Homélie du 26e dimanche du Temps Ordinaire

30 septembre 2024

« Celui qui n’est pas contre nous est pour nous. Et celui qui vous donnera un verre d’eau au nom de votre appartenance au Christ, amen, je vous le dis, il ne restera pas sans récompense. »

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Texte de l’homélie

Chers frères et sœurs, en lisant l’évangile du jour, je vois combien il est important de garder la perspective de la vie éternelle sous les yeux pour avancer dans le quotidien de notre vie. Cela apparaît aussi dans l’oraison du jour qui nous invite à nous hâter vers les biens que Dieu promet de manière à parvenir au bonheur du Ciel :

« En nous hâtant vers les biens que tu promets, nous parviendrons au bonheur du ciel. »
« La vie des saints nous invite à considérer la vie éternelle comme l’horizon ultime de notre pèlerinage terrestre. […] Cette perspective change tout : elle donne un sens nouveau à nos actions, à notre engagement pour le bien, et à notre lutte contre le mal. » (Pape François, Toussaint 2018)

La perspective de la vie éternelle doit influencer notre quotidien et notre manière de vivre.

« La fête de Toussaint nous invite à lever les yeux au ciel et à méditer sur la plénitude de la vie divine que nous partageons un jour en Dieu. […] L’homme est créé pour quelque chose de grand, pour l’infini. Toute autre chose est insuffisante. C’est la vie éternelle qui est notre horizon ultime. » (Benoît XVI, Toussaint 2006)

La vie éternelle se présente comme une finalité qui nous aide à faire les bons choix. En suivant l’évangile de ce jour, je retiendrai trois domaines où la perspective de la vie éternelle nous donne une vraie lumière :

  • accepter des choses qui nous contrarient et nous exercent à la patience ;
  • avoir une attention renouvelée aux pauvres et aux petits pour ne pas les détourner du royaume ;
  • consentir à certains choix courageux pour ne pas manquer la porte du ciel.

Accepter des choses qui nous contrarient et nous exercent à la patience et à l’humilité

Dans l’évangile comme dans la première lecture, nous voyons comme est forte la tendance humaine à vouloir que tout le monde marche dans le même sens et à exclure ceux qui ne sont pas dans les clous.
Dans la première lecture, il s’agit d’« Eldad et Médad [qui] prophétisent dans le camp ». Josué veut les arrêter. En effet, pour une raison qu’on ne connaît pas – valable ou pas valable – , ils étaient restés dans le camp. Ils n’avaient pas répondu à la convocation de Moïse.
Moïse a l’esprit large :

« Serais-tu jaloux pour moi ? Ah ! Si le Seigneur pouvait mettre son esprit sur eux, pour faire de tout son peuple un peuple de prophètes ! »

Le but était que Moïse soit aidé dans son gouvernement. Il est vrai qu’ils n’ont pas observé les consignes. Cependant, cela ne nuit pas à la finalité.

Cela se répète dans l’évangile où Jean a la même réaction d’exclusion que Josué :

« Maître, nous avons vu quelqu’un chasser des esprits mauvais en ton nom ; nous avons voulu l’en empêcher, car il n’est pas de ceux qui nous suivent. »

On a vite fait de tout vouloir régenter pour que les choses se fassent à notre idée. Or l’important, c’est bien que les esprits mauvais soient chassés.

Jésus invite à élargir le point de vue :

« Ne l’empêchez pas, car celui qui fait un miracle en mon nom ne peut pas, aussitôt après, mal parler de moi ; celui qui n’est pas contre nous est pour nous. »

La finalité que poursuit Jésus est « que tous les hommes soient sauvés ». Jésus ne prétend pas tout maîtriser ; Il constate le bien qui est fait et Il admet que quelqu’un puisse faire un miracle en Son nom, bien que n’appartenant pas au groupe qu’Il a lui-même choisi.

C’est une belle invitation à l’humilité et à la patience. C’est de cette patience que nous parle la prière d’ouverture :

« Dieu, qui donnes la preuve suprême de ta puissance lorsque tu patientes et prends pitié… »

« L’homme le plus humble que la terre ait porté » (Nb 12, 3)

On retrouve cette humilité de Moïse chez de nombreux personnages de la Bible : Jean-Baptiste qui n’est pas jaloux que les gens aillent vers Jésus (Jn 3, 26-30), Pierre qui s’émerveille que l’Esprit Saint soit donné aux païens (Ac 10, 44-47), Paul qui se réjouit que l’évangile soit annoncé même si certains le font par envie ou rivalité (Ph 1, 12-18)

L’Église n’a pas le monopole du bien et se réjouit que d’autres y contribuent. C’est tout l’inverse de l’esprit de clocher. Ce qui intéresse Dieu avant tout, c’est que les hommes soient sauvés. Nous ne sommes pas propriétaires des dons de Dieu.

