Homélie du 19e dimanche du Temps Ordinaire

12 août 2024

« Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour la vie du monde. »

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Texte de l’homélie

Ce passage du livre des rois que nous avons entendu dans la première lecture est particulièrement touchant. Il raconte un épisode de la vie du prophète Élie qui fuit l’hostilité de Jézabel, qui fuit la mort, mais qui arrive dans une forme de découragement et demande la mort en disant :

« Maintenant, Seigneur, s’en est trop reprend ma vie. »

Et il se laisse aller comme ça et s’étend sous un buisson et il veut que sa dernière heure vienne. Alors, un ange apparaît le touche et lui dit :

« Lève-toi et mange. »

Il regarde et il trouve une galette avec une cruche d’eau. Et puis à nouveau, cette grâce de la nourriture se donne à lui à travers cette seconde fois où l’ange le touche et lui dit :

« Lève-toi et mange car il est long le chemin qui te reste. »

Et ensuite, le voilà parti pour quarante jours et quarante nuits.
Vous le savez, dans la Bible, le chiffre quarante a une signification particulière. Pour commencer, c’est la manière de mesurer les grossesses : quarante semaines d’aménorrhées. En effet, quarante est le lieu de la transformation, le lieu de la fécondité. Quarante, c’est aussi bien sûr le signe de la sortie de l’esclavage pour aller en Terre Promise.

Ainsi, je trouve ça beau de voir que nous avons bien plus qu’Élie, bien plus qu’une cruche d’eau et un peu une galette sur des pierres chaudes pour nous nourrir au moment du découragement. Nous avons Celui qui est le pain de vie, celui qui est, par essence, le sacrement de la transformation.

En effet, quelle plus grande transformation peut-on espérer que celle que nous célébrons chaque dimanche - et en semaine pour ceux qui participent de l’Eucharistie en semaine : ce pain et ce vin qui se transforment par la puissance du Saint-Esprit dans le corps et le sang du Seigneur…

Parce que, pour aller jusqu’au Mont Horeb comme Élie, il faut une transformation et un temps de cheminement pour prendre conscience de ce qui nous habite.

Et le Seigneur nous dit aussi : « Prends des forces, il te reste encore du chemin ». Parce que c’est vrai, l’Eucharistie est aussi appelée le pain d’effort, le pain pour la route.

Aux moments de découragement, combien de participations à la messe nous ont soutenues, nous ont encouragés : nous pourrions faire mémoire de toutes ces Eucharisties auxquelles nous avons participé dans notre vie. Toutes ces Eucharisties qui nous ont été une vraie consolation sont nombreuses. Elles ont transformé notre cœur, elles ont posé une pierre d’Espérance dans notre vie.

C’est vrai, le découragement est aussi à la porte, parce qu’on se regarde nous-mêmes et on regarde autour de nous et on voit encore la reine Jézabel qui poursuit menaçant de mort l’un ou de l’autre…
Aujourd’hui ce n’est plus Jézabel, c’est celui-ci, c’est celle-là, etc., mais ces puissances de mort sont toujours à l’œuvre.

« Moi je suis le pain de la vie. »

Et lorsque nous nous laissons comme submerger par le découragement face à ces puissances de mort, il est bon de se rappeler que Jésus est Celui qui nous donne la vie et la vie en abondance :

« Celui qui mange de ce pain ne mourra jamais ; il vivra éternellement.. »

Mais, quitter le côté mortifère de notre existence pour aller vers la vie et la vie éternelle - parce que c’est ce vers quoi nous nous dirigeons - demande une vraie transformation. Et l’Eucharistie, le sacrement est le sacrement de la transformation par excellence.

Cette transformation est aussi à l’œuvre dans tous les sacrements. En premier lieu, nous pouvons penser au baptême qui fait de nous des personnes habitées par le Saint-Esprit. C’est ce que rappelle Saint Paul dans la deuxième lecture :

« N’attristez pas l’esprit de Dieu, vous qui avez été marqués de son sceau. »

Vous pourrez ainsi faire l’exercice de voir comment le sacrement est un lieu de transformation. Par le sacrement des malades par exemple, ce n’est pas le malade lui-même qui est transformé, mais c’est la souffrance qui est transfigurée.
Dans le sacrement de la réconciliation, le péché reste le péché, mais c’est la miséricorde qui nous transforme.

