Homélie du 7e dimanche de Pâques

15 mai 2018

« Je ne prie pas pour que tu les retires du monde, mais pour que tu les gardes du Mauvais. Ils n’appartiennent pas au monde, de même que moi, je n’appartiens pas au monde.
Sanctifie-les dans la vérité : ta parole est vérité. »

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Texte de l’homélie :

Ce chapitre 17e de Saint Jean faisant partie du grand discours de la Cène, s’appelle la prière sacerdotale. C’est le Christ qui s’adresse à Son père et qui prie pour les apôtres – dans ce cas particulier – mais aussi pour nous. C’est intéressant : Jésus prie pour nous. Mais, qu’est-ce qu’Il demande pour nous ? Il y a plusieurs choses, mais on peut s’attacher à une supplication particulière :

« Ils sont dans le monde, mais je te demande qu’ils n’appartiennent pas au monde. »

On sait bien que c’est une tension sans laquelle nous, Chrétiens, nous sommes appelés à vivre : être dans la monde mais ne pas être du monde, ne pas avoir les mœurs du monde. Etre dans le monde en le refusant, avec la tentation millénariste - cette idée de fin du monde imminente propre à chaque fin de millénaire - celle de se retirer, ne fait pas du bien et a été d’ailleurs rejetée très vivement par l’Eglise.
A la fois, il y a cette tentation d’avoir l’esprit du monde, c’est à dire un esprit de vaine gloire, de profit, d’orgueil, de placer son ego : voilà l’esprit du monde.
Cela veut dire que le Chrétien, le disciple de Jésus, doit discerner. Le Christ dit :

« Je te demande de les garder du mauvais. »

Etre Chrétien, c’est aussi entrer dans un combat spirituel, un combat intérieur. C’est pour nous l’invitation à nous remettre sans cesse face au Saint Esprit – c’est ce que dit Saint Jean dans la 2e lecture :

« Nous avons part à Son esprit. »

Comment reconnaître l’esprit de Dieu ?

C’est important de se laisser éclairer par l’esprit de Dieu avec de prendre des décisions. Mais, comment reconnaître l’esprit de Dieu ?
Jésus donne des critères de discernement dans cette prière. Premier critère, l’unité.

L’unité

La décision que je vais prendre va t-elle faire grandir l’unité autour de moi (dans ma famille, dans ma vie professionnelle, ma communauté paroissiale ou religieuse…) ou en moi, ou va t-elle semer la division ? Ce premier critère est important pour discerner si l’on est dans monde mais non pas du monde.

Une deuxième question est liée à cette première : l’unité apporte la joie comme fruit.

La joie

C’est un deuxième critère à analyser la joie : est-ce que la décision que je vais est source de joie. C’est un vrai critère de décision : est-ce que cela me rapproche du Seigneur, est-ce que cela me met en contact avec Lui, ou est-ce qu’au contraire ça m’en éloigne ?
Nous sommes sans cesse tiraillés en tant que Chrétien, c’est inévitable : on aimerait que les choses soient simples, mais elle ne le sont pas.

Cessons de croire en un paradis terrestre, même si ce n’est pas facile d’y renoncer. On voit des sectes qui promettent le Paradis sur terre. Y croire n’est pas être disciple de Jésus, pas compatible avec la foi chrétienne. Nous renonçons à ce que la communion entre les hommes soient parfaite, nous renonçons à ce que l’unité entre nous soit parfaite, car nous savons que nous sommes marqués par le péché, par le combat spirituel.
Et quand on a fait ce renoncement personnel et intérieur, cela nous laisse toute une plage de moyens de discernement et de prise de décision, sachant que ce monde est marqué par le péché, pour ne pas augmenter la tristesse et la division, selon à la faible mesure et selon mes pauvres moyens.

Et c’est cela que Jésus nous demande : « Vous êtes dans ce monde-ci, ne le fustigez pas. » Ne cherchons pas à savoir ce qu’il en aurait été si l’on était nés à telle époque où les gens étaient plus croyants, dans tel pays plus chrétien… non : c’est dans ce monde-là que le Seigneur nous a mis. Et Il nous a choisis, et il dit : « Je vous ai sanctifiés. ». Cela veut dire qu’Il nous a mis à part. Nous portons en nous-mêmes quelqu’un que d’autres ne portent pas.
Cela explique ce sentiment de solitude du Chrétien : car il a découvert dans la présence du Seigneur et dans Son esprit quelque chose qui le fait vivre, et d’autres à ses côtés - dans le milieu professionnel, et parfois même en famille - ne l’on pas découvert. C’est ce que l’on appelle la Foi.

La Foi pour reconnaître l’œuvre de Dieu dans ce monde

Et la Foi nous rend seuls, aussi. Elle nous fait rentrer en communion avec le Seigneur, avec les disciples de Jésus, mais en même temps, elle nous fait rentrer dans une certaine solitude, celle du Christ qui porte l’Amour du Père, et qui se sent aussi bien seul au milieu de ceux qui le suivent. Et à l’inverse, le cas de Juda en est une illustration : quelqu’un qui a cessé de croire en Jésus, ne reconnaît plus en Lui le chemin, la vérité et la vie.
C’est aussi une tentation que nous avons : être comme tout le monde… mais ce n’est pas ça le bonheur, la perfection. Nous sommes mis à part, nous sommes différents. Nous ne sommes pas moins bien ni mieux que les autres, mais comme disciples de Jésus, il y a une différence qui est très claire. Et il nous faut renoncer parfois à ce que « tout le monde fait ». Il y en a qui mentent – et en cette période de déclaration d’impôts, certains ne mettent pas tous les montants permettant à l’état d’avoir une pleine vision de nos revenus. Si beaucoup de personnes le font, ce n’est pas une raison pour faire de même, car il nous semble que la justice fait partie de l’attitude du croyant.

