Nous allons aborder les ennemis de l’espérance, les obstacles, les difficultés, les péchés contre l’espérance.
Acte d’espérance : « Mon Dieu, j’espère avec une ferme confiance que vous me donnerez, par les mérites de Jésus-Christ, votre grâce en ce monde et le bonheur éternel dans l’autre, parce que vous l’avez promis et que vous tenez toujours vos promesses ».
Bien souvent, nous oscillons entre le désespoir et la présomption : ce sont deux tentations opposées par rapport à l’espérance.
Désespoir et présomption se rejoignent en ceci qu’ils ne considèrent pas Dieu comme notre seule force : « Sans moi, vous ne pouvez rien faire » (Jean 15, 6) Blaise Pascal a de belles réflexions à ce sujet. Il montre combien la connaissance de Jésus nous aide à nous frayer un chemin entre le désespoir et la présomption. Blaise Pascal (Morale chrétienne 2, Laf. 352, Sel. 384) : « La misère persuade le désespoir. L’orgueil persuade la présomption. L’incarnation montre à l’homme la grandeur de sa misère par la grandeur du remède qu’il a fallu. »
Blaise Pascal, Excellence 5 (Laf. 192, Sel. 225). « La connaissance de Dieu sans celle de sa misère fait l’orgueil. La connaissance de sa misère sans celle de Dieu fait le désespoir. La connaissance de Jésus-Christ fait le milieu parce que nous y trouvons, et Dieu, et notre misère. »
« La connaissance de Dieu sans celle de notre misère fait l’orgueil : celle de notre misère sans celle de Jésus-Christ fait notre désespoir ; mais la connaissance de Jésus-Christ nous exempte de l’orgueil et du désespoir ; parce que nous y trouvons Dieu, seul consolateur de notre misère, et la voie unique de la réparer. » Blaise Pascal, Morale chrétienne 2 (Laf. 352, Sel. 384). « La misère persuade le désespoir. L’orgueil persuade la présomption. L’Incarnation montre à l’homme la grandeur de sa misère par la grandeur du remède qu’il a fallu. »
La spiritualité chrétienne centrée sur le Christ, débarrasse l’homme de l’orgueil. Blaise Pascal, Fausseté des religions 10 (Laf. 212, Sel. 245). « Jésus-Christ est un Dieu dont on s’approche sans orgueil, et sous lequel on s’abaisse sans désespoir. » « La lecture des Écritures divines nous élève et nous évite d’être brisés par le désespoir ; à l’inverse elle nous remplit de crainte, pour que nous ne nous dissipions pas dans les nuées de l’orgueil. Mais nous établit sur la route du milieu qui est vraie et droite, pour ainsi dire entre le désespoir à gauche et la présomption à droite, cela nous serait extrêmement difficile, si le Christ ne nous disait : C’est moi qui suis la Voie, la Vérité et la Vie. » (Saint Augustin, Sermon 142)
Blaise Pascal (Fausseté des autres religions 6, Laf. 208, Sel. 240) : « Sans ces divines connaissances qu’ont pu faire les hommes sinon ou s’élever dans le sentiment intérieur qui leur reste de leur grandeur passée, ou s’abattre dans la vue de leur faiblesse présente. Car ne voyant pas la vérité entière ils n’ont pu arriver à une parfaite vertu, les uns considérant la nature comme incorrompue, les autres comme irréparable, ils n’ont pu fuir ou l’orgueil ou la paresse qui sont les deux sources de tous les vices, puisqu’il ne peut sinon ou s’y abandonner par lâcheté, ou en sortir par l’orgueil. Car s’ils connaissaient l’excellence de l’homme, ils en ignorent la corruption de sorte qu’ils évitaient bien la paresse, mais ils se perdaient dans la superbe et s’ils reconnaissent l’infirmité de la nature ils en ignorent la dignité, de sorte qu’ils pouvaient bien éviter la vanité mais c’était en se précipitant dans le désespoir. De là viennent les diverses sectes des stoïques et des épicuriens, des dogmatistes et des académiciens, etc. La seule religion chrétienne a pu guérir ces deux vices, non pas en chassant l’un par l’autre par la sagesse de la terre, mais en chassant l’un et l’autre par la simplicité de l’Évangile. Car elle apprend aux justes qu’elle élève jusqu’à la participation de la divinité même, qu’en ce sublime état ils portent encore la source de toute la corruption qui les rend durant toute la vie sujets à l’erreur, à la misère, à la mort, au péché, et elle crie aux plus impies qu’ils sont capables de la grâce de leur rédempteur. Ainsi donnant à trembler à ceux qu’elle justifie et consolant ceux qu’elle condamne, elle tempère avec tant de justesse la crainte avec l’espérance par cette double capacité qui est commune à tous et de la grâce et du péché, qu’elle abaisse infiniment plus que la seule raison ne peut faire mais sans désespérer, et qu’elle élève infiniment plus que l’orgueil de la nature, mais sans enfler, et que faisant bien voir par là qu’étant seule exempte d’erreur et de vice il n’appartient qu’à elle et d’instruire et de corriger les hommes. » Habituellement, cela commence plutôt dans la présomption (on pense pouvoir se débrouiller tout seul, sans l’aide de Dieu et sans obéir à sa volonté). Et cela se termine par le désespoir parce que finalement, on découvre qu’on n’y arrive pas et on ne croit pas alors que Dieu est assez bon et puissant pour nous sauver. C’est pourquoi nous allons commencer par parler de la présomption.