C’est une grâce que nous avons dans notre foi catholique d’avoir des sacrements qui sont tous des sacrements de transformation, qui sont tous ce pain pour la route, pour nous permettre de contempler Dieu un jour, face à face, à l’Horeb, non pas ici-bas mais dans l’au-delà.

Alors oui, nous pouvons rendre grâce au Seigneur pour ce qui nous a été donné et de prendre conscience que c’est une pédagogie. L’Eucharistie est une pédagogie qui nous permet de changer notre regard, de même que nous sommes invités à changer notre regard sur le pain et le vin une fois consacrés qui deviennent corps et sang du Seigneur.
Ce changement de regard est à l’œuvre dans toute notre existence, pas juste au moment de la consécration. Parce que c’est de ce changement de regard que la fécondité de nos vies va pouvoir dépendre.

On le sait bien, la foi, c’est le chemin du regard, c’est une certaine manière d’envisager personnes et événements. Et ce changement de regard, nous le puisons dans l’Eucharistie, le sacrement de la transformation, de la transfiguration.

Alors c’est l’invitation, en ce dimanche, de faire mémoire avec action de grâce, parce qu’on le sait bien, Eucharistie signifie « action de grâce ».

A travers la communion à Son corps et à Son sang, Jésus vous donne de la force, de la force intérieure. droite

Faire mémoire avec action de grâce, de tout ce qui nous a été donné dans notre foi, notamment aussi à travers le moment de notre première communion. Alors peut-être, tous les jeunes de notre assemblée n’ont pas fait leur première communion, mais sachez, chers jeunes, que c’est quelque chose de très fort, car, à travers la communion à Son corps et à Son sang, Jésus vous donne de la force, de la force intérieure.
Comme enfants, comme jeunes, vous pouvez avoir aussi des moments de découragement. Vous pouvez dire : « mais à quoi bon ? » Mais, quand on s’est préparé et qu’on a reçu Jésus au moment de la première communion, c’est un chemin qui nous a donné, un chemin qui nous permet d’aller vers la vie.

Alors nous si voulons aller vers la vie - et ce vers quoi nous sommes appelés les uns et les autres - même si parfois notre regard a tendance à avoir plutôt le négatif, nous avons été marqués par le sceau du baptême, nous sommes tous en chemin. Malheureusement, l’amertume, l’irritation, le colère et l’insulte sont toujours d’actualité. Mais peut-être qu’aujourd’hui, nous pourrions faire mémoire de ce que nous avons laissé derrière nous, et dont nous ne voulons plus. Et nous l’avons laissé grâce aux communions successives que nous avons vécues.

Qu’est-ce que nous avons laissé ? Qu’est-ce qui fait qu’aujourd’hui, après tant de participations à l’Eucharistie depuis que nous sommes enfants, pour la plupart d’entre nous, il y a des choses qui sont advenues en nous, il y a des transformations qui nous ont fait quitter le mortifère pour aller vers la vie.

Il y a des choses dont nous ne voulons plus dans notre vie, parce qu’on sent que ça a fait du mal, ça fait du mal à nos proches, ça a blessé le cœur de Dieu, et nous voyons que dans notre vie, tous ces aspects sont derrière.
Faisons le lien entre ces communions régulières et le chemin déjà parcouru pour ne pas nous décourager. Et parce que nous avons cette certitude que de communion en communion, le Seigneur nous transforme, par Sa puissance d’amour, parce que c’est l’amour qui transforme.

Par sa puissance d’amour, le Seigneur vient travailler en silence, Il vient opérer en nous quelque chose de neuf, une fécondité nouvelle, une manière de porter du fruit et un fruit qui demeure.

Oui, frères et sœurs bien aimés, nous sommes dans l’action de grâce de pouvoir méditer sur le sacrement de l’Eucharistie, à travers ce récit du pain de vie, qui, on pourrait dire, remplace l’institution de la Cène.
Vous savez que dans l’évangile de Saint Jean, moment de la Passion, il n’y a pas d’institution de la Cène. Mais, au chapitre sixième de son évangile, Saint Jean relate cette institution, à travers le discours du pain de vie, comme pour dire que nous avons une présence, que nous ne sommes pas seuls.

