Homélie du 21e dimanche du Temps Ordinaire

26 août 2015

Alors Jésus dit aux Douze : « Voulez-vous partir, vous aussi ? »

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Texte de l’homélie :

Frères et sœurs bien-aimés,

« Y a-t-il au autre chemin ? »

Je me souviens de cette jeune fille qui avait participé à un camp Ski-Prière organisé par la Communauté il y a déjà plusieurs années. Elle était catholique, pratiquante, sa famille aussi. Mais elle me disait : « Parfois, j’ai envie de tout envoyer balader ! Est-ce que la religion ne me complique pas la vie ? Est-ce qu’au fond, il n’y a pas d’autre chemin ? Je vois mes amis du lycée, de la fac, ils ne sont pas croyants, ils font à peu près ce qu’ils veulent, et, somme toute, je ne les vois pas plus malheureux que moi, ou en tous cas, je ne suis pas, moi, plus heureuse qu’eux. »

Y a-t-il un autre chemin ?

Souvent, lorsqu’on a cette tentation de rejeter le Seigneur, parce qu’il est vrai que le chemin proposé par le Seigneur est un chemin exigeant, que c’est une porte étroite, eh bien c’est qu’on réduit la foi à une morale. Cela a été le drame du XIXe siècle, avec le rigorisme moral. Être catholique, c’était « Faire ceci » et « Ne pas faire cela », avec beaucoup de « ne pas faire », avec beaucoup d’interdits… Et c’est vrai que c’est assez desséchant. Et ce rigorisme moral du XIXe siècle a comme implosé en mai 68 avec tout ce que nous avons vu comme débordements. C’est le principe un peu de balancier, ce balancier que l’on voit dans l’Histoire, et dans l’histoire de l’Église aussi.

Si l’on réduit la foi à une simple morale, eh bien, c’est vrai, on se dit au fond « A quoi bon ? », « C’est un peu dur ! », si l’on n’a pas cette lecture spirituelle.

Nous sommes ce dimanche à la fin du chapitre 6e de Saint Jean. Les dimanches précédents, nous avons entendu Jésus révéler qu’Il était le Pain de Vie :

« Celui qui mange ma chair et boit mon sang, celui-là a la Vie Éternelle. »

Dit comme ça, sans la lumière de l’Eucharistie, « ceci est mon Corps, ceci est mon Sang » c’est plutôt rude et, de fait, les premiers chrétiens étaient traités d’anthropophages : ils buvaient le sang et mangeaient la chair d’un homme qui s’appelait Jésus. Si on n’a pas la réalité spirituelle que donne l’Eucharistie, on ne comprend rien.
Mais il en va de même pour autre chose ! Je pense par exemple au mariage. Si on résume ce que demande l’Église catholique par rapport au mariage à une simple morale, si on n’a pas cette réalité spirituelle, on ne comprend pas le mariage tel qu’il est proposé par l’Église et ses exigences.
J’accompagne beaucoup de fiancés vers le mariage - c’est mon ministère principal, et je vois que certains ont du mal, même s’ils ont beaucoup de bonne volonté, mais qu’ils sentent dans leur amour quelque chose qui est plus grand qu’eux-mêmes.
Je me souviens de cette fille, éduquée dans une famille catholique, elle était chez les Pères Jésuites à l’école, mais n’était pas pratiquante, et qui me disait au moment de construire son couple :
« Vers qui vais-je aller ? Qui va me donner une lumière ? Qui va me montrer un chemin ? »
Et de répondre d’elle-même :
« Eh bien, je vais me tourner vers l’Église catholique, parce que c’est la seule qui me montre une lumière, la seule qui me tire vers le haut. »

Et c’est vrai, comme le dit saint Paul dans la 2e lecture, ce que propose l’Église, ce que propose le Christ Lui-même, c’est un amour qui est signe d’un amour de toujours à toujours, celui du Christ et de l’Église. Mais on comprend ce que demande le Christ pour le mariage qu’à la lumière de l’Eucharistie justement, parce qu’il y a d’abord une parole, parole suivie du don des corps, et ensuite qui rayonne dans la fécondité. On le voit bien dans la messe : la Parole de Dieu « Ceci est mon Corps, ceci est mon Sang » est suivie de la fécondité spirituelle par la communion. Cela veut dire qu’il y a un ordre dans l’amour.
Et beaucoup de jeunes que j’accompagne sont en vie commune, et je leur explique cela : si on n’a pas cette vie de foi vive qui fait comprendre qu’il y a un ordre dans l’amour, eh bien on en reste à une morale desséchante. Cet ordre dans l’amour vient de l’Incarnation : le Verbe de Dieu, le Verbe s’est fait chair et Il a habité parmi nous.

