Texte de l’homélie :
Sans doute êtes-vous un peu surpris par cet accessoire liturgique inhabituel : un casque (de chantier) ! Mais, comme vous suivez assidûment les catéchèses du Pape François, vous faites certainement le lien avec l’invitation qu’il a lancée lors de l’audience du 1er février 2017 :
De fait, un casque ne nous empêche pas de recevoir des tuiles sur la tête mais cela amortit le coup. Ainsi en est-il de notre espérance chrétienne : les difficultés ne nous sont pas épargnées mais la grâce nous est donnée de les vivre différemment.
Pourquoi cette entrée en matière si ce n’est que c’est à une église tentée par le découragement que saint Jean, dans l’Apocalypse, rappelle que Jésus est le souverain des rois de la terre et qu’il a vaincu.
Le livre de Daniel est également donné pour conforter l’espérance du peuple de Dieu dans un climat de persécutions.
C’est encore dans la même veine que le Pape Pie XI a institué cette fête du Christ-Roi en 1925. À cette époque, bien des Chrétiens étaient impressionnés par la puissance destructrice de certaines idéologies, de certains pouvoirs politiques.
Quelques années avant, en 1917, il y a eu la révolution en Russie. Au Mexique aussi est venu au pouvoir un président clairement anticatholique. Cela a déclenché la guerre des Cristeros dont le cri est précisément : « ¡Viva Cristo Rey ! » (« Vive le Christ Roi ! »).
Cette invitation à l’espérance se retrouve par exemple dans l’architecture des églises byzantines : « Le Christ est le Pantokrator, à qui toutes les choses sont soumises : (…) le Christ Pantocrator domine la voûte de l’abside des églises byzantines, parfois représenté assis au-dessus du monde entier, ou même sur un arc-en-ciel pour indiquer son assimilation à Dieu lui-même, à la droite duquel il est assis (cf. Ep 1, 20 ; Col 3, 1), et donc également son inégalable fonction de conducteur des destins humains. » (Benoît XVI, Audience du 14 janvier 2009)
N’est-ce pas une manière de se rassurer à bon compte ? Pour qui n’a pas la foi, oui. Pour le croyant, c’est bien différent. La foi nous donne de pouvoir regarder la réalité plus profondément. Il s’agit de voir toute la réalité et pas seulement la réalité visible actuellement.
Ce dimanche du Christ-Roi, le dernier de l’année liturgique, recentre notre attention sur des éléments essentiels de notre foi : sans la résurrection du Christ, notre foi serait vaine, c’est ce que je vais rappeler dans une première partie ; sans la croix de Jésus, je ne serais pas convaincu de l’amour infini de Dieu pour moi, ce sera ma deuxième partie ; cette foi en Jésus mort et ressuscité me permet de vivre déjà de la vie du Royaume de Dieu, ce sera ma troisième partie.
1 - La résurrection où se manifeste la toute puissance de Dieu
Notre espérance a un fondement. En cela notre espérance est bien différente de l’espoir. Comme le dit le pape François, l’espérance chrétienne, c’est « avoir la certitude de marcher vers quelque chose qui existe, et non vers quelque chose que l’on aimerait voir exister » (PF audience du 1er février 2017).
Si Jésus n’était pas ressuscité des morts, nous serions effectivement – comme le dit saint Paul (1 Co 15) – les plus malheureux des hommes. Notre espérance tout comme notre foi, serait « vaine », c’est-à-dire vide, sans fondement (cf. 1 Co 15,12 s.), ou du moins sans autre fondement que le désir humain de lui en donner un. Ce serait une manière velléitaire de raisonner. Mais la résurrection du Christ nous a ouvert une espérance.
Dans les actes des apôtres, il nous est dit que Dieu nous a donné une garantie sur Jésus en le ressuscitant d’entre les morts. C’est précisément pour cela qu’il y a un avant et un après dans la vie des apôtres. Jusque là ils n’étaient pas particulièrement courageux face à l’adversité. À partir de ce moment-là, ils considèrent comme un honneur de souffrir pour le nom de Jésus.
