Texte de l’homélie :
Frères et Sœurs,
La personne même du Christ Ressuscité focalise l’attention du groupe des Douze, l’attention des premières communautés. Et elle doit le faire encore dans chacune des communautés et chacune des personnes ici rassemblées.
La personne du Ressuscité focalise toute l’attention.
La mort et la résurrection du Seigneur ouvrent une espérance tout à fait inédite, tout à fait inimaginable pour l’être humain.
Et à cause d’une seule réalité même qui habite déjà le cœur de l’homme mais qui rencontre bien des difficultés. C’est l’Amour. Et l’Amour qui est Dieu ! Ce sera le grand leitmotiv si l’on peut dire, le grand refrain, mais au beau sens du terme, de la prédication de Jean : Dieu est Amour.
Et cet amour, à la fois nous y aspirons, et nous butons contre ses nombreuses falsifications dans nos propres vies.
Et le Christ, et l’adhésion au Christ, et la communion au Christ, doivent sans cesse nous aider à reprendre, quand nous le quitterions, ce chemin de l’amour véritable qui est Dieu et pour lequel nous sommes faits.
La personne du Ressuscité focalise l’attention :
Mais une fois qu’on a dit cela, on voit que ce n’est pas si simple que cela. Car la personne du Christ, à la fois, veut se rendre proche, et en même temps demeure un peu comme mystérieuse.
Quand même, ce Thomas ! Ce Thomas qui avait vu Jésus, qui l’avait entendu, qui l’avait même découragé à un moment donné pour suivre sa route vers Jérusalem parce que Jésus savait bien qu’on y méditait des choses fort sombres, fort hostiles contre lui. Ce même Thomas ne croit pas ceux avec lesquels il a cheminé jusque là et qui lui disent que celui qui était mort est vivant…
Thomas ne croit pas au témoignage de ses frères apôtres…
Peut-être ne croit-il pas, l’écriture n’en dit pas grand-chose, mais Marie devait bien se trouver par là, elle entend cette parole de Thomas : « Non, si je ne vois pas les marques des clous, si je ne mets pas ma main dans son côté, je ne croirais pas. »
Thomas ne croit pas le témoignage :
Voilà qui nous appelle nous-mêmes à nous situer : comment croyons-nous le témoignage de l’Église ? Thomas n’a pas cru le témoignage des apôtres. Et nous même, comment rejoignons-nous, et que faisons-nous du témoignage des apôtres et donc de l’Église dont ils sont les fondements ?
En quoi croyons-nous ? Sur foi de quoi croyons-nous ? Nous, nous n’avons pas vu Jésus, nous n’avons pas cheminé avec Lui. D’où nous vient donc le crédit que nous accordons à ces Apôtres qui ont vu et entendu Jésus ?
Ce n’est pas rien d’ailleurs d’avoir vu Jésus, de l’avoir accompagné depuis son baptême jusqu’à sa Résurrection ! Puisque ce sont ces mêmes critères qui serviront pour désigner un remplaçant à Judas.
Mais nous nous n’avons pas vu, donc nous nos appuyons sur le témoignage des Apôtres, et sur le témoignage de ceux qui nous ont précédés et qui ont accordé foi, crédit au témoignage des Apôtres. Et il faut donc que ceux qui nous suivront puissent continuer à croire au témoignage des Apôtres par le crédit que nous-mêmes nous aurons fait à ce témoignage. Le témoignage que nous aurons nous-mêmes rendu à cause du témoignage des Apôtres et des générations qui nous aurons précédés.
Et voilà que nous sommes renvoyés à notre lien à l’Église. Notre lien au témoignage des Apôtres. Et nous sommes renvoyés à la manière dont nous vivons.
Le témoignage des premières communautés chrétiennes :
C’est le deuxième témoignage que je voudrais évoquer, après celui de l’Église et des Apôtres : celui qu’ont donné les premières communautés chrétiennes.
