Homélie du deuxième dimanche de l’Avent - Année B

8 décembre 2020

Il proclamait : « Voici venir derrière moi celui qui est plus fort que moi ; je ne suis pas digne de m’abaisser pour défaire la courroie de ses sandales.
Moi, je vous ai baptisés avec de l’eau ; lui vous baptisera dans l’Esprit Saint. »

Écouter l’homélie

Texte de l’homélie :

« Consolez, consolez mon peuple »

Frères et sœurs bien-aimés, qu’elles sont belles ces paroles que le Seigneur prononce ! Il continue à les prononcer aujourd’hui encore…
Combien nous avons besoin d’entendre ces paroles en cette période de déprime. De partout on nous dit que les gens vivent mal ce deuxièmement confinement : le moral n’est pas au rendez-vous. Certains disent que le nombre de personnes touchées par un état dépressif a doublé entre la fin du mois de septembre et début novembre.

Il nous est donc plus que jamais nécessaire d’entendre les paroles de consolation :

« Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ, le Père plein de tendresse, le Dieu de qui vient tout réconfort.
Dans toutes nos détresses, il nous réconforte ; ainsi, nous pouvons réconforter tous ceux qui sont dans la détresse, grâce au réconfort que nous recevons nous-mêmes de Dieu. » (2 Co 1, 3-4)

Mais paradoxalement, nous pouvons désirer la consolation et nous y fermer, un peu comme les gens qui mettent le pied à la fois sur l’accélérateur et le frein. Isaïe nous prévient qu’il y a des obstacles qui nous empêchent d’accueillir le Dieu de toute consolation, d’accueillir le Dieu qui nous donne la paix.
En méditant sur ces textes de la Parole de Dieu, j’ai pensé aux péchés capitaux qui peuvent être les ravins, les montagnes, les collines, les passages tortueux et les escarpements dont parle la première lecture.
Par la même occasion, une petite révision sur les péchés capitaux ne nous fera pas de mal !

Pourquoi parler des péchés capitaux ? Ce ne sont pas les péchés les plus graves en tant que tels. Par exemple, la gourmandise est infiniment moins grave que l’homicide. Mais ce sont des péchés « source » (de « caput », la tête) dont peuvent dériver beaucoup d’autres péchés. Si l’on veut se débarrasser des mauvaises herbes, il est plus efficace de les déraciner que de les couper.
Ainsi en va-t-il du péché : le mieux est de s’attaquer aux racines que sont les péchés capitaux.

Ces péchés capitaux sont des attitudes assez fondamentales qui nous rendent inaccessibles à la grâce de Dieu. Il créent une résistance à l’action de Dieu en nous et en particulier à la consolation qu’Il veut nous donner.
Comme il y a 7 péchés capitaux, il y aura 7 points dans l’homélie de ce jour. Mais rassurez-vous ce ne sera pas très long !

Chercher sa consolation ailleurs qu’en Dieu

La gourmandise :

Commençons par la gourmandise. Vous connaissez les trois messes basses d’Alphonse Daudet !
Tenté par le diable qui, sous les traits de son jeune sacristain, lui décrit avec force détails l’exquis menu du réveillon, le malheureux prêtre n’a pas trouvé sa consolation en Jésus !

Il n’y a bien sûr aucun mal à apprécier les bonnes choses. Mais le problème commence quand ce désir de manger et de boire occupe trop de place dans mes préoccupations et me rend inaccessible à la consolation de Dieu qui est d’un autre ordre.
La gourmandise nous rend lourds, au propre comme au figuré. Elle provoque un affaiblissement de la capacité à saisir les vérités spirituelles.
La sobriété est certainement quelque chose à remettre à l’honneur dans notre vie humaine et chrétienne.

La luxure :

La luxure, l’impureté, est un autre péché capital. Elle est une « jouissance déréglée ». Elle crée souvent une forme d’esclavage. La personne perd non seulement une part de sa liberté mais aussi une part de son bon sens et de son jugement.
La véhémence des passions rend imperméables aux consolations d’ordre spirituel.

L’avarice :

Après la gourmandise et l’impureté, il y a une troisième manière de chercher sa consolation en dehors de Dieu : il s’agit de l’avarice. Lorsqu’on parle d’avarice, on ne parle pas seulement de Harpagon ou de Picsou.
Les Pères de l’Église distinguent trois aspects dans ce péché :

  • l’attachement du cœur à l’argent,
  • le désir d’acquérir sans cesse de nouveaux biens ;
  • l’opiniâtreté dans la possession.

Avec l’avarice, l’argent devient une fin au lieu de rester un simple moyen.
Je ne veux surtout pas blâmer ceux qui ont de légitimes préoccupations financières. J’entends plutôt mettre en garde contre la place démesurée que peuvent prendre les biens matériels dans notre société de consommation. D’ailleurs l’appellation « commerces essentiels » peut laisser songeur si on limite ce qui est essentiel à quelque chose d’ordre matériel.

Un peu comme ce qui concernait la gourmandise, on ne peut trouver sa consolation en Dieu que si l’on vit dans une certaine sobriété.

L’orgueil :

Le quatrième péché capital qui entre dans cette dynamique de chercher sa consolation en dehors de Dieu, c’est l’orgueil, le sommet des péchés capitaux, si je puis dire. C’est LE péché capital par excellence.
L’orgueil fait que l’on recherche sa consolation en soi-même plutôt qu’en Dieu. Ce péché capital a deux facettes principales : le fait de faire les choses pour soi et de les faire par soi.

