Homélie du deuxième dimanche de Carême

1er mars 2021

Survint une nuée qui les couvrit de son ombre, et de la nuée une voix se fit entendre : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé : écoutez-le ! »

Écouter l’homélie

Texte de l’homélie :

Chers frères et sœurs, j’aimerais reprendre avec vous le cheminement spirituel des apôtres dans ce passage de la transfiguration à travers trois verbes : voir – écouter – cheminer.
Tout d’abord ils voient Jésus transfiguré ; puis la voix du Père leur demande d’écouter Jésus ; et enfin, ils doivent continuer à cheminer lorsqu’ils redescendent de la montagne.

Voir – faire l’expérience

Tout d’abord les apôtres ont la grâce de voir Jésus transfiguré. Ils font une expérience de Dieu marquante et la garderont en mémoire puisque saint Pierre s’y référera des années après :

« Nous avons vu sa majesté de nos yeux. » (2 P 1, 16)

Même si ce n’est sans doute pas aussi marquant que pour Pierre, Jacques et Jean, vous avez sans doute fait une expérience de Dieu.

Peut être était-ce dans la prière où vous avez été saisis par la présence, l’amour de Dieu ou même sa miséricorde. Saint Paul – que nous avons entendu dans la deuxième lecture – a visiblement été saisi par cet amour de Dieu :

« Frères, si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ?
Il n’a pas épargné son propre Fils, mais il l’a livré pour nous tous : comment pourrait-il, avec lui, ne pas nous donner tout ? »

L’amour de Dieu s’est rendu visible en Jésus (Rm 8, 39).

Peut-être était-ce simplement dans la simplicité d’une vie fraternelle animée par la charité, que vous avez expérimenté quelque chose de la présence de Jésus ? La charité fraternelle est un signe véritable comme le dit Jésus « à ce signe » …

Peut-être était-ce à la lecture de la Parole de Dieuvous avez été illuminés et habités soudain par une certitude.

Peut-être est-ce à l’occasion d’une visite de Dieu à un moment de votre vie où vous étiez vulnérable ou découragé ? Peut-être avez-vous eu la conviction d’avoir été protégés ou sauvés par le Seigneur ? Peut-être avez-vous fait une belle expérience de la Providence ?

Peut-être avez-vous été saisi devant la beauté d’un paysage qui vous a parlé de son auteur ?

Peut-être est-ce à travers la rencontre d’un témoin qui était tellement habité par Dieu qu’il réfléchissait comme en un miroir, la gloire et l’amour du Seigneur (2 Co 3,18). ?

Il y a mille manières par lesquelles Dieu peut se manifester. Dans tous les cas, il se produit une certaine illumination et cela ne nous laisse pas du tout indifférents. Il y a quelque chose de très personnel dans cette expérience :

« Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean, et les emmène, eux seuls, à l’écart sur une haute montagne. »

On ne sait pas toujours pourquoi nous avons fait cette expérience et pas les autres.

Peut-être cet événement était-il complètement inattendu ou peut-être vous étiez-vous préparés un peu comme les apôtres à qui Jésus avait demandé de gravir la montagne ? En tout cas, il est important de savourer ces événements, de les garder en mémoire, de mettre des mots et d’en faire un récit au moins pour vous-même, de ne pas passer trop vite à autre chose. Nous pouvons aussi revenir sur ces événements dans la prière.

Écouter – entrer dans une relation

Après voir, écouter.

« De la nuée une voix se fit entendre : ’Celui-ci est mon Fils bien-aimé : écoutez-le’ ! »

Dans la gnose ou les mystères grecs, la relation de l’homme à Dieu est fondée avant tout sur la vision. Dans la Bible, c’est sur l’écoute.

« La foi naît de l’écoute » (Rm 10, 17)

Quand on voit, on peut rester un peu à distance, un peu comme un spectateur. Dans la vision, on peut être très seul. À un certain moment, Dieu nous demande une réponse ; il nous demande de passer de spectateur à acteur, de faire un pas. C’est le moment où j’entre vraiment en relation. L’audition suppose une relation de confiance entre les personnes. C’est toute la différence entre voir par soi-même et faire confiance à un autre qui a vu. L’écoute comporte une part de docilité, de confiance.

« Saint Paul a parlé de « l’obéissance de la foi » (cf. Rm 1, 5 ; 16, 26). » (Lumen Fidei n° 29)

C’est le passage de Dieu pour moi à moi pour Dieu. C’est le moment où nous nous mettons au service de Dieu plutôt que de le mettre à notre service. Cela suppose un décentrement.

S’il est important d’inviter les jeunes à se rendre disponibles pour faire l’expérience de Dieu, il est également important de les inviter à répondre à Dieu et de ne pas rester consommateurs ou spectateurs. C’est précisément dans cette réponse que grandit notre relation avec le Seigneur.

