Homélie de la solennité de l’Assomption de la Vierge Marie

16 août 2024

« Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur ! »

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Texte de l’homélie

L’Assomption (du latin assumere, prendre, enlever) de la Vierge Marie est un)dogme proclamé par le pape Pie XII en 1950 : « Marie toujours vierge, après avoir achevé le cours de sa vie terrestre, a été élevée en corps et en âme à la Gloire céleste. »

Le 15 août a été décrété fête nationale de la France quand Louis XIII décida de placer son Royaume sous la protection de la Vierge Marie. De là est née la tradition d’une prière pour la France qui, s’enracine dans ce que les historiens appellent encore "le vœu de Louis XIII". C’est donc un jour de prière particulier pour notre pays.

C’est une très belle fête qui nous est donnée au cœur de l’été alors que nous approchons de la rentrée. D’abord, cette fête nous rappelle que notre destinée, c’est le Ciel ; les choses de la terre ne comblent pas le cœur de l’homme. Elle est aussi une invitation à ne pas nous décourager devant les épreuves, les difficultés, la souffrance. Et enfin elle nous rappelle que nous ne sommes pas seuls.

L’Assomption de Marie nous rappelle que notre destinée, c’est le Ciel

Marie aspirée dans la gloire

L’Assomption de Marie, c’est un peu comme l’Ascension de Jésus au Ciel. Mais il y a une différence : Marie ne monte pas au Ciel par elle-même mais parce que Jésus l’attire au Ciel. Elle est comme – pardonnez-moi l’expression – « aspirée » par Jésus. C’est ce qu’exprime saint Paul dans la deuxième lecture : « C’est dans le Christ que tous recevront la vie, mais chacun à son rang : en premier, le Christ, et ensuite, lors du retour du Christ, ceux qui lui appartiennent. »

Marie est la première en chemin

Marie est le premier membre de l’Église à être entré corps et âme dans la gloire. Cela nous fait du bien de voir quelqu’un qui est déjà arrivé. Cela nous montre que – avec la grâce de Dieu –, c’est possible. C’est d’ailleurs pour cela que dans la procession avec la statue de Marie, nous mettons la statue de Marie en premier. Comme le dit le cantique, Marie est la « première en chemin ». Marie nous indique la bonne direction à prendre. C’est d’ailleurs pour cela que le chapitre concernant Marie est le dernier de ce document sur l’Église (n° 59 et 68 de Lumen Gentium). Nous y lisons :

« Tout comme dans le ciel où elle est déjà glorifiée corps et âme, la Mère de Jésus représente et inaugure l’Église en son achèvement dans le siècle futur, de même sur cette terre, en attendant la venue du jour du Seigneur, elle brille déjà comme un signe d’espérance assurée et de consolation devant le peuple de Dieu en pèlerinage » (LG 68).

C’est aussi notre destinée ; nous sommes attendus !

Notre vie ne s’achève pas dans le néant. Nous ne tournons pas non plus en rond comme les Hébreux dans le désert. Nous avons un but, une finalité : le Ciel. Comme le dit le pape François :

« Notre vie, vue à la lumière de Marie emportée au Ciel, n’est pas un vagabondage dépourvu de sens mais un pèlerinage, lequel, en dépit de toutes ses incertitudes et de toutes ses souffrances, a un terme assuré : la maison de notre Père, qui nous attend avec amour. Il est beau de penser que nous avons un Père, qu’il nous attend avec amour et que notre Mère Marie elle aussi est là-haut et qu’elle nous attend avec amour. » (Pape François, 15 août. 2015)
« Dieu nous attend, nous n’avançons pas dans le vide, nous sommes attendus. Dieu nous attend et, en allant dans l’autre monde, nous trouvons la bonté de la Mère, nous retrouvons nos proches, nous trouvons l’Amour éternel. Dieu nous attend : voilà la grande joie et la grande espérance qui naît précisément de cette fête. » (Benoît XVI, 15 août 2012)

Notre destinée, à la suite de Marie, c’est, comme le dit le psaume 45 que nous avons entendu, d’être conduits « tout parés, vers le roi », d’« entrer au palais du roi » qui est « séduit par notre beauté ». Cette beauté, c’est lui qui l’a donnée à Marie et qui nous l’a redonnée à nous pauvres pécheurs. Il est bon de se rappeler que Dieu sera vraiment heureux de nous voir entrer dans son paradis. Il s’émerveillera devant nous.

