Homélie du 3e dimanche de Carême

16 mars 2015

’’Des Juifs l’interpellèrent : « Quel signe peux-tu nous donner pour agir ainsi ? » ’’

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Texte de l’Homélie

Frères et sœurs bien-aimés,

Que pensez-vous de cette colère de Jésus ? Nous sommes sans doute plus habitués à nous représenter Jésus comme le bon berger qui porte la brebis perdue sur ses épaules. Peut-être cet épisode nous sert-il quelquefois à justifier de « saintes » colères, à la différence près que nous ne sommes pas Jésus ?

Il est bon de noter que la question des Juifs dans l’évangile ne porte pas sur la colère en tant que telle mais sur l’autorité avec laquelle Jésus agit. Ils s’interrogent sur la dimension prophétique de ce geste. En effet, Jésus reprend une apostrophe du prophète Jérémie :

« Cette Maison sur laquelle mon Nom a été proclamé, la prenez-vous donc pour une caverne de bandits ? » (Jr 7, 11)

Pire, il se prend carrément pour le Messie car le prophète Zacharie avait annoncé :

« Il n’y aura plus de marchand dans la Maison du Seigneur le tout-puissant en ce jour-là » (sous-entendu le jour de la venue du Messie - Za 14, 10).

Dans cette homélie, je ne vais donc pas vous faire un exposé sur les « saintes » colères mais plutôt sur la signification du fait de chasser les vendeurs du Temple. Auparavant, je vais vous dire quelques mots sur les dix commandements puisque c’est le texte que l’Église nous donne comme première lecture ; ce sera la première partie. Dans la deuxième partie j’approfondirai le lien entre la Loi et l’union à Dieu. Dans la troisième partie, nous verrons que la purification du temple va bien au-delà de la purification des abus ; il a toute une dimension prophétique.

La Loi est quelque chose de bon

La première lecture que nous offre la liturgie nous rappelle la Loi telle qu’elle a été donnée à Moïse. Cette Loi est bien différente de la loi civile qui, hélas peut s’écarter de la Loi naturelle. Au risque d’enfoncer une porte ouverte, il est bon de rappeler que ce qui est légal n’est pas forcément moral et peut même être complètement immoral. Une loi qui fait la promotion de l’avortement est une loi profondément mauvaise. Idem pour la loi qui institue un mariage entre personnes de même sexe. Idem pour une loi qui irait dans le sens de l’euthanasie, … Cela introduit une confusion grave dans les esprits et induit l’homme en erreur sur ce qui est bien et mal.

A la différence de l’homme de la Bible, nous avons souvent une vision un peu négative de la Loi. Nous la voyons comme quelque chose qui vient limiter notre liberté. Ce n’est pas du tout ce que nous entendons dans le psaume 118 qui fait l’éloge de la Loi à chaque verset (176 versets !) ou du psaume 18 que nous avons entendu :

« La loi du Seigneur est parfaite, qui redonne vie ; la charte du Seigneur est sûre, qui rend sages les simples. Les préceptes du Seigneur sont droits, ils réjouissent le cœur ; le commandement du Seigneur est limpide, il clarifie le regard. (…)
Les décisions du Seigneur sont justes et vraiment équitables : plus désirables que l’or, qu’une masse d’or fin, plus savoureuses que le miel qui coule des rayons. »

C’est une vision extrêmement positive de la Loi car la grande certitude de la Bible, c’est que Dieu veut l’homme heureux. Depuis le premier péché, il y a un peu de confusion dans l’esprit de l’homme sur ce qui est bien et mal, c’est pourquoi Dieu lui offre un moyen simple pour le guider : ce sont les commandements. Ils sont comme des poteaux indicateurs sur le bord de la route, pour alerter notre regard sur un danger éventuel. Si vous faites du ski, vous appréciez que la piste soit balisée. Cela vous évite de vous retrouver dans des zones trop dangereuses.
De ce point de vue, je ne peux que vous encourager à relire les pages du Catéchisme de l’Église Catholique qui sont un commentaire des dix commandements. Quand vous ne savez pas quoi dire en confession, cela peut vous donner des idées ! L’Église a formulé les dix commandements sous forme de rimes de telle façon que l’on puisse plus facilement les mémoriser.

