint Jean, je vous propose quatre piste d’interprétation pour voir en quoi la colère de Jésus est justifiée, ce que c’est qu’une bonne colère et d’essayer d’en tirer quelque bons fruits pour notre conversion.

Ainsi, Jésus nous montre ici une bonne colère ; la plus sainte des colères c’est Jésus seulement qui puisse l’exprimer.

Pour celles et ceux qui aiment se référer aux pères de l’Église, si nous savons que la colère est un péché, Saint Thomas d’Aquin en dit que c’est une passion noble parce qu’elle est proche de l’intelligence :

« La bonne colère éclate toujours face à un désordre. »

Elle éclate face à quelque chose de plus ou moins grave qui ne tourne pas rond, plus ou moins grave, par rapport à un point bien réel. Dans ce cas, Jésus veut rétablir l’ordre dans le Temple et Il utilise l’énergie de sa colère. C’est une passions bonne. Et si vous avez bien entendu, elle est comme animée d’une passion amoureuse pour Son Père du Ciel. Il le fait par amour pour Son Père :

« L’amour de ma maison fera mon tourment. »

Voyez, Jésus aime Son Père et Il ne supporte pas que le temple de Son Père soit réduit à une maison de trafic et de commerce. C’est une Sainte colère de laquelle on peut retenir trois petites choses :

  • Tout d’abord, elle vient d’une bonne cause : Il voit un désordre et Il veut remettre de l’ordre, c’est pour un bien.
  • Ensuite, Il le choisit librement. Ce n’est pas comme nous qui subissons des pulsions. Jésus maîtrise cette colère à un moment précis pour faire comprendre que ce qu’il se passe ici n’est pas bien.
  • Enfin, Jésus arrive à porter un bon fruit à cette colère, à chasser tout cela en dehors du Temple pour établir le vrai visage du Père, la vraie prière dans le Temple.

Frères et sœurs, cette sainte colère peut déjà nous éclairer un petit peu, mais elle prête à confusion, surtout pour ceux d’entre nous qui sommes les plus colériques. Le risque est d’utiliser cette interprétation de manière injuste. Par exemple, la tentation serait de justifier sa colère vis à vis d’un autre frère ou entre conjoints : « je me mets en colère comme Jésus l’a fait. C’est pour toi, c’est pour ton bien. » Attention à ne pas prendre nos colères pour de saintes colère.

A la différence de Jésus, nous subissons des colères souvent liées à des frustrations, des rigidités et des égoïsmes qui sont difficiles à maîtriser. Il s’agit de tout un travail à faire avec la grâce du Seigneur et avec l’amour des frères. Prenons donc garde à ne pas utiliser notre propre colère pour nous imposer aux autres.

Et pourtant, frères et sœurs, dans cette interprétation, il y a quelque chose de très beau et de passionnant, c’est le cœur de Jésus qui dit :

« L’amour de ta maison fera mon tourment. »

C’est une question pour nous, frères et sœurs : sommes-nous prêts à « hausser le ton" à la manière de Jésus soit concernant une situation injuste dans ma famille ou en entendant des paroles qui sont dites en public qui ne sont pas bonnes. Il y a sans doutes là une grâce à demander pour avoir cette même force que Jésus. Ce n’est pas facile. Le sujet est le même quand il s’agit de défendre Jésus et l’Évangile lorsque l’on entend des critiques à ce sujet.

Je pense souvent à cette petite jeune fille de 10 ans qui, revenant à la maison après la messe et partageant un bon repas avec ses parents entend de leur part un échange de critiques concernant le voisin, disant ce qu’il fait et ce qu’il mériterait. Elle prend alors la parole et leur fait remarquer qu’ils sortent de la messe et qu’il ne faut pas dire du mal des autres à plus forte raison en sortant de la messe… sainte colère, même chez un petit enfant de 10 ans… Voyez comme c’est bon !

Deuxième interprétation : Jésus met en valeur le péché de la simonie. Rappelons ce terme qui nomme tout ce qui touche le commerce autour des objets et des lieux sacrés. Rassurez-vous il ne s’agit pas ce qui est lié à la vente de bougies que l’on met de la Sainte Vierge ni de la vente de souvenirs : ce n’est pas ce que Jésus critique. Mais c’est plutôt cette tentation que nous avons toujours de croire que nous pouvons acheter les faveurs de Dieu : je paie quelque chose pour que Dieu réponde à ma demande… Quel danger !