L’Assomption nous invite à regarder autrement les épreuves et les souffrances

Pour l’instant, nous sommes encore dans cette « vallée de larmes » comme le dit le salve Regina. Nous sommes appelés à vivre de foi et d’espérance.

Au-delà des souffrances et épreuves, il y a un vrai combat ; il y a un enjeu

C’est ce qu’exprime bien l’auteur de l’Apocalypse. Les forces du mal sont représentées par le "dragon rouge-feu" déchaîné jusque dans le ciel même. L’image de l’enlèvement de l’enfant "auprès de Dieu et de son trône" symbolise la Résurrection du Christ ; elle était claire pour les premiers Chrétiens habitués à parler de lui comme le "Premier-Né" désormais assis à la droite de Dieu.

Ce combat est le lieu non seulement d’une purification de nos cœurs mais aussi d’un affermissement de notre amour pour Dieu et d’un élargissement de notre capacité d’aimer.

C’est le lieu de l’espérance qui nous aide à percevoir déjà la victoire de Dieu sur le mal

Cette victoire est déjà là, elle est acquise par le sang de l’Agneau, même si elle est loin d’être manifestée ! C’est une invitation à la louange qui voit plus loin, plus profond, que le mal et la mort. La louange est une profession de foi en la toute-puissance de Dieu qui sait tirer un bien du mal. Comme le dit saint Paul :

« Nous le savons, quand les hommes aiment Dieu, lui-même fait tout contribuer à leur bien, puisqu’ils sont appelés selon le dessein de son amour. » (Rm 8, 28)
« Maintenant voici le salut, la puissance et le règne de notre Dieu, voici le pouvoir de son Christ ! Car il est rejeté, l’accusateur de nos frères, lui qui les accusait, jour et nuit, devant notre Dieu. »

« En célébrant cette fête, (…) nous contemplons Marie comme Mère de notre espérance. Son chant de louange nous rappelle que Dieu n’oublie jamais ses promesses de miséricorde (cf. Lc 1, 54-55). Marie est celle qui est pleine de grâce parce qu’ ‘‘elle a cru en l’accomplissement de tout ce qui lui a été dit de la part du Seigneur’’ (Lc 1, 45). En elle, toutes les promesses de Dieu se sont révélées véridiques. Intronisée dans la gloire, elle nous montre que notre espérance est réelle ; dès à présent, cette espérance se présente comme ‘‘une ancre sûre et solide pour l’âme’’ (He 6, 19), là où le Christ est assis dans la gloire. » (Pape François, 15 août 2014)

Il s’agit de voir ces souffrances comme celles d’un accouchement qui conduit à la vie et non pas au vide.

Regarder l’étoile

Si nous sommes tentés par le découragement, le Concile Vatican II nous rappelle opportunément que :

« Marie brille déjà comme un signe d’espérance assurée et de consolation devant le peuple de Dieu en pèlerinage. » (LG 68)

C’est ce que rappelle magnifiquement saint Bernard lorsqu’il parle de Marie comme l’étoile de la mer :

« O homme qui te sens dériver, dans cette marée du monde parmi les orages et tempêtes, plutôt que marcher sur la terre ferme, ne détourne pas les yeux de l’éclat de cet astre, si tu ne veux pas sombrer dans la bourrasque. Quand se lève le vent des tentations, quand tu es emporté vers les récifs de l’adversité, regarde l’étoile, appelle Marie ! Si tu es ballotté par les vagues de l’orgueil, de l’ambition, du dénigrement, de la jalousie, regarde l’étoile, appelle Marie ! … Dans les périls, dans les angoisses, dans les situations critiques, pense à Marie, invoque Marie ! » (Saint Bernard)

L’Assomption nous rappelle que nous ne sommes pas seuls

Sur ce chemin, nous ne sommes pas seuls. Déjà lors de son Ascension, Jésus, l’Emmanuel, avait redit :

« Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. » (Mt 28, 20)

Un lien personnel avec Dieu mais pour les autres

Le début du Magnificat (cf. Lc 1, 46-50) est une sorte de voix soliste qui s’élève vers le ciel pour atteindre le Seigneur. On peut en effet noter la répétition constante de la première personne : « Mon âme… mon esprit… mon Sauveur… me diront bienheureuse… fit pour moi des merveilles… »

Mais il y a un deuxième mouvement qui fait davantage penser à un chœur, comme si, à la voix de Marie, s’associait celle de toute la communauté des fidèles qui célèbrent les choix surprenants de Dieu.

