Homélie du 15e dimanche du Temps Ordinaire

16 juillet 2015

« Mettez des sandales, ne prenez pas de tunique de rechange. »

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Texte de l’homélie :

Chers Frères et Sœurs,

« Je déteste, je méprise vos pèlerinages, je ne puis sentir vos rassemblements quand vous faites monter vers moi vos sacrifices et vos offrandes : en elles rien qui me plaise. J’en détourne les yeux.
Éloigne de moi le bruit de tes cantiques, et le jeu de tes harpes : je ne veux pas l’entendre. »

Je suis sûr que nombreux d’entre vous aujourd’hui n’auront aucun mal à comprendre la colère du prêtre Amazias qui veut l’expulsion du prophète Amos de son sanctuaire et de son pays pour qu’il retourne chez lui dans sa patrie, dans le royaume de Juda.

Cependant, Amos ne fait pas exception parmi les prophètes. Isaïe, à peu d’années d’intervalle, non plus à Bethel en Israël, mais à Jérusalem même tiendra à peu près le même discours. Il n’est pas question pour eux de nier les pèlerinages, les sanctuaires, la belle liturgie. Mais tout cela n’a de sens que si c’est le fruit de la conversion, mot clé qui revient et dans la première lecture, et dans l’évangile. Nos chants n’ajoutent rien à Dieu, comme le dit la cinquième préface commune, et ne créent pas seuls le lien à Dieu. Mais ils sont le fruit de notre conversion. Ils sont appelés à être une réponse à ce nouveau lien avec le Seigneur créé par la Rédemption en Jésus-Christ.

Voici la suite de la fameuse prédication d’Amos :

« Que le droit jaillisse comme les eaux, et la justice comme un torrent intarissable. »

Traduisez, si vous voulez : ne vous croyez pas quittes avec Dieu sous prétexte de vos belles cérémonies. Commencez par vivre dans l’obéissance à la volonté de Dieu, c’est-à-dire la pratique de la justice. Il faut que la corruption sévissait au point qu’Amos peut dire :

« Ils changent le droit en poison et trainent la justice à terre ! »
ou encore :
« Je connais la multitude de vos révoltes et l’énormité de vos péchés, oppresseurs du juste, extorqueurs de rançons, ils déboutent les pauvres au tribunal. »

Cette volonté de Dieu que nous sommes appelés à découvrir, elle nous est exposée dans la seconde lecture par une des plus belles pages de prière bénédiction qui ouvre l’Épître aux Éphésiens, une des plus belles pages qui nous dévoile le mystère de sa volonté.
Et si les Estivales se déroulent et sont portées dans un lieu de prière vivante et paix tel qu’Ourscamp et est conçue un peu comme une retraite, c’est pour ne pas oublier la finalité et l’ordonnancement de la liturgie dans la vie d’une relation vivante avec le Seigneur.

N’allez pas croire, comme voudrait nous le faire croire le discours d’un peuple qui se targue d’être issu de la Révolution Française et des Lumières, que la conversion est la conformité à un ordre établi. Les prophètes de l’Ancien Testament et les difficultés de Jésus avec les grands prêtres et les Pharisiens qui iront jusqu’à réclamer sa crucifixion sont là pour en témoigner. Il s’agit de se convertir, c’est-à-dire qu’il s’agit de tourner notre cœur vers Dieu, d’entendre son amour, d’entendre sa compassion, d’entendre son engagement pour les pauvres et les pêcheurs afin que toute misère cesse de bloquer la vie éternelle, c’est-à-dire la vie en plénitude qu’Il veut nous donner, où dans notre pauvre humanité blessée, la vie, tel son désir, ne puisse être bloqué.

La volonté de Dieu, c’est son dessein bienveillant, comme nous l’avons lu dans l’hymne aux Éphésiens. Son dessein bienveillant pour nous mener personnellement, pour mener la multitude des peuples sans frontière mise par nos idéologies ou nos coutumes, et pour mener aussi tout l’univers à son accomplissement, à la vie éternelle, à la vie en plénitude appelée à se développer dès aujourd’hui et en croissance jusqu’au ciel comme le fait la plus petite des semences.

Écouté, dans son dessein bienveillant, mystère caché aux yeux des fils d’Adam et Eve, toujours prêts au soupçon quand il s’agit de Dieu, mais révélés en Jésus-Christ, fils bienaimé d’un Père si aimant. Eh bien, dans son dessein bienveillant, Dieu nous a choisis. Son propos est de nous rendre immaculés, tels que sa mère sous son regard d’amour. Il nous a prédestinés à être des fils dans le Fils. Il nous comble de sa grâce, Il nous a délivrés, Il nous a pardonné nos fautes, Il nous ouvre la sagesse et l’intelligence pour nous faire connaître ce formidable amour dont il ne cesse de nous choyer. Et je ne viens que de reprendre tous les verbes de cette prière bénédiction de Paul.

