Homélie du 16e dimanche du Temps Ordinaire

21 juillet 2024

En débarquant, Jésus vit une grande foule. Il fut saisi de compassion envers eux, parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger. Alors, il se mit à les enseigner longuement.

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Texte de l’homélie

Chers frères et sœurs,

Comme vous le savez, quand des parents veulent baptiser un enfant, mais que, entre la naissance et le baptême qui était déjà prévu, l’enfant décède, l’Église considère qu’il a été baptisé. Cela s’appelle le baptême de désir, car dans le désir des parents, il y a déjà la grâce baptismale. Il y a un autre cas pour lequel le désir donne un statut quasi sacramentel : il s’agit de l’Eucharistie. Par exemple, certains s’avancent avec les bras croisés jusqu’au prêtre, pour des raisons qui leur appartiennent, mais ils reçoivent eux aussi la grâce de Dieu. Cela s’appelle la communion de désir.

Je trouve ça très beau la place que l’Église donne au désir, et c’est bien ce dont parle cet évangile : on voit cette foule à laquelle le Seigneur s’adresse, animée d’un désir mitigé. N’attendons pas que les personnes aient le désir très pur de suivre le Seigneur pour nous adresser à elles. Dans ce cas, c’était peut-être le désir de nouveauté, parce qu’il avait fait des miracles et que certains voulaient être guéris.

Ainsi, il est intéressant de dire que, quand Il s’adresse à la foule mais aussi des personnes particulières, le Seigneur éveille en elles le désir. Pensons à la Samaritaine, Jésus a conduit le désir de cette femme en commençant par lui demander à boire, puis en la conduisant petit à petit vers des réalités spirituelles, la réalité de la soif de Dieu.

Il y a d’autres cas comme celui-ci dans l’Évangile : c’est le cas de Zachée. Jésus a éveillé son désir alors qu’il était collecteur d’impôts, c’est à dire collaborateur de l’empire Romain.
Beaucoup de personnes ont été accueillies par la Christ parce qu’elles attendaient quelque chose. Il y avait une pierre d’attente.

On peut se poser la question s’il y a moins d’attente chez nos contemporains qu’il y en avait aux temps bibliques ? Certainement, c’est un désir qui est autre mais pas plus tard que jeudi dernier, il y avait plusieurs centaines de personnes à l’Abbaye qui attendaient pour voir la flamme olympique. C’est différent d’un désir d’éternité, de la contemplation de Dieu – nous sommes d’accord - mais elles sont venues dans cette abbaye. Ce n’est pas anodin de franchir cette enceinte pour des personnes qui viennent de toutes conditions : c’était un rassemblement très populaire. Ces personnes s’amassaient le long du passage de la flamme olympique, ce rassemblement étant sécurisé par les forces de l’ordre. Ce lieu n’a jamais été aussi sécurisé que pour cet événement !

Ainsi, il beau de voir comment le Seigneur conduit le désir, et il invite les pasteurs à s’adresser à cet appel, à cette pierre d’attente qui habite en chacun.

Vous le savez, ce passage d’Évangile est présent chez Marc et chez Luc, mais c’est chez Marc que nous sommes invités à le méditer aujourd’hui car il est le plus développé. Puisque Marc est l’évangéliste de Saint Pierre, on peut supposer qu’il a du être particulièrement touché par cette foule compacte et bigarrée, et qu’il a vu comment le Seigneur l’a conduite et accueillie.
Et lorsque le Christ ressuscité apparaît sur la plage, vous vous rappelez le dialogue entre eux :

« Pierre, m’aimes-tu ? … »
« Sois le pasteur de mes brebis. »

A travers la voix de Saint Marc, je crois que Pierre est un vrai pasteur car il comprend les gens de l’intérieur. Et il est bon que nous-mêmes nous soyons attentifs de là où en sont les gens et que nous tâchions de les rejoindre.

Si nous sommes ici dans cette chapelle ce matin, c’est que quelque chose nous a mis en route, que ce soit vous les fidèles ou nous les consacrés, sinon, nous ne serions pas là.

