Texte de l’homélie :
Chers frères et sœurs,
On le voit dans la première lecture : David est généreux, il veut construire un temple à Dieu. C’est une belle initiative, un signe de respect, et le prophète Nathan valide lui-même cette intuition. Mais, ce n’est pas l’avis de Dieu, parce qu’Il n’a rien demandé de tel à David, et qu’il faut savoir Lui obéir avant d’être trop empressé auprès de Lui. Aurait-il besoin d’être protégé ? ne serait-ce pas inverser les rôles ? Est-ce que David ne cherche-t-il pas à remplacer la Providence ?
Il veut se faire providence pour son royaume, mais c’est un geste inadapté envers Dieu.
On peut se demander d’où vient cet épisode ? C’est un moment de l’histoire du Peuple d’Israël où Dieu vient de donner la paix au royaume de David qui connaît un temps de prospérité et d’apaisement pour ses sujets. Mais David ne prend pas le temps de Le remercier et propose de construire un temple pour le Seigneur.
C’est intéressant car, suite à cet épisode – où David va se faire corriger par le Seigneur – David va Le remercier. Il va apprendre à relire et à s’approprier ce don que Dieu lui a fait avant d’être dans l’action et dans la générosité.
Cette générosité fonctionne souvent comme un rempart entre Dieu et nous. Vous vous souvenez sans doutes des mots du Curé d’Ars à propos de la prière que l’on offre à Dieu ?
« Certains donnent des morceaux de prière comme pour se débarrasser de Dieu, pour être sûrs qu’Il va les laisser ensuite tranquilles. »
Ça peut être aussi la même chose pour nous, les religieux. Nous allons à la messe une fois par semaine, comme si on lui avait donné son dû, et ensuite, on espère qu’Il ne nous demande rien le reste du temps. N’est-ce pas la mentalité de David ?
Mais, voilà qu’il doit se reconnaître petit et débiteur du Seigneur, comme celui qui reçoit tout de Lui. Cela me fait penser à la prédication de Carême du Père Baud à Notre-Dame dans les années 70-80, avec le prestige et la hauteur spirituelle unique qu’on leur connaît. Il racontait cette anecdote : c’est l’histoire d’un nouveau diocèse très missionnaire où l’action pastorale est magnifique, avec beaucoup de conversions et de retour à la foi, et comme il se doit, l’évêque voudrait construire une cathédrale. Il va donc convoquer les corps de métiers, les architectes, les artistes, les bâtisseurs pour leur donner des instructions. Et cet évêque va rencontrer un vieux prêtre de son diocèse et lui rapporter avec enthousiasme ce qui est en train de se passer. Mais, celui-ci reste quelque peu impassible, ce qui étonne l’évêque. Et le vieux prêtre lui dit : « Avez-vous pensé à vous confesser ? Rien ne sert de bâtir des cathédrales si tous vous ne vous êtes pas confessés, si tous, vous n’avez pas reconnu votre pauvreté. Votre cathédrale ne sera qu’orgueil… »
C’est important : il faut qu’il y ait un signe d’humilité avant tout ce que l’on fait pour Dieu.
Ainsi, la réponse de Dieu à David ne va pas tarder : « C’est moi qui vais te construire une maison. »
« Je vais te susciter une dynastie, un lignage, une descendance. »
Mais quel cadeau de la part de Dieu à David ! c’est la descendance des rois de Juda. La dynastie va se poursuivre avec ce qui nous est rapporté dans le livre des rois : « Et il fit celui qui est mal aux yeux du Seigneur… » On peut compter les bons rois sur les doigts d’une seule main ! Josaphat, Ezéchias, Josias et peut-être quelques autres…
Et voici ce que fait Dieu : il lance cette lignée comme on lance un navire en mer. Cette dynastie va être battue par les flots, les rois vont être idolâtres, adultères, infanticides même, avec Manacée qui a fait passer ses enfants par les flammes pour s’octroyer les grâces d’esprit qui pourraient le protéger.
Pourquoi Dieu veut-il cela ? Il veut simplement dire qu’Il veut attendre le moment favorable. Un magnifique verset d’Isaïe dit :
« Le Seigneur attend l’heure de vous faire grâce. Au moment opportun, Il agira. »
Tel va être le grand mouvement de toute cette histoire sainte après David jusqu’à la venue du Christ. Cela va être l’appauvrissement. Tous ces crimes des rois, tous ces adultères et tout ce que j’ai pu évoquer va aboutir au châtiment de l’exil. La population de Juda va être déportée. On a bien connu ces images dans les films, c’est la même situation pour la déportation de Juda en Babylonie : c’est la perte de sa terre et de son roi, c’est la perte du temple et de sa culture, puisque les gens en perdent l’usage de l’Hébreu. Et si l’on continue cette lecture de l’histoire sainte, c’est la perte même des prophètes : Dieu va se taire, le peuple est dans la nuit, une nuit où brille cependant l’Espérance. Et le peuple va s’appauvrir et va devenir ce petit peuple, ce petit reste que l’on appelle l’on appelle les Anawim – les pauvres de Yahvé – qui vont reconnaître que le salut ne peut venir que d’en haut, ne peut venir que du Seigneur, ne peut venir que pour racheter notre cœur puisque tout le reste nous a été enlevé.
Et quel est le plus beau fruit de ce petit peuple des Anawim ? C’est Marie !
