Homélie du 2e dimanche de Carême

9 mars 2015

« Celui-ci est mon Fils bien-aimé : écoutez-le ! »

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Texte de l’homélie

Nous avons deux occasions, dans l’année liturgique, de lire ce passage de la Transfiguration. Bien sûr le 6 août en la fête de la Transfiguration du Seigneur, mais aussi, traditionnellement, le 2e dimanche de Carême : c’est le dimanche appelé de la Transfiguration. Et lorsqu’on lit ainsi un passage de l’Écriture, à l’intérieur d’un temps liturgique particulier, le temps liturgique donne une couleur singulière à l’Évangile, il vient comme approfondir notre méditation et nous permettre de découvrir d’autres aspects de cet évangile que nous connaissons bien par ailleurs.

Pourquoi choisir cet évangile alors que nous sommes dans le 2e dimanche de Carême. Quelle en est la raison ? Il y aurait eu d’autres évangiles possibles où Jésus invite au renoncement de soi-même, où Jésus invite à laisser les biens de ce monde, et il en est plusieurs passages à l’intérieur du nouveau testament et des quatre évangiles.
Mais l’Église a retenu de façon particulière l’évangile de la Transfiguration.

Nous pourrions dire que, au fond, c’est une invitation à un cheminement de Carême qui nous est faite à travers ce texte.
D’abord, Jésus prit Pierre, Jacques et Jean. Il ne prend pas les douze apôtres alors qu’Il les a déjà choisis. Non. Il n’en prend que trois, ses trois « favoris ». Les trois avec qui Il va vivre autre chose. Par exemple pour la guérison de la fille de la veuve de Naïm, seuls Pierre, Jacques et Jean en sont témoins… Il veut les introduire plus particulièrement dans son mystère.
Et, d’une certaine manière, ce temps de Carême pourrait être bénéfique pour approfondir notre propre vocation. Nous croyons que chaque vie est vocation. Nous croyons que chaque vocation est destinée à une mission. Et le temps du carême, avec les dépouillements nécessaires des attachements que nous avons à des choses habituelles et terrestres, eh bien c’est un temps favorable pour écouter les appels du Seigneur.

Jésus emmène ses trois disciples à l’écart, sur une haute montagne. C’est un temps de retrait. Faire retraite. C’est le mot de la retraite spirituelle : on se retire du climat habituel de nos vies pour être à l’écoute du Seigneur. Et la montagne, on le sait bien, c’est le lieu de la rencontre. Bien sûr vous avez tous en tête l’Horeb, mais beaucoup d’autres montagnes furent le lieu précisément de la rencontre avec le Seigneur.
Ainsi, à travers ses deux lignes déjà, nous avons un petit programme de Carême : méditer sur notre vocation, la re-choisir, écouter les appels du Seigneur, parce qu’il n’y a pas qu’un seul appel dans une vie, dans une vocation il y a aussi plusieurs appels. Mais pour les écouter, il faut faire silence et rester dans son cœur et surtout se mettre à l’écart.

Les disciples assistent à une théophanie (manifestation de Dieu). D’une certaine manière, cette Transfiguration demandera à Pierre, Jacques et Jean de faire un sacrifice : renoncer à ce qu’ils connaissaient déjà avant de Jésus. En, effet, que voient-ils : Élie et Moïse, la loi et les prophètes, qui dialoguent avec Jésus, que Jésus résume, ils voient, dans une vision mystique, que Jésus est entouré de la loi et des prophètes.
Mais ensuite, ils ne voient plus que Jésus seul.
Bien souvent, les grâces spirituelles que nous obtenons dans nos vies c’est pour que nous puissions nous aussi suivre le chemin du Seigneur qui nous emmène plus loin que ce que nous connaissons habituellement, plus loin que nos certitudes ou que ces images de Dieu que nous nous étions fabriquées, aussi bonnes soient-elles. Elie et Moïse sont vraiment les témoins d’un Dieu qui vient à la rencontre de l’homme. La loi et les prophètes, c’est vraiment extraordinaire, c’est la préparation du chemin de Jésus. Mais, au fond, dans cette expérience spirituelle, Jésus va dire :

Et c’est vrai qu’il peut y avoir un risque quand on reçoit des grâces spirituelles, celui de vouloir les revivre telles quelles. Alors on se met dans des conditions qui nous permettraient de vivre cette grâce de nouveau, on retourne sur les lieux où on les a reçues, et bien souvent il ne se passe pas ce que nous attendons. Au contraire, nous ressentons une certaine sècheresse intérieure parce que la grâce n’est pas faite pour être re-vécue. La grâce est faite pour entrer dans une intimité personnelle avec le Christ, et c’est parce qu’il y a cette intimité avec le Christ que je vais pouvoir aller plus loin.

