(Durée totale : 91 minutes)
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Texte de la conférence :
Les blessures dans le couple et la famille
Notre monde a un besoin urgent de réconciliation et de miséricorde !
Les divisions sont multiples et parfois nous nous trouvons dans des impasses.
Dans sa lettre aux familles (familiaris consortio), Jean Paul II rappelle que :
La famille a pour mission de transmettre et révéler l’Amour"
Pour pouvoir faire un chemin de réconciliation il faut commencer par « dire » les blessures ! Il faut pouvoir mettre des mots sur ce qui a pu blesser car la peur de nommer les choses est un obstacle à la réconciliation
Cette réconciliation se prépare ; nous devons connaître la démarche à entreprendre car la réconciliation ne « se dit pas de façon générale » mais porte des visages : on doit reconnaître la blessure mais aussi son auteur qui peut être soi-même.
Pour commencer dans l’humilité un processus de réconciliation et pour regarder l’autre en face sans haine et sans souffrir, il faut souvent du temps.
Les blessures avant le mariage (durant le célibat)
Chacun vient d’une famille qui a une histoire et cette réconciliation première est donc indispensable.
Réconciliation avec soi-même
« Mieux se connaître pour mieux s’aimer » et encore « Aimer son prochain comme soi-même » (et en premier lieu les membres de sa famille).
Chacun de nous doit accepter ses choix, son corps, son histoire. Et ces manques d’acceptation rejaillissent sur la famille. On arrive au mariage aussi avec ses propres limites.
Le mariage est une école d’amour où l’on apprend à être des pauvres qui mettent en commun leur désir de s’aimer mais reconnaissent leurs blocages… tout cela face au Seigneur !
Et c’est comme pauvre que l’on veut cheminer ensemble dans le mariage (la même démarche au sein des communautés religieuses) Nous devons témoigner ensemble de cet Amour de Dieu. La vie de couple sera ce lieu où l’on pourra grandir au niveau personnel (valeur positive).
La douleur est indispensable pour guérir car elle indique au médecin là où se trouve le mal. L’insensibilité est pire car le mal peut progresser sans qu’on s’en rende vraiment compte (tant du point de vue psychologique que physique !).
La part de la blessure et la part du « voulu » sont toutes deux très difficiles à détecter.
Distinguer le péché de la blessure
La réconciliation se fait à partir d’actes volontaires comme la confession.
Le péché est un engagement de notre liberté dans des impasses.
Qu’avons-nous fait avec ce que l’on nous a fait ?
Qu’ai-je fait de cette difficulté, de cet échec ou encore de ce péché ?
Si nous n’avons pas prise sur la blessure reçue, nous avons prise sur ce que l’on veut en faire.
Il y a une liberté qui s’engage et là nous avons besoin de l’aide du Seigneur.
Il faut se réconcilier avec ceux qui nous ont fait souffrir, ce qui rejaillit dans notre vie conjugale.
Réconciliation avec le conjoint (dans sa vie de célibataire)
L’accueillir et l’accepter tel qu’il est avec son histoire avant notre rencontre.
« Je te reçois et je me donne à toi… » : c’est accueillir l’autre tout entier et parfois il y a un pardon à donner à ceux qui ont fait souffrir notre conjoint avant son mariage.
Se réconcilier avec son mari dans ses expériences mauvaises, c’est encore l’accepter tel qu’il est : expériences sexuelles avant le mariage, violences sexuelles subies dans l’enfance et à l’adolescence et qui entraînent parfois des difficultés dans la vie conjugale et familiale, tout ce qui est lié à la question de la vie avant le mariage comme l’avortement par exemple…
Il ne faut pas négliger la réconciliation à faire avec les actes posés par le conjoint avant de nous connaître !
Les blessures dans la relation à deux
Au début de la relation (fiançailles)
Les difficultés naissent dès ce moment-là (cf. Père Jacques MARIN « Le temps des fiançailles ») : on a pu être trop rapide, fusionnel et les motifs de la relation n’étaient peut-être pas si clairs et ont fait naître des blessures.
Tout mariage d’amour est aussi un mariage de raison (on doit avoir des raisons pour aimer l’autre !)
