Homélie du 13e dimanche du Temps Ordinaire

2 juillet 2024

Il saisit la main de l’enfant, et lui dit : « Talitha koum », ce qui signifie : « Jeune fille, je te le dis, lève-toi ! »

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Texte de l’homélie

Chers frères et sœurs Du temps du Christ, nos frères Juifs se demandaient ; « Quel est le plus grand des commandements ? » A cette question, le scribe répond que c’est celui de la charité. Mais on pourrait demander : quel est le premier des commandements, le commandement antérieur à tous les autres ? Est-ce : le « Écoute Israël ! » « shma… » Mais n’y a-t-il pas un commandement encore antérieur, que tous les autres supposent ? Et si c’était non pas « Écoute ! », mais « vis »…
Souvenons-nous d’Ézéchiel et cette belle vision :

« Je suis passé près de toi, et je t’ai vue te débattre dans ton sang. Quand tu étais dans ton sang, je t’ai dit : “Je veux que tu vives !” »

De fait ce n’est pas une évidence pour l’homme que de vivre. Concernant la plante, il est dit qu’elle croit automatiquement (automatiké). Mais pour l’homme, c’est autre chose : certes, le fonctionnement de ses organes est automatique, mais une vie proprement humaine ne l’est pas. Non, paradoxalement, vivre n’est pas naturel. Et le suicide des jeunes en témoigne qui reste 1re cause de mortalité des 15-25 ans. Il semble que ces paroles ne soient pas si évidentes…

« Dieu n’a pas fait la mort, il ne se réjouit pas de voir mourir les êtres vivants. Il les a tous créés pour qu’ils subsistent ; ce qui naît dans le monde est porteur de vie : on n’y trouve pas de poison qui fasse mourir. La puissance de la Mort ne règne pas sur la terre. »

Mais que s’est-il passé ? Après le péché, nous avons perdu des évidences, nous avons perdu l’évidence de Dieu, de Son existence, de Sa bonté pour nous. Tant de personnes le remettent en cause…
Et nous avons perdu aussi cette autre évidence : la vie vaut la peine d’être vécue ! Cela devient parfois bien flou, bien obscur… Et contrairement à ce que dit le livre de la Sagesse, il semble qu’on trouve dans le monde des « poisons qui fassent mourir ». Et ces poisons ont un nom : épreuves de santé (cf. la loi sur le suicide assisté), avenir bouché, difficultés relationnelles insurmontables… etc…

Souvenons-nous d’une chose : quand il manque une évidence, une évidence vitale, il nous faut la remplacer par la Foi. Oui, il y a un acte de foi immédiat, primordial, originel tout autant que l’acte de foi en Dieu, et qui va de pair avec Lui et c’est celui-ci : ma vie vaut la peine d’être vécue. Dieu nous dit en quelque sorte : « crois que ça en vaut la peine ! »

Si cet acte de foi n’est pas posé, notre appétit de vivre sera perpétuellement en dents de scie, à la merci de toutes les contradictions… Je suis le premier à pouvoir en parler : quand je me trouve devant des difficultés, est-ce que justement, je ne laisse pas ce posons s’insinuer en moi : le découragement et l’ « à quoi bon » destructeur ? ces mille et une façons de ne pas honorer ce commandement, cet appel à la vie ?

Car les attitudes de mort sont nombreuses : fuite dans de multiples addictions, dans l’évitement des difficultés, les psychotropes pas forcément nécessaires, la défiance de soi (« je ne vaux rien, ou pas grand-chose »)… peut être qu’on ne se le dit pas explicitement, mais cette parole reste comme un bruit de fond continu…

Autre manière de ne pas vivre à plein est d’envisager notre existence comme un pur divertissement qui ne mène nulle part, comme un grand parc d’attraction. Or la vie, mène toujours quelque part, vers une croissance, vers un plus… Si Dieu nous laisse en vie, c’est pour cela, c’est pour notre croissance intérieure ; pour que nous atteignions une maturité. Une vie qui n’est pas dans le sens d’une croissance risque de perdre graduellement son intérêt, devient fade et triste…

