Texte de l’homélie :
Comme vous le savez, ce 4e dimanche de Pâques est consacré à prier de façon plus pressante pour les vocations dans l’Église. Et c’est une belle occasion qui nous est donnée de méditer sur ce que sont les vocations – parce qu’il faut en parler au pluriel – qui puissent être au service de l’Église et au service du prochain.
Vocation vient de vocare en latin : appeler. C’est donc un appel qu’un baptisé reçoit de la part du Seigneur, dont Le Seigneur a l’initiative.
Les récits de vocation dans la Bible commencent avec quelqu’un qui se met à l’écoute de, qui se décentre. On le voit avec Abraham, avec Moïse et les prophètes, avec les apôtres et jusqu’à nos jours. Il s’agit d’une personne qui se met dans une attitude d’écoute, dans une attitude plus contemplative, pour se laisser surprendre par quelque chose qui l’habite.
Mais, si la vocation vient de Dieu, elle demande toujours de quitter quelque chose, ou quelqu’un. On le voit déjà dans l’Ancien Testament avec Abraham :
« Quitte ton pays et la maison de ton père. »
On le voit dans la vocation matrimoniale :
« L’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme. »
Plusieurs vocations
Il y a bien quelque chose à quitter. Et la force du « Oui » qui est à donner à l’appel de Dieu est aussi la force du « Non ». C’est là que l’on vérifie qu’il y a un vrai appel : je quitte quelque chose pour quelque chose d’autre. Je me mets en route ; et l’on voit que le Seigneur nous invite à rentrer dans cette dimension. La vocation, c’est entrer dans une logique de don de façon plus concrète. Et dans l’Église, on reconnaît deux grandes sortes de vocations, qui sont des manières différentes d’incarner l’alliance que Dieu a scellé avec les hommes :
- la vocation dans le mariage (la vie matrimoniale)
- la vocation dans le célibat consacré (la vie sacerdotale)
Comme nous le dit Saint Jean dans la première lecture, ces deux vocations sont des réponses à l’amour :
« Nous avons connu l’amour de Dieu, et c’est parce que nous l’avons connu que nous voulons répondre amour pour amour. »
Dans l’amour matrimonial, il y a cet amour privilégié pour une personne qui est en jeu. Dans la vocation au célibat consacré, c’est cet amour universel : il y a quelque chose en moi qui va au-delà de cette personne singulière – époux, épouse, enfants, ce qui est naturel – mais quelque chose qui m’invite à l’universalité, dans un amour qui n’a pas de frontières.
Quand on prie pour les vocations, c’est bien sur pour les vocations matrimoniales car c’est un véritable appel, et c’est toujours intéressant de vérifier dans la préparation au mariage l’appel à fonder un foyer et une vraie réponse à cet appel, ainsi que l’attitude par rapport au futur conjoint : est-ce que je vois l’autre comme un don de Dieu ? Ai-je réalisé que cet appel à la vie matrimoniale est enraciné dans les réalités humaines.
Ai-je ouvert mon cœur à quelque chose d’autre que cette réalité humaine et naturelle. N’oublions pas ce côté naturel que l’on voit dès la genèse. C’est le mariage chrétien, comme signe du Royaume, de l’amour de Dieu pour Son peuple, est une vocation surnaturelle, marqué par un sacrement. Il y a quelque chose de sacré dans l’union de deux chrétiens qui veulent témoigner de l’amour de Jésus.
Dans le choix du célibat consacré, quelque chose d’autre et d’absolu se manifeste, une identification au Christ : le sacerdoce et la vie religieuse en sont les deux chemins.
- le sacerdoce comme pasteur, suivant l’image du Bon Pasteur qui guide son troupeau donnée pour cette journée : le prêtre est chargé d’une paroisse, il donne sa vie pour elle. Et c’est le côté à la fois enthousiasmant et épuisant du sacerdoce, car cette logique de don n’a pas de fin…
- la vocation à la vie religieuse est moins de guider le peuple de Dieu que d’être un signe du Royaume, un poteau indicateur. Les religieux sont là pour indiquer le Royaume de Dieu dans la forme particulière de leur institut, et pour nous interroger sur la radicalité de ce choix de vie.
Pourquoi tout quitter ?
Cette question revient tant dans le sacerdoce que dans la vie religieuse - notamment dans notre ère où tant de personnes vivent seules – le célibat consacré qui est cette vie donnée, dans une logique de don sans retour.
Ainsi, on pourrait se demander s’il n’y a que deux formes d’appel : la vie matrimoniale et la vie consacrée ? Pourquoi ne pas imaginer d’autres vocations, à l’heure où tant de personnes vivent seules, ne se marient pas, ou vivent en couples puis se séparent ? notre société semble bousculée, fragilisée de ce côté là…
Pourquoi pas un appel sous forme de service ? n’y a-t-il pas des vies professionnelles qui sont de l’ordre de la vocation, notamment dans les secteurs à forte valeur ajoutée comme dans le milieu médical, éducatif, social… Il s’agit bien là d’un appel, mais cependant pas du même ordre qu’un état de vie.
Il faut distinguer l’appel dans une vocation professionnelle et l’appel dans un état de vie. L’état de vie unifie la vie, permet de tout voir sous l’optique de l’alliance, que ce soit avec une personne dans le mariage, ou de l’alliance à la suite du Christ dans le célibat.
Il est intéressant d’être à l’écoute des appels qui nous sont lancés. Les appels du quotidien, et ceux des grands choix de vie.
