Texte de l’enseignement
Être père ?
Selon Muldworf, « la femme devient mère par l’intermédiaire d’un processus biologique tandis que l’homme devient père par l’intermédiaire d’un système symbolique imposé par la société ». En effet, on est mère dés l’instant de la grossesse alors qu’on devient père par un processus psychologique conditionné par des normes culturelles et sociales. Avant d’essayer de répondre aux questions que nous évoque ce thème, il nous est paru nécessaire de définir plus spécifiquement certaines notions.
Définitions : l’image du père, la fonction et le rôle du père.
L’image du père :
L’image est une représentation mentale d’un objet absent. L’enfant va intérioriser une image à la fois positive et négative de son père dans son psychisme. La participation de plus en plus grande aux soins dés la première année, facilite pour l’enfant la reconnaissance précoce de la bonne image du père. Le père est celui qui fait sortir l’enfant de son état d’indifférenciation en l’amenant à prendre connaissance et conscience du monde qui l’entoure.
L’enfant désire souvent manipuler l’autre comme un objet, c’est en s’opposant à ses désirs que le père offre une nouvelle image de lui, qui vient alors renforcer la triangulation : père, mère, enfant. L’image du père prend toute sa signification dans l’évolution et la résolution du complexe d’Œdipe.
Pour le petit garçon, le père a une image plutôt ambivalente. Il est à la fois un représentant de la puissance, mais il occupe également une position de rival et d’interdicteur. Des processus d’identification se mettent en place, tout aussi bien chez le garçon que chez la fille. Le garçon s’identifie directement au père alors que pour la fille ce processus se fait indirectement, elle s’identifie à la mère en tant qu’épouse de son père car elle souhaiterait prendre sa place.
Vers 6 ans, si l’image intégrée jusqu’alors est suffisamment bonne, l’image du père à ce moment là est vécue sur un mode de fascination « mon papa est plus fort que le tien ; mon papa, c’est le plus beau ». A la période de latence, l’enfant se détache de cette image parfaite du père, il s’ouvre vers l’extérieur. Mais ce n’est qu’à l’adolescence, qu’elle risque d’être vraiment remise en cause, d’autant plus si le père ne fait rien pour la sauvegarder.
Il nous parait également nécessaire de définir la notion d’imago. Ce terme a été introduit par C. G. Jung en 1911 pour désigner une représentation telle que le père (imago paternelle) ou la mère (imago maternelle) qui se fixe dans l’inconscient du sujet et oriente ultérieurement sa conduite et son mode d’appréhension d’autrui. L’imago est élaborée dans une relation intersubjective et peut être déformée par rapport à la réalité. Ainsi, l’imago d’un père fort peut être substitué à un père inconsistant dans la réalité.
Le rôle et la fonction du père :
Le rôle représente les formes et les valeurs des comportements assignés par la société à l’individu. La fonction paternelle est constituée par « l’ensemble des déterminations qui agissent pour œuvrer à la structuration du psychisme de l’enfant » (Muldworf).
Widlöcher a distingué ces deux concepts. Selon lui, le rôle du père est défini dans un contexte socioculturel déterminé. Ainsi, chaque société ou chaque milieu impose aux pères des rôles qui sont propres aux différentes cultures ; alors qu’il considère la fonction paternelle comme un élément important dans le développement normal et la maturation psychoaffective de l’enfant.
La fonction paternelle par sa présence dans l’environnement où se développe l’enfant forme une base solide à la formation de la personnalité. Cette fonction ne coïncide pas toujours avec une image spécifique et dépendante du milieu culturel. A l’opposé de la fonction maternelle qui a des fondements biologiques, il n’y a pas de lien existant entre la fonction paternelle et une origine biologique.
Muldworf présente la fonction maternelle comme une entité comportant trois éléments : la satisfaction des besoins élémentaires, la sédation des tensions, l’apport de présence et de sécurité. Certes, cette fonction maternelle peut être remplie par le père ou par toutes autres personnes mais elle est attribuée à la mère car elle constitue une sorte de continuité naturelle et nécessaire de la naissance. Le père peut effectivement remplacer la mère mais son rôle ne se limite pas à cela. Nous allons maintenant tenter de définir une série d’éléments spécifiques de la fonction paternelle.
La fonction paternelle
En se référant aux travaux de Muldworf, nous pouvons distinguer deux formes de fonction paternelle : la fonction paternelle indirecte et la fonction paternelle directe.