Cela ne veut pas dire que tous les chemins se valent.

« L’Église catholique ne rejette rien de ce qui est vrai et saint dans ces religions. Elle considère avec un respect sincère ces manières d’agir et de vivre, ces règles et ces doctrines qui, quoiqu’elles diffèrent en beaucoup de points de ce qu’elle-même tient et propose, cependant apporte souvent un rayon de la vérité qui illumine tous les hommes. Toutefois, elle annonce, et elle est tenue d’annoncer sans cesse, le Christ qui est “la voie, la vérité et la vie” (Jn 14, 6), dans lequel les hommes doivent trouver la plénitude de la vie religieuse et dans lequel Dieu s’est réconcilié toutes choses. » (L’Église et les religions non-chrétiennes, n° 2)

La tentation est grande de vouloir tout maîtriser, de sanctionner tout ce qui ne marche pas à notre idée. Jésus nous invite à prendre de la hauteur. C’est comme un arbitre qui ne siffle pas à chaqu

e seconde et voit si une faute entrave ou non le bon déroulement du match.

Dans l’accompagnement, on est davantage attentif au processus pour éviter des sanctions qui décourageraient et démotiveraient. L’important est que la personne aille dans la bonne direction. Cela requiert la patience, l’acceptation de l’imparfait, …

Avoir une attention renouvelée aux pauvres et aux petits, ce qui suppose d’être décentré de soi-même

Un deuxième point d’attention que nous donne Jésus concerne les pauvres et les petits pour lesquels Jésus a une prédilection. Attention à ne pas les détourner du royaume, de la vie éternelle par des scandales. Il y a une forme d’individualisme qui minimise l’impact de nos choix sur les autres et en particulier les petits. Face à cela, Jésus a une parole sévère :

« Celui qui entraînera la chute d’un seul de ces petits qui croient en moi, mieux vaudrait pour lui qu’on lui attache au cou une de ces meules que tournent les ânes, et qu’on le jette à la mer. »

Nous pourrions appliquer ici un principe cher à Élisabeth Lesueur :

« Toute âme qui s’élève élève le monde »

Mais aussi : toute âme qui s’abaisse abaisse le monde. Cela est d’autant plus vrai si nous avons une responsabilité vis-à-vis d’autres personnes comme les parents et les responsables à tous niveaux dans la société et dans l’Église.

Ceux qui exercent une responsabilité doivent être très attentifs à ne pas les détourner du Royaume par un comportement mais aussi par des idées qui font des ravages.
Cela concerne en premier lieu ceux dont la vie constitue un scandale. Hélas, nous en avons eu de nombreux exemples.
Cela concerne aussi ceux qui répandent des idéologies mortifères qui contribuent à mettre les gens dans le décors ou aussi aux personnalités qui votent des lois qui brouillent les consciences.
Cela suppose d’être décentré de soi-même : ne pas considérer son bien propre mais celui des pauvres et des petits.

« L’espérance chrétienne est toujours une espérance pour les autres également. Elle nous met en communion et nous lie dans un être-bon ensemble. Et il en découle aussi que l’acte de l’espérance chrétienne dépasse la simple question de ma propre salut, de mon bien-être. C’est une espérance pour l’humanité tout entière, une espérance vivante et universelle » (Spe Salvi, §48)

Consentir à certains choix courageux pour ne pas manquer la porte du ciel

« Si ta main t’entraîne au péché, coupe-la. Il vaut mieux entrer manchot dans la vie éternelle que d’être jeté avec tes deux mains dans la géhenne, là où le feu ne s’éteint pas. Si ton pied t’entraîne au péché, coupe-le. Il vaut mieux entrer estropié dans la vie éternelle que d’être jeté avec tes deux pieds dans la géhenne. Si ton oeil t’entraîne au péché, arrache-le. Il vaut mieux entrer borgne dans le royaume de Dieu que d’être jeté avec tes deux yeux dans la géhenne, là où le ver ne meurt pas et où le feu ne s’éteint pas. »

Le refrain qui revient est : « ce qui t’entraîne au péché ». Il ne s’agit pas de prendre cet évangile au pied de la lettre. Mais le moins que l’on puisse dire, c’est que Jésus nous appelle à poser des choix courageux quand certaines choses nous entraînent au péché et nous éloignent de notre finalité. Cela peut quelquefois « saigner » un peu !