En ressuscitant Jésus, le Père nous a donc donné non seulement une « preuve sûre » à son sujet, mais aussi une « vivante espérance » ; la résurrection n’est pas qu’un argument qui fonde la vérité du christianisme, mais aussi une force qui alimente de l’intérieur son espérance.
Pâques est le « dies natalis » de l’espérance chrétienne. La parole « espérance » est absente de la prédication de Jésus. Les Évangiles relatent beaucoup de ses paroles sur la foi et sur la charité, mais aucune sur l’espérance. En revanche, après Pâques, nous voyons littéralement exploser, dans la prédication des apôtres, l’idée et le sentiment de l’espérance qui prend place à côté de la foi et de la charité, comme une des trois composantes constitutives de la nouvelle existence chrétienne (cf. 1 Co 13,13).
Dieu lui-même est défini comme « le Dieu de l’espérance » (Rm 15,13). Et l’on comprend également pourquoi ce fait : le Christ, en ressuscitant a descellé la source même de l’espérance, il a créé l’objet de l’espérance théologale qui est une vie avec Dieu, même au-delà de la mort. Ce que, dans l’Ancien Testament, à peine certains psaumes avaient entrevu et désiré : « rester près de Dieu pour toujours » (Ps 73,23), « la plénitude de joie devant sa face » (Ps 16,11), est devenu, maintenant, réalité dans le Christ.
Il a ouvert une brèche dans le mur terrible de la mort, à travers laquelle tous peuvent le suivre. » (Cantalamessa)
2 - La Croix où se manifeste l’amour infini de Dieu
Cette grande espérance ne s’enracine pas seulement dans la résurrection de Jésus mais dans sa croix. Nous n’avons pas seulement un Dieu vainqueur de la mort mais un Dieu qui nous aime jusqu’à livrer sa vie pour nous. À quoi nous servirait la toute-puissance de Dieu s’il n’avait pas un amour infini pour nous personnellement !
Dieu est le fondement de l’espérance – non pas n’importe quel dieu, mais le Dieu qui possède un visage humain et qui nous a aimés jusqu’au bout – chacun individuellement et l’humanité tout entière. Son Règne n’est pas un au-delà imaginaire, placé dans un avenir qui ne se réalise jamais ; son règne est présent là où il est aimé et où son amour nous atteint. Seul son amour nous donne la possibilité de persévérer avec sobriété jour après jour, sans perdre l’élan de l’espérance, dans un monde qui, par nature, est imparfait. Et, en même temps, son amour est pour nous la garantie qu’existe ce que nous pressentons vaguement et que, cependant, nous attendons au plus profond de nous-mêmes : la vie qui est « vraiment » vie. »
(Spe Salvi n° 31)
Accepter de mourir pour un homme juste, c’est déjà difficile ; peut-être quelqu’un s’exposerait-il à mourir pour un homme de bien. Or, la preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ est mort pour nous, alors que nous étions encore pécheurs. » (Rm 5, 5-8)
3 - Les conséquences pratiques de cette espérance
Ces fondements de l’espérance nous donnent de cheminer aujourd’hui avec une vraie noblesse de cœur, même si nous sommes confrontés à des difficultés.