La fonction paternelle indirecte :
En plus de l’amour, le père doit apporter un soutien à sa femme. Il est garant d’une certaine sécurité au sein du couple. La fonction paternelle passe par les rapports du père et de la mère. La fonction maternelle est relative à l’équilibre psychoaffectif de la mère, équilibre qui peut être soit renforcé soit ébranlé par la nature des relations qu’elle entretiendra avec son mari. De ce fait, toutes modifications affectives et émotionnelles chez la mère auront des effets directs sur la relation mère-enfant. L’équilibre du couple est donc nécessaire au développement psychoaffectif de l’enfant. De plus, l’enfant perçoit et intériorise une image de son père, qu’il se construit au travers de sa propre vision mais également au travers de l’image que se fait la mère du père.
Ainsi, une femme qui méprise son mari et le diminue aux yeux de ses enfants, favorise l’intériorisation d’un type particulier d’image paternelle qui va par la suite influencer les effets de la fonction paternelle.
La fonction paternelle directe :
- Le père comme tiers séparateur dans la relation mère-enfant : La maturation biologique permet à l’enfant progressivement de se distinguer de sa mère, de se sortir de la relation duelle qu’il entretient avec elle. La mère doit être en mesure d’accepter que son enfant acquiert son indépendance et finisse par se séparer d’elle. Le père doit l’aider dans cette démarche, il doit assurer une régulation de la distance entre la mère et l’enfant et ainsi contribuer à l’évolution vers l’autonomie de son enfant. De sa fonction, il empêche de faire des mères abusives.
- Le père comme détenteur de l’autorité et porteur d’interdit : Widlöcher a défini la notion d’autorité et d’interdit dans la fonction paternelle par rapport à la problématique œdipienne. Il précise que le père détient le rôle d’agent de l’interdiction œdipienne, c’est à dire qu’il est celui qui interdit le rêve de la possession exclusive de la mère. Selon lui, « la constitution du surmoi dépend dans les deux sexes du dépôt dans la conscience de l’enfant de cette conscience morale qui est d’abord incarnée par le père ». L’enfant attribue alors au père les prohibitions, les interdits, les obligations, les ordres…
Duché montre que l’enfant attend effectivement l’autorité de son père, mais que celle-ci ne doit pas se manifester sous forme d’autoritarisme, de despotisme ou de tyrannie. L’autorité exercée par le père dépend également des relations existantes entre les parents. « Une relation affective satisfaisante entre les deux parents constitue le plus sûr garant de l’autorité paternelle » (Porot). - Le père comme modèle identificatoire : L’identification est un mécanisme psychologique inconscient par lequel un individu modèle sa conduite afin de ressembler à une autre personne. En effet, comme le souligne Widlöcher la fonction paternelle ne se résume pas à cette fonction d’autorité et à la constitution d’un surmoi. Le père est également le représentant du sexe masculin dans la « constellation familiale ».
Il guide l’orientation sexuelle des enfants. L’enfant se définit sexuellement par son sexe biologique d’une part et par sa place, sa position par rapport au parent de sexe opposé. L’enfant se définit donc par opposition au parent du sexe opposé et par identification au parent du même sexe.
Dans la situation œdipienne, l’identification du garçon au père se fait directement, le père occupe à la fois une position de modèle mais également de rival par rapport à la mère. Selon Porot, le père doit offrir un image d’identification suffisamment valable à son fils pour que celui-ci puisse parvenir à l’acceptation totale de la virilité, symbolisée par le père. D’autre part, la fonction de rival qu’exerce le père dans la situation œdipienne, permet à l’enfant d’acquérir une certaine confiance en lui et ainsi, d’obtenir une préparation aux compétitions sociales futures. La fille, elle, s’identifie indirectement au père ; en effet, la fonction paternelle chez la fille consiste à lui faire découvrir le rôle complémentaire de la mère, celui de femme et ainsi, assurer l’acquisition d’un modèle de féminité.
Nous sommes ainsi en mesure d’affirmer que la fonction paternelle agit sur la constitution de la personnalité de l’enfant. Elle intervient au niveau du développement affectif en assurant les possibilités d’autonomie et d’indépendance, nécessaires à une vie affective équilibrée (grâce à la fonction de séparation), et en assurant la confiance en soi permettant de faire face aux diverses compétitions sociales (grâce à la fonction d’identification). Elle intervient également au niveau de l’organisation de la personnalité, dans la mesure où elle permet la constitution d’un surmoi stable à travers la fonction d’autorité.
