Texte de l’homélie :
Chers frères et sœurs,
Commençons par une petite question grammaticale : lorsque vous faites le signe de la croix, le mot « nom » est-il au singulier ou au pluriel ?
« Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit ! »
C’est bien au singulier, parce que nous croyons en un dieu unique. Ensuite nous mentionnons les trois personnes divines de la sainte Trinité : le Père, le Fils et le Saint-Esprit.
Ce mystère de la Trinité, nous l’exprimons de manière multiple et variée tout au long la liturgie : « Gloire soit au Père, au Fils et au Saint-Esprit », dans la doxologie, etc… ainsi que tout au long de l’année, avec les fêtes de Noël, de Pâques, de l’Ascension et de la Pentecôte.
Jusqu’alors, nous avons célébré les mystères de la vie du Seigneur ; aujourd’hui, nous célébrons non pas un événement mais le mystère même de notre Dieu, un et trine. Ainsi, nous croyons en un dieu unique mais dans la trinité des personnes.
Pour cette fête je voudrais vous dire trois choses :
- La Trinité, c’est un mystère qui nous a été révélé peu à peu, nous n’aurions pas pu le découvrir. c’est la première chose que je désire vous dire ce matin.
- La Trinité n’est pas un détail dans l’être de Dieu : Il est un dieu d’Amour, et cela se manifeste ainsi
- Enfin, ce Dieu d’amour nous invite à entrer dans sa vie, mais comment faire ?
La révélation progressive de la Trinité
La Sainte Trinité existe de toujours à toujours. Le Fils de Dieu n’a pas commencé à exister à Noël : Il est éternel. De même, le Saint Esprit n’a pas commencé à exister le jour de la Pentecôte : Il est éternel. La Trinité ne s’est révélée à nous que progressivement. Dieu s’est d’abord révélé dans l’unité de sa nature avant de se révéler dans la Trinité des personnes. Dans l’Ancien Testament, un accent continuel est mis sur l’unité de la nature de Dieu.
Le peuple de Dieu confronté à tout le polythéisme ambiant, a été appelé à n’adorer qu’un seul Dieu.
Quand vint la plénitude des temps, Dieu nous a révélé son Fils. Puis vint le temps de nous révéler le Saint Esprit. Jésus n’a jamais parlé du Père comme un professeur qui apprend à ses élèves des notions nouvelles. Il en a parlé parce qu’Il vivait avec lui, parce qu’il agissait avec lui. En suivant Jésus, les apôtres l’ont vu s’adresser à son Père. À son école, ils ont commencé à s’adresser au Père avec la prière que Jésus leur a enseignée. Jésus leur a promis l’Esprit Saint.
De fait, à partir de la Pentecôte, l’Esprit Saint est devenu vraiment quelqu’un pour eux.
La Trinité que Jésus nous révèle ne détruit pas l’unité de Dieu, mais elle l’exalte. Ce n’est pas un recul par rapport au monothéisme absolu de la Bible ou d’autres religions comme l’Islam, au contraire, c’est un dépassement. En Dieu, la Trinité n’est pas division mais richesse. Pour la Bible, il y a une unité dynamique entre les personnes divines : elle est com-présence ou compénétration (perichoresis), de chacune des trois personnes dans les deux autres :
« Je suis dans le Père et le Père est en moi » (Jn 14, 11)
« Le Père et moi nous sommes un » (Jn 10, 30)
A travers chacune des personnes divines, nous atteignons toute la Trinité. Lorsque nous recevons l’Eucharistie, nous recevons la Personne du Fils Jésus-Christ, en qui habite corporellement toute la plénitude de la divinité (Col 2, 9). Par conséquent, nous recevons toute la Trinité. Cette unité profonde du Père, du Fils et de l’Esprit entre eux se manifeste dans l’histoire du salut, dans le fait que chacune des trois personnes se révèle en révélant les deux autres : elle ne parle pas d’elle-même mais de l’autre, et c’est en parlant de l’autre qu’elle se fait connaître elle-même. Le Père se fait connaître lui-même au moment où il dit de Jésus :
« Celui-ci est mon Fils bien-aimé ! »
Le Fils se révèle comme Fils, en nous faisant connaître le Père et en prononçant “Abba”. L’Esprit Saint se révèle comme Esprit du Père et du Fils lorsqu’il vient en nous nous enseigner à dire à notre tour : “Abba” et : “Jésus est Seigneur”. Chacun glorifie l’autre et est glorifié par l’autre. C’est ce que l’on appelle la prière sacerdotale :
« Glorifie ton Fils pour que ton Fils te glorifie. » « Je t’ai glorifié sur la terre… J’ai fait connaître ton nom aux hommes. » (Jn 17, 1.4.6) « L’Esprit de vérité me glorifiera. » (Jn 16, 13ss)
C’est la logique divine du don. C’est l’être même de Dieu qui nous est révélé par la Trinité.
