Homélie du 33e dimanche du Temps Ordinaire

15 novembre 2021

« Amen, je vous le dis : cette génération ne passera pas avant que tout cela n’arrive. Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas. »

Écouter l’homélie

Texte de l’homélie

Chers jeunes, chers frères et sœurs, nous sommes toujours un peu déroutés par les images d’Apocalypse que nous donne l’Évangile de ce jour :

« En ces temps-là, après une terrible détresse, le soleil s’obscurcira et la lune perdra son éclat. Les étoiles tomberont du ciel, et les puissances célestes seront ébranlées. »

Dans un premier temps, je vais m’arrêter sur diverses réactions que cela suscite en nous : sidération, prise de conscience de notre vulnérabilité, solidarité.
Dans un deuxième temps, je vais voir ce que nous propose la Parole de Dieu devant de tel cataclysmes.
Et enfin, dans un troisième temps : que pouvons-nous faire ?

Quelles sont nos réactions devant de tels cataclysmes ?

La fin du monde dont parle Jésus peut nous apparaître un peu lointaine. Cela peut nous faire un peu l’effet d’un film d’horreur que nous regardons bien assis dans un fauteuil. Mais nous pouvons nous référer aussi à quelque chose de plus proche qui touche toute l’humanité tel que la pandémie du Covid : en quelques semaines la vie de l’humanité entière a été bouleversée. Nous pouvons nous référer aussi à quelque chose de très personnel où un événement fait que le monde que nous avons construit s’écroule soudain. C’est alors un cataclysme dans notre monde intérieur.

Parmi toutes les réactions que cela peut susciter en nous, j’en mentionnerai trois :

La sidération

On ne croyait pas que ce serait possible. Le train de l’insouciance de notre vie est brutalement arrêté. Quelque chose bascule. C’est tellement inédit que nous ne savons pas comment réagir. Nous sommes comme assommés…

La prise de conscience de notre vulnérabilité

Notre culture nous donne l’illusion de la toute-puissance. Nous l’avons expérimenté par rapport à la pandémie du Covid. Cela nous ramène à un peu plus d’humilité, moins d’arrogance.
Mais cela est vrai aussi de toutes les catastrophes naturelles, de certains mouvements culturels, politiques, … : nous nous sentons si petits et impuissants. Nous avons quelquefois l’impression d’être devant un rouleau compresseur impitoyable devant lequel notre marge de manœuvre est infime. Plus récemment encore, nous avons été touchés par la calamité des abus dans l’Eglise.
Nous pouvons avoir l’impression d’être pris dans des coulées de boue que rien ne saurait arrêter.

Face aux cataclysmes dont parle Jésus dans l’évangile, nous n’avons aucune prise : nous ne savons ni le jour ni l’heure ; nous ne savons pas très bien la forme que cela va prendre ; et de toute façon, cela nous dépasse complètement. Bref, cela nous rabat un peu le caquet.
Comme le dit le prophète Isaïe :

« L’orgueilleux regard des humains sera abaissé. »

Le décentrement de nous-mêmes

Nous avons quelquefois une conception très individualiste du salut. Or nous faisons partie d’une grande famille ; nous avons une maison commune, la terre. Que nous le voulions ou non, nous sommes embarqués dans une aventure commune.

« Dieu fait lever son soleil sur les bons et les méchants. »

Nous sommes invités à considérer le sort de tous, pas seulement notre sort personnel, familial, mais au-delà de nos cercles habituels. Il faut reconnaître que dans les situations de catastrophe exceptionnelle, il y a souvent de grands élans de générosité et de solidarité. Dans les coups durs, on se serre les coudes.

Après toutes ces réactions, nous essayons de réagir en essayant de nous protéger du mal.

Qu’est-ce que nous propose la Parole de Dieu devant de tel cataclysmes ?

Avant de répondre à cette question, j’aimerais me référer à l’attentat du Bataclan, il y a 6 ans, le 13 novembre 2015. En effet, beaucoup de récits nous disent qu’en arrivant sur place, les policiers ont découvert une vision d’apocalypse, quelque chose qui dépasse l’entendement.

Quelque chose de très précieux va leur permettre d’avancer vers les terroristes pour libérer les otages : un bouclier noir baptisé « Ramsès » en raison de sa forme de sarcophage. Fabriqué avec du kevlar, monté sur roulettes (il pèse 80 kg pour 1,80 m), il sera poussé en avant, en tête de colonne, pour protéger les forces de l’ordre qui avançaient en file indienne.
Outre leur courage, leur expérience et la chance, ces hommes se sont accrochés à une chose bien concrète pour les protéger, leur bouclier. Il a bien fait son office puisqu’ on dénombre 27 impacts de balles qu’il a arrêtées…

Mais qu’est-ce que peut un tel bouclier quand vient le moment décrit par la première lecture ?

« Le soleil s’obscurcit, la lune perd son éclat, les étoiles tombent du ciel, et les puissances célestes sont ébranlées ! »

La Parole de Dieu nous propose un autre bouclier : le Fils de l’homme qui vient sur les nuées avec grande puissance et grande gloire. Notre bouclier, c’est Jésus Seigneur, vainqueur de la mort et du péché. C’est le roi de l’Univers que nous célébrerons dimanche prochain.

