Homélie du cinquième dimanche de Carême

22 mars 2021

« Amen, amen, je vous le dis : si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit.
Qui aime sa vie la perd ; qui s’en détache en ce monde la gardera pour la vie éternelle. »

Écouter l’homélie

Texte de l’homélie :

Nous qui portons comme frères le beau nom de Serviteurs de Jésus et de Marie, c’est bien entendu vers ces paroles qui évoquent le service que je veux me tourner :

« Si quelqu’un veut me servir, qu’il me suive. Et là où je suis, là aussi sera mon serviteur. Si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera. »

Dans un message pour la journée mondiale de prière pour les vocations, le Pape Jean-Paul II a médité sur ce passage, et je vais m’en inspirer largement.
Il rappelle d’abord que, dans la Bible, le fait de servir a une dimension fondamentalement positive, contrairement au message que nous renvoie notre société où être au service de quelqu’un revient à être moins que lui. A l’inverse, Jean-Paul II nous dit :

« Dans la Bible, être au service confère une dignité, donne une participation singulière dans l’œuvre du Salut et de la rédemption. »

Etre au service c’est répondre à un appel

Et l’on voit bien que la réalisation suprême de la créature c’est de se mettre au service de Dieu. Et le service de Dieu, c’est un salut, c’est un passage que nous avons dans notre règle.

Ainsi, être au service de Dieu, c’est rendre ce monde plus beau, accomplir sa vocation, découvrir son charisme, discerner son appel. Parce que je me suis mis à la suite du Christ, ce serviteur, je découvre là où je peux collaborer, modestement, à cette œuvre de Salut par des gestes simples.

On le sait bien, le service s’enracine dans des petites choses, et c’est dans ces petites choses que le Seigneur agit et que le Salut vient à notre rencontre.

C’est donc une vraie conversion que le Seigneur nous demande en nous demandant de nous mettre « au service de », et les motivations et occasions de service sont multiples dans la vie, nous le savons bien. Dans la vie matrimoniale, la vie familiale, communautaire, paroissiale et professionnelle, les possibilités de service sont multiples. Et nous voyons ces occasions de service comme autant de manières d’annoncer le Christ et le Salut, comme autant de manières d’entrer en opposition avec l’esprit du monde, avec le démon qui a dit Non serviam, « je ne servirai pas ».

Et c’est intéressant de voir que, dans ce passage de Saint Jean, en même temps que cet appel à nous mettre à la suite du Christ par le service, le prince de ce monde va être jeté dehors, comme si chaque acte de service, de charité et d’amour expulse le démon, le met en dehors de ce monde le rendant plus fraternel et plus lumineux.
C’est une vraie conversion, car cela demande de sortir de soi-même, comme un exode pour être attentif au besoin de ceux qui nous entourent.

Le pape Jean-Paul II ne cessait de nous le rappeler : quand les relations interpersonnelles sont inspirées par le service mutuel, on créée un monde nouveau dans lequel se développe une authentique culture de la vocation.

Oui, je peux répondre à l’appel du Seigneur qui est un service, et tout appel du Seigneur sait me mettre au service parce que je vois autour de moi que c’est valorisé. Cette dimension d’écoute, d’attention aux besoins de ceux qui m’entourent est valorisé. Je peux ainsi ouvrir mon cœur à quelque chose d’autre et écouter l’appel du Seigneur qui m’invite à aller à Sa suite :

« Si quelqu’un veut me servir, qu’il me suive ! »

Être au service pour trouver la vraie liberté

Ce service est une vraie liberté, nous dit le Pape Jean-Paul II :

« Servir est une manifestation de liberté par rapport à l’envahissement de mon « moi ». »

Pour nous qui traversons ce temps de Carême, c’est un lieu de conversion que le Seigneur nous donne de vivre. Je vais faire l’expérience que me décentrer de moi-même va être la meilleure manière d’annoncer le Christ, et l’on voit bien que c’est un combat intérieur, un combat spirituel.
Et c’est en me décentrant de moi-même, en étant attentif et accueillant à la réalité que je vais rencontrer la vraie dignité de la personne humaine :

« Mon père l’honorera… »

En Hébreux, honorer signifie « donner du poids ». En d’autres termes, honorer son père et sa mère revient à donner du poids à cette relation. De même, pour le Père céleste, chaque acte de service a son poids de grâce, et d’une certaine manière, il est valorisé il retentit dans l’Éternité.

Comme vous le voyez, on est tout à fait dans une autre dimension par rapport à la logique du monde. Justement, le prince de ce monde va être jeté dehors, et le Christ avance comme serviteur.
Bien entendu, nous avons l’exemple du lavement des pieds, et Il s’avance toute sa vie comme serviteur.