La Trinité, un Dieu d’amour
Frères et sœurs bien-aimés, le mystère de la Trinité nous a été révélé par Jésus (nous ne pouvons pas démontrer l’existence de la Trinité tout seuls), mais une fois connue par la révélation, nous avons l’intuition que si Dieu existe, il ne peut être qu’ainsi : un Dieu d’amour.
L’amour n’est pas seulement un attribut de Dieu, une qualité de Dieu ; il est son être même. C’est pourquoi le dogme de la sainte Trinité n’est pas un détail dans notre foi. C’est véritablement le cœur de notre foi chrétienne.
Jésus est venu nous révéler que la vie de Dieu n’est pas narcissisme ou repli sur soi mais communion d’amour. Dieu n’est pas un être solitaire qui passerait son éternité à se regarder lui-même, à se louer, à s’admirer et à exiger de ses créatures qu’elles le louent et l’admirent. Ce serait affreux un Dieu comme cela. Non, Dieu est trois personnes qui s’aiment depuis toute l’éternité ; Dieu est l’amour qui n’a ni commencement ni fin. Dieu est comme une famille où tout est commun, tout est partagé, tout est communiqué. Le Père n’a rien : tout ce qu’Il a, il le donne au Fils ; et le Fils n’a rien car tout ce qu’il a, il le redonne au Père. Dieu ne possède pas, Dieu donne. Dieu est amour (1 Jn 4, 16), c’est pourquoi il est Trinité.
En effet, l’amour suppose un “je”, un “tu” et un “nous”. S’il y a moins de deux personnes, on ne peut parler d’amour disait Saint Grégoire le Grand. Saint Augustin parle d’une Trinité d’amour où le Père est celui qui aime, le Fils celui qui est aimé et l’Esprit Saint l’amour même.
Qu’il serait dommage de renoncer au mystère de la Sainte Trinité en pensant que c’est trop compliqué ! C’est un mystère tellement beau : la Trinité nous révèle que l’essentiel en Dieu, c’est son amour. Dieu est un mystère d’amour. Voici un beau résumé de tout l’évangile :
« Dieu est amour. »
Et cela sous-entend que Dieu est trinité.
Notre participation au mystère de la Trinité
Recevoir la vie de Dieu dans le baptême
Le plus important n’est pas d’exprimer le mystère de Dieu avec des concepts. Le mystère de Dieu dépassera toujours nos concepts. Le plus important, c’est d’entrer dans ce mystère, non pas comme une vérité à admirer de loin, tout en y restant étranger.
Dieu nous donne la grâce de pouvoir entrer dans ce mystère par le baptême puis par notre vie chrétienne pénétrée de prière.
A sa naissance, le bébé ne fait pas trop la différence avec sa maman. Il pense que lui et sa maman ne forment qu’une seule et même personne. Peu à peu, il va découvrir qu’il lui suffit de pleurer pour obtenir l’attention de sa maman. Il ne nous viendrait pas à l’idée de donner un cours au bébé pour qu’il apprenne que sa maman et lui ne forment pas une mais deux personnes distinctes. Cela, il va le découvrir peu à peu, au fil du temps, par ses différentes expériences.
Comme le bébé, depuis le moment de notre baptême nous sommes enfants de Dieu. Nous avons déjà une relation avec lui même si elle n’est pas consciente. C’est en vivant notre relation avec lui que peu à peu nous le découvrons. Cela se vie au niveau de notre être et non pas de nos paroles et de nos pensées.
En regardant Jésus, nous apprenons à entrer dans une attitude filiale. L’Esprit-Saint nous est donné d’abord pour nous adresser à Dieu.
Des images pour parler de la Trinité
Avant nous, les Pères de l’Église ont trouvé des images pour essayer d’exprimer quelque chose de ce mystère. Par exemple, Tertullien écrit au IIIe siècle :
« l’Esprit est le troisième après Dieu (le Père) et le Fils, comme est troisième le fruit que produit la tige, mais qui vient de la racine ; troisième comme le ruisseau qui dérive du fleuve mais qui vient de la source ; troisième comme la pointe du rayon par rapport au rayon et au soleil. » (Tertullien, Contre Praxéas)
Saint Éphrem, diacre en Syrie au 4e siècle, nous a laissé un bel hymne dédié à la Trinité. En voici des extraits :
Bien qu’il soit un seul être, c’est une trinité que l’on perçoit en lui.