Un seul Dieu tu adoreras et aimeras parfaitement ;
Son saint nom tu respecteras, fuyant blasphème et faux serment.
Le jour du Seigneur garderas, en servant Dieu dévotement.
Tes père et mère honoreras, tes supérieurs pareillement.
Meurtre et scandale éviteras, haine et colère pareillement.
La pureté observeras en tes actes soigneusement.
Le bien d’autrui tu ne prendras, ni retiendras injustement.
La médisance banniras et le mensonge également.
En pensées, désirs veilleras à rester pur entièrement.
Bien d’autrui ne convoiteras pour l’avoir malhonnêtement.”

Le contexte du don de la Loi

Dans la première lecture, le préambule au don de la Loi est essentiel : il y est fait référence à la libération de l’esclavage d’Égypte. La libération de l’esclavage n’a pas son but en soi. Il s’agit de passer de l’esclavage d’Égypte au service de Dieu (cf. livre de Georges Auzou, De la servitude au service).
L’histoire nous montre bien qu’il ne suffit pas d’être libéré d’un esclavage. Nous pouvons retomber dans un esclavage pire encore. Le préalable au don de la Loi est la libération de l’esclavage mais la Loi est donnée pour sceller une alliance avec Dieu. La liberté humaine a besoin d’être finalisée. Il ne s’agit pas tant d’être libre de quelque chose que d’être libre pour servir Dieu. La liberté humaine se construit à partir de cette finalité ; elle n’est pas donnée d’emblée. Ainsi la Loi est comme un tuteur qui accompagne la croissance de la liberté afin que nous puissions donner le meilleur de nous-mêmes.

Ce que Jésus fait dans le Temple est une image de ce qu’il veut faire en chacun de nous. Car ce qui est advenu dans le Temple est une illustration de la confusion qui a gagné le cœur de l’homme. Si Jésus réagit ainsi dans le Temple, ce n’est pas simplement pour mettre de l’ordre dans le Temple, c’est bien plus pour remettre de l’ordre dans les priorités de ceux qui « gèrent » le Temple. En effet un glissement s’est opéré en eux. Dans de nombreux passages de l’Évangile, Jésus restitue la Loi dans sa pureté originelle et la porte à son achèvement.
C’est le cas aussi pour l’envahissement des marchands dans le temple. Il y avait de très bonnes raisons pour qu’il y ait des marchands et des changeurs. Quand on vient en pèlerinage à Jérusalem, parfois de très loin, on s’attend bien à trouver sur place des bêtes à acheter pour les offrir en sacrifice. Quant aux changeurs de monnaie, on en a besoin aussi : on est sous occupation romaine, et les pièces utilisées en ville sont frappées à l’effigie de l’empereur ; mais du coup elles sont interdites au Temple ! Donc, en arrivant au Temple on change ce qu’il faut de monnaie romaine contre de la monnaie juive.
Mais, c’est là que le bât blesse : au bout du compte, les affaires ont pris le dessus sur la prière. Avec de très bonnes raisons, un glissement finit par se produire au niveau de notre mentalité.

À l’occasion du carême, le Seigneur veut mettre un peu d’ordre dans notre temple intérieur. Il veut chasser tout ce qui vient le souiller. La loi vise en quelque sorte à chasser des comportements qui ne cadrent pas avec l’appartenance à Dieu qui a sauvés. Combien de vendeurs se sont-ils introduits dans notre sanctuaire le plus intime et l’ont détourné de sa vocation première qui est le lieu de la rencontre de Dieu ? L’homme est d’abord fait pour Dieu (capax Dei), pas pour les choses matérielles et temporelles car elles le laisseront toujours insatisfait.