A- la présomption
Voilà ce qu’en dit le Catéchisme de l’Eglise Catholique : « 2092 Il y deux sortes de présomption. Ou bien, l’homme présume de ses capacités (espérant pouvoir se sauver sans l’aide d’en Haut), ou bien il présume de la toute-puissance ou de la miséricorde divines (espérant obtenir son pardon sans conversion et la gloire sans mérite). »
Saint Thomas d’Aquin dit qu’il y a deux sortes de présomption (Cf. IIa IIae, q 21, a4) : « L’une prend appui sur la valeur personnelle du sujet et poursuit un objet qu’elle croit possible d’atteindre, alors qu’il dépasse les forces propres de ce sujet. Une telle présomption vient manifestement de la vaine gloire : désirant beaucoup de gloire, il s’ensuit qu’on s’attaque à une gloire au-dessus de ses forces. Et au premier rang de ces gloires, il y a les nouveautés qui attirent la plus grande admiration. C’est pourquoi S. Grégoire a mis à bon droit la présomption des nouveautés comme fille de la vaine gloire.
Il y a une autre présomption, qui s’appuie d’une façon désordonnée sur la miséricorde et la puissance divines ; ce qui lui donne l’espérance d’obtenir la gloire sans mérites et le pardon sans pénitence. Pareille présomption paraît bien naître en ligne directe de l’orgueil : l’homme a de lui-même une telle estime qu’il arrive à penser que, même alors qu’il pèche, Dieu ne peut pas le punir ni l’exclure de sa gloire. »
Pour ma part, je vais développer 3 aspects principaux que peut prendre la présomption où l’homme présume de ses capacités :
1- La foi dans le progrès avec l’exaltation de la science (y compris les sciences humaines) et de la technique. Mais on se rend bien compte que ces merveilleuses découvertes peuvent aussi se retourner contre l’homme. Il ne s’agit pas de rejeter le progrès car il a du bon mais le relativiser, sinon il est une idole.
2- La foi dans la loi, l’organisation, la politique : on pense qu’en prévoyant tout, il n’y aura plus de souci. Dérive sécuritaire. Inflation de normes et du coutumier. Le pouvoir et la politique : ce ne sont pas les idéologies politiques qui nous sauvent ! Les hommes politiques ont tendance à se présenter quelquefois comme le messie (promesses électorales). Or l’amélioration des structures ne suffit pas.
3- La foi dans le bien-être et le matérialisme. Tout cela est vite réduit à néant quand on est confronté à la souffrance. Il y a aussi toutes les stratégies pour oublier et éviter la confrontation avec la réalité, pour éviter la souffrance : drogue, alcool, … D’une part, l’homme n’a pas assez conscience de ses limites (orgueil) et d’autre part, il n’a pas assez conscience du péché originel et du péché actuel. Le règne de l’homme remplace le règne de Dieu. On pense se sauver sans la Croix du Christ.
4- Désillusion salutaire. De fait, les choses ne se passent pas forcément comme on l’avait imaginé. L’oubli de Dieu mène vite au désespoir quand il y a un revers dans la santé, la gloire, … Il y a aussi la question du sens de la vie. Cela peut être le retour vers une véritable espérance : nous prenons conscience de la limite des espérances humaines et nous nous tournons alors vers une espérance plus fiable, dont le fondement est plus ferme : « Malheureux est l’homme qui se confie dans l’homme et dont le cœur se détourne du Seigneur ! Il sera comme un buisson sur une terre désolée, il ne verra pas venir le bonheur » (Jr 17, 5-6).
Mais l’angoisse et le désir de sécurité peut nous conduire à nous enfoncer un peu plus dans la présomption. Nous nous appuyons alors de manière désordonnée sur la miséricorde et la puissance divines. J’en retiendrai 2 aspects principaux :
5- L’attitude qui consiste à ne pas trop se préoccuper de son salut en disant que tout le monde ira au paradis (on se fait alors illusion sur la miséricorde de Dieu). C’est prendre Dieu pour un imbécile.
6- Ce qui tourne autour de la voyance (on se confie à son horoscope plutôt qu’à Dieu)
B- le désespoir
Voilà ce qu’en dit le Catéchisme de l’Eglise Catholique : « 2091 Par le désespoir, l’homme cesse d’espérer de Dieu son salut personnel, les secours pour y parvenir ou le pardon de ses péchés. Il s’oppose à la Bonté de Dieu, à sa Justice - car le Seigneur est fidèle à ses promesses -, et à sa Miséricorde. » 0- Désespoir : omniprésent dans l’art contemporain. 1- ne pas espérer le Ciel : Combien la perspective de la mort – la sienne ou celle des autres – est tragique pour beaucoup de nos contemporains. Cela reste toujours quelque chose de difficile mais ce n’est pas la même chose si on pense qu’il y a quelque chose après la mort. 2- se trouver seul pour affronter ce qu’il y a de difficile dans la vie. 3- ne pas espérer le pardon de Dieu ; ne pas pouvoir compter sur sa miséricorde.
A- la présomption
A- DIFFERENTES FORMES DE PRESOMPTION
A1- La science et la technique mal comprises
1- Foi dans le progrès à la place de la foi en Jésus
Une manière de concevoir la science et la technique est assez présomptueuse. Elle consiste à penser que la foi en Jésus est d’un autre âge. Devant tous les progrès multiples et variés, l’homme est comme ivre ! La foi dans le progrès vient substituer celle en Jésus (n° 16-17). Le règne de l’homme a en quelque sorte remplacé le règne de Dieu.