Et ici, nous avons un bref passage d’un aspect très important qui a marqué les premières communautés chrétiennes au point que cela nous est rapporté dans le livre des Actes des Apôtres. Je relève deux témoignages :
- Le premier, c’est l’unité
- Et le deuxième, c’est que ce que chacun a en propre, il ne le considère pas comme sien mais comme appartenant à la communauté.
Ce n’est pas si simple que ça. La suite du récit des Actes des Apôtres nous en dit quelque chose, quelques uns veulent bien partager, mais en même temps ils essayent d’en dissimuler une partie. Mais voici deux éléments de témoignage que vont pouvoir donner ces premières communautés : l’unité de leurs membres dans la foi et une forme de partage qui fait que, certes chacun peut posséder encore et possède, mais en même temps n’est pas simplement propriétaire : dans la manière d’exercer son droit de propriété, il est surtout intendant. Dans l’usage qu’il va faire de ce qu’il possède, il va intégrer le souci du reste de la communauté, de la vie de la communauté, des plus pauvres, mais aussi de la mission de la communauté. Un témoignage qui marquera les premières communautés et qui marquera aussi ceux qui entourent ces communautés. Dans un autre passage des Actes des Apôtres, on nous dit que les Apôtres étaient un peu à part parce qu’on sentait bien qu’ils n’étaient pas un club qui se cooptait, il y avait quelque chose de plus, il y avait la présence du Réssuscité.
Alors, que pouvons-nous en retenir pour nous aujourd’hui ?
D’abord notre lien à l’Église. Nous devrions, et nous le faisons déjà, souffrir lorsque l’Église est tirée à hue et à dia. Selon la vision, la sensibilité, la considération des uns ou des autres. Lorsque je dis « notre Église », ce n’est pas l’Église que je possède, mais l’Église dont je suis un membre et qui me possède, car l’Église n’est l’Église de personne sinon de Jésus.
C’est l’Église de Jésus-Christ dont nous sommes membres parce que le mystère du Christ mort et ressuscité nous a saisis et quelque part nous anime dans toutes les dimensions de notre vie.
Alors, notre attention à cette Parole, à cette Église dont nous reconnaissons qu’elle tient par le témoignage des Apôtres et par le témoignage de leurs successeurs, qui ne sont pas plus parfaits aujourd’hui que les Apôtres n’étaient parfaits ! Mais qui, par mission du Christ, reçoivent de donner accès de diverses manières à la personne même du Christ pour que, la vie du Christ rejoignant l’existence de chacun des membres de son Église, ils puissent donner d’accéder à la contemplation du Père, à la vie avec le Père dans le Fils par l’Esprit.
Nous sommes donc invités à avoir cette vision de l’Église qui n’est pas seulement ni d’abord une vision institutionnelle, mais qui est une vision proprement mystique, c’est-à-dire qui tient compte, non pas des difficultés que nous pouvons avoir avec l’Église et avec l’institution, mais qui part de l’intention-même de Celui qui l’a fondée. Et donc nous croyons qu’Il est assez capable, Lui qui a vaincu la mort, de faire en sorte que le message de la mission qui lui a été confiée peut tenir malgré la pauvreté des membres à qui Il a confié ce message et cette mission.
Et puis nous découvrons aussi combien notre témoignage est important.
Quel témoignage donnons-nous personnellement ? Quel témoignage nos communautés donnent-elles pour que ce message et cette mission donnés par le Christ soit crédible ? ne soit pas trop occulté, masqué par nos divisions, notre égoïsme, et par d’autres comportements qui peuvent être aussi scandaleux et qui font que le Christ n’est plus visible ! que la puissance de l’amour que Jésus est venu manifester dans notre condition n’est plus visible.
Et vous voyez donc que ce témoignage que Thomas n’a pas su accueillir et que nous pouvons ne pas accueillir, ou que nous pouvons accueillir aussi comme Saint Thomas l’a accueilli, unifie un aspect de notre vie par rapport à l’Église, et donc par rapport à l’Église du Christ, et donc par rapport au Christ.
