Homélie du 33e dimanche du Temps Ordinaire

18 novembre 2024

« Alors on verra le Fils de l’homme venir dans les nuées avec grande puissance et avec gloire. Il enverra les anges pour rassembler les élus des quatre coins du monde, depuis l’extrémité de la terre jusqu’à l’extrémité du ciel. »

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Texte de l’homélie

Chers frères et sœurs

Pour commencer, faisons un petit peu d’Hébreux : le mot visage se dit panim. Le savez-vous, les mots en « im » sont au pluriel en Hébreu. Ainsi, dans cette langue, le visage se dit en réalité « les visages ». C’est tellement vrai de l’homme tant il a de multiples facettes. Il n’est jamais monolithe, au cours du temps, nous changeons, nous le savons bien. Ô combien c’est vrai pour Dieu et pour le Christ.

Or, si nous y prêtons attention, nous ne retenons qu’un visage du Christ : celui de la faiblesse : de l’Enfant Jésus dans la crèche, du missionnaire qui n’a pas une pierre pour reposer sa tête, celui du crucifié qui expire tout seul sur la Croix. « Notre Christ » se résume à ces figures là, et ce n’est pas juste.

Mais, les textes de cette fin du temps ordinaire et du début de l’Avent nous invitent à tourner les yeux vers un autre visage : le Christ glorieux, le Christ puissant et le Christ juge…
Tout cela est bien éloigné de notre sensibilité contemporaine. Pourtant, l’Église est maîtresse et pédagogue, et elle veut nous enseigner quelque chose à travers cela : l’adoration, la conversion et la mission. Nous allons détailler ces trois points.

L’adoration

« Alors on verra le Fils de l’homme venir dans les nuées avec grande puissance et avec gloire. »

Et le livre Daniel dont nous avons lu un extrait en ce dimanche confirme cette image du Fils d’homme, rayonnant…

« Je regardai pendant mes visions nocturnes, et voici, sur les nuées des cieux arriva quelqu’un de semblable à un fils de l’homme ; il s’avança vers l’ancien des jours, et on le fit approcher de lui. On lui donna la domination, la gloire et le règne ; et tous les peuples, les nations, et les hommes de toutes langues le servirent. Sa domination est une domination éternelle qui ne passera point, et son règne ne sera jamais détruit. »

Contempler le Christ puissant et glorieux

Contempler ce Christ puissant et glorieux est particulièrement nécessaire dans notre époque parce qu’elle a perdu le lien avec le Saint Esprit, ce don de Dieu.

On beaucoup insisté sur le don de piété, ce don de confiance filiale envers notre Seigneur qui manquait et la petite Thérèse de Lisieux a fait beaucoup pour le ré instituer au milieu du cœur de l’Église. Mais, il manque le tout premier don, celui de la crainte et de l’honneur de Dieu – comme disait Jean Anouilh - car il a disparu. L’Occident est devenu bien souvent orgueilleux et ne veut plus courber la tête car cela lui coûte.
Il s’agit d’une adoration pleine de révérence, et son absence nous appauvrit, car quand on ne sait plus adorer plus grand que soi, c’est nous-mêmes qui devenons petits et mesquins.

Cela n’a rien à voir avec les prosternements d’esclaves. Je vous cite Charles Péguy :

« Tous les prosternements du monde ne valent pas le bel agenouillement droit d’un homme libre. Toutes les soumissions, tous les accablements du monde ne valent pas une belle prière, bien droite agenouillée, de ces hommes libres-là. Toutes les soumissions du monde Ne valent pas le point d’élancement Le bel élancement droit d’une seule invocation d’un libre amour. »

En écrivant ces lignes, Péguy avait en tête en écrivant la prière du roi Saint Louis qui n’était jamais aussi noble et aussi grand que lorsqu’il s’agenouillait devant son Seigneur. Et c’est vrai de tout homme : nous sommes rois si nous pouvons nous agenouiller devant Dieu. Nous sommes rois par notre baptême.