Au tout début de cet évangile, cette présence-là va accompagner le lecteur et va accompagner le croyant. Le croyant, c’est celui qui n’est jamais seul parce qu’il prend conscience de cette présence transformatrice qui vient de l’amour de Dieu, qu’il reçoit en communion.

Nous sommes les seuls à penser ça, à croire ça, et c’est juste énorme ! Nos amis orthodoxes aussi, ont confiance et foi en l’Eucharistie, mais ils l’évoquent moins comme un lieu de transfiguration.

Faisons mémoire de ces améliorations dans notre vie, faisons mémoire de ce qui est beau, ce qui a été semé dans notre famille, dans notre relation.

L’eucharistie est une relation particulière et intime avec le Seigneur qui nous est donnée. Et, au début de chaque messe, c’est ce que nous faisons en dénonçant ce qui est mortifère, ce qui est encore de l’ordre de la peur, comme Élie qui fuyait et Jézabel. Acceptons de passer du connu à l’inconnu, car il y a parfois les complications liées à cette transformation.

Pour revenir à cette comparaison avec la grossesse, il y a une sorte de lâcher prise, et c’est vrai que l’Eucharistie ne rentre pas dans nos concepts bien huilés. Ce pain et ce vin transformés et qui n’ont pourtant changé d’aspect, ce n’est pas intuitif. Cela s’apparente aux changements qui s’opèrent petit à petit chez un enfant qui grandit : ces changements sont visibles et nous demandent d’aller vers l’invisible.
Ce sont les changements les plus puissants qui sont vraiment invisibles, car ils ont les conséquences les plus grandes, ils entraînent une fécondité la plus grande.

Alors oui, frères et sœurs bien-aimés, c’est au moment où, parfois, nous pouvons perdre courage ou patience - d’abord avec nous-mêmes, et peut-être avec les autres – que nous pouvons faire mémoire - à travers cette lecture du discours du pain de vie – et revenir à cette aventure particulière, cette vocation particulière d’Élie. Dans ce passage particulier que nous avons écouté dans la première lecture, nous savons que, dans un moment de profond découragement, il a reçu du ciel un soutien.

A chaque Eucharistie, c’est le pain d’effort qui nous est donné, c’est le pain de vie, c’est le pain pour la route. Il est encore long le chemin qui ne nous sépare d’une communion parfaite avec Dieu ici bas.
On le sait bien, la foi est un régime d’indigence, car c’est faute de mieux, c’est-à-dire faute du face-à-face, mais nous avons ce pain pour la route.

Il est encore long le chemin de la transformation de notre vie, mais Lui est là, au milieu de nous :

« Je suis avec vous tous les jours. »

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Premier livre des Rois 19,4-8.
  • Psaume 34(33),2-3.4-5.6-7.8-9.
  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Éphésiens 4,30-32.5,1-2.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 6,41-51 :

En ce temps-là, les Juifs récriminaient contre Jésus parce qu’il avait déclaré : « Moi, je suis le pain qui est descendu du ciel. »
Ils disaient :
— « Celui-là n’est-il pas Jésus, fils de Joseph ? Nous connaissons bien son père et sa mère. Alors comment peut-il dire maintenant : “Je suis descendu du ciel” ? »
Jésus reprit la parole :
— « Ne récriminez pas entre vous. Personne ne peut venir à moi, si le Père qui m’a envoyé ne l’attire, et moi, je le ressusciterai au dernier jour.
Il est écrit dans les prophètes : ‘Ils seront tous instruits par Dieu lui-même.’ Quiconque a entendu le Père et reçu son enseignement vient à moi.
Certes, personne n’a jamais vu le Père, sinon celui qui vient de Dieu : celui-là seul a vu le Père. Amen, amen, je vous le dis : il a la vie éternelle, celui qui croit.
Moi, je suis le pain de la vie. Au désert, vos pères ont mangé la manne, et ils sont morts ; mais le pain qui descend du ciel est tel que celui qui en mange ne mourra pas.
Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour la vie du monde. »