Consentir les efforts
Relativiser les biens matériels
La certitude (de la foi) des premiers chrétiens était si grande qu’ils préféraient être spoliés des biens matériels que de perdre la foi (cf. He 10, 34) : « Ici, l’auteur parle aux croyants qui ont subi l’expérience de la persécution et il leur dit : « Vous avez pris part aux souffrances des prisonniers ; vous avez accepté avec joie la spoliation de vos biens (hyparchoton – Vulgate : bonorum), sachant que vous étiez en possession de biens meilleurs (hyparxin – Vulgate : substantiam) et stables. (…) La foi confère à la vie une base nouvelle, un nouveau fondement sur lequel l’homme peut s’appuyer et ainsi le fondement habituel, la fiabilité du rendement matériel, justement se relativise. » (Spe Salvi n° 8)
D’après le philosophe Martin Steffens (L’Éternité reçue, Desclée de Brouwer, 246 p), l’absence de croyance en un au-delà tend à nourrir une société de consommation. _Comme on finit une bonne bouteille en disant : « Encore une que les Allemands n’auront pas ! » Là c’est : « Encore une que la mort n’aura pas ! »
Vivre la vérité de l’amour
Jésus nous dit :
« Je ne suis né, et je ne suis venu dans le monde, que pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité écoute ma voix » (Jn 18, 37).
« Quelle est cette vérité dont le Christ est venu rendre témoignage au monde ? Toute son existence révèle que Dieu est amour ; telle est la vérité dont il a rendu un plein témoignage par le sacrifice de sa vie sur le Calvaire. ». (Benoît XVI, 26 novembre 2006)
La fête du Christ-Roi n’a rien d’une fête à connotation politique. Cette royauté, c’est la victoire de l’amour sur la haine, de la grâce sur le péché, de la vie sur la mort. Combien nous en avons besoin dans ce monde où la liberté d’expression est bien limitée dès lors qu’on ose dire des vérités qui ne sont plus « correctes » : l’avortement consiste à détruire une vie humaine, un enfant a besoin d’un papa et d’une maman, la dignité de la vie humaine ne consiste pas à être beau, fort, intelligent et en bonne santé, … Nous voyons combien certains courants de pensée veulent imposer leur manière de voir plutôt que de rechercher honnêtement la vérité, même si elle dérange.
La résurrection du Christ nous ouvre l’accès à une vie nouvelle. Cette vie nouvelle, nous y entrons par la foi. Lorsque saint Paul parle des « réalités d’en-haut » (Col 3), il ne parle pas de quelque chose d’abstrait. Il le dit dans les versets suivants, c’est la bienveillance, l’humilité, la douceur, la patience, le pardon mutuel… qui sont comme des avant goût du ciel. Ce qu’il appelle les réalités terrestres, c’est la débauche, l’impureté, la passion, la cupidité, la convoitise, …
Il nous est bon de réentendre cette parole que Jésus a prononcé juste avant sa passion :
« Je vous ai parlé ainsi, afin qu’en moi vous ayez la paix. Dans le monde, vous avez à souffrir, mais courage ! Moi, je suis vainqueur du monde. » (Jn 16, 33)
Marie a été « associée de façon très singulière à la Royauté du Christ ». Dieu l’a exaltée au-dessus de toute créature et le Christ l’a couronnée Reine du Ciel et de la terre. Confions à son intercession l’Église et toute l’humanité, afin que l’amour de Dieu puisse régner dans les cœurs et que s’accomplisse son dessein de justice et de paix ».
Amen !
Références des lectures du jour :
- Lecture du livre de Daniel 7,13-14
- Psaume 93(92),1abc.1d-2.5
- Lecture de l’Apocalypse 1,5-8
- Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 18,33b-37 :
En ce temps-là, Pilate appela Jésus et lui dit :
— « Es-tu le roi des Juifs ? »
Jésus lui demanda :
— « Dis-tu cela de toi-même, ou bien d’autres te l’ont dit à mon sujet ? »
Pilate répondit :
— « Est-ce que je suis juif, moi ? Ta nation et les grands prêtres t’ont livré à moi : qu’as-tu donc fait ? »
Jésus déclara :
— « Ma royauté n’est pas de ce monde ; si ma royauté était de ce monde, j’aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs. En fait, ma royauté n’est pas d’ici. »
Pilate lui dit :
— « Alors, tu es roi ? »
Jésus répondit :
— « C’est toi-même qui dis que je suis roi. Moi, je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité.
Quiconque appartient à la vérité écoute ma voix. »