Nous avons donc vu que la fonction paternelle avait une incidence sur le développement de la personnalité de l’enfant. Nous allons nous intéresser plus précisément maintenant aux effets d’une défaillance de la fonction paternelle. Comment se traduit-elle et quelles en sont les conséquences ?
La défaillance de la fonction paternelle
Nous entendons le terme défaillance comme une incapacité, une faiblesse, quelque chose qui fait défaut. Il nous est paru nécessaire d’apporter cette précision car en prenant le terme de défaillance comme une simple faiblesse, un excès d’autorité du père ne serait-il pas le signe d’une certaine fragilité ?
Nous étudierons tous les éléments entraînant une incapacité ou une faiblesse dans l’accomplissement de la fonction paternelle.
Les carences paternelles : pourquoi ?
Les absences physiques
La maturation de l’enfant passe par la reconnaissance du père en tant que tel. Cette reconnaissance est nécessaire à la résolution du complexe d’Œdipe. Des absences trop fréquentes risquent de gêner les processus d’identification qui sont en jeu chez le garçon et chez la fille. Fréquemment, la mère tente d’assumer les deux rôles (paternel et maternel), ce qui est le plus souvent perturbant pour l’enfant. Il faut distinguer ici, les absences quotidiennes et les absences de longue durée car elles n’ont pas les mêmes effets sur le développement de l’organisation de la personnalité de l’enfant.
- Les absences quotidiennes du père pour son travail ne sont pas perturbantes dans la mesure où elles sont équilibrées. Il ne doit pas y avoir de discontinuité. Selon Le Gall, ces absences présenteraient même quelques avantages : le père offre une image avec un statut social, l’autorité est mieux acceptée par l’enfant si elle se fait par intermittence. Une présence constante obligerait le père à s’occuper de tout et à empiéter sur le rôle de la mère.
- Les absences de longue durée présentent des inconvénients manifestes. Cependant, il est possible de pallier cela par une constante « représentation » de l’image paternelle par la mère. Le Gall a réalisé une étude portant sur l’effet de longue absence du père (4-8 mois) dans des familles de marins. Dans certaines familles, la mère marque constamment la place du père absent, en parlant de lui, retraçant ses voyages sur une mappemonde. Elle réserve au père, les décisions importantes (achats importants, vacances). Dans ces familles, la réinstallation du père se fait avec moins de difficulté. Cependant la plupart des femmes renvoient à leurs enfants, l’image d’un père qui les a abandonnés et les laisse affronter les difficultés.
Les décès
Selon J. Duché, la disparition du père ne permet pas une évolution harmonieuse de l’affectivité. Le garçon risque de rester trop attaché à sa mère puisqu’aucun rival ne s’oppose à lui. L’opinion de Duché, nous parait assez restrictive ; en effet, nous pensons, comme Le Gall, que l’acceptation ou non d’un décès dépend de plusieurs facteurs :
- la conception que l’enfant a de la mort
- la personnalité de l’enfant
- l’attitude de la mère face à ce décès
J. Géneraud a observé des conduites hyperidéalisantes dans beaucoup de cas de décès du père. La perte du père est d’autant plus traumatisante que la mère est insuffisante et faible face à cette situation. L’enfant se réfugie alors dans un monde de rêve où son père est encore présent. Dans la mesure où, la mère accompagne l’enfant dans cette situation, lorsqu’elle peut assumer partiellement l’image du père et le rôle du père, le décès de celui-ci n’entraîne pas de réaction pathologique. Le Gall précise « qu’un effet psychologique conduit l’enfant à idéaliser le père disparu bien que concrètement absent, le modèle paternel est idéalement représenté, il sert donc encore à la formation du moi et à sa valorisation ».
Les séparations des parents
La garde des enfants est souvent confiée à la mère, on observe donc, une absence physique du père. Mais ce qui nous semble déterminant, ce sont les conditions dans lesquelles se déroulent le divorce. La séparation est plus difficile à assumer pour l’enfant lorsque les parents s’entre-déchirent, la mère peut donner une image très négative du père à ses enfants. Les parents pour sauvegarder l’équilibre psychique de leur enfant devraient s’efforcer d’expliquer leur séparation en préservant l’image de soi et de l’autre. Comme nous l’avions expliqué auparavant une bonne relation entre les deux parents est garante de la fonction paternelle.