Il ne s’agit pas de la science et de la technique en tant que telles car elles sont bonnes. Il s’agit de la place qu’on leur donne qui en vient à supplanter la place de Dieu. Cela se produit quand on attend trop de la science et de la technique (n° 30).
2- Une époque passionnante
Pour ne prendre que quelques exemples.
a- progrès dans la médecine Que de progrès pour aider les personnes à guérir mais aussi pour mieux prendre en charge la douleur.
b- progrès dans les sciences humaines Les sciences humaines peuvent apporter une grande aide dans bien des situations. Pour la vie de couple, je considère que les couples d’aujourd’hui, même s’ils vivent dans un contexte très difficile, ont beaucoup de chance par rapport aux couples d’il y a 50 ans car ils ont beaucoup d’instruments à leur disposition pour mieux se comprendre et s’épargner bien des souffrances inutiles.
Je pense par exemple à différents livres de Gary Chapman (les langages de l’amour, couples et complices) ou encore à un livre de Jacques et Claire Poujol (Vivre heureux en couple). Il y a aussi des livres de Denis Sonet (Conseils aux couples qui s’aiment… ou qui peinent), de Georgette Blaquière (Oser vivre l’amour), de John Gottman, … On pourrait en ajouter beaucoup d’autres.
c- progrès de la technique. L’invention de la machine à laver le linge a été une révolution pour bien des mères de familles, … On y prend vite goût. Par exemple, nous avons des voitures plus ou moins récentes. C’est vrai qu’un jour d’hiver, on préfère celle qui dégivre vite et bien. C’est quand même bien pratique d’avoir la fermeture centralisée des portes. Les GPS ont pacifié un certain nombre de déplacements en famille (sauf dans une famille où l’épouse était très bonne copilote et éprouvait une certaine jalousie pour la voix féminine qui émanait du GPS). On pourrait beaucoup allonger la liste des bienfaits de la science et de la technique. Nous pouvons rendre grâce pour toutes ces découvertes et ces progrès technologiques.
3- Optimisme naïf
Les technophiles nourrissent une confiance optimiste dans le devenir humain. Mais cette confiance est trompeuse. Elle repose sur l’idée que les problèmes de l’humanité sont techniques, donc solubles grâce au développement technoscientifique et celui de l’organisation sociale.
Penser que nous trouverons dans la science et la technique toutes les solutions à nos problèmes, c’est évacuer le péché. Il y a une sorte d’optimisme qui minimise le mal. Ce n’est pas assez prendre en compte le péché et réduire à néant la croix du Christ.
4- Nouvelles questions qui se posent
Le progrès porte avec lui des questions difficiles (il suffit de penser à tout ce qui concerne la fécondation humaine et la bioéthique). Bien des familles se trouvent devant des questions graves qui ne se posaient pas auparavant et auxquelles nous sommes très mal préparés (dons d’ovocytes, demande de préparation d’un enterrement pour un enfant qui allait être l’objet d’un avortement, déclaration de nullité d’un mariage en Italie car il s’est avéré que les époux avaient le même père par le « hasard » d’une fécondation in vitro, …). On voit là une grande confusion au niveau des repères éthiques. Ce qui est techniquement faisable n’est pas forcément bon pour autant.
De fait, de nouvelles questions se posent au niveau de la médecine : l’acharnement thérapeutique et l’euthanasie procèdent de la même volonté de puissance. Ce qui est techniquement faisable est-il bon pour autant. La science et la technique nous facilitent la vie, nous évitent bien des choses pénibles, mais par ailleurs nous laissent très démunis devant la souffrance.
5- Le progrès technique appelle un progrès éthique
« L’ambiguïté du progrès est rendue évidente. Sans aucun doute, le progrès offre de nouvelles possibilités pour le bien, mais il ouvre aussi des possibilités abyssales de mal – possibilités qui n’existaient pas auparavant… Si au progrès technique ne correspond pas un progrès dans la formation éthique de l’homme, dans la croissance de l’homme intérieur (cf. Ep 3, 16 ; 2 Co 4, 16), alors ce n’est pas un progrès, mais une menace pour l’homme et pour le monde. » (n° 22)
« La science peut contribuer beaucoup à l’humanisation du monde et de l’humanité. Cependant, elle peut aussi détruire l’homme et le monde, si elle n’est pas orientée par des forces qui se trouvent hors d’elle » (SS n°25).
« Nous devons constater qu’un progrès qui se peut additionner n’est possible que dans le domaine matériel… À l’inverse, dans le domaine de la conscience éthique et de la décision morale, il n’y a pas de possibilité équivalente d’additionner, pour la simple raison que la liberté de l’homme est toujours nouvelle et qu’elle doit toujours prendre à nouveau ses décisions. » (n° 24)
« Puisque l’homme demeure toujours libre et que sa liberté est également toujours fragile, le règne du bien définitivement consolidé n’existera jamais en ce monde. Celui qui promet le monde meilleur qui durerait irrévocablement pour toujours fait une fausse promesse ; il ignore la liberté humaine. La liberté doit toujours de nouveau être conquise pour le bien. La libre adhésion au bien n’existe jamais simplement en soi. S’il y avait des structures qui fixaient de manière irrévocable une condition du monde déterminée – bonne –, la liberté de l’homme serait niée, et, pour cette raison, ce ne serait en définitive nullement des structures bonnes. » (n° 24)
6- Au-delà de ces risques, la perte de l’espérance et de l’amour
« Le grand malheur de cette société moderne, sa malédiction, c’est qu’elle s’organise visiblement pour se passer d’espérance comme d’amour ; elle s’imagine y suppléer par la technique, elle attend que ses économistes et ses législateurs lui apportent la double formule d’une justice sans amour et d’une sécurité sans espérance. » (Georges Bernanos, conférence 1945)
Sous un certain rapport, la foi en la science se rapproche de la gnose où l’on pense être sauvés par la connaissance. Or nous voyons bien que, par la connaissance, on peut rester à distance des choses (et surtout des personnes), sans avoir de relation avec elles. Tandis que nous sommes appelés à avoir une vraie relation qui nous implique plutôt que de rester sur notre mirador.