Ces blessures peuvent rejaillir dix ans après :
- La trop grande rapidité dans la relation ne laissent pas le temps à l’intelligence de faire son travail (l’émotion…). Il faut avoir une suffisante connaissance de l’autre.
- Les mots durs prononcés au début et qui demeurent vingt ans après, les expériences sexuelles faites juste avant le mariage avec le conjoint actuel et qui blessent,
- Dans le cadre de la préparation matérielle du mariage : histoires financières, une famille qui domine sur l’autre…
Après le mariage
- Le sentiment de solitude qui peut être considéré comme un abandon de la part du conjoint (au moment des grossesses, à la maladie, à l’éducation des enfants…).
Face à cela, il faut reprendre conscience des petites blessures qui se sont enracinées ; souvent ce sont les petites choses qui se sont accumulées (paroles dites, manières de faire, désordres…). Il faut toujours avoir une attitude d’humilité.
- Les blessures liées à la sexualité dans le cadre du mariage (la femme considérée comme objet ou qui se laisse prendre sans se donner). Il faut évoquer toutes ces questions-là dans la vie de couple pour rendre grâce et pour grandir.
- Les blessures liées à l’argent : répartition de l’argent concernant les héritages, l’époux qui fait trop sentir que c’est lui qui amène l’argent (« Toi, tu as la vie facile ! »)
- Les offenses liées à la vie spirituelle, à la relation à Dieu : imposer à l’autre son chemin spirituel, concurrence avec Dieu… Au lieu d’être un lieu de communion, elle devient un lieu de blessure ! On compense le manque de relation conjugale par le spirituel.
Blessures liées à la paternité et maternité
Il y a un lien entre la fécondité des époux et la relation conjugale :
- Les blessures liées au refus de la vie qui entament l’amour conjugal qui, par nature, est lié à la vie : non accueil d’une grossesse…
- Le déséquilibre dans la relation du père ou de la mère avec les enfants : surprotection maternelle qui ne laisse pas de place au père, ravi (parfois !) de ne pas avoir à la prendre, égoïsme du père qui fuit volontairement dans le travail et procure un sentiment d’abandon chez la femme.
Laisser trop d’importance à la paternité ou à la maternité sur la relation des époux, qui doit pourtant rester première et dans laquelle les enfants rentrent : Attention à être époux ou épouse avant d’être père ou mère
Relation parents-enfants :
- Les violences exercées sur les enfants. Colères qui apeurent les enfants et leur ôtent souvent leur confiance en eux-mêmes.
- Les absences de tendresse pour l’enfant.
- Les rejets ou préférences : est-ce que je donne à chacun ce dont il a besoin au moment où il faut ? Cela se demande dans la prière ! Il y a toujours un chemin de réconciliation qui est ouvert.
- Quand l’un des deux conjoints se sert de ses enfants pour faire passer des messages à l’autre, alors que le rôle de l’épouse est de rendre le père présent…
- Quand les enfants sont arbitres des conflits et se sentent source d’union ou de désunion entre leurs parents : l’enfant se sent trop responsable, trop tôt, de ses parents !!! Cela génère donc une certaine culpabilité non légitime qui pèse sur l’enfant : là aussi la réconciliation est à opérer.
Il est possible de faire un examen de conscience pour rouvrir des portes alors qu’on était dans des impasses…
Les chemins de réconciliation
Réconciliation vient de conciliation qui vient de concile…
Ce mot signifie « mettre en assemblée » ou « faire revivre ensemble » ou bien encore « retisser des liens ». Mais pour cela il faut que :
Amour et Vérité se rencontrent, Justice et Paix s’embrassent"
C’est un chemin difficile que de déborder d’amour et avancer dans la vérité ! C’est un travail de clarification. Il faut oser avancer avec courage, regarder les situations, se regarder soi-même, aller jusqu’au bout de la lumière.
En voyant comment nous sommes divisés, éclatés dans nos familles, nous pourrions nous décourager !
Et parce que cette réconciliation n’est pas possible, Jésus est venu et l’a rendu possible ! Car ce n’est pas à notre mesure.
