Texte de l’homélie :
Mes biens chers frères,
Si nous voulons faire un authentique Carême, autrement dit si nous voulons être d’authentiques chrétiens, il nous faut vivre cette réalité centrale de la foi et de la charité, à savoir le combat spirituel. Il est de tous les âges et de toutes les conditions de vie et il s’impose à nous comme une nécessité vitale depuis l’éveil de notre conscience jusqu’à notre dernier souffle. Tous les saints, tous les prophètes, tous les amis de Dieu l’ont mené ce combat et tous les damnés s’y sont soustraits par négligence et par lâcheté.
La vie chrétienne, qu’est-ce qu’en effet sinon imiter le Christ, suivre le Christ, être son disciple, son compagnon, son ami, son serviteur ? Et nous voyons Notre Seigneur en bute aux contradictions, aux oppositions, aux persécutions, aux tentations. Aujourd’hui c’est l’Esprit Saint, nous dit le récit évangélique, qui le conduit au désert pour qu’il y soit tenté. Aucune de nos misères, aucun de nos combats ne lui sont étrangers. Il a assumé notre nature humaine dans sa fragilité et dans sa mortalité. Et Il a tenu tête au Diable, Il remporte sur le Tentateur cette première victoire qui inaugure sa vie publique et son ministère au service du Royaume des Cieux.
Cette victoire annonce la victoire définitive qu’Il va remporter sur Lucifer au Calvaire, victoire qui sera manifestée au monde visible et invisible au matin de la Résurrection.
Cette victoire intervient après un dur combat, une lutte qui fut inaugurée avant même le début de l’histoire humaine au moment du combat céleste entre les anges déchus et les anges qui sont restés fidèles, une lutte dont l’enjeu est le salut du genre humain, après que le Démon a réussi à séduire nos premiers parents en les entraînant dans un chemin de séduction malheureuse et de perte assurée. Mais immédiatement après la chute d’Adam et d’Eve, Dieu annonce la venue d’un Sauveur qui écrasera la tête du serpent.
Notre Seigneur est tenté par celui qui ignore encore son identité réelle car sa capacité de nuisance est limitée par l’autorité du Créateur dont il dépend radicalement pour persévérer dans l’être. Et c’est justement cette dépendance radicale que le démon a en horreur car il déteste la vérité et par là il nie la réalité même de son être, une créature qui comme toutes les créatures est suspendu pour persévérer dans l’être au geste créateur. Nier à ce point son origine, la constitution de son être et son destin est la plus grande violence qui soit, et la source d’une souffrance que nous pouvons certes concevoir mais que nous ne pouvons imaginer.
C’est la souffrance du démon, c’est la souffrance des damnés et c’est justement pour nous sauver de ce désespoir et de cette mort éternelle que le Christ, dès le premier instant de sa conception humaine, dans le sein de Marie, a entamé ce grand combat, cette lutte à mort pour que nous ayons la vie, et la vie en plénitude.
Cette vie, nous l’avons donc reçu au jour de notre baptême. Autrement dit, sans nul mérite de notre part, nous avons bénéficié en ce jour béni, du fruit de la victoire du Christ sur le démon. Le combat spirituel consiste donc pour nous à permettre à cette vie divine de prendre en nous toute sa place pour qu’elle puisse rayonner sur ceux qui nous entourent. Le Christ nous fait don de sa propre sainteté, il nous revêt de sa sainteté puisqu’il a revêtu notre humanité. Le Saint Esprit nous communique tout ce dont nous avons besoin pour mener à bien ce combat, pour être des chrétiens authentiques, selon la description qu’en fait saint Paul : des chrétiens patients, longanimes, purs, véridiques, chastes et justes.
Et pour cela, il nous faut à notre tout lutter contre les trois grandes tentations diaboliques.
Satan, en effet, nous pousse tout d’abord à ne rechercher que la satisfaction de nos besoins temporels ou charnels. Certes, nous avons tous besoin de nourriture et de boisson, il nous faut nous habiller, nous chauffer, nous vêtir. Mais il suffit de regarder nos journées et notre cœur pour voir que nos vies sont occupées à la recherche de ce qui va bien au-delà de notre subsistance. La recherche effrénée des plaisirs mondains, le besoin jamais satisfait de nouveautés, la soif des biens de consommation les plus divers et les plus inutiles, nous détournent, parfois gravement, parfois irrémédiablement, de notre vocation. Nous oublions tellement facilement la raison de notre présence sur terre qui est bien de rechercher Dieu, de vivre de sa présence et d’accomplir sa volonté.
Alors, interrogeons-nous pendant ce Carême sur notre superflu qui nous empêche de nous préoccuper sérieusement de notre salut.
La deuxième tentation diabolique consiste à tenter Dieu, c’est-à-dire à ne pas rechercher vraiment à accomplir sa volonté, à mettre sa puissance et sa bonté au service de l’accomplissement de nos désirs mesquins, alors que Dieu par sa grâce, a mis dans notre cœur un autre désir qui dépasse infiniment nos pauvres forces humaines.
Ainsi, si nous prions, c’est pour obtenir tel ou tel bien matériel, ou être délivré de telle ou telle souffrance, d’une contrariété ou d’une difficulté. Nous demandons à Dieu de nous rendre service, alors que notre vie éternelle dépend de la qualité du service de sa gloire.
La troisième tentation est celle de l’idolâtrie, c’est-à-dire de l’oubli de Dieu, de sa présence et de ses droits de Créateur et de Rédempteur. C’est ainsi que nous agissons chaque fois que nous pêchons. Or le combat spirituel nous donne de mettre concrètement Dieu à la première place dans nos vies et dans nos préoccupations. Mais pour cela nous devons consacrer plus de temps à la prière personne et liturgique, à la méditation quotidienne de la Parole de Dieu, à l’étude de la Révélation et de la doctrine chrétiennes. Notre désir de conversion doit aussi se manifester par des gestes concrets de pénitence et de service du prochain. Que le Saint-Esprit nous inspire les résolutions qui nous rapprochent en ces jours ci du Seigneur Jésus à jamais victorieux de la tentation et de la mort.
Ainsi soit-il.
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Références des lectures du jour :
- Deuxième lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens 6,1-10.
- Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 4,1-11 :
En ce temps-là , Jésus fut conduit par l’Esprit dans le désert pour y être tenté par le diable.
Après avoir jeûné quarante jours et quarante nuits, il eut faim.
Et le tentateur, s’approchant, lui dit :
— « Si vous êtes fils de Dieu, dites que ces pierres deviennent des pains. »
Il lui répondit :
— « Il est écrit : L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. »Alors le diable l’emmena dans la ville sainte, et, l’ayant posé sur le pinacle du temple, il lui dit :
— « Si vous êtes fils de Dieu, jetez-vous en bas ; car il est écrit : Il donnera pour vous des ordres à ses anges, et ils vous prendront sur leurs mains, de peur que votre pied ne heurte contre une pierre. »
Jésus lui dit :
— « Il est écrit aussi : Tu ne tenteras point le Seigneur, ton Dieu. »Le diable, de nouveau, l’emmena sur une montagne très élevée, et lui montrant tous les royaumes du monde, avec leur gloire, il lui dit : « Je vous donnerai tout cela, si, tombant à mes pieds, vous vous prosternez devant moi.
Alors Jésus lui dit :
— « Retire-toi, Satan ; car il est écrit : Tu adoreras le Seigneur, ton Dieu, et tu ne serviras que lui seul. »Alors le diable le laissa, et voilà que des anges s’approchèrent pour le servir.