Homélie du 1er dimanche de l’Avent

1er décembre 2014

« Veillez donc, car vous ne savez pas quand le maître de la maison reviendra, le soir ou à minuit, au chant du coq ou le matin. Il peut arriver à l’improviste et vous trouver endormis. »

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Texte de l’homélie :

Au tout début du catéchisme de l’Église catholique – publié par le pape Jean-Paul II à la fin des années 90 – il est fait mention au n°27 de l’attitude spirituelle que nous devons avoir au commencement de cet Avent :

« L’homme est un être de désir, et dans son cœur, il désire connaître Dieu et le voir. »

Toute la vie chrétienne est ainsi la réponse à ce désir qui nous habite, qui a été mis dans le cœur de l’homme. Et, comme le dit également le grand Saint Augustin :

« Notre cœur n’a de repos tant qu’il ne demeure en Toi… »

Il est vrai que les religions ont répondu de manière différentes à ce désir, que ce soit les religions révélées ou naturelles (non-révélées). Et, en ce qui nous concerne, nous croyons que c’est Jésus-Christ qui vient répondre à ce désir de contempler Dieu.
Force est de constater qu’à la différence de certaines philosophies orientales qui voient le désir comme une source de souffrance - et par opposition le bonheur comme une absence de désir (ne pas désirer pour le pas souffrir) – Jésus, au contraire, réveille le désir de chacun là où il va. On le voit avec Zachée, on le voit avec la femme adultère, ou lors de Sa visite chez Simon le Pharisien… toutes ces rencontres que le Christ engage sont pour réveiller, chez les hommes et les femmes qu’Il rencontre, ce désir originel qui a été mis dans notre cœur de contempler Dieu et de vivre avec Lui.

Mais, s’il y a un temps de l’Avent, qui est par excellence le temps du désir où l’on réveille notre désir intérieur, c’est parce que ce désir est parfois en danger. On peut être tenté de se demander à quoi sert le vie de Foi – on ne vit pas si mal que ça même sans vie spirituelle, sans prière ; on ne fait pas de si mauvaises choses et la vie spirituelle nous suffit : on vit dans un ronronnement qui s’établit, et peu à peu, le désir de Dieu s’étiole. Comme une source qui se laisse ensabler, nous n’avons plus en nous cet appel à contempler Dieu.
L’avent est précisément un temps où nous essayons de retrouver la source vive, d’être éveillés - comme le dit le texte de l’Écriture - de renouveler intérieurement cet appel à rencontrer Dieu.
On le voit aussi dans la parabole du semeur, bien des choses peuvent étouffer notre désir de voir Dieu, ou pire encore, répondre par des questions matérielles à un besoin spirituel. C’est ce que l’on appelle l’idolâtrie : mettre quelque chose ou quelqu’un à la place de Dieu, et de vouloir que ces personnes ou ces choses répondent à ce désir intime de communion avec le Créateur.

C’est pourquoi le temps de l’Avent a une dimension pénitentielle, et les vêtements liturgiques en témoignent : ce sont des vêtements mauves, comme pour le Carême.
Dans ce temps pénitentiel, il faut certaine ascèse pour retrouver cette envie de Dieu, retrouver cette communion, ce désir de progresser dans sa vie spirituelle, car la nature va vers le bas, et progressivement, on s’accoutume d’une vie horizontale sans dimension transcendante.

Ainsi, il nous faut nous réveiller ! Chacun a son combat spirituel et verra la manière la plus adéquate dont il peut être réveillé. Il faut aussi examiner là où nous devons travailler dans notre vie spirituelle. Par exemple, où en suis-je du besoin, du désir d’être sauvé ?
Pour beaucoup de nos contemporains, même la dimension de salut ne parle plus. Le fait de ne pas se sentir en danger de mort pourrait nous faire oublier cette nécessité du salut. Au fond, la société matérialiste, l’accumulation des biens et la course au confort et au bien-être donne le senti d’avoir l’âme repue. Comme le dit le psaume :

« L’homme comblé ne dure pas : il ressemble au bétail que l’on abat. »

Oui, le fait de se laisser combler par autre chose que Dieu fait que l’on peut perdre le sens véritable de la vie, et qu’une sorte tristesse s’installe progressivement.