On est frappé de rencontrer des vieillards curieux de tout : ma vieille tante à plus de 90 ans, voulait élargir encore ses connaissances et s’était mis à écouter du Jazz, (summum de la modernité pour elle !!!), mais aussi elle réclamait toujours qu’on la corrige : elle voulait grandir en sainteté…

Et puis, une autre ombre de la mort qui plane aujourd’hui sur notre monde, c’est le froid d’un hiver qui s’insinue partout, qui paralyse tout ce qu’il touche : l’hiver démographique qui frappe l’Europe, avec ces berceaux vides qui disent simplement : « cette vie que j’ai reçu, elle n’est pas assez bien pour que je te la transmette… » Sans parler du péché, qui nous désespère, et nous fait prendre toute chose en dégoût, à commencer par nous-mêmes…

Vous l’avez compris, il n’y a aucun jugement dans ce que je dis, cet amour de la vie, cette défiance de la vie, ce sont des réalités pré morales. Alors, que fait Jésus devant notre difficulté d’être ? Il ne s’y résout pas, car « il ne se réjouit pas de voir mourir les êtres vivants ». Il renouvelle ce commandement : la guérison de cette petite fille dans le texte du jour une façon de renouveler ce commandement : « je veux que tu vives ! » et c’est un commandement qui s’adresse à toute l’humanité au-delà de cette jeune fille singulière. Ce Talita Kum est pour chacun, il est pour tous !

J’ai été frappé par tous les récits de résurrection dans l’Évangile car ils sont des interpellations !

« Lazare viens dehors »

Ou bien en Luc au fils de la veuve de Naim :

« Jeune homme, je te le dis, lève-toi ! »

Pour les guérisons le Seigneur peut se contenter d’un geste. Mais quand Il rappelle à la vie, Il interpelle, c’est-à-dire qu’Il restaure un dialogue, un lien. La raison pour laquelle nous ne voulons pas de la vie c’est que nous manquons de lien. Il vient nous guérir là où nous sommes blessés.

Vous le savez, au XIIIe siècle, souhaitant découvrir l’origine des langues, l’empereur Frédéric II de Hohenstaufen empêcha des nourrissons d’entendre toute parole. Il interdit qu’on les approchât, qu’on les touchât, et ils moururent tous…

Nous avons besoin de cette voix divine, de ce toucher divin, sinon nous sommes comme ces nourrissons… Si Dieu est absent, de notre société, de notre vie, rien d’étonnant à ce que la vie nous déserte car quand Il nous interpelle, Il nous dit : « j’ai besoin que tu vives ! »
Chacun des sacrements est un appel à la vie, à une plénitude. Au baptême, ne nous dit-il pas : « Réveille-toi, ô toi qui dors, relève-toi d’entre les morts, et le Christ t’illuminera ! »

Mais aujourd’hui, le Christ ne veut plus rien faire pour l’homme sans Son Église, car Il veut avoir besoin de nous ; voilà comment Il nous veut vivants. C’est donc par nous qu’Il va adresser ce commandement : « je veux que tu vives. »

Pardonnez-moi de citer Maximilien Kolbe. Il avait donc été arrêté par la Gestapo en pleine guerre à Niepokalanow, la grande cité mariale, envoyé à la prison Pawiak à Varsovie, puis au terrible camp d’Auschwitz. Les conditions effroyables ne lui ôtèrent pas sa sérénité. Mais une chose l’affectait néanmoins particulièrement : les suicides des jeunes Juifs. Ne pouvant plus supporter cet enfer, ils se jetaient contre les clôtures électrifiées. Alors, quand il avait repéré quelque jeune plus menacé, il s’adressait à lui, il le réconfortait, il lui témoignait son affection parfaitement pure et la tentation de la mort s’en allait…
Plus proche nous un de nos frères citaient des statistiques impressionnantes : sur des personnes entrant en EHPAD, un sur trois souhaitait en finir avec un suicide assisté ou une euthanasie. Mais après quelque temps de soins palliatifs, plus aucun d’eux ne souhaitait s’en aller de cette façon…

