Homélie de la fête de la Sainte Famille de Jésus, Marie et Joseph

29 décembre 2020

Lorsqu’ils eurent achevé tout ce que prescrivait la loi du Seigneur, ils retournèrent en Galilée, dans leur ville de Nazareth.
L’enfant, lui, grandissait et se fortifiait, rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était sur lui.

Écouter l’homélie

Texte de l’homélie :

Chers frères et sœurs,

Nous avons dans la première lecture cet épisode bien connu où Abraham qui sort et regarde les étoiles, et le Seigneur va lui dire :

« Regarde le ciel, et compte les étoiles, si tu le peux…
Telle sera ta descendance ! »

Puis dans la lettre aux Hébreux, il y a cette litanie des saints de l’Ancien Testament qui commence avec Abraham et Sarah. Puis, dans l’Évangile de ce jour, outre la Sainte Famille, deux figures très attachantes : Anne et Siméon. Et l’on peut se demander quelques sont les points commun entre tous ces personnages… C’est qu’ils ont tous la foi !
La foi est d’abord ordonnée à mon salut. C’est le cas pour Abraham : la foi « pour moi ». Voici le bénéfice qu’il en retire : « Abraham crut". Il fut justifié par sa foi. Il n’y a pas de salut personnel sans foi. Abraham croit à la promesse, et cette croyance le justifie.

La foi pour me faire grandir

La foi est une vertu théologale tout comme l’espérance et la charité. C’est la première même si elle n’est pas la plus grande car il faut connaître pour pouvoir aimer.
C’est aussi la plus accessible, la plus à portée de ma main. Si on ne l’a pas, on est incapable de toute autre vertu : je peux toujours croire, même si j’ai perdu la charité.

La foi c’est comme la bouée de sauvetage que Dieu me lance toujours quelle que soit la tempête, la mer démontée avec laquelle je me débats.

Au moment de la Croix, le bon larron à côté de Jésus, ou le centurion qui vient de lui percer le côté, ou encore cet homme entre le pont de la rivière et l’eau noire du fleuve dans lequel il se jette et qui a le temps de faire se recommander à Dieu, (ainsi que le dit le curé d’Ars) : qu’ont il de commun ? cet acte de foi in extremis qui sauve.
Nous quand nous sommes dans la déprime noires, incapables d’avoir une pensée charitable pour les autre, aux prises à des tentations insurmontables : parfois, une seule chose nous est possible, c’est de lever les yeux vers Dieu. Moralement bien faible, psychologiquement désespéré, je peux toujours croire

Pour Abraham, dans son âme, cette foi est un mélange compliqué de certitude et d’interrogations. Et c’est ce qui fait que la Foi a quelque chose de crucifiant aussi : qu’avons-nous comme certitude ? Comme Abraham, c’est cette grande confiance en Dieu, cette certitude qu’en tout temps, Dieu est bon et qu’Il s’occupe de moi.
Tout comme lui, cette interrogation surgit : je ne sais vraiment pas comment cela va se passer. Et pourtant, l’écriture nous dit qu’il partit :

« Il partit sans savoir où il allait. »

Nous rationalistes, nous n’aimons pas bien cet entre-deux…
Nous avons nos idées sur la bonté de Dieu, sur la manière dont il doit s’y prendre avec nous, et si ça n’est pas conforme à nos projets, alors, il peut arriver que l’on perde la foi, comme ce petit fils malheureux d’avoir perdu sa grand-mère qui perd cette confiance en Dieu…