Les absences morales du père et les carences d’autorité
Nombreux sont les pères peu attentifs à la vie familiale. Ils se déchargent sur leurs femmes pour tous les problèmes éducatifs. On observe des carences d’autorité importantes. Cette notion de carence d’autorité a longuement été étudiée par Sutter et Luccioni " elle nous parait comme le point d’appui indispensable aux diverses forces psychologiques pour s’harmoniser au sein de la personne. En effet, lorsque cette autorité vient à manquer, sa carence s’inscrit sous forme de symptômes qui s’organisent en un tableau assez cohérent, assez constant pour que nous ayons proposé de l’individualiser sous la désignation de « syndrome de carence d’autorité ».
Nous nous proposons de présenter ce syndrome plus en détail dans le chapitre suivant. Nous pouvons parler ici de démission paternelle. La démission du père, de son rôle de contrôle d’une part et la défaillance de son rôle dans la vie familiale d’autre part, entraînent un déséquilibre global chez l’enfant qui aura la possibilité de transgresser les règles.
Les pathologies du père
Les pères atteints de pathologies graves ne peuvent assumer leurs fonctions. Ils offrent à l’enfant une image dévalorisante, faible d’eux-mêmes, le processus d’identification est donc difficile. Ils sont dans l’incapacité d’assurer la fonction paternelle. La présence affective du père est aussi quantitative que qualitative, ce double manque produit chez l’enfant une insécurité profonde qu’il cherche à compenser par une relation de dépendance à la mère. Si elle même ne peut répondre à ce besoin, l’enfant dans un tel climat affectif ne sera pas en mesure de développer une personnalité suffisamment stable.
En étudiant la défaillance de la fonction paternelle, nous avons pu souligner l’importance de l’intériorisation d’une bonne image du père, et du couple parental dans le développement psychoaffectif de l’enfant. Nous aimerions tenter de répondre maintenant à la question suivante : Quelles sont les conséquences de la défaillance de la fonction paternelle et de l’incapacité du père à remplir son rôle pour l’enfant ?
Les conséquences de la défaillance de la fonction paternelle.
La défaillance de la fonction paternelle est le facteur essentiel de l’existence d’un trouble relationnel précoce entre le père et l’enfant. L’abandon de la fonction paternelle ou l’incapacité à l’assurer ne permet pas la maturation nécessaire à l’enfant. Cette carence paternelle est un facteur important dans l’apparition de différents troubles psychopathologiques de l’enfant.
Le syndrome de carence d’autorité
Les traits caractéristiques du syndrome de carence d’autorité apparaissent dans trois domaines précis : la personnalité, le comportement, les relations inter-humaines.
- La personnalité est inconsistante, elle manque de stabilité et de fermeté. Les individus sont dépourvus de courage, de persévérance. Un sentiment profond d’insécurité règne et l’anxiété est fréquente.
- Le comportement traduit en actes les altérations de la personnalité. Les actes sont souvent irréfléchis et inachevés. Le caprice domine et les tentatives de suicides sont assez fréquentes dominées par des causes futiles. Sutter et Luccioni envisagent la tentative de suicide comme un signe révélateur d’une carence d’autorité à partir du moment où elle intervient comme une solution aux difficultés les plus diverses.
- Les relations interhumaines sont marquées également par le caprice et l’instabilité. Le repliement sur soi et la tendance à l’isolement sont rares. L’individu nous apparaît sous une fausse sociabilité de surface, il reste isolé, tout engagement durable demeure impossible. Il a des camarades mais pas de véritables amis.
Les troubles de l’organisation de la personnalité
Nous avons vu précédemment que la régulation de la distance mère-enfant conditionnait l’aptitude de l’individu à assurer son autonomie et son indépendance. La situation de dépendance réciproque mère-enfant rend préjudiciable l’avenir psychoaffectif de l’enfant. Selon Muldworf, si la relation mère-enfant reste trop étroite, le développement de la personnalité de l’enfant dépendra de la personnalité de la mère. Si celle-ci est portée à un excès de sentimentalisme, l’enfant sera faible, capricieux, exigeant ; si elle est autoritaire et possessive, l’enfant n’aura pas confiance en lui, il ressentira un sentiment d’insécurité constant, cela risque d’occasionner un être manquant de caractère, de courage, fuyant ses responsabilité (pusillanime) et ayant des intentions peu fermes (velléitaire). Nous avons vu également qu’une des fonctions du père était d’encourager son fils à le dépasser, à s’opposer à lui dans la compétition oedipienne. Lorsque cette fonction n’est pas assurée, les enfants éprouvent une angoisse importante à l’idée de s’opposer au père et se complaisent alors dans une situation de dépendance. Pour Le Gall, le manque d’image masculine propice à une identification positive, produit des personnalités insécures des êtres inquiets et anxieux cherchant constamment à être rassurés. D’aprés Muldworf, l’insuffisance de l’image paternelle chez la fille, produit des effets contradictoires : soit identification à une mère forte avec développement de tendances homosexuelles, soit recherche incessante de l’homme « idéal », aucun n’étant en mesure de satisfaire ce besoin absolu de sécurité.