« Qui est le plus grand ? celui qui est à table ou celui qui sert ?
Et bien moi, je suis au milieu de vous comme celui qui sert. »
« Je ne suis pas venu pour être servi mais pour servir. »

Passer par un chemin de renoncement pour une vie nouvelle

Et vous trouverez beaucoup de références dans l’Évangile pour affirmer ce lien entre cette attitude d’attention et l’annonce du Salut.
Certes, nous nous sentons très limités, et il nous faut mener un combat spirituel car tout ceci n’est pas inné ni spontané. Ce qui nous semble spontané, c’est d’être servi que les autres se mettent à notre service : c’est tout à fait l’inverse de la parole du Seigneur.

Ainsi, cette parole nous est donnée. Et d’autres parole lui sont synonymes :

« Si le blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul. Mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruits. »

C’est pareil que de dire : « Celui qui veut me servir, qu’il me suive ! ». De même, « Qui aime sa vie la perd et qui s’en détache en ce monde la gardera pour la vie éternelle » a le même sens. Ce sont des manières identiques de dire les mêmes choses. Il y a quelque chose de la fécondité de ma vie qui se joue dans cette capacité d’attention, dans cette façon de sortir de moi pour regarder ce qui m’entoure. Il s’agit non seulement de la fécondité de ma vie mais du Salut annoncé.
Et pour nous qui portons ce beau nom de Serviteur de Jésus et de Marie comme religieux, c’est une parole capitale ! Toute notre vie est l’annonce d’un Salut. Et se mettre au service de la vie spirituelle de chacun, de la vie intérieure de chacun, à la suite de Saint Joseph - le premier serviteur de Jésus et de Marie – prend tout son sens. Marie, La servante du Seigneur, n’a pas seulement dit « oui », Elle a dit :

« Voici la servante du Seigneur. Qu’il me soit fait selon ta parole… »

D’une certaine manière, être serviteur déracine en nous l’orgueil. On le sait, l’orgueil mourra un quart d’heure après nous ! Mais justement, en nous mettant au service, en prenant cette place de serviteur, on prend un moyen puissant pour déraciner notre orgueil, nous qui préférons être servis que de servir.

De la liberté à l’action de grâce !

Ainsi, nous pourrions chacun méditer et remercier le Seigneur pour ces talents qu’Il a mis à ma disposition, ce grain de blé que chacun a reçu, cette vie qui a été donnée à chacun et Lui demander quel chemin par rapport à ce charisme, quel appel nous est lancé.

Nous pouvons nous poser cette question là car justement, dans mon humanité, dans les capacité que j’ai – chacun est tellement différent – il y a une réponse aux besoins du monde, et donc un appel, une vocation, et donc une mission.

Demandons cette grâce au Seigneur et pour terminer, écoutons ce très beau passage de Jean-Paul II :

« L’appel du Seigneur résonne encore aujourd’hui : « Si quelqu’un me sert, qu’il me suive ! » N’ayez pas peur de l’accueillir.
Vous rencontrerez certainement des difficultés, des sacrifices. Mais vous serez heureux d’être témoins de cette joie que le monde peut vous donner.
Vous serez des flammes vivantes d’un amour infini et éternel . Vous connaîtrez les richesses spirituelles de l’appel de Dieu. »

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre de Jérémie 31,31-34.
  • Psaume 51(50),3-4.12-13.14-15.
  • Lettre aux Hébreux 5,7-9.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 12,20-33 :

En ce temps-là, il y avait quelques Grecs parmi ceux qui étaient montés à Jérusalem pour adorer Dieu pendant la fête de la Pâque.
Ils abordèrent Philippe, qui était de Bethsaïde en Galilée, et lui firent cette demande : « Nous voudrions voir Jésus. »
Philippe va le dire à André, et tous deux vont le dire à Jésus.
Alors Jésus leur déclare : « L’heure est venue où le Fils de l’homme doit être glorifié. Amen, amen, je vous le dis : si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit.
Qui aime sa vie la perd ; qui s’en détache en ce monde la gardera pour la vie éternelle.
Si quelqu’un veut me servir, qu’il me suive ; et là où moi je suis, là aussi sera mon serviteur. Si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera.
Maintenant mon âme est bouleversée. Que vais-je dire ? “Père, sauve-moi de cette heure” ? – Mais non ! C’est pour cela que je suis parvenu à cette heure-ci !
Père, glorifie ton nom ! »

Alors, du ciel vint une voix qui disait : « Je l’ai glorifié et je le glorifierai encore. »
En l’entendant, la foule qui se tenait là disait que c’était un coup de tonnerre. D’autres disaient : « C’est un ange qui lui a parlé. »
Mais Jésus leur répondit : « Ce n’est pas pour moi qu’il y a eu cette voix, mais pour vous.
Maintenant a lieu le jugement de ce monde ; maintenant le prince de ce monde va être jeté dehors ; et moi, quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes. »

Il signifiait par là de quel genre de mort il allait mourir.