Texte de l’homélie
Il serait facile de critiquer les gens qui nous gouvernent dans l’Église et dans la monde et de les traiter de mauvais bergers, imaginant que nous serions de bons bergers. Mais il n’est pas intéressant d’ajouter de la critique à la critique, et de faire augmenter la rumeur du monde.
Ce que Jésus nous apprend dans l’Évangile est intéressant. Jusqu’ici, Marc nous rapporte dans ses écrits que Jésus a appelé disciples ceux qu’Il a choisis et qui l’accompagnent, ceux qu’Il a enseignés. Puis, Il les a envoyés en mission, et Il va les appeler apôtres, c’est à dire « les envoyés ».
Et Il va les faire rentrer dans la manière dans la manière dont Lui-même est berger.
Vous voyez bien que Jésus n’est égal à aucun des gouvernants qui puissent exister… Mais, comment va-t-Il leur apprendre ?
Certes, Jésus enseigne, mais toujours ensuite, Il s’échappe dans la montagne. On le voit dès les premières pages de Sa mission à Capharnaüm : Il va à l’écart, dans un endroit désert.
Jusqu’à cet épisode, Il ne l’avait pas fait, mais comme ils partagent la grâce que Jésus porte - comme nous sommes appelés à la porter – Il les fait rentrer dans cette action, dans cette manière.
Donc, si vous voulez être bergers, allez vous reposer ! Allez prendre cette distance, ces moments de réflexion et de prière, ce moment où notre vie s’adresse et exprime son désir, rejoint et prend cette forme avec la parole de Dieu pour rejoindre ce souffle divin.
Ici, on voit Jésus qui est saisi de compassion, de miséricorde et de tendresse.
Il accueille sans critiquer
Ce n’est pas la critique qui Lui vient, ni de déclarer que le monde n’est pas bon, mais c’est cette tendresse, cette joie et cet émerveillement sur chacun. Telle est notre mission ! Ne soyons pas de ces Chrétiens qui se plaignent.
Et pour rentrer dans cette attitude de prière, il nous est donné ce psaume magnifique qui nous parle des eaux du repos, qui nous apprend à y vivre :
« Le Seigneur est mon berger, je ne manque de rien. »
C’est une expérience fondamentale dans l’Écriture. Il y a d’abord celle du désert où ils font la rencontre du Seigneur après avoir été arrachés au pays d’abondance en Egypte – au prix de la violence, des cœurs brisés et du mépris, et dans cette expérience du désert, ils ont constaté qu’ils n’ont manqué de rien. Et dans le livre du Deutéronome, le Seigneur dit à Moïse :
« A travers ce désert, voilà quarante ans que le Seigneur ton Dieu est avec toi, sans que tu manques de rien. »
« Ils ont crié vers le Seigneur et Il leur a répondu. »
On le voit avec les cailles, la manne, et l’eau…
Leur arrivée dans cette terre promise est relatée dans le célèbre passage de Deutéronome 8 où sont donnés les huit produits du pays avec le froment, l’orge, la vigne, le figuier, le grenadier, l’olivier, l’huile et le miel. C’est un pays où le pain ne sera pas mesuré, et où tu ne manqueras de rien.
Quand Jésus a envoyé Ses disciples, comme Luc le relate, peu de temps avant la Passion, Il leur dit :
« Quand je vous ai envoyés sans besace, sans bourses ni sandales, avez-vous manqué de quelque chose ? »
Ils répondent : « De rien ! »
« Le Seigneur est mon berger, je ne manque de rien. »
Il me fait reposer, Il me donne ce dont j’ai besoin…
C’est tellement important de vivre dans cette reconnaissance, cette gratitude, car le Seigneur nous donne tant de choses…
« Il me mène vers des eaux tranquilles et me fait revivre. »
J’aime bien évoquer les eaux tranquilles. Ce mot a pour base menarot qui signifie « consolation », menarem étant le « consolateur ». Ces eaux nous rappellent aussi le baptême, celles d’où jaillit la vie !
On trouve « Il me fait revivre » traduit par « Il restaure mon âme » dans d’autres traductions. Dans le texte hébreux, on a aussi « Il fait revenir mon âme », « Il me faire revenir » : « Nafchi ie chovel ».
En effet, dans tout le psaume, il y a comme guide cette notion que Dieu nous fait revenir. Revenir, c’est la conversion, c’est sortir de l’esclavage, c’est apprendre à suivre le Seigneur. Du coup, on ne comprend pas tout si on reste sur la notion qu’Il restaure mon âme et me conduit par des justes chemins. Non : Il me fait revivre, Il me ramène et Il va m’accompagner sur le chemin. Et c’est pour l’honneur de Son Nom, car c’est Lui qui l’a déclaré.