Ne voyons pas la Vierge-Marie comme une sorte de génération spontanée. Elle a été préparée par ce peuple des pauvres. Et Sa réponse et Son cantique d’action de grâce – Son Magnificat – assume cette pensée des pauvres de Yahvé, des pauvres du Seigneur. Son « Oui » aussi a été préparé par ce peuple des petits et des pauvres.
Et Elle cette fois-ci, Elle peut dire son « Oui ». Dieu a attendu ce moment favorable : Il transforme ce lignage en maison, et Il prend chair en Marie.
Chers frères et sœurs, pour nous c’est une grande joie ! on se dit que le Seigneur est venu sur notre terre et qu’Il a habité parmi nous. C’est important, car il peut se produire parfois que cette bonne nouvelle de l’Évangile n’arrive pas à la hauteur dans les effets qu’elle produit en nous aux résultats du match de foot quand notre préférée gagne… Cela devrait nous faire plus de joie de savoir que Dieu est au milieu de nous. C’est beau car dans la deuxième lecture, Saint Paul nous dit : l’Évangile devient « mon » évangile, cette bonne nouvelle devient « ma » bonne nouvelle.
Et c’est cette bonne nouvelle qui va illuminer Saint Paul à chaque instant de sa vie, ce qui va lui donner cette forme d’aller jusqu’au bout du martyre parce qu’il sait que Dieu est avec nous.
Frères et sœurs, c’est notre rôle à nous, Chrétiens, de ne pas oublier cette joie. C’est vraiment notre spécificité. Nous avons trop de personnes autour de nous qui ne vont pas bien pour l’oublier.
Laissez-moi vous raconter une petite anecdote. Dans la communauté, il peut arriver que l’on soit malade, et on va donc voir le médecin. Ainsi, un frère avait pris rendez-vous pour se faire soigner et le médecin lui dit : « Je suis content de vous voir car habituellement, je soigne des personnes dépressives et quand c’est votre tour, je reprends le moral ! »
Et si nous pouvions donner aussi souvent que possible ce témoignage, redonner le moral aux autres. Si nous pouvons nous demander si nous ne sommes pas en train de nous enfoncer dans une sorte d’absurdité, la première attitude serait de tenter de lire le sens de cette crise à travers laquelle nous passons. Notre monde n’est-il pas appelé à vivre une sorte d’attente, une sorte de dépouillement et d’appauvrissement, de voir les limites de mettre l’homme au centre, de faire le confort et notre aise la source de notre bonheur ?
On voit bien qu’à un moment donné cela ne fonctionne plus. Un philosophe disait :
Il n’est pas impossible que le Seigneur permette que notre monde ne tourne plus très rond pour lui faire miséricorde, pour que nous ayons ce réflexe de nous tourner à nouveau vers Lui.
La lumière est là, elle est entourée de brouillard, un brouillard épais pour nos contemporains, et ils n’arrivent pas à la voir. Pour qu’il se dissipe, il faut que naisse en chacun d’eux la Foi, « l’obéissance de la Foi », comme le dit Saint Paul. Sans la Foi, le brouillard nous étreint, la nuit nous broie.
Comment dissiper ce brouillard, comment susciter cette foi ? C’est par notre parole, par le témoignage notre vie. La Foi naît de la prédication : n’hésitons pas, laissons jaillir une parole claire qui dise notre Foi, elle est très attendue.
Avec les frères, nous faisons des missions dans les écoles, dans les rues, et nous voyons bien la bienveillance qui nous accueille, qui nous attend. Les gens n’attendent qu’une chose, c’est que se dissipe ce brouillard.
Il nous faut annoncer notre Foi, et aussi, comme Dieu, savoir attendre, ne pas condamner ni les temps, ni les personnes. Dieu fait passer notre monde par un grand Avent. Ayons la patience de Dieu, ayons la fermeté de Marie pour espérer. Alors oui, le peuple qui marchait dans les ténèbres verra se lever une grande lumière,
Amen !
Références des lectures du jour :
- Deuxième livre de Samuel 7,1-5.8b-12.14a.16.
- Psaume 89(88),2-3.4-5.27.29.
- Lettre de saint Paul Apôtre aux Romains 16,25-27.
- Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 1,26-38 :
En ce temps-là, l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth, à une jeune fille vierge, accordée en mariage à un homme de la maison de David, appelé Joseph ; et le nom de la jeune fille était Marie.
L’ange entra chez elle et dit : « Je te salue, Comblée-de-grâce, le Seigneur est avec toi. »
À cette parole, elle fut toute bouleversée, et elle se demandait ce que pouvait signifier cette salutation.
L’ange lui dit alors : « Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu.
Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils ; tu lui donneras le nom de Jésus.
Il sera grand, il sera appelé Fils du Très-Haut ; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il régnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin. »
Marie dit à l’ange :
— « Comment cela va-t-il se faire puisque je ne connais pas d’homme ? »
L’ange lui répondit :
— « L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi celui qui va naître sera saint, il sera appelé Fils de Dieu.
Or voici que, dans sa vieillesse, Élisabeth, ta parente, a conçu, elle aussi, un fils et en est à son sixième mois, alors qu’on l’appelait la femme stérile.
Car rien n’est impossible à Dieu. »
Marie dit alors :
— « Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole. »
Alors l’ange la quitta.Cela s’est passé à Béthanie, de l’autre côté du Jourdain, à l’endroit où Jean baptisait.