Ce dont l’homme a le plus besoin pour vivre, c’est encore de relation. Les ingrédients de la relation avec Dieu, c’est la foi, l’espérance et la charité.
La science ou l’amour
« La science contribue beaucoup au bien de l’humanité - sans aucun doute -, mais elle n’est pas en mesure de le racheter. L’homme est racheté par l’amour, qui rend la vie personnelle et sociale bonne et belle. C’est pourquoi la grande espérance, pleine et définitive, est garantie par Dieu, par le Dieu qui est amour, qui, en Jésus, nous a visités, et nous a donné la vie, et en Lui reviendra à la fin des temps. C’est dans le Christ que nous espérons, c’est Lui que nous attendons ! »
« Ce n’est pas la science qui rachète l’homme. L’homme est racheté par l’amour. Cela vaut déjà dans le domaine purement humain. Lorsque quelqu’un, dans sa vie, fait l’expérience d’un grand amour, il s’agit d’un moment de « rédemption » qui donne un sens nouveau à sa vie. Mais, très rapidement, il se rendra compte que l’amour qui lui a été donné ne résout pas, par lui seul, le problème de sa vie. Il s’agit d’un amour qui demeure fragile. Il peut être détruit par la mort. L’être humain a besoin de l’amour inconditionnel. Il a besoin de la certitude qui lui fait dire : « Ni la mort ni la vie, ni les esprits ni les puissances, ni le présent ni l’avenir, ni les astres, ni les cieux, ni les abîmes, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est en Jésus Christ » (Rm 8, 38-39). Si cet amour absolu existe, avec une certitude absolue, alors – et seulement alors – l’homme est « racheté », quel que soit ce qui lui arrive dans un cas particulier. C’est ce que l’on entend lorsque l’on dit : Jésus Christ nous a « rachetés ». Par lui nous sommes devenus certains de Dieu – d’un Dieu qui ne constitue pas une lointaine « cause première » du monde – parce que son Fils unique s’est fait homme et de lui chacun peut dire : « Ma vie aujourd’hui dans la condition humaine, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et qui s’est livré pour moi » (Ga 2, 20). » (n° 26)
A2- Organisation et relation entre les hommes
1- Foi dans les structures à la place de la foi en Jésus
Ces dernières décennies en particulier, il y a eu un très grand progrès pour prévoir les risques. L’homme a le désir de mieux maîtriser les choses. Sitôt qu’il y a un accident, on réfléchit pour que cela ne se reproduise pas, …
En cela, il y a quelque chose de très bon. Mais on peut aussi glisser vers une forme de présomption : l’homme veut tout gérer lui-même et veut mettre Dieu de côté puisque – selon lui – il ne gère pas bien les choses.
On pense qu’en prévoyant tout, il n’y aura plus de souci. On assiste ainsi à une dérive sécuritaire au niveau des normes. Mais cela peut se vérifier aussi au niveau des lois, règles et coutumiers. L’amélioration des structures ne suffit pas.
Le pouvoir et la politique : ce ne sont pas les idéologies politiques qui nous sauvent ! Les hommes politiques ont tendance à se présenter quelquefois comme le messie (promesses électorales).
2- Méconnaissance de la liberté et du péché
Il ne suffit pas d’avoir de bonnes lois pour que cela fonctionne bien. Comme le dit Benoît XVI : « Les bonnes structures aident, mais, à elles seules, elles ne suffisent pas. » (n° 25)
Benoît XVI analyse notamment l’échec de Marx (n° 20 et 21) pour instaurer le Paradis sur terre. Marx « a oublié l’homme et il a oublié sa liberté. Il a oublié que la liberté demeure toujours liberté, même pour le mal. Il croyait que, une fois mise en place l’économie, tout aurait été mis en place. Sa véritable erreur est le matérialisme : en effet, l’homme n’est pas seulement le produit de conditions économiques, et il n’est pas possible de le guérir uniquement de l’extérieur, créant des conditions économiques favorables. » (n° 21)
J’aime bien cette analyse de Benoît XVI car l’erreur de Marx est souvent aussi la nôtre : nous pensons qu’en changeant les structures, en mettant de bonnes structures, tout ira bien (on y croit toujours un peu au moment des élections, mais les promesses s’avèrent souvent assez décevantes). Effectivement il y a des structures de péché qu’il faut s’attacher à démonter. Cependant le changement des structures ne suffit pas. Ce n’est pas seulement faire preuve de naïveté, c’est aussi nier le péché. Régulièrement on a des relents de Jean-Jacques Rousseau qui niait le péché originel et prétendait que c’était la société qui corrompait l’homme.