Cheminer – approfondir dans la durée

Après cette expérience bouleversante de la Transfiguration, les apôtres « descendirent de la montagne » ; ils redescendent dans la plaine. C’est un moment plus austère. Pierre aurait bien aimé planter des tentes pour prolonger cette expérience ineffable mais ce n’était pas encore l’arrivée au Ciel. Il faut bien revenir à la vie quotidienne et continuer à avancer sur notre chemin.

L’expérience de Dieu a besoin de s’incarner dans la durée. Nous sommes invités à accepter qu’il y ait tout un chemin. Il s’agit – comme le dit le prophète Michée – de « marcher humblement avec ton Dieu. » (Mi 6, 8) La vie quotidienne est un lieu de purification de nos motivations. Comme le dit le pape François :

« La foi est, en outre, une connaissance liée à l’écoulement du temps, dont la parole a besoin pour se dire : c’est une connaissance qui s’apprend seulement en allant à la suite du Maître (sequela). » (Lumen fidei n° 29)

Nous voyons qu’il ne suffit pas d’écouter une parole de façon ponctuelle mais de l’écouter au fil de notre expérience quotidienne. L’oraison de ce jour peut nous faire penser à la marche d’Élie dans le désert :

« Fais-nous trouver dans ta parole les vivres dont notre foi a besoin ; et nous aurons le regard assez pur pour discerner ta gloire. »

On se souvient d’Élie découragé ; peut-être le sommes nous aussi.

« Écouter le Christ, implique d’assumer la logique de son mystère pascal, de se mettre en chemin avec Lui pour faire de son existence un don d’amour aux autres, en obéissance docile à la volonté de Dieu, avec une attitude de détachement par rapport aux choses mondaines et de liberté intérieure. Il faut, en d’autres termes, être prêts à “perdre sa vie” en la donnant (cf. Mc 8,35), afin que tous les hommes soient sauvés : ainsi nous entrerons dans le bonheur éternel. » (Pape François, 1er mars 2015)

La Parole de Dieu nous aide à purifier notre regard sur la souffrance. La foi n’exclut pas la souffrance mais elle donne de la vivre différemment car nous savons que Jésus est présent et nous avons entrevu quelque chose qui allait au-delà. La foi nous aide à intégrer la souffrance dans notre cheminement :

« Ne fallait-il pas que le Christ endurât ces souffrances pour entrer dans sa gloire ? » (Lc 24, 26)

Les apôtres n’ont pas tout compris de leur expérience mais elle leur reste en mémoire. Il ne comprendrons ce que veut dire « ressusciter d’entre les morts » que des années après. Cette expérience de la Transfiguration n’empêchera pas Pierre de renier Jésus pendant sa passion. Mais sans doute l’aidera-t-elle à se relever.
C’est aussi ce qui lui donnera la force de subir son martyre, car il a la certitude que ses souffrances débouchent sur la Vie.

Conclusion :

Demandons à la Vierge Marie, notre guide sur le chemin de la foi, de nous aider à porter notre regard sur Jésus (voir), à écouter ce qu’il nous dit et à cheminer en compagnie de Jésus qui a voulu s’unir à chaque homme (cf. Gaudium et Spes 22) afin de le conduire par la souffrance et la mort à la plénitude de la vie. Comme le dit une antienne :

« Les yeux fixés sur Jésus-Christ, entrons dans le combat de Dieu. »

C’est en contemplant Jésus que nous pouvons entrer dans le mystère de la souffrance qui est une terre hostile. Jésus est le bon berger qui nous conduit :

« Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi : ton bâton me guide et me rassure. » (Ps 22, 4)

Pour terminer, j’aime beaucoup cette phrase du Père Xavier-Léon Dufour :

« L’Église lit sur la face illuminée de son Seigneur le sens de l’histoire qu’elle vit, de la croix qu’elle porte et qui l’achemine vers la gloire du Fils de Dieu, en union avec Jésus transfiguré. »

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre de la Genèse 22,1-2.9a.10-13.15-18.
  • Psaume 116(115),10.15.16ac-17.18-19.
  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Romains 8,31b-34.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc 9,2-10 :

En ce temps-là, Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean, et les emmène, eux seuls, à l’écart sur une haute montagne. Et il fut transfiguré devant eux.
Ses vêtements devinrent resplendissants, d’une blancheur telle que personne sur terre ne peut obtenir une blancheur pareille. Élie leur apparut avec Moïse, et tous deux s’entretenaient avec Jésus.
Pierre alors prend la parole et dit à Jésus : « Rabbi, il est bon que nous soyons ici ! Dressons donc trois tentes : une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. »
De fait, Pierre ne savait que dire, tant leur frayeur était grande.
Survint une nuée qui les couvrit de son ombre, et de la nuée une voix se fit entendre : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé : écoutez-le ! »
Soudain, regardant tout autour, ils ne virent plus que Jésus seul avec eux.

Ils descendirent de la montagne, et Jésus leur ordonna de ne raconter à personne ce qu’ils avaient vu, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts.
Et ils restèrent fermement attachés à cette parole, tout en se demandant entre eux ce que voulait dire : « ressusciter d’entre les morts ».