Il est beau de voir que Jésus est attentif au désir de la foule, d’autant plus qu’au début de l’évangile de Saint Marc, il y a le passage de la visite de Jésus à Nazareth. Tandis que là, c’est l’inverse : Il va dans sa ville d’origine et on Le reconnaît comme étant le fils de Joseph :

« " Ses frères et ses sœurs, ses cousins ne sont-ils pas parmi nous ?"
Et il était stupéfait par leur manque de Foi. »

Je trouve intéressant que dans ce même chapitre, il y a des personnes qui croient connaître Jésus, dans ce lieu où Il n’accomplit que peu de miracles, et en même temps des personnes qui s’approchent de Lui à tâtons, peut-être comme nous, à travers ombre et lumière, et là, la grâce se manifeste…

C’est pour nous une invitation à être attentifs et de ne pas s’habituer à la présence du Seigneur. Elle se manifeste de bien des manières dans notre vie, à commencer par les sacrements.
Aujourd’hui, Eve va faire sa première communion et il est intéressant de voir que la multiplication des pains fait suite au passage de ce dimanche. C’est une allusion directe à l’Eucharistie : Jésus le pain de vie. Ainsi, il est intéressant que l’accueil du désir de la foule aboutit à la préfiguration de l’Eucharistie qu’est la multiplication des pains.

Ma chère Eve, ton désir de communier aujourd’hui au Seigneur n’est pas un sommet, c’est un commencement. De même, si notre première communion remonte déjà à plusieurs années, on peut faire mémoire de tout le chemin parcouru avec le Seigneur, et combien Il a pris au sérieux ce désir de Le contempler, d’être dans un cœur à cœur avec Lui.

Que ce soit dans l’Ancien Testament ou dans l’Évangile, cette alliance avec Dieu est évoquée comme l’alliance entre l’homme et la femme, dans l’intimité de l’amour conjugal, on retrouve plus particulièrement ce désir dans le cantique des cantiques. On le retrouve aussi dans les Béatitudes :

« Venez à moi vous qui peinez sous le poids du fardeau… »
« Vous qui êtes assoiffés de justice, je vous serez rassasiés… »

La difficulté est de laisser ce désir de Dieu être comblé par des réalités humaines et matérielles. C’est cela que dénonce souvent le Seigneur.

Ainsi, on peut Lui demander aujourd’hui dans cette eucharistie que nous soyons des hommes et des femmes de désir, que nous soyons vraiment dans une attente et que nous prenions au sérieux ce qui habite notre cœur. Demandons au Seigneur que nous soyons connectés à nous-mêmes et, à travers de cette descente dans notre intériorité, découvrir que nous sommes habités par quelqu’un de plus grand que nous. Le Chrétien est celui qui porte en lui-même plus grand que lui-même. Et parce que nous découvrons que nous sommes habités, nous nous mettons en route. Et en nous mettant en route, nous découvrons que le Seigneur seul peut répondre à nos attentes.

De ce point de vue là, le Christianisme se distingue complètement du bouddhisme, il en est même exactement le rebours, le fond étant de ne plus avoir de désir : le Nirvana, c’est l’état dans lequel on n’a plus d’attente, plus de manque car c’est ce qui fait souffrir. L’objectif est précisément de ne plus avoir de désir.
Dans notre religion, nous ne disons pas ça, mais au contraire, nous recherchons à être des hommes et des femmes qui prenons conscience que nous sommes en route et que bien des choses nous manquent pour être dans cette pleine communion avec le Seigneur. Et c’est de ce manque que nous allons partir pour être avec Lui et nous mettre en route.

Demandons à Jésus d’être des témoins comme Il l’a été, comme les apôtres l’ont été : ils reviennent de mission et ils racontent tout ce qu’ils ont vécu auprès du Seigneur.
Soyons des témoins de Celui qui nous appelle des ténèbres à Son admirable lumière,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre de Jérémie 23,1-6.
  • Psaume 23(22),1-2ab.2c-3.4.5.6.
  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Éphésiens 2,13-18.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc 6,30-34 :

En ce temps-là, les Apôtres se réunirent auprès de Jésus, et lui annoncèrent tout ce qu’ils avaient fait et enseigné.
Il leur dit : « Venez à l’écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu. » De fait, ceux qui arrivaient et ceux qui partaient étaient nombreux, et l’on n’avait même pas le temps de manger.
Alors, ils partirent en barque pour un endroit désert, à l’écart.
Les gens les virent s’éloigner, et beaucoup comprirent leur intention. Alors, à pied, de toutes les villes, ils coururent là-bas et arrivèrent avant eux.
En débarquant, Jésus vit une grande foule. Il fut saisi de compassion envers eux, parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger. Alors, il se mit à les enseigner longuement.