Alors vous savez, ça fait écho à la première lecture, le sacrifice d’Abraham. Toute grâce spirituelle nous introduit dans le sacrifice, dans le « faire sacré », « sacrum facere », rendre sacré. ’’Faire sacrée’’ notre vie.

On voit bien la stupéfaction des disciples. Il y a la nuée lumineuse avec la voix :

« Celui-ci est mon Fils bien-aimé ! »

Cette voix qui se fit entendre aussi au baptême du Christ, et qui invite à Le suivre !

Puis les disciples descendent de la montagne, lieu où ils ont fait cette expérience spirituelle, et Jésus leur ordonne de garder le silence jusqu’à ce qu’il soit ressuscité des morts. Et les disciples restèrent fermement attachés à cette parole tout en se demandant ce que cela voulait dire.
C’est vrai que les expériences spirituelles que nous faisons, les grâces sensibles que nous recevons, tout comme Pierre, Jacques et Jean viennent d’en vivre une, il ne nous faut pas rester dessus. On ne les comprend pas tout de suite. On peut se demander à quoi ça nous conduit, à quoi ça nous mène, qu’est-ce que le Seigneur nous demande à travers ces grâces sensibles ?
Il nous demande de Le suivre de plus près. Et Le suivre de plus près, c’est Le suivre sur le chemin de la Croix. C’est Le suivre sur le chemin d’un dépouillement intérieur pour laisser le Saint Esprit travailler nos cœurs. Parfois on ne comprend pas tout, on comprend bien des années après pourquoi on est passé par telle ou telle épreuve, pourquoi cela a été tel chemin pour nous, est-ce que j’avais vraiment besoin de ça, pourquoi j’ai reçu telle grâce à tel moment et non pas à tel autre ? …. C’est bien des années après que les disciples ont compris le pourquoi de cette théophanie. C’est pour pouvoir Le suivre dans sa Passion.

Nous allons demander au Seigneur les uns pour les autres, cette grâce particulière de nous attacher à la personne-même de Jésus, au-delà des grâces sensibles que nous pouvons obtenir, parce qu’une foi qui reste uniquement sur la sensibilité, c’est une foi fragile, qui tôt ou tard perdra pied, on abandonnera le Seigneur, parce qu’on n’aura plus ce ressenti… Il en va d’ailleurs de même dans la relation amoureuse ou dans l’amitié. Le Seigneur vient nous purifier à travers cette théophanie. Chaque fois que le Seigneur vient à nous, c’est pour nous purifier, Il nous introduit dans un amour plus grand, au-delà de ce que nous avons pu imaginer, au-delà de ce que nous connaissons, -Elie et Moïse-, au-delà de la sensibilité, Il veut cet attachement à sa personne-même.
Nous allons demander, dans ce carême, alors que nous cheminons tranquillement vers Pâques, la grâce d’être attentif à cet appel du Seigneur, cet appel à Le suivre Lui et non pas ce que nous connaissons de Lui.

Amen.


Références des lectures du jour :

  • Livre de la Genèse 22,1-2.9a.10-13.15-18.
  • Psaume 116(115),10.15.16ac-17.18-19.
  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Romains 8,31b-34.
  • Évangile de Jésus Christ selon saint Marc 9,2-10 :

En ce temps-là, Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean, et les emmène, eux seuls, à l’écart sur une haute montagne. Et il fut transfiguré devant eux.
Ses vêtements devinrent resplendissants, d’une blancheur telle que personne sur terre ne peut obtenir une blancheur pareille.
Élie leur apparut avec Moïse, et tous deux s’entretenaient avec Jésus.
Pierre alors prend la parole et dit à Jésus :
— « Rabbi, il est bon que nous soyons ici ! Dressons donc trois tentes : une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. »
De fait, Pierre ne savait que dire, tant leur frayeur était grande.
Survint une nuée qui les couvrit de son ombre, et de la nuée une voix se fit entendre : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé : écoutez-le ! »
Soudain, regardant tout autour, ils ne virent plus que Jésus seul avec eux.

Ils descendirent de la montagne, et Jésus leur ordonna de ne raconter à personne ce qu’ils avaient vu, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts.
Et ils restèrent fermement attachés à cette parole, tout en se demandant entre eux ce que voulait dire : « ressusciter d’entre les morts ».