Saint Paul, qui s’est trouvé bien des fois dans des situations difficiles, est à même de nous dire comment nous placer derrière Jésus :

« Qui nous séparera de l’amour du Christ ? s’exclame Saint Paul, la tribulation, l’angoisse, la persécution, la faim, la nudité, les périls, le glaive ? Non, en tout cela nous sommes les grands vainqueurs par celui qui nous a aimés » (Rm 8, 35-37)

Devant le mal, devant le péché, devant la mort même, « ne soyons pas abattus comme des gens qui n’ont pas d’espérance ». Nous, nous croyons que Jésus est ressuscité, qu’il est vainqueur du mal et de la mort (cf 1 Th 4, 13-14).

Le Psaume 15 que nous avons entendu nous invite – devant le danger – à nous blottir contre Dieu. En effet, ce psaume a été écrit dans un temps de persécution où il est difficile d’être fidèle à la vraie foi. Mais puisque nous savons que Dieu est comme un rocher dans une mer en pleine tempête, nous nous réfugions auprès de Lui.
C’est aussi ce qu’exprime le Psaume 120 et bien d’autres Psaumes avec des paroles un peu différentes :

« Je lève les yeux vers les monts, d’où viendra mon secours ? Mon secours me vient du Seigneur qui a fait terre et ciel. »

Nous pouvons aussi redire les paroles du « Nada te turbe » de Thérèse d’Avila :

« Que rien ne te trouble , Que rien ne t’effraie. Tout passe ; Dieu ne change pas. La patience triomphe de tout. Celui qui possède Dieu, ne manque de rien. Dieu seul suffit ! »

Que devons-nous faire ?

Si nous reprenons l’image du bouclier dont se sont servies les forces de l’ordre pour intervenir dans la scène apocalyptique du Bataclan, nous constatons qu’elles ont surtout veillé à bien rester à l’abri de la protection de ce bouclier.

Nous sommes invités nous aussi à marcher avec confiance derrière Jésus notre bouclier.

« L’attitude chrétienne juste consiste à s’en remettre avec confiance entre les mains de la Providence pour ce qui concerne le futur et à abandonner toute curiosité malsaine à ce propos. » (CEC 2115)

Ne pas s’appuyer sur des moyens douteux ou carrément mauvais

Pour se rassurer par rapport à l’avenir, certains consultent les horoscopes, l’astrologie, la chiromancie, les voyants ou les médiums (cf. CEC 2116). Agir ainsi, c’est ouvrir des portes à l’esprit du mal, c’est faire un pas de côté par rapport à notre bouclier qui est Jésus. Inutile de dire que le soir du drame du Bataclan, aucun policier n’a voulu faire un pas de côté !

Être à l’écoute de la Parole de Dieu

L’évangile du jour nous le rappelle :

« Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas. »

Nous sommes invités à écouter et mettre en pratique la Parole que Jésus nous a donnée. C’est ce qui fera que notre nom sera inscrit dans le livre de Vie. C’est cette parole qui doit éclairer notre existence personnelle (cf. PF 18 novembre 2018).

Exercer la miséricorde

Un point très particulier fait que nous serons protégés du feu éternel par Jésus : l’exercice de la miséricorde. La Journée mondiale des Pauvres que nous célébrons aujourd’hui nous rappelle cet appel à vivre de la charité envers les plus petits (cf. jugement dernier de saint Matthieu).

En conclusion, les paroles de Jésus dans l’Evangile de ce jour ont de quoi nous impressionner. Cependant, elles ne visent pas à nous faire peur. Elles nous invitent à agir avec responsabilité, sans nous croire tout-puissants, sans oublier les autres.

La deuxième lecture nous rappelle que nous pouvons compter sur le sacrifice de Jésus :

« Par son sacrifice unique, il a mené pour toujours à leur perfection ceux qui reçoivent de lui la sainteté. » (Hebreux)

Comme le Pape François nous le dit :

« Le Seigneur Jésus n’est pas seulement le point d’arrivée de notre pèlerinage sur terre, il est une présence constante dans notre vie. Il est toujours à nos côtés, nous accompagne en permanence. C’est pourquoi quand il parle d’avenir et nous projette dans sa direction, c’est toujours pour nous reconduire au présent. » (PF, 16 novembre 2015)

Et Jésus nous a donné Sa Mère, la Vierge Marie, qui est pour nous une protection « maintenant et à l’heure de notre mort »,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre de Daniel 12,1-3.
  • Psaume 16(15),5.8.9-10.11.
  • Lettre aux Hébreux 10,11-14.18.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc 12,28b-34 :

En ces jours-là, après une pareille détresse, le soleil s’obscurcira et la lune ne donnera plus sa clarté ; les étoiles tomberont du ciel, et les puissances célestes seront ébranlées.
Alors on verra le Fils de l’homme venir dans les nuées avec grande puissance et avec gloire. Il enverra les anges pour rassembler les élus des quatre coins du monde, depuis l’extrémité de la terre jusqu’à l’extrémité du ciel.
Laissez-vous instruire par la comparaison du figuier : dès que ses branches deviennent tendres et que sortent les feuilles, vous savez que l’été est proche. De même, vous aussi, lorsque vous verrez arriver cela, sachez que le Fils de l’homme est proche, à votre porte.
Amen, je vous le dis : cette génération ne passera pas avant que tout cela n’arrive. Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas.
Quant à ce jour et à cette heure-là, nul ne les connaît, pas même les anges dans le ciel, pas même le Fils, mais seulement le Père.