Se convertir, c’est se laisser regarder par ce regard d’amour de Celui qui nous aime comme son enfant mais qui est aussi notre Créateur et notre Sauveur. Et c’est, sous ce regard, reprendre vie comme l’ont fait le paralysé, l’aveugle, le lépreux, la femme hémorroïsse, la fillette aux portes de la mort, la Samaritaine, la femme adultère, Zachée, et tant d’autres chez qui la vie a pu couler à nouveau alors qu’elle était barrée, niée, détruite. Se convertir, c’est recevoir ce don d’amour, l’assimiler dans notre prière, et en user pour notre prochain dans les gestes du quotidien. Laisser monter en nous ces gestes de tendresse et d’amour envers l’autre qui n’est plus un étranger, un rival, une menace, un ennemi, mais qui est un pauvre qui a soif de vivre et d’être libéré de tous les obstacles à une vie en plénitude.

Laissons donc le Christ poser son regard d’amour et de tendresse de Père, de Créateur et de Sauveur sur nous aussi incroyable et improbable que cela puisse paraître au premier abord. Et se convertir, c’est encore, en même temps, poser nous-mêmes notre regard sur chacun de ceux que nous côtoyons et dont nous sommes appelés à nous faire proches.

Alors, notre louange, notre belle louange pourra révéler toutes ses harmoniques avec le Magnificat de la Vierge Marie Mère de Dieu que nous avons contemplé cette semaine. Finie la critique sur les autres ou la peur de leurs faiblesses ou de leurs péchés, finies les désillusions sur nous-mêmes ou sur le monde. Comme elle, nous deviendrons immaculés, nous nous laisserons regarder par cet amour du Père qui nous révèle son Fils et enfin nous pourrons répondre avec Marie à la première demande du Notre Père : « que ton nom soit sanctifié » quand elle proclame « Le Seigneur fit pour moi des merveilles, saint est son nom ! »

Le désir de Jésus encore, c’est que la révélation de cet amour inouï ne s’arrête pas à Lui, ne s’arrête pas à Jérusalem le 7 avril 30 au soir de sa mise en croix, mais Il nous envoie avec les apôtres et les disciples en mission dans la puissance de sa Résurrection et sous le souffle de l’Esprit de Pentecôte pour porter à tous ce regard, ces gestes d’amour et de tendresse. Non en attendant ou bâtissant de grands plans ou de grandes stratégies ou de grands projets missionnaires, mais dans la pauvreté, l’insécurité, le banal du quotidien et de nos rencontres. Sans sac ni valise, sans provisions, sans argent dans notre portefeuille, sans tunique de rechange pour se composer un personnage, sans artifice ou sécurité pour nous donner quelque courage.

Alors, chers ‘estivaliers’, et chers participants à notre belle liturgie, allez porter la Bonne Nouvelle, regardez les malades, les handicapés, les pauvres, les étrangers, les immigrés, les gens avec difficultés et tourments dans leur psychisme, les pêcheurs, comme des fils bien aimés. Laissez couler sur eux l’onction d’amour et de choix du Seigneur. Soyez avec Marie des canaux de la grâce, comme dirait saint Bernard. Dites-leur avec saint Paul : « Vous êtes morts ? mais votre vie est cachée avec le Christ en Dieu ». Et quand il apparaîtra dans l’horizon de votre vie, vous paraîtrez vous aussi avec Lui en pleine gloire, et faites-les entrer dans la prière, célébrez ensemble de beaux chants ! Comme dit saint Paul :

« Soyez remplis de l’Esprit ! »

Dites ensemble, et apprenez à dire, des hymnes et des chants inspirés, chantez célébrez le Seigneur de tout votre cœur, rendez grâce à Dieu le Père en tout temps, en tout lieu, et à tout sujet.

Amen.


Références des lectures du jour :

  • Livre d’Amos 7,12-15.
  • Psaume 85(84),9ab-10.11-12.13-14.
  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Éphésiens 1,3-14.
  • Évangile de Jésus Christ selon saint Marc 6,7-13 :

En ce temps-là, Jésus appela les Douze ; alors il commença à les envoyer en mission deux par deux. Il leur donnait autorité sur les esprits impurs, et il leur prescrivit de ne rien prendre pour la route, mais seulement un bâton ; pas de pain, pas de sac, pas de pièces de monnaie dans leur ceinture.
— « Mettez des sandales, ne prenez pas de tunique de rechange. »
Il leur disait encore :
— « Quand vous avez trouvé l’hospitalité dans une maison, restez-y jusqu’à votre départ.
Si, dans une localité, on refuse de vous accueillir et de vous écouter, partez et secouez la poussière de vos pieds : ce sera pour eux un témoignage. »

Ils partirent, et proclamèrent qu’il fallait se convertir.
Ils expulsaient beaucoup de démons, faisaient des onctions d’huile à de nombreux malades, et les guérissaient.