« La condition droite des choses humaines, le bien-être moral du monde, ne peuvent jamais être garantis simplement par des structures, quelle que soit leur validité. De telles structures sont non seulement importantes, mais nécessaires ; néanmoins, elles ne peuvent pas et ne doivent pas mettre hors jeu la liberté de l’homme. » (n° 24)
3- Au niveau familial ou communautaire
Nous pouvons partir d’un petit exemple qui touche la vie familiale : le fait d’établir des tours de vaisselle. L’expérience montre que certains sont plus disposés que d’autres à rendre service, que certains sont experts pour se défiler au bon moment quand il y a quelque chose à faire. Le but est donc d’instaurer une certaine équité, de contrecarrer l’égoïsme ou la soif de domination présente en chacun.
C’est d’ailleurs la même chose en communauté : il y a des charges qui tournent comme celle du lecteur, du chantre, … mais heureusement pas celle de la cuisine car certains frères n’ont pas vraiment de talents pour la cuisine !
La tentation peut être de tout légiférer et de penser qu’à partir du moment où tout sera cadré, tout ira bien. C’est de penser qu’un bon coutumier réglera tous les problèmes. Concrètement, en communauté, cela consisterait à rajouter sans cesse des articles au coutumier pour dire aux uns et aux autres ce qu’ils doivent faire. Cela peut-être aussi de mettre des panneaux partout avec des impératifs pour dire ce qui est défendu ou obligatoire fermer les portes, rabattre le couvercle des WC… Dans certaines familles, ils peuvent même fixer les droits et les devoirs de chacun dans une sorte de contrat comme aux Etats Unis.
Dans ce cas, on attend beaucoup trop de l’organisation. On perd de vue le fait que l’essentiel se joue au niveau du coeur de l’homme.
4- Donner trop de place à la raison et pas assez à l’amour
On peut voir dans cette tendance à organiser une domination de la raison sur l’amour. De fait, dans son encyclique, Benoît XVI analyse aussi l’échec de la révolution française (n° 19) qui prétendait passer de la foi d’Eglise à la foi rationnelle, du Dieu Amour à la déesse raison. Or dans une vision des choses trop rationaliste, on évacue le péché ; on ne voit que des erreurs. En effet le péché est au niveau de la volonté, non de l’intelligence (ce serait alors seulement une erreur). On évacue aussi par conséquent toute la dimension du pardon.
« Même les structures les meilleures fonctionnent seulement si, dans une communauté, sont vivantes les convictions capables de motiver les hommes en vue d’une libre adhésion à l’ordonnancement communautaire. La liberté nécessite une conviction ; une conviction n’existe pas en soi, mais elle doit être toujours de nouveau reconquise de manière communautaire. » (n° 24)
5- Nécessité d’être racheté de l’intérieur
« L’homme ne peut jamais être racheté simplement de l’extérieur. » (n° 25) Jésus n’est pas venu nous sauver de l’extérieur. Il nous a sauvés vraiment de l’intérieur. Si Jésus a offert sa vie sur la Croix, c’est précisément pour guérir le coeur de l’homme, pour que le riche opulent ouvre ses yeux et son coeur au pauvre Lazare qui gît devant sa porte.
Dans l’évolution des relations sociales (exemple de l’esclavage n° 4), le christianisme a changé les choses de l’intérieur, pas de l’extérieur. Saint Paul a d’abord offert une espérance. Il n’a pas proposé une sorte de lutte des classes.
Bien entendu, il ne faut pas rester les bras croisés. Mais dans tous les efforts que nous pouvons faire, il importe de garder la modestie : « Nous ne pouvons pas ’construire’ le règne de Dieu de nos propres forces – ce que nous construisons demeure toujours le règne de l’homme avec toutes les limites qui sont propres à la nature humaine. (…) Il n’en reste pas moins (…) que notre agir n’est pas indifférent devant Dieu ni pour le déroulement de l’histoire. » (n° 35)
Benoît XVI prend pour exemple les premiers monastères au début du christianisme qui étaient, non pas des lieux de fuite du monde, mais surtout des lieux d’espérance. On y découvrait un art de vivre entre chrétiens, un espace de défrichage spirituel et agricole, pour préparer l’humanité nouvelle. (n° 15)
A3- L’argent et le matérialisme
Il y a un lien entre la pauvreté et l’espérance. En effet, quand on est comblé, on a tendance à se refermer sur soi-même et à ne plus rien attendre de Dieu et des autres.