Saisir l’inexplicable, qui le peut ? (…)
Le soleil est distinct de son rayonnement bien qu’il lui soit uni ; son rayon est aussi le soleil.
Mais personne ne parle pourtant de deux soleils, même si le rayon est aussi le soleil ici-bas. (…)
Qui peut montrer comment et où est attaché le rayon du soleil, ainsi que sa chaleur, bien que libres ?
Ils sont ni séparés ni confondus, unis, quoique distincts, libres, mais attachés, ô merveille ! (…)
Tandis que le soleil demeure tout là-haut, sa clarté, son ardeur sont, pour ceux d’ici-bas, un clair symbole.
Oui, son rayonnement est descendu sur terre et demeure en nos yeux comme s’il revêtait notre chair. (…)
Mais, lorsque le rayon remonte vers sa source, il n’a jamais été séparé de celui qui l’engendre.
Il laisse sa chaleur pour ceux qui sont en bas, comme Notre Seigneur a laissé l’Esprit Saint aux disciples. »
Ainsi, on entre dans cette vie de la Trinité tout d’abord par le baptême, puis on peut s’en faire des images, pour ensuite en vivre consciemment.
Des concepts
Les Pères de l’Église ne se sont pas limités à donner des images. Ils se sont efforcés de trouver les mots les plus justes pour exprimer ce qu’ils comprenaient de ce mystère. C’est ainsi que tout le 4e siècle a été dédié à défendre la pleine divinité du Fils et de l’Esprit Saint. Cette foi est exprimée dans le gloria, le credo, le signe de croix. Tout porte la trace de l’empreinte trinitaire.
L’Église a assuré ainsi trois vérités fondamentales de sa foi :
- Il n’y a qu’un seul Dieu
- Le Père, le Fils et l’Esprit Saint sont trois personnes à part entière dans la Trinité, distinctes et non fusionnées.
- Père, Fils et Esprit sont tous trois également Dieu. L’Église peut donc les adorer pareillement comme Dieu et dire : « Gloire au Père, au Fils et au Saint-Esprit ».
Je vous encourage vivement à approfondir votre foi par la connaissance, par exemple en relisant des passages dans le catéchisme de l’Église catholique.
Vous avez déjà un concentré de notre foi en la Trinité dans la préface que nous dirons avant la prière eucharistique :« Avec ton Fils unique et le Saint-Esprit, tu es un seul Dieu, tu es un seul Seigneur, dans la trinité des personnes et l’unité de leur nature.
Ce que nous croyons de ta gloire, parce que tu l’as révélé, nous le croyons pareillement, et de ton Fils et du Saint-Esprit : et quand nous proclamons notre foi au Dieu éternel et véritable, nous adorons en même temps chacune des personnes, leur unique nature, leur égale majesté. »
En guise de conclusion, je vous donne trois pistes :
- nourrir votre foi en la Trinité afin que vous puissiez en parler et en montrer toute la beauté aux non-chrétiens. Quel dommage de ne pas avoir de mots pour rendre compte du beau mystère de la Trinité auprès des non-chrétiens car il est le cœur même de notre foi !
- entrer dans ce mystère par le cœur en se donnant à Dieu dans la prière. Sainte Élisabeth de la Trinité est un bon maître pour cela.
- approfondir votre relation avec la Trinité en vivant davantage de charité. Dans son enseignement, le pape Benoît XVI nous disait souvent que le fait de vivre dans l’amour nous fait connaître Dieu de l’intérieur. Il y a un rapport profond entre l’amour que nous avons pour les autres et notre foi dans la Trinité. C’est une voie pour entrer plus avant dans la connaissance de Dieu. Voici trois pistes pour que cette fête ne reste pas extérieure mais partie intégrante de votre esprit et dans votre vie. Que Marie, qui avait un lien si particulier avec la sainte Trinité, vous aide sur ce chemin.
Amen !
Références des lectures du jour :
- Livre du Deutéronome 4,32-34.39-40.
- Psaume 33(32),4-5.6.9.18-19.20.22.
- Lettre de saint Paul Apôtre aux Romains 8,14-17.
- Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 28,16-20 :
En ce temps-là, les onze disciples s’en allèrent en Galilée, à la montagne où Jésus leur avait ordonné de se rendre.
Quand ils le virent, ils se prosternèrent, mais certains eurent des doutes.
Jésus s’approcha d’eux et leur adressa ces paroles :
« Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre.
Allez ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé.
Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. »