Durant ce Carême, il est bon de reprendre notre attitude : dans notre prières ou à la messe, sommes-nous dans le donnant-donnant ou dans la négociation… c’est très humain. Ou au contraire, avant toute demande, savons-nous remercier le Seigneur : [( « Merci Seigneur d’être là à nos côtés, et de nous avoir donné déjà tout ce qu’il nous faut pour vivre. Amen Seigneur pour la gratuité de tes dons ! »

Cela permet de ne pas trop entrer dans le piège des changeurs et des négociants du Temple.

Troisième piste que je veux évoquer rapidement avec vous : c’est cette distinction entre le sacré et le profane. Voyons comment nous respectons concrètement ou pas les lieux, les horaires, les jours sacrés voulus par Jésus et par Dieu. Comment est-ce que j’entre dans un église ? Pour ma part, il m’arrive de passer devant le Saint-Sacrement en oubliant qu’Il est présent. Cela peut arriver à tout le monde. Jésus nous rappelle qu’il y a des lieux sacrés, des liturgies sacrées et des jours sacrés comme le dimanche.

Frères et sœurs, dans notre vie moderne où tout nous porte au relativisme ou à des confusions, cela n’est pas toujours facile. Mais, avec la grâce de Dieu, nous pouvons en témoigner en enfant de Dieu, heureux de l’être.

Pour terminer, voici une dernière interprétation, chers frères et sœurs. Nous aurions pu passer toute une homélie sur celle-ci car c’est la plus symbolique. C’est celle où Jésus Se présente à nous comme Celui qui veut faire le ménage dans nos cœurs. Ce n’est peut-être pas notre tâche préférée, mais si nous ne le faisons pas, nous ne pouvons pas vivre dans la saleté. Et ici, le nouveau temple dont il est question c’est le Corps du Christ, Jésus Lui-même. Mais c’est aussi notre corps, car par notre baptême, nous sommes devenus le corps du Christ, celui où Jésus, où Dieu habite.

Chers frères et sœurs, c’est un programme de toute une vie de faire le ménage dans notre cœur. Mais cette marche vers Pâques, en nous appuyant sur l’ardeur de Jésus d’après ce passage d’aujourd’hui, n’ayons pas peur car quand Il fait le ménage, Il le fait parfaitement. Profitons-en en toute liberté en l’invitant à regarder toutes les choses qui ne vont pas bien la poussière qui s’installe dans nos cœurs et dans nos vies. Et pourquoi pas, en reprenant les idées que je viens de développer, pourquoi pas aussi tous mes manques de colère salutaire où je n’ai pas le courage d’affirmer avec force pour défendre le bien et refuser le mal, tous mes manques de respect plus ou moins volontaire des choses sacrées… à voir… et toutes les fois où ne prions pas dans cette gratuité et cette louange adressée à Dieu le Père.

Nous avons de quoi déposer toutes ces choses là à travers cette messe, sachant que Jésus veut notre bien et qu’Il voudra que, pour chacun d’entre nous, Pâques sera un jour où nous serons un peu plus libérés de tout ce qui nous empêche d’être heureux avec Dieu et avec nos frères,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre de l’Exode 20,1-17.
  • Psaume 19(18),8.9.10.11.
  • Première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens 1,22-25.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 2,13-25 :

Comme la Pâque juive était proche, Jésus monta à Jérusalem. Dans le Temple, il trouva installés les marchands de bœufs, de brebis et de colombes, et les changeurs.
Il fit un fouet avec des cordes, et les chassa tous du Temple, ainsi que les brebis et les bœufs ; il jeta par terre la monnaie des changeurs, renversa leurs comptoirs, et dit aux marchands de colombes : « Enlevez cela d’ici. Cessez de faire de la maison de mon Père une maison de commerce. »
Ses disciples se rappelèrent qu’il est écrit : ‘L’amour de ta maison fera mon tourment.’

Des Juifs l’interpellèrent :
— « Quel signe peux-tu nous donner pour agir ainsi ? »
Jésus leur répondit :
— « Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai. » Les Juifs lui répliquèrent : « Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce sanctuaire, et toi, en trois jours tu le relèverais ! »
Mais lui parlait du sanctuaire de son corps.
Aussi, quand il se réveilla d’entre les morts, ses disciples se rappelèrent qu’il avait dit cela ; ils crurent à l’Écriture et à la parole que Jésus avait dite.

Pendant qu’il était à Jérusalem pour la fête de la Pâque, beaucoup crurent en son nom, à la vue des signes qu’il accomplissait.
Jésus, lui, ne se fiait pas à eux, parce qu’il les connaissait tous et n’avait besoin d’aucun témoignage sur l’homme ; lui-même, en effet, connaissait ce qu’il y a dans l’homme.