La richesse, ennemie de l’espérance
« Celui qui s’enferme dans son bien-être ne connaît pas l’espérance ; il n’espère que dans son bien-être et cela n’est pas de l’espérance : c’est une sécurité relative ; celui qui s’enferme dans sa satisfaction, qui se sent toujours comme il faut, ne connaît pas l’espérance… Ceux qui espèrent sont au contraire ceux qui expérimentent tous les jours l’épreuve, la précarité et leur propre limite. Ce sont ces frères qui nous donnent le plus beau témoignage, le plus fort, parce qu’ils demeurent fermes dans leur confiance dans le Seigneur, sachant qu’au-delà de la tristesse, de l’oppression et du caractère inéluctable de la mort, la dernière parole sera la sienne, et ce sera une parole de miséricorde, de vie et de paix. » (PF, Catéchèse du 8 février 2017)
« L’espérance offerte par l’Évangile, est l’antidote à l’esprit de désespoir qui semble croître, tel un cancer dans la société qui extérieurement est nantie mais qui souvent fait l’expérience de la tristesse intérieure et du vide. À combien de nos jeunes ce désespoir a fait payer son tribut ! Puissent-ils, ces jeunes qui nous entourent ces jours-ci avec leur joie et leur confiance, n’être jamais privés de leur espérance ! » (PF, Corée le 15 août 2014)
L’illusion des richesses
Le Psaume 48 (49) exprime bien ce néant des richesses : 06 Pourquoi craindre (…) 07 ceux qui s’appuient sur leur fortune et se vantent de leurs grandes richesses ? 08 Nul ne peut racheter son frère ni payer à Dieu sa rançon : 09 aussi cher qu’il puisse payer, toute vie doit finir. 10 Peut-on vivre indéfiniment sans jamais voir la fosse ? 11 Vous voyez les sages mourir : comme le fou et l’insensé ils périssent, laissant à d’autres leur fortune. 12 Ils croyaient leur maison éternelle, + leur demeure établie pour les siècles ; sur des terres ils avaient mis leur nom.
13 R/ L’homme comblé ne dure pas : il ressemble au bétail qu’on abat. 14 Tel est le destin des insensés et l’avenir de qui aime les entendre : 15 troupeau parqué pour les enfers et que la mort mène paître. A l’aurore, ils feront place au juste ; dans la mort, s’effaceront leurs visages : pour eux, plus de palais ! 16 Mais Dieu rachètera ma vie aux griffes de la mort : c’est lui qui me prendra. 17 Ne crains pas l’homme qui s’enrichit, qui accroît le luxe de sa maison : 18 aux enfers il n’emporte rien ; sa gloire ne descend pas avec lui. 19 De son vivant, il s’est béni lui-même : « On t’applaudit car tout va bien pour toi ! » 20 Mais il rejoint la lignée de ses ancêtres qui ne verront jamais plus la lumière.
21 R/ L’homme comblé qui n’est pas clairvoyant ressemble au bétail qu’on abat.
Pape François, catéchèse du 27 septembre 2017 : « Aujourd’hui, je voudrais réfléchir avec vous sur les ennemis de l’espérance. Parce que l’espérance a ses ennemis : comme tout bien dans ce monde, elle a ses ennemis. (…)
L’espérance n’est pas une vertu pour des gens qui ont l’estomac plein. Voilà pourquoi, depuis toujours, les pauvres sont les premiers porteurs de l’espérance. Et dans ce sens, nous pouvons dire que les pauvres, et les mendiants également, sont les protagonistes de l’Histoire. Pour entrer dans le monde, Dieu a eu besoin d’eux : de Joseph et de Marie, des pasteurs de Bethléem. Dans la nuit du premier Noël, il y avait un monde qui dormait, installé dans tant de certitudes acquises. Mais les humbles préparaient cachés la révolution de la bonté. Ils étaient pauvres de tout, certains étaient à peine un peu au-dessus du seuil de la survie, mais ils étaient riches du bien le plus précieux qui existe au monde, c’est-à-dire la volonté de changement. Parfois, avoir tout eu de la vie est un malheur. Pensez à un jeune auquel on n’a pas enseigné la vertu de l’attente et de la patience, qui n’a dû suer pour rien, qui a brûlé les étapes et, à vingt ans, « sait déjà comment fonctionne le monde » ; il a été destiné à la pire condamnation : celle de ne plus rien désirer. Voilà la pire condamnation. Fermer la porte aux désirs, aux rêves. On dirait un jeune, mais l’automne est déjà tombé sur son cœur. Ce sont les jeunes de l’automne.
Avoir une âme vide est le pire obstacle à l’espérance. C’est un risque dont personne ne peut se déclarer exempt ; parce qu’il peut arriver d’être tentés contre l’espérance même si l’on parcourt le chemin de la vie chrétienne. Les moines de l’antiquité avaient dénoncé l’un des pires ennemis de la ferveur. Ils disaient : ce « démon de midi » qui sape une vie d’activité, précisément alors que le soleil brille dans le ciel. Cette tentation nous surprend quand on s’y attend le moins : les journées deviennent monotones et ennuyeuses, plus aucune valeur ne semble mériter d’effort. Cette attitude s’appelle l’acédie qui corrompt la vie de l’intérieur jusqu’à la laisser comme une enveloppe vide.
Quand cela arrive, le chrétien sait que cette condition doit être combattue, jamais acceptée passivement. Dieu nous a créés pour la joie et pour le bonheur, et non pour nous complaire dans des pensées mélancoliques. Voilà pourquoi il est important de conserver notre cœur, en nous opposant aux tentations de malheur, qui ne viennent certainement pas de Dieu. Et là où nos forces nous apparaîtraient faibles et le combat contre l’angoisse particulièrement difficile, nous pouvons toujours avoir recours au nom de Jésus. Nous pouvons répéter cette prière simple, dont nous trouvons une trace également dans les Evangiles, et qui est devenue le pivot de nombreuses traditions spirituelles chrétiennes : « Seigneur Jésus Christ, Fils du Dieu vivant, aie pitié du pécheur que je suis ! ». Belle prière. « Seigneur Jésus Christ, Fils du Dieu vivant, aie pitié du pécheur que je suis ! ». C’est une prière d’espérance, parce que je m’adresse à Celui qui peut ouvrir toutes grandes les portes, et résoudre le problème et me faire regarder l’horizon, l’horizon de l’espérance. »
A4- Une désillusion salutaire
Les fausses espérances que nous venons de voir reposent sur une forme d’orgueil qui consiste à faire les choses par soi, sans le recevoir de Dieu, sans vivre dans une vraie dépendance à son égard.