Marie ne nous abandonne pas

Lors de son Assomption, Marie ne nous abandonne pas. Elle est plus que jamais présente à ce que les hommes de tous les lieux et de tous les temps peuvent vivre. Comme le dit si bien saint Bernard :

« Nous avons envoyé en avant notre avocate…, mère de miséricorde, pour plaider efficacement notre salut. »

Comme Esther, introduite dans le palais du roi, Marie n’a pas oublié son peuple menacé (cf. Esther 5). Comme Thérèse de Lisieux et bien plus qu’elle, elle passe son ciel à faire du bien sur la terre.

« Je sens que ma mission va commencer, ma mission de faire aimer le bon Dieu comme je l’aime, de donner ma petite voie aux âmes. Si le bon Dieu exauce mes désirs, mon ciel se passera sur la terre jusqu’à la fin du monde. Oui, je veux passer mon ciel à faire du bien sur la terre. »

Comme le dit magnifiquement Benoît XVI :

« Marie est élevée corps et âme à la gloire du ciel et avec Dieu et en Dieu, elle est Reine du ciel et de la terre. Est-elle si éloignée de nous ? Bien au contraire. Précisément parce qu’elle est avec Dieu et en Dieu, elle est très proche de chacun de nous. Lorsqu’elle était sur terre, elle ne pouvait être proche que de quelques personnes. Étant en Dieu, qui est proche de nous, qui est même « à l’intérieur » de nous tous, Marie participe à cette proximité de Dieu… Elle nous écoute toujours, elle est toujours proche de nous, et, étant la Mère du Fils, elle participe de la puissance du Fils, de sa bonté. » (Benoît XVI assomption 2005)

Au pied de la Croix, Marie a reçu une mission pour l’humanité

Marie espère pour toute l’humanité et pas seulement pour elle-même. Nous la voyons attentive aux pauvres et aux petits : « élever les humbles… combler de biens les affamés… relever Israël. »

Ce n’est pas un hasard si les gens se tournent volontiers vers Marie pour obtenir certaines grâces.

Conclusion :

En ce beau jour de l’Assomption, je vous invite à contempler et admirer la Vierge Marie, d’abord pour elle-même, mais aussi pour vous réjouir de la place que Dieu vous réserve au Ciel.

Si votre chemin est difficile, n’hésitez pas à recourir au réconfort de sa présence maternelle. Si vous voyez des personnes dans l’épreuve, n’hésitez pas à les confier à sa prière maternelle !

Dans ce sens, je trouve beau ce rassemblement qu’il y a chaque année à Lourdes pour cette fête : ceux qui sont dans la galère se rassemblent sous le manteau de Marie.

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre de l’Apocalypse 11,19a.12,1-6a.10ab.
  • Psaume 45(44),11-12a.12b-13.14-15a.15b-16.
  • Première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens 15,20-27a.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 1,39-56 :

En ces jours-là, Marie se mit en route et se rendit avec empressement vers la région montagneuse, dans une ville de Judée. Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth.
Or, quand Élisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant tressaillit en elle. Alors, Élisabeth fut remplie d’Esprit Saint, et s’écria d’une voix forte :
« Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni.
D’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? Car, lorsque tes paroles de salutation sont parvenues à mes oreilles, l’enfant a tressailli d’allégresse en moi.
Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. »
Marie dit alors : « Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur !
Il s’est penché sur son humble servante ; désormais tous les âges me diront bienheureuse.
Le Puissant fit pour moi des merveilles ; Saint est son nom !
Sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent.
Déployant la force de son bras, il disperse les superbes.
Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles.
Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides.
Il relève Israël son serviteur, il se souvient de son amour,
de la promesse faite à nos pères, en faveur d’Abraham et sa descendance à jamais. »

Marie resta avec Élisabeth environ trois mois, puis elle s’en retourna chez elle.