On retrouvera cette notion à la fin du psaume :
« J’habiterai la maison du Seigneur pour la durée de mes jours. »
On traduit un peu rapidement « j’habiterai » comme « je m’installerai », mais cela signifie aussi « je reviendrai ».
« Je reviendrai dans la maison du Seigneur pour la durée de mes jours. »
Il y a vraiment ce chemin, ce repos. C’est cette conversion, cette transformation, ce retour : Jésus va au désert pour se replonger, pour écouter, pour exprimer ce qu’Il a vécu, ce qu’Il a entendu pour rendre Son souffle au Père et recevoir ce souffle du Père qu’Il pourra à nouveau communiquer à tous les hommes.
Puis, il y a le milieu du psaume avec les mots qui reviennent très souvent dans la Bible, et l’on voit ce chemin :
« Si je traverse les ravins de la mort… »
Nous pouvons aussi traduire « ravins » par « ombre » : si je traverse l’ombre de la mort, les difficultés de la vie, ces moments d’effroi, d’incompréhension et d’angoisse…
« …je ne crains aucun mal car Tu es avec moi. »
Vous le savez, cette expression « ne crains pas » revient 365 fois dans la Bible, c’est à dire une fois pour chaque jour ! Ce message est fort : « Tu es avec moi »
Il est avec moi !
Et si vous parcourez la Bible tous les passages où ces paroles sont dites, vous traverserez Abraham, Isaac, Jacob, Moïse, Josué, et toute l’histoire du peuple avec Isaïe, et enfin Marie puis Jésus qui s’appelle « Emmanuel ».
« Le Seigneur est avec toi. »
Voilà ce qui est important. La première grâce chrétienne devrait être celle-ci avec ce changement de mentalité où Dieu n’est pas à atteindre par nos propres forces, mais où Il est là, Il m’accompagne, Il me donne la force, Il me fait traverser, Il me guide, avec Sa houlette, avec Son bâton de berger qui à la fois écarte le danger et rappelle à l’ordre…
Puis, vous avez aussi ce passage où il est dit :
« Tu prépares pour moi une table face à mes ennemis. »
Reprenons-le et relions-le avec : « Je ne crains aucun mal ». Car, comme vous l’avez entendu dans la deuxième lecture, et dans tous les commandements de Jésus - nous le redisons dans le Notre-Père, il s’agit de garder la Foi l’Espérance et la Charité – notre « devoir » de Chrétien est de ne craindre aucun mal, de n’être assujetti à aucun mal.
Et ce que vient faire le Seigneur en nous invitant à revêtir le pardon – à le recevoir et à en être porteur – c’est apprendre à ne plus être esclave du mal.
Ainsi, il est dit ensuite :
« Tu prépares pour moi une table devant mes ennemis. »
Certes, c’est un signe d’honneur pour moi qui ne suis rien et qui ai des difficultés, le Seigneur m’invite devant mes ennemis et me fait l’hospitalité et répand le parfum sur ma tête…
Dans ce psaume, le parfum est important :
« Ton nom est une huile qui se répand… »
Dans l’Antiquité, les parfums étaient faits à base d’huile et non pas d’alcool comme de nos jours.
Et c’est en donnant ce nom de Jésus que notre cœur va être pénétré de cette paix dans laquelle Il nous porte.
« Et ma coupe est débordante. »
Bien entendu, tous les commentateurs y verront aussi cette allusion à l’Eucharistie. Aussi, laissons-nous attirer par Jésus. Prenons Sa parole pour rentrer dans ces eaux du repos.
Alors, nous deviendrons des bergers, nous deviendrons responsables et nous pourrons regarder la vie non seulement avec nos idées, nos goûts, nos opinions et nos raisonnements, mais nous les verrons avec cette grâce de Dieu qui veut se répandre dans nos cœurs, dans ces mystères que nous célébrons. Il veut que nous soyons les dispensateurs dans tous ceux que nous rencontrerons cette semaine,
Amen !
Références des lectures du jour :
- Livre de Jérémie 23,1-6.
- Psaume 23(22),1-2ab.2c-3.4.5.6.
- Lettre de saint Paul Apôtre aux Éphésiens 2,13-18.
- Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc 6,30-34 :
En ce temps-là, les Apôtres se réunirent auprès de Jésus, et lui annoncèrent tout ce qu’ils avaient fait et enseigné. Il leur dit : « Venez à l’écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu. »
De fait, ceux qui arrivaient et ceux qui partaient étaient nombreux, et l’on n’avait même pas le temps de manger.
Alors, ils partirent en barque pour un endroit désert, à l’écart. Les gens les virent s’éloigner, et beaucoup comprirent leur intention. Alors, à pied, de toutes les villes, ils coururent là-bas et arrivèrent avant eux.
En débarquant, Jésus vit une grande foule. Il fut saisi de compassion envers eux, parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger. Alors, il se mit à les enseigner longuement.