J’aimerais également citer CS Lewis, l’auteur de Narnia, devenu populaire de nos jours par les adaptations cinématographiques qu’on en a faites. Cet Anglo-Saxon avait perdu la Foi car on lui avait présenté un Jésus étriqué, sans mystère et sans profondeur, et ça ne l’intéressait pas. Devenu philologue et savant, c’est en étudiant les mythologies et les grandes sagas nordiques qu’il finira par retrouver la grandeur du divin, la grandeur de Dieu, et voir que le Dieu des chrétiens peut nous exalter par ce qu’Il est un Dieu magnifique, grandiose, imposant et attirant à la fois.
Il va faire tout un itinéraire pour revenir à la Foi catholique, à la manière d’un long détour par les mythes, pour redécouvrir ce Christ grand, magnifique, mystérieux et profond qui est présent au cœur même des écritures.

En reprenant les mots de Saint Paul :

« Notre grand Dieu et Seigneur Jésus Christ »

C’est le Christ glorieux et magnifique de l’évangile qui va réveiller Son attirance.

Invoquer le Christ juge

Si, de nos jours, beaucoup rejettent la Foi, c’est qu’elle est anodine, qu’elle représente Jésus comme quelqu’un de « gentil » et de doux, mais pas quelqu’un devant qui nous allons spontanément baisser la tête et plier le genou. Pourtant, cela n’empêche nullement la confiance cela va ensemble.

Nous le disons aussi dans notre Credo :

« Il reviendra dans la gloire pour juger les vivants et les morts. »

Autrement dit, c’est un Christ juge que proclamons aussi.

Et nous l’avons entendu dans la première lecture :

« Beaucoup de gens qui dormaient dans la poussière de la terre s’éveilleront, les uns pour la vie éternelle, les autres pour la honte et la déchéance éternelles.… »

Chers frères et sœurs, je crois que nous désirons ce jugement plus que nous ne le redoutons, car nous désirons la vérité. Nous désirons la vérité sur nous-même, qu’un regard nous transperce, nous pénètre et nous devine.

Or, quel est le tribunal qui prévaut aujourd’hui si ce n’est celui des médias qui fait et défait les rois, qui fait et défait les réputations, qui exalte une nation et en abaisse une autre, et tout cela sans aucun rapport avec la vérité. Or, être jugé par le Christ, c’est être libéré de tout autre jugement qui n’a ni Sa justesse, ni Sa bonté.
Et puis ce Christ glorieux, c’est celui que nous présente l’Apocalypse dans son premier chapitre : puissant, Il vient juger le monde et donner son sens à l’Histoire.

Quand Jean-Paul II a réuni un synode pour parler de l’Europe, il a laissé une exhortation qui se nomme Ecclesia in Europa. Il la commence en présentant ce Christ de l’Apocalypse qui va mettre au pas l’arrogance de l’Europe et aussi pointer du doigt sa désespérance et sa tendance dépressive. Un Christ glorieux et puissant dit à l’homme occidental qu’il n’est pas ce petit dieu qu’il croit être. Il va aussi Se révéler comme étant le Seigneur et le maître de l’Histoire. Il n’est pas lieu de se lamenter sur la décadence de sa civilisation et sur la perte de vitalité de ses populations.
Nous aspirons à la venue de ce Christ fort et puissant !

J’aimerais terminer avec ces deux points : la parousie, le retour glorieux du Christ à la fin des temps, à l’image de l’entrée glorieuse d’un empereur dans une citée vaincue. Il s’agit ici d’une citée conquise au Christ, ce qui est bien différent.

La conversion

Cette parousie nous invite à répondre : « Seigneur, tu m’invites à la conversion ! Tu reviendras à la fin des temps… »

Cela signifie qu’un jour, l’histoire aura une fin. En effet, on ne peut pas éternellement « faire des brouillons », à un moment donné, il faudra « rendre la copie », si vous me permettez ces expressions. Tout cela est très important, car, au lieu de penser qu’on a toujours des coups d’essai, il faut se rendre compte que tout acte et toute parole engage. Ce principe est la base de la loi scoute, pour vous qui vous êtes joints à notre assemblée en ce jour.

