Texte de l’homélie :
Une situation bien difficile…
A première vue, la lecture du livre d’Ezéchiel peut nous apparaître assez bucolique. Ce rameau du cèdre qui est planté sur une haute montagne et qui grandit tellement que les oiseaux trouvent abri dans ses branchages.
Si on connaît un tout petit peu le contexte historique dans lequel parle le prophète, ce texte nous parle bien davantage. En effet en 597, Nabuchodonosor, roi de Babylone, s’est emparé de Jérusalem ; il a déporté le roi et une partie des habitants (parmi eux, Ezéchiel). Dix ans plus tard, en 587, nouvelle vague, cette fois, Jérusalem est complètement détruite et pillée, une nouvelle partie de ses habitants déportés à leur tour à Babylone.
Le peuple juif semble avoir tout perdu : sa terre, signe concret de la bénédiction de Dieu, son roi, médiateur entre Dieu et le peuple, son Temple, lieu de la Présence divine. D’où la question qui, désormais, taraude tous les cœurs : Dieu aurait-il abandonné son peuple ?
Lorsque Marc écrit son Évangile, les débuts de l’Église sont encore modestes. Il s’adresse à une minorité incomprise et persécutée au cœur de la Rome païenne.
Dans notre situation actuelle, on peut voir l’Église comme un grand cèdre car il y a tout de même plusieurs milliards de chrétiens d’origines tellement diverses. Et en même temps, dans ce grand cèdre, il y a beaucoup de bois mort. Sous bien des égards, dans nos pays de vieille chrétienté, nous avons de plus en plus le sentiment d’être une petite minorité.
A son peuple humilié, Ezéchiel apporte une parole d’espérance. Il sème une petite graine d’espérance, une simple et fragile bouture qui deviendra un conifère géant. Aujourd’hui, à nous aussi, le Seigneur nous offre une parole d’espérance. L’Evangile de ce jour vient nourrir en nous quelques convictions fortes. Le fait de mieux connaître les lois de l’annonce de l’évangile (qui sont bien différentes de celles du monde) nous aide à ne pas nous fourvoyer et à ne pas nous décourager dans l’évangélisation.
Les choses sont entre les mains de Dieu
Sans doute connaissez-vous cette réflexion du pape Jean XXIII. Les jours qui ont suivi son élection comme pape, la conscience de ses responsabilités l’écrasait tellement qu’il n’arrivait plus à dormir.
Une nuit il lui sembla entendre une voix :
— « Dis, Jean, qui dirige l’Église, toi ou moi ? »
— Je répondis : « Oh Toi seul, Seigneur ! »
— « Eh bien alors, dit la Voix : Laisse-moi faire et dors tranquille ».
Ne tombons pas dans l’agitation ou dans l’anxiété. Dieu est là, nous sommes de simples collaborateurs. Déjà dans la première lecture, Ezéchiel avait cette conviction forte que son peuple était le peuple de Dieu, qu’il était dans la main de Dieu. C’était donc l’affaire de Dieu de le sauver dans la situation difficile où il se trouvait. L’Église, ce n’est pas notre affaire, c’est d’abord l’affaire de Dieu. L’Église n’est pas une œuvre humaine, c’est l’œuvre de Dieu. C’est Dieu qui est à l’œuvre.
Nous avons quelquefois tendance à nous approprier les choses de Dieu. Or il nous faut tout remettre entre ses mains. Un opération de dés-appropriation (dans le bon sens du mot) est à mener. Dans une démarche de nouvelle évangélisation, ce qui est premier n’est donc pas de s’activer dans toutes les directions, c’est de se remettre entre les mains de Dieu.
Confiance en la puissance de Dieu
Les circonstances difficiles sont un appel à une confiance redoublée à l’égard de Dieu. Cela se traduit notamment par la louange comme l’exprime si bien le psaume 91 choisi pour ce dimanche :
« Qu’il est bon de rendre grâce au Seigneur, de chanter pour Ton nom, Dieu Très-Haut, d’annoncer dès le matin ton amour, ta fidélité, au long des nuits ! »
On devrait traduire : « Il est bon pour nous de rendre grâce au Seigneur, il est bon pour nous de chanter pour ton nom, Dieu Très-Haut ». Car notre chant pour Dieu, c’est à nous qu’il fait du bien ! Chanter pour Dieu, ouvrir les yeux sur son amour et sa fidélité, dès le matin et au long des nuits, c’est se protéger des ruses du serpent qui nous fait douter de Dieu et de son amour.
J’aime bien cette déclaration de Dieu dans le livre d’Isaïe : « Vous serez sauvés si vous revenez et si vous restez calmes, votre courage sera de rester tranquilles et d’avoir confiance. » (Is 30, 15)
« Nuit et jour, qu’il dorme ou qu’il se lève, la semence germe et grandit, il ne sait comment. »
Que le semeur s’en tracasse ou non, le grain pousse tout seul et se développe.
Nous sommes invités à une démarche de confiance à la manière du semeur. Comme saint Paul nous le déclare, même si les fruits ne sont pas encore évidents, nous sommes appelés à avoir « pleine confiance ».
Faire ce que Dieu attend de nous
Un jour un prêtre a un brin de jalousie à l’égard de certains prêtres du renouveau qui prêchent bien. Il a l’impression que cela leur vient tout droit du Saint Esprit sans qu’ils aient besoin de rien préparer. Il se décide donc de se remettre à l’inspiration du Saint Esprit. Il ne prépare rien et lorsqu’il se retrouve devant son auditoire, il prie le Saint Esprit de lui inspirer les paroles qu’il doit donner à ses ouailles. Et voilà ce qui lui vient à l’esprit : « Dis-leur que tu es un paresseux ! ».