Nous avons a relire nos vies pour pouvoir y discerner la bonté de Dieu, le travail de la vie intérieure, le travail de la prière. Reprenons la figure de ce psychiatre juif autrichien, Victor Frankl, revenu vivant des camps de concentration, et dans sa fine intelligence, il en a tiré un enseignement profond : il voyait toujours en filigrane le sens que toute vie peut avoir.
Ainsi, un jour un vieux monsieur vient le voir dans son cabinet à Vienne. Il est infiniment triste car vient de perdre sa femme. Le docteur l’accueille et parle avec lui. Et sa méthode lui vient de cette certitude qui vient de la Bible : toute vie a un sens. Et la conversation s’engage, puis, peu à peu, cet homme désespéré reprend goût à la vie, et retrouve ses forces vitales.
En relisant sa propre vie, il découvre finalement ceci : certes, sa femme est morte avant lui, mais cela lui a évité d’avoir à porter le fardeau du veuvage. Il préfère avoir à le porter lui plutôt qu’avoir eu à le faire porter à sa femme. En termes chrétiens, on peut dire qu’il a pu finalement discerner comment Dieu s’était montré bon avec lui, par un acte de foi qui éclaire concrètement les circonstances de sa vie.
Ainsi la foi nous sauve parce que nous proclamons la bonté de Dieu, et elle nous sauve parce qu’elle nous arrache au non sens.

C’est un travail que nous avons à faire : si nous ne lisons pas notre vie, elle va nous broyer. Si ne lisons pas ainsi l’époque que nous ne traversons, elle va nous anéantir. Trop de personnes vont mal de nos jours pour que nous ne prenions pas cela au sérieux. Oui, la Foi proclame les bontés de Dieu, et elle me sauve parce qu’elle m’arrache au non-sens.
Voici ce que m’apporte la foi pour moi.

La Foi pour faire grandir les autres

Mais la foi, Abraham ne l’a pas eu que pour lui. Quand nous avons la foi, nous l’avons aussi pour les autres. Regardons Abraham : n’est-il pas nommé le père des croyants ?
Car celui qui croit ouvre une voie. Une voie risquée certes ! Quand les premiers navigateurs dépassèrent le détroit de Gibraltar, ils allaient vers l’inconnu. Il leur fallut beaucoup de courage pour dépasser toutes les peurs : peut être allait il tomber dans le vide, en s’approchant du bord du monde, ou bien rencontrer des monstres qui les dévoreraient de l’autre côté de la mer ? Et pourtant, ils ont avancé, ils ont bravé la peur et les interdits. Ils ont ouvert une voie. L’esprit d’aventure est une composante essentielle de la foi. Mais une aventure guidée par Dieu, et qui ouvre des voies.
C’est ce qu’a fait Abraham : braver les incertitudes, sa parenté, sa religion, son pays, pour s’en remettre à un Dieu qu’il ne connaissait pas encore pour tout Lui donner. Et la lettre aux Hébreux le magnifie : par la Foi, Abraham a pu rentrer dans ce chemin que Dieu lui traçait, ainsi que son épouse Sarah. Par la Foi, Moïse a fait rentrer le peuple dans la Terre Promise, « comme s’il voyait l’invisible »…

Chacun de ces témoins a ouvert une voix et a permis que les successeurs puissent s’appuyer sur la voie qu’ils avaient ouverte pour aller eux-mêmes un peu plus loin, inspirés par le témoignages de leurs aînés. Ainsi la foi c’est une chaîne, et nous avons besoin de tous les maillons précédents pour avancer. Nous-mêmes, nous en sommes un !

Disons-le-nous souvent : ce que je crois permettra que naisse dans le cœur de mes descendants une foi sincère ; à l’inverse, la tiédeur de ma foi, mes demi-certitudes et mon cynisme compromettra leur adhésion et les acculera au scepticisme et à l’esprit destructeur.

En ce jour de la sainte famille, on voit combien il est opportun de parler de foi. Car que sert la transmission de la vie, si la foi n’est pas d’abord ce qu’on transmet, si nous transmettons la vie mais sans les raisons de vivre : nous sommes alors en pleine contradiction …
Plus on souhaite transmettre à la génération qui monte, plus il faut s’abandonner à la Providence. Combien nous-mêmes nous sommes portés par le témoignage de ceux qui ont habité la terre. Sans aller plus loin, en ce lieu même, pensons à Saint Éloi, s’enfonçant dans la forêt, pour n’être plus qu’à Dieu. Avec quelle justesse, Péguy disait :

« Les grands aventuriers, ce sont les pères de famille… »

On pourrait rajouter : « ce sont d’abord les aventuriers de la Foi », qui pensent qu’il y a sens à mettre au monde des enfants, quelque que soit les conditions dans lesquelles nous vivons, et qui s’appuient sur la force de Dieu pour eux-mêmes être forts.