Il est bon de nous arrêter de temps à autre pour voir ce qui nous entraîne au péché. Il y a alors de fermes résolutions à prendre. C’est bien à moi d’agir, de couper ce qui en moi est mauvais et m’entraîne au péché. Jésus ne fait pas à ma place. Autrement dit, si je ne veux pas me convertir, Il ne me forcera pas.

Par exemple, il peut y avoir des fréquentations ou des amitiés qui nous détournent de Dieu.

Cela peut concerner aussi les biens matériels dont parle saint Jacques dans la deuxième lecture. On ne doit jamais oublier que les biens matériels ne sont que des moyens. La finalité suppose de les utiliser correctement, pour favoriser le lien, les relations et la charité.

Dans la deuxième lecture, Saint Jacques s’étonne :

« Vous avez amassé de l’argent, alors que nous sommes dans les derniers temps ! »

Il trouve que c’est un non-sens d’amasser de l’argent alors que nous avons le Royaume en vue. Il nous alerte sur l’indifférence qui va à l’encontre de la solidarité :

« Vous avez recherché sur terre le plaisir et le luxe, et vous avez fait bombance pendant qu’on massacrait des gens. »

Je dois vous avouer que cette phrase a « fait mouche » en moi qui vit en Occident où nous avons tendance à vivre dans le plaisir et le luxe. L’Église n’est pas du tout opposée à la propriété privée. Mais ce droit n’est jamais un absolu.

« Le droit à la propriété privée est subordonné à celui de l’usage commun, à la destination universelle des biens »
(voir encyclique Laborem exercens, n° 14, et aussi : CEC no 2444-2448)

Cela ne vaut pas seulement pour les biens matériels mais tous les biens. Le désir de Dieu, c’est que tous les hommes soient heureux et sauvés,

« que tous les hommes soient sauvés » (1 Tm 2, 4)

Conclusion :

Le Seigneur nous invite à ne pas oublier le Royaume qui est notre destination ultime. Comment garder sous nos yeux la perspective de la vie éternelle ?
Nous avons besoin notamment de la prière qui est le lieu de rencontre avec Dieu. Nous avons besoin aussi de nous pénétrer davantage de Sa Parole qui nous révèle Dieu et son royaume.
Pour nous guider, nous avons bien sûr une étoile, la Vierge Marie. Elle nous montre toujours la bonne direction. Sachons Lui faire confiance, nous laisser éclairer par Son exemple et porter par Sa prière,

Amen.


Références des lectures du jour :

  • Livre des Nombres 11,25-29.
  • Psaume 19(18),8.10.12-13.14.
  • Lettre de saint Jacques 5,1-6.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc 9,38-43.45.47-48 :

En ce temps-là, Jean, l’un des Douze, disait à Jésus :
— « Maître, nous avons vu quelqu’un expulser les démons en ton nom ; nous l’en avons empêché, car il n’est pas de ceux qui nous suivent. »
Jésus répondit :
— « Ne l’en empêchez pas, car celui qui fait un miracle en mon nom ne peut pas, aussitôt après, mal parler de moi ; celui qui n’est pas contre nous est pour nous. Et celui qui vous donnera un verre d’eau au nom de votre appartenance au Christ, amen, je vous le dis, il ne restera pas sans récompense.
Celui qui est un scandale, une occasion de chute, pour un seul de ces petits qui croient en moi, mieux vaudrait pour lui qu’on lui attache au cou une de ces meules que tournent les ânes, et qu’on le jette à la mer.
Et si ta main est pour toi une occasion de chute, coupe-la. Mieux vaut pour toi entrer manchot dans la vie éternelle que de t’en aller dans la géhenne avec tes deux mains, là où le feu ne s’éteint pas.
Si ton pied est pour toi une occasion de chute, coupe-le. Mieux vaut pour toi entrer estropié dans la vie éternelle que de t’en aller dans la géhenne avec tes deux pieds.
Si ton œil est pour toi une occasion de chute, arrache-le. Mieux vaut pour toi entrer borgne dans le royaume de Dieu que de t’en aller dans la géhenne avec tes deux yeux, là où le ver ne meurt pas et où le feu ne s’éteint pas. »