C’est vrai, elle est exigeante cette Parole. Ce que propose le Christ par exemple pour l’amour humain : est-ce qu’il y a quelque chose de plus grand qui est proposé ailleurs ? Non. Regardez autour de vous comme cette jeune fille qui, au moment de fonder un couple, se dit : « Je vais me tourner vers l’Église parce qu’il n’y a qu’elle qui propose une préparation, et puis il n’y a qu’elle qui propose quelque chose de grand, un amour qui me tire vers le haut. »
Alors oui, c’est exigeant cette Parole à propos du mariage, exigence d’un amour pour toujours. Et comme je le disais aux fiancés que j’ai mariés hier, avec l’allongement de la durée de la vie, la fidélité devient peut-être plus exigeante qu’auparavant, même si on se marie aussi plus tard !

Mais, au fond, le Seigneur nous demande de lui faire confiance. Et c’est là la clef de tout : foi et confiance ont la même origine, la même étymologie. Si je n’ai pas cette foi vive, cette confiance, ce cœur à cœur avec le Seigneur, ce que me demande le Seigneur me paraît difficile, voire même impossible à vue humaine. Mais si j’ai cette confiance, cet attachement profond à la personne même de Jésus, par la lecture de la Parole de Dieu, par la prière personnelle, par la pratique des sacrements, et singulièrement la messe dominicale, le sacrement de la réconciliation, donc si j’ai cet attachement personnel à Jésus Lui-même, alors la grâce agit en moi. Ce n’est pas simplement par mes propres forces que j’avance, mais par la grâce.
Qui peut dire « Buvez mon Sang, mangez ma Chair, et vous aurez la vie » ? Il n’y a que le Christ. Et cela nous demande donc de nous interroger : où est-ce qu’on en est dans notre intimité avec le Seigneur ? Est-ce qu’on n’a pas réduit notre foi à une simple morale, à un simple code de conduit ?. C’est vrai que la foi est aussi un code de conduite, parce que quand on rencontre le Seigneur, on ne peut pas vivre comme si on ne l’avait pas rencontré, et c’est tout à fait juste.

Demandons au Seigneur de renouveler ce cœur à cœur avec Lui. Demandons-Lui qu’Il nous aide à revoir la portée de toute chose, Lui qui a pour l’amour humain un désir très grand. Et je le vois chez les fiancés que j’accompagne : ce sont des jeunes de leur temps, pas toujours pratiquants, mais qui ont eux aussi un désir de grandeur, désir de quelque chose de sacré. Ils perçoivent dans leur amour qu’il y a quelque chose qui dépasse leur amour. Et en se donnant à cette grandeur, ils découvrent qu’ils vont pouvoir durer, non par leurs propres forces, mais parce qu’ils mettront au cœur de leur amour quelque chose de plus grand qu’eux-mêmes, c’est-à-dire une transcendance. La communion demande une transcendance. Et sans cette transcendance, on est livrés à nos psychologies blessées dans un face à face qui peut parfois, malheureusement, mal se terminer.

Alors, demandons au Seigneur en ce jour que, malgré la Parole qui peut nous paraître parfois dure, comme le pardon qui n’est pas chose facile, comme cette vision de l’amour humain qui s’engage pour toujours dans une parole tout comme Dieu aussi s’engage dans une parole, demandons-Lui qu’Il nous redonne la vraie mesure de toute chose, qu’Il vienne nous renouveler intérieurement en ce jour, pour que nous puissions découvrir ces beautés d’un Dieu qui nous appelle des ténèbres à son admirable lumière.

Amen.


Références des lectures du jour :

  • Livre de Josué 24,1-2a.15-17.18b.
  • Psaume 34(33),2-3.16-17.20-21.22-23.
  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Éphésiens 5,21-32.
  • Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 6,60-69 :

En ce temps-là, Jésus avait donné un enseignement dans la synagogue de Capharnaüm. Beaucoup de ses disciples, qui avaient entendu, déclarèrent :
— « Cette parole est rude ! Qui peut l’entendre ? »
Jésus savait en lui-même que ses disciples récriminaient à son sujet. Il leur dit :
— « Cela vous scandalise ? Et quand vous verrez le Fils de l’homme monter là où il était auparavant !…
C’est l’esprit qui fait vivre, la chair n’est capable de rien. Les paroles que je vous ai dites sont esprit et elles sont vie.
Mais il y en a parmi vous qui ne croient pas. »
Jésus savait en effet depuis le commencement quels étaient ceux qui ne croyaient pas, et qui était celui qui le livrerait.
Il ajouta :
— « Voilà pourquoi je vous ai dit que personne ne peut venir à moi si cela ne lui est pas donné par le Père. »
À partir de ce moment, beaucoup de ses disciples s’en retournèrent et cessèrent de l’accompagner.
Alors Jésus dit aux Douze :
— « Voulez-vous partir, vous aussi ? »
Simon-Pierre lui répondit :
— « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle.
Quant à nous, nous croyons, et nous savons que tu es le Saint de Dieu. »