Homélie du 32e dimanche du Temps Ordinaire

11 novembre 2024

Jésus s’était assis dans le Temple en face de la salle du trésor, et regardait comment la foule y mettait de l’argent. Beaucoup de riches y mettaient de grosses sommes.

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Texte de l’homélie

Chers frères et sœurs

On a parfois l’impression aux dires de certains, que la foi est une espère de médicament anxiolytique qui soulage nos angoisses, nous permet d’affronter le monde pas trop déprimés. Et on nous dit parfois : « à toi, si ça te fait du bien…c’est ton choix. »

La Foi agit-elle comme un porte bonheur ?

Mais les textes de ce jour nous disent tout autre chose. Car il s’agit de veuves. Dans la première lecture, la veuve croit à la parole du prophète comme étant parole de Dieu. Et elle ne croit pas parce que cela lui fait du bien… La foi qu’elle met dans la parole d’Élie la mène à tout donner au prophète, ses dernières ressources, ses dernières réserves, après quoi elle prévoit la mort. Ce n’est pas spécialement confortable…
Bref la foi la conduit aux portes de la mort… Et il ne s’est heureusement pas trouvé personne sur son chemin pour lui dire assez stupidement : « à toi si ça te fait du bien… c’est ton choix »

Croire qu’on a encore des sécurités humaines, ce n’est pas encore vraiment croire. Aller à la messe le dimanche quand tout va bien, que le compte en banque est bien rempli, que nous sommes en paix dans notre pays, il n’y a pas grand risque. Il nous faut parfois passer par l’épreuve, lâcher nos sécurités humaines, pour que la foi sorte de sa gangue et apparaisse dans toute sa beauté.

L’apôtre Pierre lui aussi nous donne un exemple d’une telle foi : il est en train de pêcher dans la barque, il voit le Seigneur et il lui dit :

« Si c’est bien toi Seigneur, ordonne-moi de venir jusqu’à toi » Jésus lui dit : « viens » et Pierre saute de la barque et marche sur l’eau… »

C’est splendide car nous voyons la foi dans sa nature profonde, faisant fi de toutes les sécurités humaines, à partir du moment où Dieu nous le demande. Une foi qui ne va pas jusque-là, qui veut toujours prendre des assurances ailleurs, qui s’accommode de petites compromissions pour maintenir la sécurité de mon avoir, de mon plaisir, de mes projets, n’est que tiédeur. Elle ne produit rien, elle est stérile…

Oui car la foi dans son essence profonde, c’est affronter la mort. La veuve de Sarepta, elle, affronte la mort. Comme elle le dit au prophète :

« Car après cela nous mourrons »

Abraham affronte la mort quand Dieu lui demande le sacrifice de son fils aimé Isaac. Pierre doit lui aussi s’aventurer sur le Royaume des morts en marchant sur les eaux car c’est ainsi les juifs considèrent la mer.

Il en est de même pour la charité : voyons cette autre veuve, celle de l’évangile : elle veut donner ce qu’elle a de meilleur à Dieu, pour Son Temple, pour Sa maison. Elle donne aussi son « bios » comme on le dit en grec, ce qu’elle avait pour vivre.
Oui la charité elle aussi doit affronter la mort :

« Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. »

On le sait bien : quand aimer n’est que source de plaisir et de joie, sait-on si on aime vraiment ? Quand aimer devient source de souffrance, de souci, d’inquiétude, quand on donne littéralement sa vie, alors notre amour devient charité.

La foi inverse les valeurs

En effet, le Foi nous pousse à quitter nos sécurités pour aller de l’avant. Que se passe-t-il quand nous accomplissons un acte de foi ou de charité si radical ? Eh bien, le miracle se produit comme on le voit à Sarepta : la veuve donne tout, mais la farine et l’huile se renouvellent perpétuellement dans les récipients qui les contiennent. Tout cela veut dire que la fatalité est dépassée, le déterminisme de la mort, ou de la haine a pris fin.

Permettez-moi de citer un fait récent : Le père Thomas Oyode, recteur du petit séminaire de l’Immaculée Conception d’Agenegabode au sud ouest Nigeria, dimanche 27 octobre a été confronté à une attaque terroriste : vers 19 heures, des hommes armés ont attaqué l’établissement situé dans l’État d’Edo. Entendant les coups de feu, le Père Thomas est sorti dans la cour et n’a pas hésité à faire face aux assaillants qui étaient sur le point de partir avec deux étudiants qu’ils avaient pris en otage. Il les a suppliés de les relâcher en échange de sa personne. Les ravisseurs ont accepté la demande du prêtre.