Comme par contraste, le psaume 130 nous montre comment une forme de petitesse nous rend plus accessible à la consolation de Dieu :

« Seigneur, je n’ai pas le cœur fier ni le regard ambitieux ; je ne poursuis ni grands desseins, ni merveilles qui me dépassent. Non, mais je tiens mon âme égale et silencieuse ; mon âme est en moi comme un enfant, comme un petit enfant contre sa mère.
Attends le Seigneur, Israël, maintenant et à jamais. » (Ps 130, 1-3)

Il y a une sorte d’incompatibilité entre l’orgueil et Dieu, un peu comme l’eau et le feu. C’est ce qu’exprime par exemple le Psaume 100 :

« Le regard hautain, le cœur ambitieux, je ne peux les tolérer. » (Ps 100, 5)

L’orgueil ce n’est pas seulement la superbe, c’est aussi l’indépendance : quelquefois, on voudrait bien aider les gens mais ils ne se laissent pas aider.
Une crise comme celle que nous traversons met à l’épreuve si je puis dire notre arrogance : nous nous découvrons tellement faibles et vulnérables ! Nous pensions que les épidémies étaient bonnes pour les périodes obscurantistes où on avait la naïveté de faire des processions et des prières pour demander à Dieu son aide. Mais maintenant nous ne faisons plus les malins !

Les trois autres péchés capitaux nous rendent aussi inaccessibles à la consolation pour d’autres raisons.

La colère :

La colère fait qu’on en veut à tout le monde et qu’on n’a pas envie d’être consolé. On se bat contre ce que l’on considère comme une injustice.
Il faut bien reconnaître que cette situation engendre beaucoup de tensions dans les familles et la société. Quelqu’un disait que la colère était le refus de l’altérité. Que de positionnements différents par rapport au port du masque, à la distanciation…
Quand on est vraiment en colère, ce n’est pas le moment de nous approcher pour nous consoler.

L’envie :

L’envie ou la jalousie nous empêche de goûter la consolation qui nous est offerte personnellement. Elle nous projette à l’extérieur de nous-mêmes. On dit que l’envieux s’attriste de ce qu’a l’autre et le jaloux de ce qu’est l’autre.
Spontanément l’envieux est plus dans la critique. Il éprouve le besoin de dénigrer ceux qui vont mieux.
La victimisation n’aide pas à se laisser consoler.

L’acédie :

Quant à l’acédie, c’est une tristesse de l’âme. Elle est bien plus profonde que la paresse. C’est une forme de déprime et de dégoût des choses de Dieu qui engendre une paralysie spirituelle. L’âme est paralysée dans son élan vers Dieu. Elle ne peut cohabiter avec l’espérance et donc avec la consolation. La personne atteinte d’acédie cherche de multiples compensations à son vide intérieur, à l’ennui : que ce soit la nourriture ou les écrans. On la retrouve souvent affalée devant la télévision, absorbant du chocolat ou des cacahouètes.
Rien à voir avec la consolation de Dieu qui renouvelle notre espérance qui est une vertu dynamique ! Il y a un antagonisme entre l’acédie et l’espérance.

En conclusion je voudrais vous adresser un appel à la prière. Un très beau texte de saint Anselme nous dit ceci :

« Allons, courage, pauvre homme.
Fuis un peu tes occupations, dérobe-toi un moment au tumulte de tes pensées.
Rejette maintenant tes lourds soucis et laisse de côté tes tracas.
Donne un petit instant à Dieu et repose-toi un peu en lui.
Entre dans la chambre de ton esprit, bannis-en tout sauf Dieu ou ce qui peut t’aider à le chercher.
Ferme la porte et mets-toi à sa recherche.
À présent parle, mon cœur, ouvre-toi tout entier et dis à Dieu : "je cherche ton visage ; c’est ton visage que je cherche." » (Office des lectures p.50)

Eh oui, il faut quelquefois du courage pour fuir ses occupations. Mais bien sûr, ce n’est pas pour tomber dans l’oisiveté, la mère de tous les vices. C’est parce que le surplus d’activité peut éteindre en nous une certaine intelligence du cœur.
C’est ce que dit l’admirable prière d’ouverture de ce jour :

Ce n’est pas un hasard si la réflexion sur les péchés capitaux est née dans un milieu monastique. C’est précisément parce que ce milieu offrait une possibilité de s’intérioriser pour être attentif aux différents obstacles à la venue de Dieu.

Demandons cette grâce d’intériorité par l’intercession de la Vierge Marie. C’est vers Elle que nous tournons nos regards en ce temps de l’Avent puisqu’Elle porte Jésus,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre d’Isaïe 40,1-5.9-11.
  • Psaume 85(84),9ab-10.11-12.13-14.
  • Deuxième lettre de saint Pierre Apôtre 3,8-14.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc 1,1-8 :

Commencement de l’Évangile de Jésus, Christ, Fils de Dieu.
Il est écrit dans Isaïe, le prophète : Voici que j’envoie mon messager en avant de toi, pour ouvrir ton chemin. Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers.
Alors Jean, celui qui baptisait, parut dans le désert. Il proclamait un baptême de conversion pour le pardon des péchés.
Toute la Judée, tous les habitants de Jérusalem se rendaient auprès de lui, et ils étaient baptisés par lui dans le Jourdain, en reconnaissant publiquement leurs péchés.
Jean était vêtu de poil de chameau, avec une ceinture de cuir autour des reins ; il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage.
Il proclamait : « Voici venir derrière moi celui qui est plus fort que moi ; je ne suis pas digne de m’abaisser pour défaire la courroie de ses sandales.
Moi, je vous ai baptisés avec de l’eau ; lui vous baptisera dans l’Esprit Saint. »