Homélie du 25e dimanche du temps ordinaire

24 septembre 2018

« Quiconque accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille. Et celui qui m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille, mais Celui qui m’a envoyé. »

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Texte de l’homélie :

Dans les différentes lectures qui ont précédé celles de ce dimanche, on voit Jésus qui forme Ses disciples pour vivre de l’Évangile. Au neuvième chapitre de Marc, le Christ est déjà connu : Il a accompli des miracles, des disciples le suivent et une foule l’entoure. Et l’on voit les apôtres qui sont fiers d’être les disciples de Celui que tout le monde admire. Et tout naturellement, ils se demandent qui est le plus grand d’entre eux : parmi toute cette foule, après le Christ, après le maître, qui va être le premier ?
Dimanche dernier, on perçoit cette discussion lorsque Pierre a cette réponse fulgurante : « Tu es le Fils du Dieu vivant ! » et lui dit en même temps : « Tu ne mourras pas sur la croix », et se fait traiter de Satan…

On voit que ces deux notions cohabitent dans l’Église naissante : cet amour du Seigneur et cette conversion qui pousse les disciples à se mettre à l’école de l’Évangile d’une manière différente. Il doivent renoncer au pouvoir. C’est quelque de très fort auquel Jésus nous invite : grandir dans l’autorité, mais pas dans le pouvoir, une autorité qui vient de la Passion, du don de sa vie.
C’est pour cela qu’Il enseignera les Béatitudes, la première étant celle des pauvres et les résumant toutes : c’est en effet dans ce chemin de pauvreté que le Christ Se manifeste et veut conduire Ses disciples. Et l’on voit bien que c’est difficile. Car on se dit que si l’on perd cet aura auprès des personnes qui me connaissent - cette sorte de pouvoir – cette place de disciple connu auprès de ce maître reconnu, que me restera-t-il ?

On le voit plus tard dans l’Évangile :

« Qu’y aura-t-il pour nous nous qui avons tout quitté pur Te suivre ? »

Le Christ emploie une pédagogie, et à chaque fois, Il termine par l’annonce de la Passion. Face à cette quête de pouvoir, Jésus répond par l’heure du Père qu’est la Passion.

Cela nous invite à méditer sur là où nous en sommes de cette renonciation à compter pour d’autres personnes, à avoir une certaine emprise, même dans l’Église.
Le pape François le rappelle en parlant du cléricalisme. Comment le définir si ce n’est la religion associée au pouvoir ? le Pape le dénonce comme n’étant pas de Dieu.
Les exemples dans l’histoire sont malheureusement très nombreux : dès que l’Église s’est associée au pouvoir temporel pour asseoir son autorité, il en a découlé des catastrophes. Ce n’est pas en étant ainsi ami du pouvoir politique que l’on gagne des fidèles.
Là où l’Église rayonne, c’est quand elle est pauvre, lorsqu’elle est dépouillée, dans l’humilité.

C’est donc difficile pour nous, passer à travers ce paradigme pour changer cette manière d’être n’est pas aidé. Plus on est à l’école de Celui qui s’est fait corps et sang livré pour nous, plus on a une autorité à la manière des béatitudes à travers laquelle le Christ peut rayonner. A l’inverse, moins on est dans cette dimension d’offrande – à l’image de l’Eucharistie – moins Il pourra transfigurer notre vie.

« Il faut qu’Il soit livré aux mains des hommes et que le troisième jour, Il ressuscite. »

Il nous faut perdre nos défenses, notre carapace, accepter l’abaissement de nos barrières, laisser notre volonté de domination de côté. Nous serons alors à l’exemple de ce Jésus serviteur qui Se donne sur l’autel et Se livre en nos mains. Lorsque l’on y parvient, une vraie fécondité peut naître dans nos vies.

Il est des circonstances dans notre vie qui nous appellent au dépouillement : des accrocs de santé, des difficultés professionnelles et familiales qui nous invitent à sortir de la toute puissance. Et c’est un combat jusqu’à la mort. Car, en quelque sorte, la toute puissance meurt quinze minutes après nous, tellement elle nous est chevillée au corps. C’est la trace du péché en nous : cette volonté d’avoir raison, d’avoir le dernier mot, de dominer, d’être celui au sommet de la pyramide, en haut de l’affiche pour se faire valoir : tout cela est en nous.
Et Jésus nous montre un autre chemin. Par Sa Passion, Il nous dit : « N’ayez pas peur de la vulnérabilité, de la fragilité. Ne les voyez pas comme une menace, mais au contraire comme des forces pour être unis à moi. »

« Quand je suis faible, c’est alors que je suis fort. »

Cela demande une vraie conversion intérieure et c’est loin d’être facile. Dans l’Évangile, Capharnaüm représente la maison de Pierre, et cela symbolise aussi l’Église. Et on les imagine bien en train de discuter pour savoir qui est le plus grand. Le fait d’être disciple de Jésus, c’est rentrer dans un combat spirituel, c’est incontournable. Celui qui ne prend pas conscience qu’être disciple du Christ c’est lutter contre la volonté d’emprise, de domination – la volonté propre, comme disent les maîtres spirituel, ne s’opposant pas pour autant à la volonté tout court, car il en faut pour combattre – ne peut pas réellement Le suivre, car en nous, il y a une force qui contredit la loi de Dieu. C’est pour cela que nous venons chaque dimanche vivre l’Eucharistie : c’est pour supplier la grâce, en communion au Christ livré entre nos mains, de sortir des pièges du désir de domination. Et ce n’est qu’en communiant au Christ que nous pourrons vivre de cette grâce.