Autrement dit, se remettre entre les mains de Dieu n’est pas synonyme de paresse. Vous avez remarqué que dans les paraboles que nous donne Jésus, il a fallu semer. Bien sûr, ce qui s’est passé ensuite a dépassé largement le travail du semeur. Mais s’il n’avait pas semé avec confiance, rien ne se serait fait. Timorés et parfois désabusés, nous risquons de dire : « _ Que pouvons-nous faire ? » Pas plus et pas moins que de semer.
Ce qui est essentiel et toujours urgent, c’est de semer, de faire retentir la Parole, de la rendre compréhensible sans lui enlever sa vigueur, de lui trouver des auditeurs nombreux. Ensuite, à son rythme, elle se développera « on ne sait comment ». Le texte grec dit : elle pousse « automatè », c.à.d. de façon « automatique », par la force même qu’elle contient, par la puissance de Vie.
Dieu aime commencer par une petite semence
Une constante dans la Parole de Dieu, c’est que Dieu se plait à déployer sa puissance dans ce qui est petit (je ne parle pas ici des œuvres qui sont moribondes et que l’on s’efforce de maintenir à bout de bras). Pour faire sortir son peuple d’esclavage, il se choisit un homme bègue (Moïse) comme porte-parole. De même il choisit un couple stérile (Abraham et Sara) pour porter l’espoir d’une descendance nombreuse comme les étoiles. Dieu a choisi un petit berger de Bethléem pour vaincre le géant Goliath. J’aime particulièrement l’exemple de Gédéon.
L’ange du Seigneur lui apparaît et lui dit : « Le Seigneur est avec toi, vaillant guerrier ! » Cela laisse Gédéon incrédule :
— « Je t’en prie, mon Seigneur ! Si le Seigneur est avec nous, d’où vient tout ce qui nous arrive ? Où sont tous ces prodiges que nous racontent nos pères… »
— Le Seigneur lui dit : « Va avec la force qui t’anime et tu sauveras Israël de la main de Madiân. N’est-ce pas moi qui t’envoie ? »
— « Pardon, mon Seigneur ! comment sauverais-je Israël ? Mon clan est le plus pauvre en Manassé et moi, je suis le dernier dans la maison de mon père. »
— Le Seigneur lui répondit : « Je serai avec toi et tu battras Madiân comme si c’était un seul homme. »
Au début, Gédéon rassemble 22000 hommes mais le Seigneur lui dit :
« Le peuple qui est avec toi est trop nombreux pour que je livre Madiân entre ses mains ; Israël pourrait en tirer gloire à mes dépens, et dire : C’est ma propre main qui m’a délivré ! »
De fait, il invite ceux qui ont peur à retourner chez eux et il n’en reste plus que 10000. De nouveau, le Seigneur dit à Gédéon :
« Ce peuple est encore trop nombreux. Fais-les descendre au bord de l’eau et là, pour toi, je les éprouverai. Celui dont je te dirai : Qu’il aille avec toi, celui-là ira avec toi. Et tout homme dont je te dirai : Qu’il n’aille pas avec toi, celui-là n’ira pas. »
(Jg 6, 12) - (Jg 7, 2)
Et finalement c’est avec les 300 hommes qui ont lapé l’eau (et donc apparemment pas les plus évolués !) que Dieu va sauver son peuple.
Ce qui va de pair avec cette petitesse, c’est la patience. Un proverbe oriental dit : « ne pousse pas la rivière, elle coule toute seule. » Nous sommes donc appelés à nous en remettre avec confiance entre les mains de Dieu. Il nous faut oser de nouveau avec l’humilité du petit grain, en laissant Dieu choisir quand et comment il grandira (Mc 4, 26-29).
Alors ? Vous êtes prêts à tenter l’aventure des semailles ? Si oui, vous pouvez par exemple nous rejoindre à la soirée d’évangélisation que nous aurons jeudi prochain à l’occasion de la fête de la musique à Compiègne.
Amen.
Références des lectures du jour :
- Livre d’Ézéchiel 17,22-24.
- Psaume 92(91),2-3.13-14.15-16.
- Deuxième lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens 5,6-10.
- Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc 4,26-34 :
Parlant à la foule en paraboles, Jésus disait :
« Il en est du règne de Dieu comme d’un homme qui jette le grain dans son champ : nuit et jour, qu’il dorme ou qu’il se lève, la semence germe et grandit, il ne sait comment. D’elle-même, la terre produit d’abord l’herbe, puis l’épi, enfin du blé plein l’épi. Et dès que le grain le permet, on y met la faucille, car c’est le temps de la moisson. »Il disait encore : « A quoi pouvons-nous comparer le règne de Dieu ? Par quelle parabole allons-nous le représenter ?
Il est comme une graine de moutarde : quand on la sème en terre, elle est la plus petite de toutes les semences du monde. Mais quand on l’a semée, elle grandit et dépasse toutes les plantes potagères ; et elle étend de longues branches, si bien que les oiseaux du ciel peuvent faire leur nid à son ombre. »Par de nombreuses paraboles semblables, Jésus leur annonçait la Parole, dans la mesure où ils étaient capables de la comprendre. Il ne leur disait rien sans employer de paraboles, mais en particulier, il expliquait tout à ses disciples.