Frères et sœurs, voilà comment nous sommes invités, les uns et les autres, à nous appeler à la vie. Nous le savons, ça fonctionne ! Voilà ce que doit être notre Église, ce lieu où l’appel du Christ à vivre se fait entendre, dans la parole, la liturgie, mais aussi par la qualité des liens qui nous unissent… Voilà l’Église dont nous avons tous besoin, voilà l’Église dont le monde a besoin.

Que la Nouvelle Eve, la vraie mère des vivants, intercède pour nous,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre de la Sagesse 1,13-15.2,23-24.
  • Psaume 30(29),2.4.5-6ab.6cd.12.13.
  • Deuxième lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens 8,7.9.13-15.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc 5,21-43 :

En ce temps-là, Jésus regagna en barque l’autre rive, et une grande foule s’assembla autour de lui. Il était au bord de la mer. Arrive un des chefs de synagogue, nommé Jaïre. Voyant Jésus, il tombe à ses pieds et le supplie instamment : « Ma fille, encore si jeune, est à la dernière extrémité. Viens lui imposer les mains pour qu’elle soit sauvée et qu’elle vive. »
Jésus partit avec lui, et la foule qui le suivait était si nombreuse qu’elle l’écrasait.
Or, une femme, qui avait des pertes de sang depuis douze ans… - elle avait beaucoup souffert du traitement de nombreux médecins, et elle avait dépensé tous ses biens sans avoir la moindre amélioration ; au contraire, son état avait plutôt empiré –… cette femme donc, ayant appris ce qu’on disait de Jésus, vint par-derrière dans la foule et toucha son vêtement.
Elle se disait en effet : « Si je parviens à toucher seulement son vêtement, je serai sauvée. »
À l’instant, l’hémorragie s’arrêta, et elle ressentit dans son corps qu’elle était guérie de son mal.
Aussitôt Jésus se rendit compte qu’une force était sortie de lui. Il se retourna dans la foule, et il demandait :
— « Qui a touché mes vêtements ? »
Ses disciples lui répondirent :
— « Tu vois bien la foule qui t’écrase, et tu demandes : “Qui m’a touché ?” »
Mais lui regardait tout autour pour voir celle qui avait fait cela. Alors la femme, saisie de crainte et toute tremblante, sachant ce qui lui était arrivé, vint se jeter à ses pieds et lui dit toute la vérité.
Jésus lui dit alors :
— « Ma fille, ta foi t’a sauvée. Va en paix et sois guérie de ton mal. »
Comme il parlait encore, des gens arrivent de la maison de Jaïre, le chef de synagogue, pour dire à celui-ci : « Ta fille vient de mourir. À quoi bon déranger encore le Maître ? »
Jésus, surprenant ces mots, dit au chef de synagogue :
— « Ne crains pas, crois seulement. »
Il ne laissa personne l’accompagner, sauf Pierre, Jacques, et Jean, le frère de Jacques.
Ils arrivent à la maison du chef de synagogue. Jésus voit l’agitation, et des gens qui pleurent et poussent de grands cris.
Il entre et leur dit : « Pourquoi cette agitation et ces pleurs ? L’enfant n’est pas morte : elle dort. »
Mais on se moquait de lui. Alors il met tout le monde dehors, prend avec lui le père et la mère de l’enfant, et ceux qui étaient avec lui ; puis il pénètre là où reposait l’enfant.
Il saisit la main de l’enfant, et lui dit : « Talitha koum », ce qui signifie : « Jeune fille, je te le dis, lève-toi ! »
Aussitôt la jeune fille se leva et se mit à marcher – elle avait en effet douze ans. Ils furent frappés d’une grande stupeur. Et Jésus leur ordonna fermement de ne le faire savoir à personne ; puis il leur dit de la faire manger.