Avec les familles en retraite à l’Abbaye, nous sommes en train de méditer sur le texte du pape François, la joie de l’Évangile. Si l’Avent est un temps pénitentiel, c’est aussi un temps de joie, comme tout ce qui précède l’accueil d’un enfant. L’Avent est un temps pour retrouver cette joie qui naît de l’accueil d’une certaine pauvreté joyeux dans nos vies. Et c’est parce que l’on accueille cette pauvreté que Dieu seul pourra combler – car on laisse en nous une béance ouverte pour Lui – que l’on connaît cette joie intérieure.
Et de fait, on a de grandes leçons à recevoir de personnes plus pauvres et marginales, souvent démunies matériellement, mais qui ont toujours le sourire aux lèvres car il y a cette joie de la rencontre, de l’instant présent, alors que nous sommes si préoccupés de notre matérialisme, et de ce qui tourne autour de nous au plan du confort.

Ainsi, le Seigneur nous donne ce temps pour nous réveiller, pour être éveillés à la réalité que le Seigneur vient à notre rencontre.

Alors, dénonçons en nous cette paresse spirituelle – nous sommes tous concernés – et demandons-nous où est-ce que le Seigneur vient à notre rencontre, en quoi Il vient répondre à un désir de mon cœur, en quoi je laisse un certain manque comme une pierre d’attente dans mon cœur pour que le Seigneur puisse y répondre et vienne le combler.

Il est vrai que l’Avent est à la fois un temps joyeux et un temps pour se secouer intérieurement. Les événements de notre vie sont là pour nous rappeler ce qui fait l’essentiel et le cœur de notre vie. Les événements douloureux sont aussi là pour nous rapprocher de la Croix du Seigneur, et nous rappeler chacun à retrouver l’essentiel : le cœur de notre vie, et une joie intérieure certaine.
Bien des tristesses viennent du fait que l’on attend plus rien, que nous sommes repus, comblés, et cela nous rend tristes au fond de nous-mêmes, alors que nous pensons que cela va nous donner le bonheur…

Durant ce temps de l’Avent, demandons au Seigneur d’être plus attentifs aux signes de Dieu, à ce qui nous fait être des hommes et des femmes de désir. Et vous qui êtes des éducateurs, ne répondez pas immédiatement aux désirs de vos enfants en voulant les combler. C’est une tentation de notre temps qui ne rend les enfants ni équilibrés nui heureux. Au contraire, éduquer à porter un manque, à patienter participe à donner un bonheur intérieur et une joie durable.

Tournons-nous vers le Vierge Marie, cette femme de désir qui a été dans l’attente. En Elle, le Seigneur a pu s’incarner car Elle attendait quelque chose de bien particulier. Elle n’était pas repue ni comblée. Il y a des attentes dans le cœur de nos concitoyens plus que nous ne le croyons, et les temps sont favorables pour l’évangélisation, pour annoncer le Christ tant le matérialisme nous laisse vides.
La Vierge Marie est là pour nous montrer combien un cœur qui attend peut connaître une fécondité à nulle autre pareille. A Son exemple, puissions-nous nous tourner vers le Seigneur et invoquer Son Salut,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre d’Isaïe 63,16b-17.19b.64,2b-7.
  • Psaume 80(79),2-3bc.15-16a.18-19.
  • Première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens 1,3-9.
  • Évangile de Jésus Christ selon saint Marc 13,33-37 :

Jésus parlait à ses disciples de sa venue :
« Prenez garde, veillez : car vous ne savez pas quand viendra le moment. Il en est comme d’un homme parti en voyage : en quittant sa maison, il a donné tout pouvoir à ses serviteurs, fixé à chacun son travail, et recommandé au portier de veiller.
Veillez donc, car vous ne savez pas quand le maître de la maison reviendra, le soir ou à minuit, au chant du coq ou le matin. Il peut arriver à l’improviste et vous trouver endormis.
Ce que je vous dis là, je le dis à tous : Veillez ! »