Homélie de la solennité de l’Ascension du Seigneur

18 mai 2015

« Allez dans le monde entier. Proclamez l’Évangile à toute la création. »

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Texte de l’homélie :

Frères et Sœurs bien-aimés,

Nous le savons, la fête de l’Ascension, c’est la fête de l’Espérance. C’est ce qui a déjà été dit dans la prière d’ouverture que j’ai prononcée au commencement de cette célébration :

« Il nous ouvre les portes du Ciel, et c’est là que nous vivons en Espérance. »

L’Espérance c’est ce que le Seigneur, Lui-même monté dans les Cieux avec son corps et son âme, nous appelle à vivre. L’Espérance, c’est croire aux promesses de Dieu. Et le Pape Benoît XVI a rédigé, il y a quelques années, une encyclique à la fois très profonde et accessible sur le thème de l’Espérance. Et il se posait la question :
« Est-ce que l’Espérance chrétienne a un sens aujourd’hui ? »

Parce que force est de constater que la foi en la vie éternelle a des conséquences considérables.
Par exemple dans l’éducation. Lorsqu’on met un enfant au monde, si nous croyons que nous le mettons au monde non pas pour la fosse mais pour la vie éternelle, cela entraine une manière particulière d’éduquer ! Déjà on prépare son cœur pour contempler Dieu ! Et la différence, me semble-t-il entre l’enseignement catholique et l’enseignement public se trouve là. Des bons et des mauvais établissements, il y en a dans les deux parties. Mais dans l’enseignement catholique, quand il est digne de ce nom, on enseigne les enfants, on les élève dans l’intelligence, mais aussi on élève leur âme pour qu’ils puissent un jour contempler Dieu.

Il y a aussi des conséquences de l’Espérance en la vie éternelle dans le respect de la vie, aussi bien en ses commencements qu’en sa fin. Nous croyons que la personne humaine est déjà en formation dans le sein maternel, et elle est déjà cette personne qui sera appelée à contempler la vie éternelle, à contempler Dieu pour l’éternité.
Il en est de même pour les souffrances que nous pouvons traverser, que se soit dans le grand âge ou les souffrances de santé ou toutes les souffrances de la vie. Le Pape Benoît XVI nous dit que pour pouvoir les traverser, il faut qu’elles soient éclairées par une lumière d’une espérance plus grande, qui ne peut être détruite ni par les échecs dans les petites choses, ni par les effondrements de portée historique. Pour traverser les difficultés de la vie, il faut une lumière ! Si nous croyons que la vie se termine dans la fosse, très bien ! Mais cela a bien sûr des conséquences dans notre manière de vivre, dans notre manière de traverser les épreuves.
Et l’on voit bien aujourd’hui que la perte de l’Espérance chrétienne engendre une perte de courage dans la traversée des épreuves, une forme de découragement général. Il nous faut être attentifs à cela, parce que c’est précisément cette Espérance que nous verrons Dieu, que nous Le contemplerons, et que notre passage ici-bas est une préparation à la contemplation pour l’Éternité de Dieu, qui motive toutes nos actions. Si c’est la fosse qui nous attend, eh bien mangeons, buvons, festoyons, et mourons !

La fête de l’Ascension est donc bien une fête centrale dans notre foi parce que précisément, comme on le dit dans le Credo chaque dimanche, on croit à cette vie éternelle, on croit aux promesses de Jésus :

« Là où je serai, vous serez vous aussi. »

Cette foi en la vie éternelle, nous dit encore Benoît XVI, loin de nous désengager de notre vie terrestre, nous pousse à agir : l’action, c’est comme un lieu d’apprentissage de l’Espérance. Don Bosco, lorsqu’il a mis en route tout son projet éducatif, n’avait pas pour unique objectif de faire des gens intelligents. Oui : humaniser, mais pour diviniser ! pour la vie éternelle ! pour contempler Dieu ! pour que les enfants découvrent qui est Jésus.

Il nous faut d’ailleurs faire très attention à cela : à perdre de vue la vie éternelle, le Pape François nous rappelle que le risque est de transformer l’Église en une ONG, or on n’y fait pas de l’humanitaire. A perdre de vue cette dimension d’Espérance, des organisations qui étaient à l’origine des œuvres chrétiennes s’en sont progressivement et complètement éloignées.
Je pense par exemple à Emmaüs, au nom évocateur, fondé par un prêtre, mais pour qui aujourd’hui cette dimension chrétienne n’est plus du tout au rendez-vous. Au point que l’un de nos frères qui voulait aller faire un stage là-bas a dû enlever son habit religieux… et ils font un très bon travail, ce n’est pas là la question. Mais il n’y a plus la vie éternelle. En tout cas, ils ne le disent plus. Et nous devons faire attention à cela dans notre Église, en particulier pour les œuvres à dimension sociale.
Oui, comme le dit Benoît XVI, l’Espérance nous pousse à agir, l’Espérance nous mobilise, et le fait d’accomplir un acte de Charité, c’est aussi accomplir un acte d’Espérance. On sait la connexion entre les vertus théologales : chaque acte d’Espérance est aussi un acte de Foi et un acte de Charité. Et l’on voit bien que la perte de la Foi entraine la perte de l’Espérance et la perte de la Charité… la Charité, c’est l’Amour à la manière de Dieu. Donner à manger, secourir des affamés, tous peuvent le faire et c’est heureux ! Mais pour nous chrétiens, et pour l’Église, la Charité se fait au nom de Jésus-Christ en pensant à la Vie éternelle :

