Homélie du septième dimanche de Pâques

13 mai 2024

« Et maintenant que je viens à toi, je parle ainsi, dans le monde, pour qu’ils aient en eux ma joie, et qu’ils en soient comblés. »

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Texte de l’homélie

Frères et sœurs, au cœur de l’Évangile de ce jour, dans cette prière bien connue, cette prière ultime qu’Il adresse à Son Père avant de mourir, Jésus nous donne quelques conseils concernant notre relation au monde. C’est un des fruits de Pâques : comment nous positionner an tant Chrétiens face monde. Être dans le monde tout en n’étant pas du monde.

Bien entendu, il s’agit du pas monde en tant que planète – ce n’est pas d’écologie dont il est question – mais en employant ce mot, Saint Jean fait allusion à la culture mondaine, à la façon de vivre qui résiste à la Bonne Nouvelle de l’Évangile, et qui en quelque sorte, abîme l’homme, l’humain en général.

En méditant sur ce sujet délicat m’est venue cette image de la pastille qui permet de purifier l’eau non potable. Il est possible que Jésus y aurait fait allusion si elle avait existé du temps des Romains. Celles et ceux qui un peu ont voyagé, vous connaissez sans doutes ce produit qui est d’une très grande utilité. Personnellement, j’y ai eu recours au fin fond du Sahara. Elle permet de transformer une eau non potable en une eau consommable. C’est très précieux, surtout dans les pays pauvres.

Et, pour que cette transformation soit possible, il y a trois choses qui sont nécessaires :

  • tout d’abord que la pastille existe avec ses capacités, ses propriétés propres à transformer l’eau.
  • ensuite, il faut que cette pastille soit plongée dans l’eau impure, qu’elle opère une efficace transformation.
  • enfin, le but de cette transformation est qu’elle produise l’effet escompté : l’eau purifiée que nous pouvons boire, et qui donne ainsi la vie.

Ce n’est certes qu’une petite image, mais cela permet de nous laisser questionner à travers cet évangile d’aujourd’hui où nous pouvons découvrir trois attitudes essentielles et inséparables de tout Chrétien dans notre relation au monde, si mélangé qu’il soit, ce monde qui n’est pas totalement en Dieu mais dans lequel nous sommes plongés. Tout d’abord, il est bon de nous rappeler que par le sacrement du baptême, comme nous l’avons chanté depuis Pâques, par la sainte volonté de Dieu, par le mystère de Jésus qui est mort et ressuscité, nous sommes tous des grâciés, des « rendus purs » en Christ ressuscité, des enfants de lumière.

Frères et sœurs, nous sommes des temples du Saint-Esprit, c’est donné, rien que ça ! Jésus nous en a fait le cadeau. Et en ce jour, nous entendons cette belle prière lorsque Jésus dit :

« Père, qu’ils soient un comme nous-mêmes nous sommes uns. »

C’est à dire qu’il y a un partage total entre la vie de Dieu et notre vie. C’est un cadeau suprême : nous avons été divinisés en Dieu. Par ailleurs, Saint Paul exhortait les fidèles à l’époque à être fiers de porter le nom de Chrétiens. Fiers, car c’est le nom d’un Dieu qui nous veut semblables à Lui, d’un Dieu qui nous fait goûter à un bonheur.

Comme le rappelle la prière d’ouverture, il faut chercher ce bonheur car il ne tombe pas du ciel, mais il existe, mais il dépasse infiniment tous les bonheurs et les plaisirs du monde accumulés. Ce n’est pas en opposition, mais c’est beaucoup plus grand que tous nos plaisirs les plus magnifiques. Croire en la dignité de toute personne humaine dès la conception n’est tout de même pas rien. Et si vous souhaitez alimenter cette fierté, je vous conseille de lire Dignitas infinita, la dernière déclaration du Pape François concernant la dignité de toute personne humaine : elle est magnifique, prophétique.

Et si ce n’est pas déjà fait, une autre manière lumineuse de nourrir notre réflexion est d’assister à cet étonnant spectacle musical, actuellement en tournée en Europe, qui retrace la vie de Sainte Bernadette. Il y a de quoi bichonner notre identité chrétienne… mais le faisons-nous assez ? Il y a des signes aujourd’hui très forts pour nous réveiller.

Voici donc une première pastille qui nous est donnée : nous sommes des fils et des filles de Dieu !

Tout ceci est très bien, mais il y a une deuxième finalité dans cette pastille qui consiste au contact avec l’eau impure, sinon elle ne pourra pas faire son effet. Si vous la laissez dans une boîte, elle ne servira à rien. De même, Jésus nous le rappelle aujourd’hui dans l’Évangile : Il nous veut dans le monde, et non pas que nous restions entre purs, entre parfaits : cela n’existe pas. Jésus nous envoie dans le monde d’aujourd’hui. Il n’est pourtant pas si facile, il peut nous déprimer, mais c’est à l’intérieur de lui qu’il faut aller.

Et Il prie pour cela, pour que nous ne soyons pas retirés de ce monde. Autrement dit, tout fervent Chrétien que nous sommes parmi cette assemblée ne peut pas se couper du monde, en se revendiquant d’ailleurs, en espérant quelque chose de miraculeux qui descendrait du Ciel.