Notre Père Lamy le disait avec d’autres mots :

« Soyez tout au Christ dans le temps pour être tout à lui dans l’éternité. »

Et ce Christ qui reviendra à la fin des temps nous exhorte à la conversion : c’est maintenant, ne diffère pas à demain !

Il exhorte aussi à ce que nous voyons nos frères et nos sœurs autour de nous se convertir. Cela nous exhorte aussi à la correction fraternelle, qui est aussi quelque chose de très peu populaire… Elle suppose d’envisager l’autre dans sa destinée de gloire et lui poser la question : « Comment te prépares-tu à paraître demain devant Dieu ? »

Or, notre individualisme tout puissant nous pousse à ne prêter attention qu’à notre propre chemin et à notre propre histoire, à penser que ce que vivent les autres ne nous concerne pas. Mais, cela s’apparente à de la lâcheté et est loin de l’Évangile.

« Si tu vois que ton frère a péché, prends-le à part et dis-lui en quoi il a péché. »

Nous n’aimons pas ces paroles là car nous avons peur d’être mal reçus. Mais, y a-t-il de plus beau signe d’amour que de signifier à l’autre que sa destinée éternelle nous importe ?

C’était aussi un des charismes du Père Lamy, notre fondateur, que de voir les gens de son village dans cette destinée éternelle. Il voyait dans une sorte de vision eschatologique ceux qui avaient tout juste échappé à l’Enfer ou au purgatoire, et cela lui donnait un zèle extraordinaire pour les âmes. _ Puissions-nous porter ce même regard les uns sur les autres.

Enfin, dernière chose, comme je l’évoquais au début, contempler le Seigneur dans Sa gloire, dans Sa parousie, va favoriser la mission !

La mission

N’occultons pas cet aspect de la contemplation source de motivation dans la mission. Pourquoi annoncer le Christ ? Le Seigneur ne diffère-t-Il pas Son retour pour que nous ayons le temps d’annoncer Son Évangile à la terre entière ? A tel point que, dans l’Évangile de Saint Luc, ce temps qui sépare l’avènement du Christ dans la chair – Sa naissance à Bethléem – de Son retour dans la gloire – cet avènement glorieux – est appelé le temps des païens. C’est le temps qui leur est dédié. Nous ne pouvons nous dérober devant nos frères, car nous sommes les premiers païens, tant nous avons besoin de conversion.
D’une certaine façon, c’est plus de notre faut que de la leur s’ils ne connaissent pas le Christ.

Chers frères et sœurs, désirons cette parousie, cette manifestation comme le retour d’un être aimé. Disons avec ferveur :

« Que ton règne vienne ! »

Voilà ce que cela signifie fondamentalement.

Et demandons donc à Marie de transformer notre cœur pour que nous cédions pas à l’indifférence. Nous avons du poids, un impact sur l’histoire : nous pouvons hâter le retour de notre Seigneur.

Puissions-nous désirer avec Marie qu’un jour, Dieu soit tout en tous,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre de Daniel 12,1-3.
  • Psaume 16(15),5.8.9-10.11.
  • Lettre aux Hébreux 10,11-14.18.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc 13,24-32 :

En ces jours-là, après une pareille détresse, le soleil s’obscurcira et la lune ne donnera plus sa clarté ; les étoiles tomberont du ciel, et les puissances célestes seront ébranlées.
Alors on verra le Fils de l’homme venir dans les nuées avec grande puissance et avec gloire. Il enverra les anges pour rassembler les élus des quatre coins du monde, depuis l’extrémité de la terre jusqu’à l’extrémité du ciel.
Laissez-vous instruire par la comparaison du figuier : dès que ses branches deviennent tendres et que sortent les feuilles, vous savez que l’été est proche.
De même, vous aussi, lorsque vous verrez arriver cela, sachez que le Fils de l’homme est proche, à votre porte.
Amen, je vous le dis : cette génération ne passera pas avant que tout cela n’arrive.
Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas.
Quant à ce jour et à cette heure-là, nul ne les connaît, pas même les anges dans le ciel, pas même le Fils, mais seulement le Père.