Quand l’histoire nous divise, l’Esprit Saint, lui, veut nous unifier. Et Dieu fait alliance pour que nous retrouvions cette unité.
La vie de Jésus
C’est vraiment toute la vie de Jésus qui se résume ainsi : ramener à l’unité les enfants de Dieu dispersés. Et l’Église répond avec le Concile (cf. Lumen Gentium n° 9 à 20) :
L’Église est le Sacrement de l’unité de l’homme avec Dieu et des hommes entre eux.
Quand on voit Jésus dans son ministère (cf. Éphésiens), Il est venu pour remettre les péchés, pour guérir les blessures, pour pardonner. Il réconcilie, Il réintroduit dans la Communauté, Il permet aux gens de retisser les liens (cf. le paralytique « Que tes péchés soient pardonnés »)
Dans le Notre Père, la cinquième demande « pardonne-nous nos offenses comme nous aussi nous pardonnons… » est la clef de la vie chrétienne. Dans la rencontre avec le Seigneur, il nous remet nos dettes pour nous rétablir dans la beauté première mais comme il nous a été fait, à nous aussi de le faire !
Le scandale c’est de ne pas faire comme il nous a été fait ! Il faut entrer dans cette grâce de réconciliation, centre de l’Évangile, car la réconciliation est le mode de vie des Chrétiens.
L’œuvre de Jésus
La réconciliation n’est pas d’abord notre affaire mais l’œuvre de Jésus-Christ ! Et ensuite vient le travail psychologique.
La vraie réconciliation se trouve dans celle que Jésus nous a déjà obtenu. Jésus nous a déjà réconciliés par sa mort en nous rétablissant dans l’unité tous en un seul Corps. Cette réconciliation nous précède donc et Jésus nous voit avec nos blessures et nos péchés. Mais Il nous pardonne (=donne par-dessus) ; Il nous voit dans notre beauté première restaurée et nous appelle à nous relever, à nous voir avec ses yeux.
Le combat en Jésus-Christ nous assure de la victoire déjà remportée et Jésus nous fait confiance sur ce chemin. Pour nous Chrétiens, la réconciliation est déjà acquise et travaille nos cœurs mais en même temps le pardon n’est pas un commandement, quelque chose d’automatique ; c’est l’œuvre de Dieu qui vient à notre rencontre (cf. la vie des saints). C’est une chose dans laquelle nous entrons et il y a tout un travail à faire pour entrer dans cette vie, réconciliés avec nous-même et pour être nous-même faiseur de réconciliation.
Notre participation
Nous crions depuis nos blessures mais nous les déposons devant le Seigneur et laissons sa grâce nous toucher.
La Victoire est acquise mais non achevée. Le pardon est un processus dans lequel on entre mais ce n’est pas achevé d’une manière totale. Nous marchons vers la plénitude (cf. Corinthiens) Nous sommes dans ce travail, c’est notre mission mais pour se faire, nous sommes appelés à poser des gestes concrets de réconciliation pour la rendre possible (cf. mars et mai 2000 : deux célébrations où le St Père a fait une demande de pardon et mémoire de tous les martyrs du 20e siècle ; deux gestes pour que la réconciliation soit possible !).
Nous avons à faire une œuvre de Vérité pour faire la lumière, pour reconnaître ce qui, en nous, est blessé, cassé : Il faut assumer ce que nous sommes, le regarder, le prendre entre nos mains et nous laisser renouveler dans la confiance en le Seigneur.
Au-delà de nos divisions, faire souvenir des personnes qui ont donné leur vie par Amour du Christ.
Mais ce n’est pas encore la plénitude de la réconciliation !
Chacun à sa mesure
Le Seigneur nous fait confiance à travers des petits gestes concrets. Le pardon est un acte spirituel, une liberté qui s’exprime. Souvent, nous voudrions supprimer le problème avant de pardonner mais c’est le contraire que l’on doit faire !
Pardonner ce n’est pas oublier sinon on perdrait notre dignité, notre identité.
La réconciliation n’est pas non plus la résignation, ni l’esprit de sacrifice.