« Mon peuple a commis un double péché : Ils m’ont abandonné, moi qui suis une source d’eau vive, Pour se creuser des citernes, des citernes crevassées, Qui ne retiennent pas l’eau. » (Jr 2, 13)
« Malheureux est l’homme qui se confie dans l’homme et dont le cœur se détourne du Seigneur ! Il sera comme un buisson sur une terre désolée, il ne verra pas venir le bonheur » (Jr 17, 5-6).
Face à ces manières de remplacer l’espérance en Dieu par une espérance dans la science et la technique, dans l’organisation, dans la richesse et le bien-être, il y a quelquefois une désillusion salutaire qui nous ramène à la réalité. Mais c’est aussi le lieu d’un grand risque car alors, on risque de désespérer. L’oubli de Dieu mène vite au désespoir quand il y a un revers dans la santé, la gloire, …
Il s’agit alors de trouver un fondement ferme à l’espérance. Mais nous verrons dans les deux paragraphes suivants que nous pouvons encore contourner la difficulté en oubliant ou en recourant à une religion de substitution qu’est la voyance, …
« L’espérance est une vertu héroïque. On croit qu’il est facile d’espérer. Mais n’espèrent que ceux qui ont eu le courage de désespérer des illusions et des mensonges où ils trouvaient une sécurité qu’ils prennent faussement pour de l’espérance. L’espérance est un risque à courir, c’est même le risque des risques. L’espérance est la plus grande et la plus difficile victoire qu’un homme puisse remporter sur son âme. » (Georges Bernanos)
« On ne va jusqu’à l’espérance qu’à travers la vérité, au prix de grands efforts. Pour rencontrer l’espérance, il faut être allé au-delà du désespoir. Quand on va jusqu’au bout de la nuit, on rencontre une autre aurore. » (Georges Bernanos)
Si on prend le temps de s’arrêter, les moments difficiles de notre vie peuvent cependant être une opportunité pour se tourner avec une nouvelle ferveur vers Dieu, en lui faisant davantage confiance. Un beau texte du prophète Osée va dans ce sens (14, 2-10 ; cf. 3e vendredi de carême) : « Reviens, Israël, au Seigneur ton Dieu ; car tu t’es effondré par suite de tes fautes. Revenez au Seigneur, en lui présentant ces paroles : « Enlève toutes les fautes, et accepte une belle offrande : au lieu de taureaux, nous t’offrons en sacrifice les paroles de nos lèvres. Puisque les Assyriens ne peuvent pas nous sauver, nous ne monterons plus sur des chevaux, et nous ne dirons plus à l’ouvrage de nos mains : “Tu es notre Dieu”, car toi seul as compassion de l’orphelin. »
Voici la réponse du Seigneur : Je les guérirai de leur infidélité, je leur prodiguerai mon amour, car je suis revenu de ma colère. Je serai pour Israël comme la rosée, il fleurira comme le lis, il étendra ses racines comme les arbres du Liban. Ses jeunes pousses vont grandir, sa parure sera comme celle de l’olivier, son parfum comme celui de la forêt du Liban. Ils reviendront s’asseoir à son ombre, ils feront revivre le blé, ils fleuriront comme la vigne, ils seront renommés comme le vin du Liban. Éphraïm ! peux-tu me confondre avec les idoles ? C’est moi qui te réponds et qui te regarde. Je suis comme le cyprès toujours vert, c’est moi qui te donne ton fruit. » A certains moments de notre vie, nous pouvons hélas rechercher notre salut dans autre chose que Dieu, autre chose que ce que Jésus nous dit dans l’Evangile. Comme les contemporains d’Osée, à un certain moment, il faut bien se faire une raison : ces choses, ces appuis en qui nous avons cru un moment se sont finalement révélés décevants (Israël se tournait vers les divinités de la fertilité). Il s’agit alors d’entrer dans une vraie relation d’amour avec Dieu.
A5- La distraction et la présomption
Un autre ennemi de l’espérance est la distraction au sens de Blaise Pascal. Bien entendu, je n’entend pas dire qu’il ne faut pas se distraire, qu’il faut être toujours absolument sérieux, avoir « avalé un manche à balai ».
1- Il y a bien des manières de ne pas vouloir regarder les choses en face, de se voiler la face.
- On peut avoir recours à la drogue ou à l’alcool pour oublier. Cela fait partie des stratégies plus ou moins conscientes pour continuer à vivre et éviter de désespérer en oubliant et en évitant la confrontation avec la réalité.
- On peut aussi s’étourdir dans l’activisme. Vivre sans se soucier du salut de son âme (matérialisme, activisme, irréflexion, profiter de la vie). De ce point de vue, nous avons grand besoin de nous reconnecter à notre intériorité. « On ne comprend rien à la civilisation moderne si on n’admet pas d’abord qu’elle est une conspiration contre toute espèce de vie intérieure. » (Georges Bernanos)
2- Par une forme de présomption, l’homme présume de la toute-puissance et de la miséricorde divines
- On peut aussi se rassurer à bon compte : tout le monde ira au paradis, ce n’est pas la peine de se casser la tête. C’est ne pas prendre au sérieux la liberté de l’homme. C’est aussi prendre Dieu pour un imbécile.