Savez-vous qu’il y a trois grands choix dans l’existence :
- le choix de Dieu
- le choix de l’état de vie
- le choix de la profession Ce sont les grandes décisions que chacun a à faire. En dehors de cela, il y a beaucoup d’autres choix à poser, à commencer par le choix de faire le bien : dans telle ou telle situation, c’est le Saint Esprit qui vous appelle intérieurement à faire le bien. Par opposition, le péché par omission est commis dans le cas où l’on voit le bien qu’il y a à faire, mais par paresse, par vanité ou pour tout autre raison, on y renonce car cela nous demande de sortir de nous-mêmes et de rentrer dans une logique de don. Toute vocation, tout appel petit ou grand nous invite à rentrer dans un don de nous-même et c’est cela qui nous rend semblables au Christ : on rentre dans ce don désintéressé de nous-mêmes. Chaque appel sollicite notre liberté. C’est ce que le Seigneur nous dit dans l’Evangile :
« Ma vie, nul ne peux me l’enlever. J’ai le pouvoir de la donner, j’ai le pouvoir de la reprendre. »
On l’a vu ces dernières semaines : le Christ s’avance volontairement, librement vers Sa Passion. C’est un signe fort à méditer dans les lectures de la semaine Sainte. Chaque vocation, chaque appel petit ou grand exerce notre liberté : cela nous fait grandir en humanité, car on se met à l’écoute de quelqu’un de cet hôte intérieur. Et cela nous demande toute une vie de silence et de prière.
Il est intéressant de méditer sur l’appel, sur l’appel de Dieu au sens large. Car ce n’est pas parce qu’un état de vie est déterminé qu’il n’y a plus d’appel. Par exemple, il y a plusieurs appels dans une vie matrimoniale comme dans une vie consacrée. Dans toute vie, c’est Dieu qui frappe à la porte. Nous croyons en un dieu qui agit dans l’histoire, qui rentre dans nos humanités et qui – par son Saint Esprit – nous fait bouger intérieurement. Et cela nous demande d’être attentifs aux signes qui peuvent être lancés dans le service de la communauté, de l’Eglise ou de la société. Un autre point peut-être de constater combien le manque appelle. Le pape Jean-Paul II racontait comment il a eu son appel au sacerdoce. Il avait vu le vieux père de sa paroisse décéder, et il s’est posé la question :
« Qui va le remplacer ? Pourquoi pas moi ?
Envoie-moi Seigneur (comme dans Isaïe). »
La réalité appelle, le manque appelle : il y a un bien à faire. « Et pourquoi pas moi, Seigneur ? ».
C’est une autre manière différente de regarder la réalité de notre monde, avec un regarde de Foi. Dans cette réalité concrète que le Seigneur nous donne dans ce monde, Dieu nous attend.
Toute vie est vocation. Il n’est pas de vie inutile, ni de vocation inutile. Toute vie vaut la peine d’être vécue, même celle qui semblerait la plus fragile, le plus blessée dit quelque chose.
Les vocations ne sont pas uniquement dans le célibat consacré : la première vocation est l’appel à vivre. Et pour certains, c’est déjà beaucoup d’énergie : les raisons de santé, de relations et d’équilibre psychologique font qu’il est plus difficiles pour certains de vivre que pour d’autres. Et de choisir la vie est déjà répondre à l’appel de Dieu.
Cette notion de vocation est multiforme, ce qui permet justement à chacun de trouver quelque chose, que tout le monde puisse trouver sa place, un chemin avec le Seigneur.
Suivant l’échange d’un journaliste avec le pape Benoît XVI :
« Combien y a-t-il de manières de suivre Dieu ? »
« Il y a autant de chemins que de personnes. »
La manière de suivre Dieu est multiple. Personne ne peut dire qu’il n’est pas appelé, qu’il n’a pas de place réservée et dans laquelle il peut exercer un amour désintéressé. Il faut juste la trouver, et cela demande un discernement : pour certains, c’est plus facile, pour d’autre c’est plus compliqué. Mais partons d’abord d’un acte de Foi : dans notre société, chacun a une place, quelque chose à vivre de manière unique par cet amour désintéressé.
Amen !
Références des lectures du jour :
- Livre des Actes des Apôtres 4,8-12.
- Psaume 118(117),1.8-9.21-23.26.28cd.29.
- Première lettre de saint Jean 3,1-2.
- Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 10,11-18 :
En ce temps-là, Jésus déclara :
« Moi, je suis le bon pasteur, le vrai berger, qui donne sa vie pour ses brebis.
Le berger mercenaire n’est pas le pasteur, les brebis ne sont pas à lui : s’il voit venir le loup, il abandonne les brebis et s’enfuit ; le loup s’en empare et les disperse.
Ce berger n’est qu’un mercenaire, et les brebis ne comptent pas vraiment pour lui.Moi, je suis le bon pasteur ; je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent, comme le Père me connaît, et que je connais le Père ; et je donne ma vie pour mes brebis.
J’ai encore d’autres brebis, qui ne sont pas de cet enclos : celles-là aussi, il faut que je les conduise. Elles écouteront ma voix : il y aura un seul troupeau et un seul pasteur.
Voici pourquoi le Père m’aime : parce que je donne ma vie, pour la recevoir de nouveau. Nul ne peut me l’enlever : je la donne de moi-même.
J’ai le pouvoir de la donner, j’ai aussi le pouvoir de la recevoir de nouveau : voilà le commandement que j’ai reçu de mon Père. »