Texte de l’homélie :
Frères et sœurs bien aimés,
En ce dimanche où L’Église nous invite à prier pour l’Unité des Chrétiens, j’aimerais méditer avec vous sur ce que peut signifier cette Unité des Chrétiens, une certaine manière de vivre l’œcuménisme.
Tout d’abord, ce qu’elle n’est pas. L’œcuménisme, nous l’entendons évidemment comme la communion de ceux qui ont été consacrés par un même baptême. Aujourd’hui, on l’entend dans les médias comme l’inter religieux. Mais, rappelons que l’œcuménisme rassemble ceux qui sont disciples du Christ.
Qu’est-ce que cet œcuménisme n’est pas ; qu’est-ce que cette unité n’est pas ?
On pourrait dire que l’on rassemble tout ce qui fait la différence entre les confessions chrétiennes : protestante, orthodoxe, catholique et leurs différents rites, à l’intérieur même de l’orthodoxie et du protestantisme, leur différentes sensibilités… faire une sorte de tronc commun, pour niveler à la base. On enlève tout ce qui dérange les autres : on ne parle pas trop des Saints et de la Vierge Marie aux Protestants, on ne va pas trop parler du Pape aux Orthodoxes ; bref, ce qui fâche, on le met de côté.
Ça, ce n’est pas l’Unité des Chrétiens. Et ce n’est pas non plus le chemin qu’a pris l’Eglise pour vivre l’œcuménisme.
Bien au contraire, l’unité des Chrétiens se fait « par le haut »
Elle se fait dans la mesure où chacun vit de l’expérience de Dieu qu’il a reçue dans sa propre tradition religieuse, et dans sa propre suite du Christ. Elle se fait quand je demande à celui qui vit selon la tradition protestante ou orthodoxe :
« Dis-moi ton expérience de Dieu,
Dis-moi ton expérience de Jésus,
Dis-moi qui il est pour toi, ce que tu as découvert de son mystère,
Dis-moi comment l‘écriture te parle, à ton cœur, est lumière pour le Monde. ».
Alors, nous pourrons communier, puisque nous communierons à un même Dieu et à une même Foi en Jésus-Christ.
Mais, il ne faut pas oublier que, surtout, cette unité est exigeante. Elle demande que chacun mette des mots sur sa propre expérience de Dieu. Ce n’est pas si facile. Mais, si nous sommes présents à l’Eucharistie de ce soir, c’est que nous avons fait une expérience du Seigneur, et que nous avons la Foi.
Demandons alors cette grâce de pouvoir vivre de façon profonde cette unité en rappelant ce qui fut le cœur même de notre foi et de notre expérience de Dieu.
Une unité inter-personnelle
Comme Jean-Paul II le disait, l’œcuménisme est aussi celui des personnes. Et bien souvent, avant que l’Unité soit effective, il faut qu’elle soit affective.
Cela veut dire que je rentre en amitié avec des personnes qui n’ont pas la même tradition que moi. Il se créée des liens personnels, interpersonnels, et c’est dans cette mesure-là que l’Unité pourra grandir. Et l’on voit que c’est quelque chose qui est en train de se réaliser peu à peu. Je pense aux Chrétiens d’Orient persécutés, et l’on a tous réagi comme un seul homme lorsque les Coptes ont été victimes d’attaques personnelles, voire de meurtres et de destruction de leurs propres églises en Égypte. Alors que, si l’on y regarde de plus prêt : les Coptes sont issus du premier grand schisme de l’Église à l’issue du concile de Calcédoine.
Mais, savez-vous que les Coptes sont des monophysites ? Petit rappel théologique : en effet, ils croient qu’en la personne de Jésus, il n’y a qu’une seule nature ; alors que nous, les Catholiques, nous croyons qu’en Lui, il y a tout autant la nature humaine que la nature divine. Et, puisque les séparations se sont faites sur des questions de théologie, cela veut dire qu’ils sont bien plus éloignés de nous que les Protestants ou les Orthodoxes, du point de vue de la théologie, certes, mais affectivement, lorsqu’ils ont été en difficulté, d’un seul cœur, d’une seule âme, nous nous sommes joints à eux par la prière.
Cela explique qu’il faille multiplier ces rencontres inter personnelles entre Chrétiens, pour découvrir ce qui fait le cœur de leur Foi.
Il est important que cette rencontre inter personnelle se fonde aussi sur la vérité. Et c’est une des priorités du pontificat de Benoît XVI. En effet, il y a deux lignes directrices que je peux voir :
- L’unité entre Foi et Raison
- L’unité des Chrétiens.
Une démarche qui prenne en compte toutes les sensibilités
C’est le premier pape à être allé dans un pays de tradition orthodoxe : Chypre. Il est vrai que pour Jean-Paul II, le dialogue avec les Orthodoxe était moins aisé de par sa culture polonaise. Au cœur même de cette rencontre avec cette Église, nous avons eu un exemple de l’Unité des Chrétiens.
Le premier aussi a avoir été invité de façon officielle en Grande-Bretagne, comme visite d’État et non pas seulement comme visite pastorale, à la demande de la Reine, qui elle, préside l’Église d’Angleterre, pour adresser un message à tous les Chrétiens du Royaume Uni.
C’est dire que l’Église catholique aujourd’hui a encore un rôle majeur à jouer dans l’Unité des Chrétiens, et le Saint-Père nous le rappelle.
Et quand il s’est agit de défendre Asia Bibi, vous connaissez peut-être cette femme protestante qui et enfermée dans les geôles du Pakistan, en étant accusée à tort d’avoir blasphémé le nom de Allah, qui donc est monté au créneau pour la défendre ? C’est le Saint-Père !