Celui qui nous libère, c’est Jésus

La purification du temple va bien au-delà d’une lutte contre les abus. Jésus chasse les animaux du temple car c’est lui l’Agneau qui sera offert en sacrifice pour la rémission de tous nos péchés. Le temps où des animaux étaient immolés à Dieu est révolu. Par son sacrifice, Jésus va remplacer tous les sacrifices. La Lettre aux Hébreux, en parlant de Jésus, cite le Psaume 40 [39] :

« Tu n’as voulu ni sacrifice ni oblation ; mais tu m’as façonné un corps » (He 10, 5).

Seul « l’amour jusqu’à la fin », seul l’amour qui pour les hommes se donne totalement à Dieu, est le véritable culte, le véritable sacrifice. Ce que Jésus avait annoncé à la Samaritaine concernant sa question sur la vraie adoration est en train de se réaliser :

« L’heure vient - et c’est maintenant - où les véritables adorateurs adoreront le Père dans l’esprit et la vérité, car tels sont les adorateurs que cherche le Père » (Jn 4, 23).

Le « signe » que Jésus donnera comme preuve de son autorité sera justement sa mort et sa résurrection :

« Détruisez ce sanctuaire et en trois jours je le relèverai » (Jn 2, 18).

Jean ajoute que, repensant à cet événement après la Résurrection, les disciples comprirent que Jésus avait parlé du Temple de son Corps (cf. 2, 21). C’est en vertu de sa mort et sa résurrection que Jésus a autorité pour chasser tous les vendeurs et changeurs du temple de notre cœur.

En conclusion

Je vous propose deux choses pour cette semaine. Tout d’abord, de vous replonger dans la lecture des 10 commandements ; je ne sais qui d’entre nous les connaît par cœur ? Ensuite, si vous avez conscience d’un « vendeur » récalcitrant que vous voulez chasser de votre âme, n’hésitez pas à vous adresser à celui qui s’est offert en sacrifice pour vous libérer. Cela peut être en méditant le chemin de la Croix ou un passage de la Passion, ou tout simplement en priant devant la croix de Jésus. Que Marie continue de vous accompagner avec tendresse sur ce chemin du carême.

Amen.


Références des lectures du jour :

  • Livre de l’Exode 20,1-17.
  • Psaume 19(18),8.9.10.11.
  • Première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens 1,22-25.
  • Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 2,13-25 :

Comme la Pâque juive était proche, Jésus monta à Jérusalem.
Dans le Temple, il trouva installés les marchands de bœufs, de brebis et de colombes, et les changeurs.
Il fit un fouet avec des cordes, et les chassa tous du Temple, ainsi que les brebis et les bœufs ; il jeta par terre la monnaie des changeurs, renversa leurs comptoirs, et dit aux marchands de colombes :
— « Enlevez cela d’ici. Cessez de faire de la maison de mon Père une maison de commerce. »
Ses disciples se rappelèrent qu’il est écrit : L’amour de ta maison fera mon tourment.
Des Juifs l’interpellèrent :
— « Quel signe peux-tu nous donner pour agir ainsi ? »
Jésus leur répondit :
— « Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai. »
Les Juifs lui répliquèrent :
— « Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce sanctuaire, et toi, en trois jours tu le relèverais ! »
Mais lui parlait du sanctuaire de son corps.
Aussi, quand il se réveilla d’entre les morts, ses disciples se rappelèrent qu’il avait dit cela ; ils crurent à l’Écriture et à la parole que Jésus avait dite.
Pendant qu’il était à Jérusalem pour la fête de la Pâque, beaucoup crurent en son nom, à la vue des signes qu’il accomplissait.
Jésus, lui, ne se fiait pas à eux, parce qu’il les connaissait tous et n’avait besoin d’aucun témoignage sur l’homme ; lui-même, en effet, connaissait ce qu’il y a dans l’homme.