Et nous voyons aussi que si la vie du Christ vivant en nous et dans nos communautés organise, anime, structure, éclaire, purifie, guérit nos existences pour que ce que nous avons à porter, ce que nous avons à transmettre soit compréhensible, soit lisible, soit crédible…
Et nous voyons ainsi que le témoignage de l’Église, et notre témoignage nous appelle à l’unité, unité toute entière centrée sur la personne-même du Christ.
Peut-être viennent à votre esprit des passages du magistère de Jean-Paul II bien évidemment : « Notre programme c’est le Christ ! » dit-il à l’entrée dans le troisième millénaire. C’est le Christ ! C’est la personne-même du Christ.
Et Benoît XVI nous parle de cette rencontre personnelle avec le Christ essentielle, majeure pour pouvoir ensuite vivre du Christ dans le monde où nous sommes. Parce que le christianisme n’est pas une idéologie, ça n’est pas un système de pensée. C’est une relation avec quelqu’un à partir de laquelle toute l’existence, et de la personne, et de la communauté, sont transformées.
Et puis il y a ces paroles que ne cesse de nous redire le Pape François aujourd’hui : le Christ doit être au centre de nous-mêmes, et nous avons à en manifester la présence. Nous sommes tous, chacun, là où il est, icône du Christ, devant révéler la personne-même du Ressuscité.
Tout cela réclame que, déjà maintenant, même si ce ne sera complètement accompli qu’à la parousie, que Dieu, et donc le Christ, soit de plus en plus tout en chacun pour l’être en tous, et que nos vies trouvent leur unité en Lui qui ne mutile rien de la personne humaine, mais qui au contraire la reconstruit, la façonne, la guérit, la libère, la grandit, la déploie pour que cette dignité d’enfant de Dieu appelé à participer à la vie trinitaire puisse progressivement prendre tout son espace.
Voulez-vous que nous priions les uns pour les autres
Et d’une manière particulière si vous le voulez bien, pour les successeurs des Apôtres aujourd’hui, afin qu’ils accomplissent leur mission, pour pouvoir relayer au témoignage des Apôtres aussi bien qu’ils le peuvent dans les défis que nous connaissons aujourd’hui. Que nous priions également les uns pour les autres afin que nos vies soient de plus en plus attachées au Christ et donc unies à lui et unies en lui, soient ces signes par lesquels le Seigneur peut dire l’amour dont son Père aime tous les hommes et puissent dire le Salut auquel il les appelle tous quels qu’ils soient, d’où qu’ils soient, car ils sont déjà présents dans le cœur de Dieu.
Amen.
Références des lectures du jour :
- Livre des Actes des Apôtres (Ac 4, 32-35).
- Psaume : 117 (118), 2-4, 16ab-18, 22-24.
- Première lettre de saint Jean (1 Jn 5, 1-6)
- Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 20, 19-31) :
C’était après la mort de Jésus.
Le soir venu, en ce premier jour de la semaine, alors que les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient verrouillées par crainte des Juifs,
Jésus vint, et il était là au milieu d’eux. Il leur dit :
— « La paix soit avec vous ! »
Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté.
Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur.
Jésus leur dit de nouveau :
— « La paix soit avec vous ! De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. »
Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et il leur dit :
« Recevez l’Esprit Saint.
À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ;
à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus. »Or, l’un des Douze, Thomas, appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau), n’était pas avec eux quand Jésus était venu.
Les autres disciples lui disaient : « Nous avons vu le Seigneur ! »
Mais il leur déclara :
« Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous,
si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous,
si je ne mets pas la main dans son côté,
non, je ne croirai pas ! »Huit jours plus tard, les disciples se trouvaient de nouveau dans la maison, et Thomas était avec eux.
Jésus vient, alors que les portes étaient verrouillées, et il était là au milieu d’eux.
Il dit : « La paix soit avec vous ! »
Puis il dit à Thomas :
« Avance ton doigt ici, et vois mes mains ; avance ta main, et mets-la dans mon côté : cesse d’être incrédule, sois croyant. »
Alors Thomas lui dit : « Mon Seigneur et mon Dieu ! »
Jésus lui dit : « Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu. »Il y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas écrits dans ce livre.
Mais ceux-là ont été écrits pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu’en croyant, vous ayez la vie en son nom.