L’Église a besoin de rappeler à temps et à contre temps cette Unité des Chrétiens. Mais, il faut la vivre aussi à l’intérieur même de l’Église.
À ce sujet, le Saint-Père a posé un geste qui a été mal compris par de nombreux fidèles, en France en tous les cas. Je parle de la célébration du rite tridentin. Réjouissons-nous que l’on fasse bon accueil à un pasteur de l’Église réformée, par exemple. On peut regretter cependant qu’un prêtre qui célèbre la messe selon le rite tridentin – la messe en latin - c’est bien dommage, car c’est vraiment dans le sens de l’Unité des Chrétiens que le Saint-Père a travaillé en levant aussi ce qui nous séparait des intégristes lefévristes en leur proposant de rentrer dans la pleine communion de l’Église.
Car le Saint-Père sait bien que, plus un schisme divise et s’approfondit, marqué par le temps, plus il et difficile de revenir en arrière, pour rentrer dans la pleine communion. Comme vous le voyez, l’Unité des Chrétiens n’est pas toujours bien comprise, même au sein de l’Église catholique, selon les différentes sensibilités.
C’est aussi un travail. Car il faut aussi accepter l’autre comme autre que moi, comme différent : dans son expérience de Dieu, dans sa manière de célébrer, dans ce qu’il a découvert de la transcendance et de la personne de Jésus. Alors, oui, nous pouvons reconnaître que le Seigneur est à l’ouvre lorsque nous tendons la main, mais en même temps, dans un soucis de vérité.
Une démarche qui se fasse en vérité
Il est vrai que cette unité ne pourra pas se faire sans la vérité, tout simplement parce qu’il y a, dans l’Unité même, un besoin de savoir ce sur quoi on est d’accord. Et après avoir vécu de nombreux rapprochements, dans l’œcuménisme, aujourd’hui, on touche des questions théologiques de fond, et ce n’est pas toujours simple.
Le peuple chrétien demande l’Unité, et j’en suis témoin. C’est le peuple chrétien, les baptisés, qui dit : « Nous ne pouvons pas être divisés ». Mais nous ne pouvons pas être unis sur l’importe quoi. Alors, il faut demander les grâces, encore une fois, comme le baptême est une grâce, comme la Foi est une grâce.
Il faut demander la Grâce de Dieu. L’Unité ? Elle est déjà là ! j’aime à penser ça. L’Unité est déjà là, en Dieu. On ne la construit pas. Faisons attention à ne pas utiliser trop cette expression « faire Église ». L’Église, on ne la fait pas. Elle existe. On rentre dedans…
Cela veut dire que l’on accueille la communion comme une grâce. On rentre dans la Communion. Alors, c’est cela qu’il faut demander au Seigneur dans cette Eucharistie : cette grâce d’accueillir l’autre comme autre que moi, et de rentrer dans cette Communion, dans la diversité. L’Unité n’est pas l’uniformité.
Et l’on contemple bien dans la Trinité, quand on l’étudie au plan théologique : chaque personne divine, Père, Fils, et Esprit, est encore plus distincte que chaque personne humaine. Et Dieu sait si, entre nous, il y a bien des différences, mais encore plus unis dans le mystère de la divinité.
Alors, demandons au Père Fils et Esprit qu’Il nous montre le chemin de l’Unité des Chrétiens. Qu’Il nous donne à cœur de vivre et d’approfondir cette Unité au sein même de notre Église catholique. Que l’on fasse bon accueil à « celui qui n’est pas comme moi ». Et quand on et à l’intérieur de l’Église catholique comme je peux l’être comme prêtre, c’est vrai qu’il y a des différences considérables de sensibilités : entre ceux qui sont pour le social, ceux qui sont pour la liturgie… considérables ! et pourtant, c’est une même Église. Il faut tenir les deux bouts, dans la Communion du Christ.
Une démarche à faire de toute urgence !
Nous allons demander cette grâce ce soir. C’est ce que dit Saint Paul : il y a urgence. C’est le message qui émerge sur fort des lectures de ce jour.
« Le temps est limité… » nous le rappelle Saint Paul
Et le même Jonas, dans la grande ville de Ninive - qu’il faut trois jours pour traverser – la parcourt en une journée ! il y a urgence.
De même avec Jésus dans l’Évangile : par deux fois, il est redit :
« Et aussitôt, laissant là leur filets… ils le suivirent. »
Il y a comme une demande de la part du peuple des baptisés de cette urgence du Royaume.
Laissons-nous toucher par cette urgence évangélique de ces lectures d’aujourd’hui, pour ouvrir notre cœur à un Dieu qui nous appelle des ténèbres à son admirable lumière,
Amen.
Références des lectures du jour :
- Livre de Jonas 3,1-5.10.
- Psaume 25(24),4-5ab.6-7.8-9.
- Première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens 7,29-31.
- Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc 1,14-20 :
Après l’arrestation de Jean Baptiste, Jésus partit pour la Galilée proclamer la Bonne Nouvelle de Dieu ; il disait :
« Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche.
Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle. »Passant au bord du lac de Galilée, il vit Simon et son frère André en train de jeter leurs filets : c’étaient des pêcheurs.
Jésus leur dit : « Venez derrière moi. Je ferai de vous des pêcheurs d’hommes. »
Aussitôt, laissant là leurs filets, ils le suivirent.Un peu plus loin, Jésus vit Jacques, fils de Zébédée, et son frère Jean, qui étaient aussi dans leur barque et préparaient leurs filets.
Jésus les appela aussitôt. Alors, laissant dans la barque leur père avec ses ouvriers, ils partirent derrière lui.