« Ce que vous avez fait aux plus petits, c’est à moi que vous l’avez fait. »

Si techniquement c’est pareil, et ces personnes sont d’une grande générosité, c’est évident, la portée de l’acte, elle, est différente : la Charité, ce n’est pas la générosité, c’est l’amour à la manière de Dieu.
Et si on n’a pas la foi, comment aimer à la manière de Dieu ? Et si on n’a plus la foi et plus la charité, comment espérer ?

Soyons attentifs au fait que cette fête de l’Ascension a un caractère et une portée considérable pour chacun d’entre nous. Parce qu’elle nous indique un sens pour notre vie : nous sommes de passage sur cette terre.
Prenons le rapport à la mort, par exemple : il est tout à fait différent si je crois en la vie éternelle ou pas. Dans nos civilisations occidentales, ou on n’a plus cette Espérance, la mort est mise de côté, alors que dans une société où la vie de foi est encore vive, il y a des lieux pour veiller les morts, il y a une célébration, on invite les voisins, on n’a pas peur de la mort parce qu’on sait que c’est un passage.

Alors on peut se demander à nous-mêmes : où en est-on de cette Espérance ? Et ce qui nous guette peut-être le plus dans cette société où il y a l’abondance de bien, …etc., c’est cette perte de l’Espérance. Et chaque fois que nous sommes dans une épreuve, chaque fois que nous sommes invités à agir pour rendre ce monde plus humain et plus lumineux, c’est aussi la vertu d’Espérance qui est sollicitée. Parce que nous savons que si nous ne posons pas des actes d’Espérance, cette vertu-là ne s’épanouira pas, de même pour la Foi et la Charité.
C’est en posant des actes d’Espérance en la vie éternelle que nos actions ici-bas retentissent dans l’éternité. C’est cela que nous croyons : nos actions d’ici-bas retentissent dans l’éternité… C’est énorme… C’est une manière de voir qui est tout à fait autre que pour une personne qui pense que la vie se termine dans la fosse, évidemment.

Alors demandons au Seigneur de nous réveiller, de nous donner un sursaut de Foi, de Charité et d’Espérance, justement, pour que nous puissions annoncer à nos contemporains qu’il y a un ‘’après la mort’’, et que cette vie-là en est la préparation, que les épreuves ici-bas, pour pouvoir être traversées, doivent être soutenues par une grande Espérance, par la lumière de l’Espérance dont parle Benoît XVI.

Demandons aussi que le Seigneur nous soutienne les uns les autres pour que nous ne puissions pas tomber dans un découragement, un ‘’à quoi-bonnisme’’ : ‘’à quoi bon faire ceci ? à quoi bon faire cela ?’’, ‘’Vous n’avez pas vu le monde comme il est, mon bon monsieur ? cela ne sert à rien !’’… Eh bien non, nous ne sommes pas de ceux-là. Nous ne sommes pas de ceux-là parce que précisément, la pensée de la vie éternelle provoque comme un sursaut en nous qui fait que l’on ne se laisse pas aller au découragement.

Demandons au Seigneur, et à la Vierge Marie qu’ils puissent nous aider par leur prière. Prions les saints aussi, car c’est là tout le sens de la communion des saints : nous croyons à la communion avec l’Église invisible, avec ceux qui nous ont précédés, que ce soient les saints canonisés reconnus par l’Église, mais aussi les fidèles défunts.
Eh bien puissions-nous avoir une communion avec les saints, c’est aussi cela vivre en Espérance.
Demandons leurs qu’ils puissent nous aider à être les témoins d’un Dieu qui nous appelle des ténèbres à son admirable lumière.

Amen.


Références des lectures du jour :

  • Livre des Actes des Apôtres 1,1-11
  • Psaume 47(46),2-3.6-7.8-9.
  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Éphésiens 4,1-13.
  • Évangile de Jésus Christ selon saint Marc 16,15-20 :

En ce temps-là, Jésus ressuscité se manifesta aux onze Apôtres et leur dit :
« Allez dans le monde entier. Proclamez l’Évangile à toute la création.
Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé ; celui qui refusera de croire sera condamné.
Voici les signes qui accompagneront ceux qui deviendront croyants : en mon nom, ils expulseront les démons ; ils parleront en langues nouvelles ; ils prendront des serpents dans leurs mains et, s’ils boivent un poison mortel, il ne leur fera pas de mal ; ils imposeront les mains aux malades, et les malades s’en trouveront bien. »
Le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé, fut enlevé au ciel et s’assit à la droite de Dieu.
Quant à eux, ils s’en allèrent proclamer partout l’Évangile. Le Seigneur travaillait avec eux et confirmait la Parole par les signes qui l’accompagnaient.