Les altérations de l’image paternelle entraînent donc des difficultés d’identification. L’enfant est alors soit inhibé, soit instable. Il est incapable de développer un sentiment d’identité stable, il doute de lui-même et à tendance à se dévaloriser. Il a peu de capacité de communication. On note fréquemment chez ces enfants, une dimension dépressive avec un sentiment d’accablement.
Les troubles du caractère et du comportement.
On rencontre souvent des enfants présentant des troubles caractériels lorsque le père ne rempli pas sa fonction. Ces enfants sont instables, agressifs, hyperémotifs, anxieux, impulsifs, renfermés ou excités, coléreux… Les enfants peuvent également manifester leur malaise au travers de comportements. Ils réagissent sur un mode réactionnel et externalisent les conflits par des actes. Le Gall, nous fait remarquer que 75 % des délinquants juvéniles proviennent de famille où les parents sont séparés.
Les maladies mentales.
Selon Muldworf, plus la déprivation paternelle est grande, plus elle est survenue tôt dans la vie de l’enfant, plus le risque de pathologie mentale est augmenté. La présence dans l’entourage de figures paternelles substitutives tend au contraire à diminuer ce risque. A. Salas a relevé dans sa recherche un certain nombre d’études visant à établir une relation entre le père et la maladie pathologique chez l’enfant :
- Da Silva dans une étude effectuée en 1963 sur les parents de schizophrènes a noté que l’absence du père confirme et favorise la schizophrénie.
- Les travaux de Green à ce sujet sont intéressants ; il a réalisé une enquête sur le milieu familial des schizophrènes. Il a alors constaté une annihilation de l’image du père pour l’enfant. Ce phénomène serait engendré soit par « des circonstances extérieures comme l’éloignement, soit par des conflits comme la séparation soit par une exclusion fonctionnelle ». L’image du père est faible et inefficace. Selon A. Salas, la plupart des pères d’enfant psychotique ont une personnalité marquée par une faille narcissique et ont une image dévalorisée d’eux-mêmes pouvant être à l’origine de comportement de fuite ou d’évitement. La démission du père dans ces cas, semble importante, mais il nous parait difficile d’affirmer actuellement, qu’un trouble relationnel entre le père et l’enfant serait directement responsable du développement d’une pathologie grave chez l’enfant, ou bien que l’existence d’une telle maladie chez l’enfant serait à l’origine d’une certaine défaillance du père.
Bibliographie :
- Duché, D.J., (1965), « La carence de l’image paternelle », Sauvegarde de l’enfance, 20, (4), 350-355.
- Lebovici, S., Crémieux, R., (1970), « A propos du rôle et de l’image du père », Psychiatrie de l’enfant, 13, (2), 341-447.
- Le Gall, A., (1972), « Le rôle nouveau du père », Paris, E.S.F.
- Mannoni, M., (1983), « La crise du rôle paternel et ses conséquences psychosociologiques », Bulletin de psychologie, tome XXXVI, n°361, 793-796.
- Muldworf, B., (1972), « Le métier de père », coll E3, Casterman.
- Porot, M., (1965), « Le rôle du père dans l’évolution normale de l’enfant », Revue de Neuropsychiatrie Infantile, 13, (10-11), 771-776.
- Salas, A., (1982), « L’image du père et son incidence sur le psychisme de l’enfant », note de recherche pour mémoire de psychopathologie et clinique de DEA.
- Sutter, J.M., Luccioni, H., (1965), « Carence paternelle et carence d’autorité », Revue de Neuropsychiatrie Infantile, 13, (10-11), 814-817.
- Widlöcher, D., (1965), « Fonction paternelle, complexe d’Œdipe et formation de la personnalité », Revue de Neuropsychiatrie Infantile, 13, (10-11), 777-780.
© Elsa Benoit juin 1999