Homélie du 22e dimanche du Temps Ordinaire

3 septembre 2018

« Écoutez-moi tous, et comprenez bien. Rien de ce qui est extérieur à l’homme et qui entre en lui ne peut le rendre impur.
Mais ce qui sort de l’homme, voilà ce qui rend l’homme impur. »

Écouter l’homélie

Texte de l’homélie :

Frères et sœurs bien-aimés, décidément, Jésus est sévère à l’égard des pharisiens. Pourtant, ce sont des gens biens. Ils veulent être fidèles à Dieu. Ils sont généreux :

« Je jeûne deux fois la semaine, je donne la dîme de tous mes revenus. » (Lc 18, 12)

Jésus ne remet pas en cause leur amour de la Loi car la Loi (de Dieu) est bonne. Jésus n’est « pas venu abolir mais accomplir. » C’est ce que je vais développer dans une première partie. Mais Jésus relève deux dérives possibles au sujet de la Loi : une forme de minimalisme en réduisant la Loi au fait d’éviter le mal (ce sera mon deuxième point) et un risque d’extériorité en se concentrant exagérément sur le comportement extérieur visible par tous (ce sera mon troisième point).

La bonté de la Loi

La Loi de Dieu est d’abord une lumière. La Loi n’est pas quelque chose d’arbitraire qui nous serait donné par un dieu capricieux. Comme le dit très bien la première lecture : Dieu a donné la Loi pour que nous vivions. Les commandements sont destinés à être notre sagesse et notre intelligence aux yeux de tous les peuples. Ils montrent que Dieu n’est pas du tout indifférent à ce que nous faisons. Il est proche et ne peut pas supporter que ses enfants se fassent mal sans nous en avertir. La Loi nous indique la route et nous signale les dangers. Dieu nous donne en quelque sorte notre mode d’emploi. Par la Loi, Dieu veut nous éduquer, ce que confirme saint Paul qui voit en elle un « pédagogue ». La Loi a été donnée pour indiquer comment vivre l’alliance avec Dieu.
Par contraste, on voit combien une loi civile mauvaise peut induire les gens en erreur en proposant des chemins erronés.
Pour l’homme de la Bible, la Loi est une bénédiction accordée par Dieu. Le juif pieux prie ainsi :

« Je trouve en tes volontés mes délices, je n’oublie pas ta parole. (…) Guide-moi au chemin de tes commandements, car j’ai là mon plaisir » (Ps 119, 16 ; 35)

La Loi nous évite de nous perdre dans une forme de relativisme. La Loi a le mérite de nous donner des éléments objectifs. On ne peut prétendre aimer Dieu et faire n’importe quoi. La Loi est bonne car elle nous évite de nous enfermer dans nos bonnes intentions. Comme chacun sait : « l’enfer est pavé de bonnes intentions ».
Ce n’est pas seulement l’intention qui permet de dire qu’un acte est bon, c’est aussi son objet. Il y a un ordre rationnel du bien et du mal (cf. Catéchisme n° 1750ss). Les circonstances ne sont que des éléments secondaires d’un acte moral (cf. CEC n° 1753) ; les éléments les plus fondamentaux sont l’objet et l’intention.
La Loi nous met des limites. On le voit dès le jardin d’Éden. Dieu fixe une Loi : du fruit de l’arbre du bien et du mal, tu ne cueilleras pas. La Loi nous est donnée aussi pour reconnaître notre condition de créature et nous évite de nous prendre pour Dieu.
La Loi a été donnée à la sortie d’Égypte, à un moment où Israël n’était pas encore un peuple. La Loi est importante aussi pour la vie en société et pour structurer le peuple de Dieu.

La miséricorde : échapper au risque du minimalisme

La tentation est de restreindre la Loi à un certain nombre d’interdits, à l’accomplissement d’un certain nombre de pratiques . Or l’essentiel de notre vie chrétienne ne consiste pas à éviter le mal mais à faire le bien. La loi met des barrières de sécurité mais son but n’est pas de nous limiter à faire le bien.
Quand la Loi est formulée de manière négative : « tu ne tueras pas, … » cela peut nous rassurer. Quand elle est formulée de manière positive : « tu aimeras ton prochain comme toi-même », c’est beaucoup plus exigeant. Il n’y a pas de limites. On ne peut jamais se rassurer en disant : « je suis au point ». Le danger est de réduire la religion à des pratiques et des usages secondaires qui satisfont, en fait, le besoin humain de se sentir en règle avec Dieu. La véritable pureté ne se situe pas au niveau du lavage des vases. La véritable pureté est une disposition du cœur, c’est la miséricorde.
La Loi trouve son plein accomplissement dans l’amour (cf. Rm 13, 10). De la même manière, on pourrait chosifier l’amour. C’est ce qui se passe quand on prétend être fidèle de manière un peu sclérosée à ce qu’on a toujours fait plutôt que d’être fidèle à la personne dont les désirs et les besoins évoluent. La fidélité doit toujours être dynamique. La fidélité s’adresse à une personne plus qu’à une Loi.
La Loi dans sa plénitude ne peut être dissociée de la miséricorde. Dans la deuxième lecture, saint Jacques nous donne une indication précieuse : « Devant Dieu notre Père, la manière pure et irréprochable de pratiquer la religion, c’est de venir en aide aux orphelins et aux veuves dans leur malheur, et de se garder propre au milieu du monde. » L’attitude envers les pauvres et les pécheurs est un lieu de vérification qui nous permet de voir si l’on vit ou non la Loi dans sa plénitude. Les pauvres et les pécheurs nous évitent de nous laisser enfermer. Ils nous poussent dans nos retranchements et nous délivrent de nos illusions. Cela nous évite une forme d’orgueil spirituel, de complexe de supériorité.