La réconciliation c’est oser descendre dans notre vérité et celle de l’autre, oser autant que possible aborder, parler, libérer la parole, (cf. Romains 12) oser se présenter tels que nous sommes pour que le Seigneur nous consacre dans la mesure du raisonnable : ne pas être prétentieux dans notre désir que tout marche sans difficulté : nous sommes des pauvres aimés et des gens blessés ; il faut abandonner le rêve sur nous-même et sur les autres, abandonner nos illusions ; cela fait mal mais c’est mieux car alors il y a un chemin qui s’ouvre.
« À la mesure de la Foi qu’il a reçu… » : chacun a reçu ce qu’il faut ; Personne n’est exclu de cette mission de réconciliation.
Besoin d’aide
(Verset 4) : St Paul ouvre toujours sur le Corps ; Dieu vient nous ouvrir les yeux sur les autres pour ne pas rester sur notre blessure. (cf. Job) Il faut apprendre à ne pas voir tout le monde et soi-même à travers sa blessure. Je dois apprendre à regarder ce qui ne se fait pas seul ; nous avons besoin d’aide. Il faut entrer en amitié avec soi-même (travail psychologique, spirituel…)
La réconciliation permet de revenir dans l’assemblée, revoir les choses dans le Corps. C’est ce que fait Jésus qui nous remet dans son Corps !
Il faut apprendre à pouvoir parler, ne pas s’isoler, se faire connaître. Ne pas se résigner à être par terre. Jamais le Seigneur ne nous y réduit.
Donner par-dessus la blessure
Même si je souffre de l’autre ou par l’autre, je ne dois jamais le réduire à sa misère, à sa blessure, au mal qu’il fait ! (cf. l’histoire de Joseph et de ses frères : « Ils n’étaient plus capables de se parler entre frères »).
St Paul nous dit :
Fuyez le mal avec horreur…"
:
Ainsi, il faut refaire confiance pour que l’amour circule déjà en soi et autour de soi, pour être porteur de cette réconciliation.
Pardonner, c’est donner par-dessus la blessure pour redonner cette beauté première. Le Seigneur nous a institués chrétiens :
- pour aider les gens par cette Miséricorde,
- pour que nous puissions appeler les gens au pardon,
- pour qu’ils sentent qu’ils ne sont pas qu’une blessure.
Nous sommes appelés à affronter les difficultés. Si nous croyons en la beauté que le Seigneur a mise dans la personne en face de nous, la vie sera autre : dans l’autre nous voyons le reflet de ce qu’il y a en nous.
Vainqueur du Mal par le Bien
La réconciliation s’opère à travers de petits actes.
Verset 21 : le mal qu’on nous a fait nous tient captif dans ses filets. Il ne faut pas entrer dans la logique de celui qui nous enferme. « Soyez vainqueur du mal par le Bien ! » Il ne faut pas entrer dans le mal :
Rien ne me séparera de l’Amour du Christ"
Autrement dit : rien ne m’empêchera d’aimer.
Verset 14 : comment vivre dans la même communauté avec des grandes disparités en donnant la liberté à l’autre, en laissant la confiance revenir ? C’est l’œuvre de Jésus.
Et tout au long de cette œuvre il y a la présence de Jésus qui vient nous renforcer.
Pour sortir d’une crise il ne faut pas tout niveler au niveau du ressenti, il faut dépasser les choses par le haut, revenir à ce qui fait notre unité, ce qui fait le couple, la famille, en sachant faire mémoire de l’amour qui nous unit.
Revenir à l’essentiel, là où j’ai engagé ma liberté. Revenir à la source des OUI qu’il y a en nous. La famille, les couples sont vraiment sources de guérison des blessures intérieures et non pas des lieux de divisions.
Nous avons à recevoir le bien, la grâce par les autres. Mais il faut se tenir dans cette volonté d’aimer. Pour se réconcilier il faut le vouloir, avoir comme finalité la volonté de Dieu, retrouver la beauté première, établir une communion en respectant, en mettant en valeur les dons de l’autre, allier intelligence et volonté, savoir soi-même vivre de la réconciliation.
Le sacrement de réconciliation nous permet d’aller au fond de notre cœur, nous apprend à nous accueillir blessés mais aimés infiniment.