Et c’est là que réside le combat intérieur, car le mauvais exemple est devant nos yeux : on voit les personnes qui font ceci ou cela, mais ce n’est pas cela qui doit nous guider.

Garde-nous Seigneur, ne nous laisse pas entrer en tentation. La tentation est bien là et vient par l’imaginaire. Comment le démon nous tente-t-il ? Il nous fait entrevoir des voies comme étant bonnes, alors qu’elles sont sans issue. C’est une tromperie, une promesse de bonheur qui n’aboutit à rien, mais à une forme de tristesse, parfois même de dégoût de soi-même.
Je trouve cela très beau que Jésus ait prié pour nous qui sommes ici. Il a prié pour que l’on puisse être fidèle à Sa parole, forts face à la tentation et à l’épreuve, et aussi que l’on puisse témoigner là où nous sommes.

La joie promise nous rend heureux dès maintenant

Alors, c’est cette grâce que l’on va demander au Seigneur, cette grâce de la joie qui est – avec l’unité - le critère que le Seigneur nous donne dans cet Évangile.

« C’est la joie que je leur donne, non pas la joie à la manière du monde, mais la joie que personne ne pourra leur enlever. »

Alors, posons-nous la question : où en est-on dans ce témoignage de joie qui tient beaucoup au cœur du pape François, puisqu’il a comme axé son ministère pontifical – du moins ce que l’on en voit aujourd’hui – sur cette question de la joie du Chrétien, cette joie qui n’est pas dans ce monde-ci, mais avec la lumière de l’Espérance. C’est ce qui est important : on n’a pas cette nostalgie du temps d’avant, qui était mieux… C’est ce que certains disaient au 5e siècle à Saint Augustin : « Avant, au 3e siècle, les jeunes avaient plus de respect pour les anciens ; regardez ce qu’il en est maintenant… ». Cela a donc été de tous temps. Et voici la réponse du Saint :

« Soyez bons et les temps seront bons.
Soyez saints et les temps seront saints. »

Voici un saint qui n’est pas dans un nostalgie, qui embrasse ce monde là, tout en étant en vérité, sans naïveté - car c’est un monde marqué par le péché, tout comme nous le sommes tous - et qui a en même cette lumière de l’Espérance, car Jésus a prié pour nous, pour que nous soyons Ses témoins de l’unité et de la joie.

Ainsi, nous voyons combien nous avons besoin du Saint Esprit, car nous sentons bien qu’il y a des réticences en nous, des tentations de repli identitaire, de se sentir agressé comme Chrétien car nous sommes minoritaires - on est montré du doigt, on se moque plus facilement de nous que d’autres religions… - c’est possible, mais est-ce bien l’attitude qui est conforme à la prière de Jésus ? ce repli, cette nostalgie, cette forme de désespérance face à ce monde-là n’est pas l’œuvre de Dieu, mais plus certainement une tentation.

Nous, Chrétiens, avons une très grande force, et notre parole est attendue, plus que nous le croyons. Elle est attendue dans le sens d’une espérance et d’une joie. D’une joie qui vient de l’amour de Dieu, de cette certitude que tout est dans la main du père. D’une joie qui vient aussi du fait que l’on se sait pardonné.

Alors, demandons au Seigneur cette joie qui ne passe pas, cette joie que personne ne peut nous enlever, non pas à la manière du monde – une joie passagère – mais une joie qui a à voir avec l’Éternité qui nous attend,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre des Actes des Apôtres 1,15-17.20a.20c-26.
  • Psaume 103(102),1-2.11-12.19-20ab.
  • Première lettre de saint Jean 4,11-16.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 17,11b-19. :

En ce temps-là, les yeux levés au ciel, Jésus priait ainsi :
« Père saint, garde mes disciples unis dans ton nom, le nom que tu m’as donné, pour qu’ils soient un, comme nous-mêmes.
Quand j’étais avec eux, je les gardais unis dans ton nom, le nom que tu m’as donné. J’ai veillé sur eux, et aucun ne s’est perdu, sauf celui qui s’en va à sa perte de sorte que l’Écriture soit accomplie.
Et maintenant que je viens à toi, je parle ainsi, dans le monde, pour qu’ils aient en eux ma joie, et qu’ils en soient comblés.
Moi, je leur ai donné ta parole, et le monde les a pris en haine parce qu’ils n’appartiennent pas au monde, de même que moi je n’appartiens pas au monde.
Je ne prie pas pour que tu les retires du monde, mais pour que tu les gardes du Mauvais. Ils n’appartiennent pas au monde, de même que moi, je n’appartiens pas au monde. Sanctifie-les dans la vérité : ta parole est vérité.
De même que tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi, je les ai envoyés dans le monde. Et pour eux je me sanctifie moi-même, afin qu’ils soient, eux aussi, sanctifiés dans la vérité. »