Cela demande d’être comme des enfants ; nous le savons, l’enfant n’est presque rien au temps de Jésus, dans l’Antiquité en général, au même niveau que les esclaves. Et Jésus nous dit : « Si vous ne rentrez pas dans cette dimension d’enfance, vous ne pourrez pas être mes disciples. Celui qui ne m’accueille pas comme un enfant n’y entrera pas. »

Par rapport à notre Salut, il y a donc un vrai enjeu dans cette lutte contre l’orgueil qui nous est chevillé au corps. Il en va non seulement de notre relation avec les autres, mais de notre Salut, de notre entrée dans la Vie Éternelle. Dieu s’oppose aux orgueilleux. Aux humbles, Il donne Sa grâce. Quand on contemple la Vierge Marie, on contemple Celle qui a reçu la grâce par l’humilité. Mais, c’est tout un chemin, c’est toute une vie. Alors, ne nous décourageons pas, car cela va dans le sens du démon : le Prince de ce monde a cette volonté de domination et inspire l’orgueil dans notre cœur.
Demandons ainsi cette grâce, à l’image de Marie, de rentrer dans une forme de lâcher prise.

Notre éducation va bien souvent au rebours de cela : les parents savent bien qu’ils éduquent leurs enfants pour qu’ils se prennent en charge, qu’ils se prennent en mains, et qu’ils soient les maîtres de leur destinée, et c’est bien compréhensible, on ne fait pas des adultes avec des enfantillages. Mais, ce n’est pas à opposer à l’enfance spirituelle. Et quand on est disciple de Jésus, tout en ayant acquis une autonomie, une indépendance, il faut reprendre conscience que l’on doit renaître d’en haut. C’est dans la confiance et le lâcher prise que je rencontre le Seigneur au plus profond. C’est une expérience que l’on est amené à faire dans certaines étapes de notre vie.

Jean Vanier dit souvent qu’il y a deux grands moments bénis dans la vie : la petite enfance et le grand âge, car ce sont des moments de grande dépendance, de grande fragilité, de grande vulnérabilité, durant lesquels on est déposé dans d’autres mains, car le corps ne répond pas encore dans un cas, ou plus, dans l’autre cas. Dans la petite enfance, ce qui marque l’entourage c’est l’absence de défense, la confiance totale, ils sont tout livrés…

C’est intéressant que cette discussion ait lieu dans la maison de Pierre, c’est à dire au cœur de l’Église, car Il sait qu’il va y avoir un combat spirituel, que l’on va être tenté d’utiliser la religion pour asseoir son pouvoir. L’histoire le confirme également aujourd’hui.
Il faut ainsi renoncer à être les plus forts et les plus nombreux, à tout ce qui peut - d’une certaine manière ou d’une autre – nous donner un valeur aux yeux du monde.
Rappelons-nous que nous ne sommes pas dans une logique du monde : nous sommes dans une logique des Béatitudes. C’est tout à fait différent.

Demandons à Jésus qu’Il nous aide, comme nous le faisons en venant à Lui le dimanche. Dans Son corps livré, dans Son sang versé, que nous puissions avoir la force de rentrer dans ce bouleversement intérieur, ce renversement intérieur, pour que nous soyons les disciples d’un dieu qui nous appelle des ténèbres à Son admirable lumière,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Lecture du Livre de la Sagesse 2,12.17-20
  • Psaume 54(53),3-4.5.6.8
  • Lecture de la Lettre de saint Jacques 3,16-18.4,1-3
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc 9,30-37 :

En ce temps-là, Jésus traversait la Galilée avec ses disciples, et il ne voulait pas qu’on le sache, car il enseignait ses disciples en leur disant : « Le Fils de l’homme est livré aux mains des hommes ; ils le tueront et, trois jours après sa mort, il ressuscitera. »
Mais les disciples ne comprenaient pas ces paroles et ils avaient peur de l’interroger.

Ils arrivèrent à Capharnaüm, et, une fois à la maison, Jésus leur demanda : « De quoi discutiez-vous en chemin ? »
Ils se taisaient, car, en chemin, ils avaient discuté entre eux pour savoir qui était le plus grand.
S’étant assis, Jésus appela les Douze et leur dit : « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. »
Prenant alors un enfant, il le plaça au milieu d’eux, l’embrassa, et leur dit :
« Quiconque accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille. Et celui qui m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille, mais Celui qui m’a envoyé. »