Un dernier point frères et sœurs : la Foi pour moi, la Foi pour les autres, mais aussi pour Dieu.
En croyant nous permettons au projet de Dieu de se réaliser. A l’inverse, sans la Foi, nous lions les mains de Dieu. Par la foi, nous lui permettons d’agir dans le monde. Notre foi, c’est comme ouvrir les vannes d’un barrage dont l’eau va se répandre dans des terres arides et leur donner de devenir verdoyantes, fécondes, agréables.
L’Écriture dit :

« L’œuvre de Dieu c’est que vous croyiez ! »

Et c’est cela : l’œuvre de Dieu suppose notre foi, notre adhésion, parce que Dieu l’a voulu ainsi, non par défaut de sa part.
C’est ce qu’a fait la Vierge Mari : par la foi, Elle a ouvert les vannes de la grâce, et la grâce a fait naître en Son sein le fils de Dieu, L’a fait naître pour le monde entier.
Joseph par la Foi, a sauvé Le Sauveur, en Le protégeant de toutes les menaces.
Et nous par notre foi, nous permettons à Dieu de sauver notre monde aujourd’hui : une foi robuste, inébranlable, joyeuse, qui soit comme la réponse sereine et bienveillante à un monde qui se morfond.

Que Marie nous y aide,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre de la Genèse 15,1-6.21,1-3.
  • Psaume 105(104),1b-2.3-4.5-6.8-9.
  • Lettre aux Hébreux 11,8.11-12.17-19.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 2,22-40 :

Quand fut accompli le temps prescrit par la loi de Moïse pour la purification, les parents de Jésus l’amenèrent à Jérusalem pour le présenter au Seigneur, selon ce qui est écrit dans la Loi : ‘Tout premier-né de sexe masculin sera consacré au Seigneur.’ Ils venaient aussi offrir le sacrifice prescrit par la loi du Seigneur : ‘un couple de tourterelles ou deux petites colombes.’ Or, il y avait à Jérusalem un homme appelé Syméon. C’était un homme juste et religieux, qui attendait la Consolation d’Israël, et l’Esprit Saint était sur lui. Il avait reçu de l’Esprit Saint l’annonce qu’il ne verrait pas la mort avant d’avoir vu le Christ, le Messie du Seigneur. Sous l’action de l’Esprit, Syméon vint au Temple. Au moment où les parents présentaient l’enfant Jésus pour se conformer au rite de la Loi qui le concernait, Syméon reçut l’enfant dans ses bras, et il bénit Dieu en disant : « Maintenant, ô Maître souverain, tu peux laisser ton serviteur s’en aller en paix, selon ta parole. Car mes yeux ont vu le salut que tu préparais à la face des peuples : lumière qui se révèle aux nations et donne gloire à ton peuple Israël. » Le père et la mère de l’enfant s’étonnaient de ce qui était dit de lui. Syméon les bénit, puis il dit à Marie sa mère : « Voici que cet enfant provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. Il sera un signe de contradiction – et toi, ton âme sera traversée d’un glaive – : ainsi seront dévoilées les pensées qui viennent du cœur d’un grand nombre. » Il y avait aussi une femme prophète, Anne, fille de Phanuel, de la tribu d’Aser. Elle était très avancée en âge ; après sept ans de mariage, demeurée veuve, elle était arrivée à l’âge de quatre-vingt-quatre ans. Elle ne s’éloignait pas du Temple, servant Dieu jour et nuit dans le jeûne et la prière. Survenant à cette heure même, elle proclamait les louanges de Dieu et parlait de l’enfant à tous ceux qui attendaient la délivrance de Jérusalem. Lorsqu’ils eurent achevé tout ce que prescrivait la loi du Seigneur, ils retournèrent en Galilée, dans leur ville de Nazareth. L’enfant, lui, grandissait et se fortifiait, rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était sur lui.