Le plus bel idéal religieux a ses écueils : la rigueur d’observance peut engendrer une trop bonne conscience et rendre méprisant pour ceux qui n’en font pas autant. Plus profondément, vouloir être "séparé" n’est pas sans ambiguïté ; quand on sait que le dessein de Dieu est un projet de rassemblement dans l’amour. C’est mal comprendre la Loi que de croire qu’il faudrait être séparé des autres hommes pour s’approcher de Dieu !

Le cœur : échapper au risque de l’extériorité

Dans notre monde de l’image, nous sommes très sensibles à l’apparence extérieure. Nous nous situons souvent plus au niveau du paraître que de l’être (formalisme). Nous avons beaucoup de mal à faire abstraction du regard des hommes. Et cela nous rend esclaves. Dans cet évangile, Jésus nous invite à ne pas nous contenter de travailler sur notre comportement extérieur mais sur nos motivations, les pensées qui habitent nos cœurs. Il réagit contre une pratique religieuse vidée de son âme, de son intériorité, de son intentionnalité spirituelle.
L’important n’est pas l’opinion que les autres ont de nous mais ce que nous sommes réellement. Avec tous ces préceptes, le risque est grand de donner plus d’importance aux gestes et aux rites extérieurs qu’aux dispositions du cœur, le désir d’apparaître plutôt que d’être bons.

On se préoccupe énormément de la pollution extérieure et physique de l’atmosphère, de l’eau, du trou d’ozone ; en revanche c’est le silence presque total sur la pollution intérieure et morale. Jésus lance le programme d’une écologie du cœur :

« Ce qui sort de l’homme, voilà ce qui rend l’homme impur. Car c’est du dedans, du cœur de l’homme, que sortent les pensées perverses : inconduite, vols, meurtres, adultères, cupidités, méchancetés, fraude, débauche, envie, diffamation, orgueil et démesure.
Tout ce mal vient du dedans, et rend l’homme impur. »

Sans doute ne serions-nous pas fiers si l’on faisait défiler sur un grand écran tout ce qui se passe dans notre esprit. Mais c’est justement ce que Jésus veut guérir en nous par sa grâce afin que nous ne nous contentions pas de paraître bons que nous le soyons réellement.

En conclusion, en ce temps de reprise qu’est la rentrée, et à la lumière des textes de la Parole de Dieu entendu ce jour, je vous propose deux pistes :

  • La Loi est comme un pédagogue qui nous donne des repères pour notre vie, notamment dans notre relation avec Dieu et avec les autres. Connaissez-vous les dix commandements ? Une petite révision n’est peut être pas superflue ? Le décalogue correspond d’ailleurs à la première partie du dialogue de Jésus avec le jeune homme riche.
  • Jésus nous appelle à aller au-delà de la simple pratique de la Loi. Dans l’évangile de ce jour, il nous invite notamment à prendre davantage conscience de la nature des pensées qui habitent habituellement notre cœur. Est-ce que ce sont des pensées perverses, cupides, malveillantes ou bien des pensées de paix, d’amour, de bienveillance ? Peut-être sommes-nous horrifiés de certaines mauvaises pensées qui habitent nos esprits ? C’est le moment ou jamais de nous écrier comme saint Pierre qui commence à enfoncer dans l’eau : « Seigneur, sauve-moi ». Jésus nous invite en tout cas à une opération de purification des pensées, des « logismoi », qui peuplent notre esprit.

Demandons-en la grâce par Marie dont le cœur était immaculé et donc jamais occupé à ressasser des pensées mauvaises.

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Lecture du Livre du Deutéronome 4,1-2.6-8
  • Psaume 15(14),2-3a.3bc-4ab.4d-5
  • Lecture de la Lettre de saint Jacques 1,17-18.21b-22.27
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc 7,1-8.14-15.21-23 :

En ce temps-là, les pharisiens et quelques scribes, venus de Jérusalem, se réunissent auprès de Jésus, et voient quelques-uns de ses disciples prendre leur repas avec des mains impures, c’est-à-dire non lavées. Les pharisiens en effet, comme tous les Juifs, se lavent toujours soigneusement les mains avant de manger, par attachement à la tradition des anciens ; et au retour du marché, ils ne mangent pas avant de s’être aspergés d’eau, et ils sont attachés encore par tradition à beaucoup d’autres pratiques : lavage de coupes, de carafes et de plats.
Alors les pharisiens et les scribes demandèrent à Jésus :
— « Pourquoi tes disciples ne suivent-ils pas la tradition des anciens ? Ils prennent leurs repas avec des mains impures. »
Jésus leur répondit :
— « Isaïe a bien prophétisé à votre sujet, hypocrites, ainsi qu’il est écrit : ‘Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi. C’est en vain qu’ils me rendent un culte ; les doctrines qu’ils enseignent ne sont que des préceptes humains.’
Vous aussi, vous laissez de côté le commandement de Dieu, pour vous attacher à la tradition des hommes. »
Appelant de nouveau la foule, il lui disait :
— « Écoutez-moi tous, et comprenez bien. Rien de ce qui est extérieur à l’homme et qui entre en lui ne peut le rendre impur. Mais ce qui sort de l’homme, voilà ce qui rend l’homme impur.
Car c’est du dedans, du cœur de l’homme, que sortent les pensées perverses : inconduites, vols, meurtres, adultères, cupidités, méchancetés, fraude, débauche, envie, diffamation, orgueil et démesure.
Tout ce mal vient du dedans, et rend l’homme impur. »