On ne peut pas non plus nous laisser entraîner à dire du mal de ce monde, Jésus ne le fait jamais. Certes, le mal existe, mais le monde est créé par Dieu dans ce mélange. C’est un regard qu’il est important de demander à Jésus, frères et sœurs, et surtout aujourd’hui. Et nous ne pouvons l’avoir que si nous sommes conscients de cette première grâce que d’être porteurs de la vie de Jésus en nous.

Il y a donc au moins deux tentations qui peuvent nous surprendre, à commencer par celle de vouloir se surprotéger, de surprotéger sa famille, avec cette subtile tentation qui peut nous habiter de l’entre soi, avec ce petit côté sectaire qui se développe par peur d’être contaminé… Attention !

Une deuxième tentation est celle de devenir des caméléons, d’être gagnés par la tiédeur et le relativisme. On prend « la couleur du monde » parce que c’est plus facile, redevenant Chrétien le dimanche seulement… Attention !

Il y aurait beaucoup de choses à dire, mais être dans le monde en tant que Chrétien nous pousse finalement à être solidaires, à être responsables avec tous ceux qui, dans le monde, contribuent à promouvoir l’Évangile et la vraie vie. Comme dit le Pape François :

« Nous ne pouvons pas ne pas être acteurs avec les autres dans ce processus de la transformation du monde en Christ. »

Le fait de ne pas être du monde nous mobilise aussi à savoir dénoncer avec sagesse et humilité et refuser ce qui s’y oppose, même si ce n’est pas toujours facile. C’est la promesse que nous avons faite à la vigile pascale. Et c’est très riche et très beau, ce n’est pas facile, mais cela nous amène à nous questionner dans ce sens-là.

Dans cette perspective, cela me rappelle la prière attribuée à Saint François :

« Là où il y a de la tristesse, que je mette de la joie ! »

Là où il y a de la haine – que ce soit en moi ou en dehors de moi – que j’y mette de l’amour, parce que j’en suis capable, porté par le Christ.

« Que je ne cherche pas tant à être aimé qu’à aimer, car c’est en s’oubliant qu’on se retrouve, c’est en mourant qu’on ressuscite à la vie éternelle… »

C’est une vie qui traverse le monde tel qu’il est et qui un jour lui permettra d’être accomplie dans le Christ. C’est notre espérance.

Pour terminer, une troisième finalité de cette pastille, c’est qu’elle capable de produire de l’eau pure. Jésus dit :

« Allez, faites de disciples ! que tous aient ma joie en eux et qu’ils en soient comblés. »

C’est la béatitude de voir s’accomplir aujourd’hui déjà le règne de Dieu dans le monde, peut-être en regardant « les saints de la porte d’à côté », comme dit le Pape François, ceux que nous ne voyons, la voisine qui fait son petit chemin de sainteté que je n’ai même pas remarqué et qui devrait me réjouir. C’est le moment pour porter les bons fruits du Saint Esprit :

« Revenez à ces bons fruits : la joie de Dieu, la paix, l’humilité, la maîtrise de soi… »

Ce n’est pas très moderne, mais c’est la vraie vie et nous pouvons y adhérer, nous pouvons nous y exercer. Et l’évangile de ce jour en révèle les trois fruits les plus essentiels, qui sont les plus opposés de l’esprit du monde : la fidélité à Dieu, l’unité en Christ et la vérité…

Demandons ainsi ces grâces au Seigneur dans notre vie, là où nous sommes, pour être des disciples de cette bonne nouvelle dans ma famille et dans le monde qui m’entoure.

Ainsi, avec Marie et les apôtres qui sont au Cénacle et avec lesquels nous méditons cette semaine, frères et sœurs, priez très fort l’Esprit-Saint d’apprendre à discerner ce que Dieu veut pour nous, son aide est indispensable. C’est le travail de toute une vie que de se laisser questionner par la Parole, de nous engager, chacun selon notre appel et notre vocation, à cet enfantement du monde, et de nous émerveiller, surtout, de voir que les promesses de Dieu s’accomplissent tous les jours,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre des Actes des Apôtres 1,15-17.20a.20c-26.
  • Psaume 103(102),1-2.11-12.19-20ab.
  • Première lettre de saint Jean 4,11-16.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 17,11b-19 :

En ce temps-là, les yeux levés au ciel, Jésus priait ainsi : « Père saint, garde mes disciples unis dans ton nom, le nom que tu m’as donné, pour qu’ils soient un, comme nous-mêmes.
Quand j’étais avec eux, je les gardais unis dans ton nom, le nom que tu m’as donné. J’ai veillé sur eux, et aucun ne s’est perdu, sauf celui qui s’en va à sa perte de sorte que l’Écriture soit accomplie.
Et maintenant que je viens à toi, je parle ainsi, dans le monde, pour qu’ils aient en eux ma joie, et qu’ils en soient comblés.
Moi, je leur ai donné ta parole, et le monde les a pris en haine parce qu’ils n’appartiennent pas au monde, de même que moi je n’appartiens pas au monde. Je ne prie pas pour que tu les retires du monde, mais pour que tu les gardes du Mauvais. Ils n’appartiennent pas au monde, de même que moi, je n’appartiens pas au monde. Sanctifie-les dans la vérité : ta parole est vérité.
De même que tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi, je les ai envoyés dans le monde. Et pour eux je me sanctifie moi-même, afin qu’ils soient, eux aussi, sanctifiés dans la vérité. »