Un tel acte signifie que la vie passe au second plan : l’amour est premier. Cette inversion est extraordinaire, elle est une épiphanie de l’Esprit Saint.
Ces actes sont des actes fondateurs. Ils inaugurent quelque chose de nouveau.

Ainsi nous pouvons lire ces dramatiques événements comme le symptôme d’une désorganisation croissante de certaines parties du monde, devenant des zones de non droit. Mais nous pouvons aussi considérer qu’il y a à travers ces gestes comme une révélation d’un autre monde, où les relations sont différentes, révélation du Royaume fondé par le Christ, qui a donné sa vie jusqu’au bout, comme le rappelle la deuxième lecture. Ce sont des actes qui rayonnent. Ainsi des diocèses au Nigeria ont doublé leur nombre de prêtres en 10 ans. N’idéalisons pas trop pour autant, certes, mais ces prêtres savent qu’ils sont des proies faciles pour les terroristes : un costume les désigne, une institution les soutient - l’Église – et elle pourra verser les rançons.

Ce qui fonde l’Église

Ce sont ces actes radicaux de foi et de charité plénière qui fondent l’Église. En d’autres termes, la plantatio ecclesiae était le fruit du sang des martyrs. Ces sacrifices étaient la semence de l’Église, d’une Église qui s’éveille d’abord dans les cœurs. Au milieu des pires cataclysmes, la foi et la charité parfaite reconstruisent comme des îlots de paix.

Chers frères et sœurs, nous ne sommes pas peut-être confrontés à de telles extrémités dans notre pays. Mais nous sommes appelés à revivifier le monde de l’intérieur, à créer ces îlots, à planter l’Église partout où nous sommes.

Mais ce n’est peut-être pas la charité ou la foi qui sont d’abord mis à l’épreuve. Je pense que c’est notre espérance. Dans la vieille Europe, sans enfant, sans valeurs vraies, sans vitalité, notre tentation surtout c’est de dire que c’est fichu. Et cela peut être en nous comme un petit refrain, une mélodie des profondeurs qui nous invite à nous replier sur nous-mêmes, en vivant peut-être pour autant une vie très correcte !

Voyons toutes les fois où notre espérance est attaquée, où nous baissons les bras sans nous l’avouer vraiment. Et alors prenons notre espérance à bras le corps, ouvrons les yeux sur les ténèbres qui nous entourent, ne détournons pas les yeux : l’euthanasie qui se prépare, la guerre mondiale par morceaux, le primat consumérisme partout ! Oui, mais acceptons de souffrir cette immense contradiction en disant : « cela n’est pas le dernier mot de l’histoire. Je sais que mon rédempteur est vivant, je sais qu’Il est maître de l’histoire. Je sais aussi que regarder ce monde désespéré avec un regard d’espérance, c’est déjà contribuer à le sauver. »

Que Notre Dame de l’Espérance nous accompagne sur ce chemin,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Premier livre des Rois 17,10-16.
  • Psaume 146(145),7.8-9a.9bc-10.
  • Lettre aux Hébreux 9,24-28.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc 12,38-44 :

En ce temps-là, dans son enseignement, Jésus disait : « Méfiez-vous des scribes, qui tiennent à se promener en vêtements d’apparat et qui aiment les salutations sur les places publiques, les sièges d’honneur dans les synagogues, et les places d’honneur dans les dîners. Ils dévorent les biens des veuves et, pour l’apparence, ils font de longues prières : ils seront d’autant plus sévèrement jugés. »
Jésus s’était assis dans le Temple en face de la salle du trésor, et regardait comment la foule y mettait de l’argent. Beaucoup de riches y mettaient de grosses sommes.
Une pauvre veuve s’avança et mit deux petites pièces de monnaie. Jésus appela ses disciples et leur déclara : « Amen, je vous le dis : cette pauvre veuve a mis dans le Trésor plus que tous les autres.Car tous, ils ont pris sur leur superflu, mais elle, elle a pris sur son indigence : elle a mis tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre. »