- On peut essayer de se rassurer en se comparant aux autres qui ne font pas mieux au lieu d’écouter la petite voix qui nous appelle à la conversion. L’optimisme est une forme de présomption, en ce sens qu’il prétend préparer au bonheur sans nécessiter une vie surnaturellement vertueuse.
- Une autre manière d’agir avec présomption consiste à prendre des risques pour notre vie spirituelle en pensant être assez fort, en présumant de nos forces. On se met alors dans des situations impossibles.
- Pire encore, on peut prétexter de la bonté de Dieu pour pécher. De toute façon, je vais bientôt me confesser, autant en profiter avant. On relit la parabole des ouvriers de la dernière heure en se donnant encore du temps avant de se convertir. « Ne sais-tu pas que la miséricorde de Dieu t’invite à la pénitence ? » (Romain 2, 4)
A6- La voyance
Dans la voyance, les gens désirent recevoir des bonnes nouvelles porteuses d’espoir. Ils ont besoin de repères, d’encouragements, pour combler leur besoin de réconfort. Mais cela les rend assez passifs face à leur destin qu’ils pensent être écrit d’avance. Pape François, « La voyance, une ineptie ! » (Catéchèse du 11 janvier 2017)
La Sainte Écriture nous met en garde contre les fausses espérances que le monde nous présente, démasquant leur inutilité et montrant leur absurdité. Et elle le fait de différentes manières, mais surtout en dénonçant la fausseté des idoles en qui l’homme est continuellement tenté de mettre sa confiance, faisant d’elles l’objet de son espérance.
Les prophètes et les sages, en particulier, insistent sur cela, touchant un point névralgique du chemin de foi du croyant. Parce que la foi consiste à avoir confiance en Dieu – qui a la foi, a confiance en Dieu – mais vient le moment où, en se confrontant aux difficultés de la vie, l’homme expérimente la fragilité de cette confiance et sent le besoin de certitudes différentes, de sécurités tangibles, concrètes. Je m’en remets à Dieu, mais la situation est un peu difficile et j’ai besoin d’une certitude un peu plus concrète. Et là est le danger ! Et alors, nous sommes tentés de chercher des consolations même éphémères, qui semblent remplir le vide de la solitude et adoucir la difficulté à croire. Et nous pensons pouvoir les trouver dans la sécurité que peut donner l’argent, dans les alliances avec les puissants, dans la mondanité, dans les fausses idéologies. Parfois, nous les cherchons dans un dieu qui puisse se plier à nos demandes et intervenir de façon magique pour changer la réalité et la rendre telle que nous la voulons ; une idole, justement, qui en tant que telle ne peut rien faire, impuissante et mensongère. Mais nous aimons les idoles, nous les aimons beaucoup ! Une fois, à Buenos Aires, je devais aller d’une église à l’autre, mille mètres, plus ou moins. Et je l’ai fait à pied. Et il y a un parc à mi-chemin et dans le parc, il y avait des petites tables, mais beaucoup, beaucoup, où étaient assis les voyants. C’était rempli de monde qui faisait la queue. Tu lui tendais la main et il commençait mais le discours était toujours le même : il y a une femme dans ta vie, il y a une ombre qui vient, mais tout ira bien… Et puis, tu payais. Et cela te donne une sécurité ? C’est la sécurité – permettez-moi ce mot – d’une stupidité. Aller voir un voyant ou une voyante qui lit les cartes : cela, c’est une idole ! C’est l’idole et quand nous y sommes très attachés, nous achetons de fausses espérances. Tandis qu’à cette espérance de la gratuité, que Jésus-Christ nous a apportée en donnant gratuitement sa vie pour nous, à celle-là parfois nous ne faisons pas tellement confiance.
Un psaume plein de sagesse nous dépeint de manière très suggestive la fausseté de ces idoles que le monde offre à notre espérance et auxquelles les hommes de notre temps sont tentés de faire confiance. C’est le psaume 115 que voici : « Leurs idoles : or et argent, ouvrages de mains humaines. Elles ont une bouche et ne parlent pas, des yeux et ne voient pas, des oreilles et n’entendent pas, des narines et ne sentent pas. Leurs mains ne peuvent toucher, leurs pieds ne peuvent marcher, pas un son ne sort de leur gosier ! Qu’ils deviennent comme elles, tous ceux qui les font, ceux qui mettent leur foi en elles. » (vv. 4-8).
Le psalmiste nous présente, d’une manière un peu ironique aussi, la réalité absolument éphémère de ces idoles. Et nous devons comprendre qu’il ne s’agit pas seulement de représentations faites de métal ou d’autre matériel, mais aussi de celles construites avec notre esprit quand nous faisons confiance à des réalités limitées que nous transformons en absolu, ou quand nous réduisons Dieu à nos schémas et à nos idées de divinité ; un dieu qui nous ressemble, compréhensible, prévisible, exactement comme les idoles dont parle le psaume. L’homme, image de Dieu, se fabrique un dieu à son image, et c’est aussi une image mal réussie : il ne voit pas, il n’agit pas et surtout il ne peut pas parler. Mais nous sommes plus contents d’aller vers les idoles que d’aller au Seigneur. Bien souvent nous sommes plus contents de l’espérance éphémère que te donne cette fausse idole que de la grande et sûre espérance que nous donne le Seigneur.
À l’espérance dans un Seigneur de la vie qui, par sa Parole, a créé le monde et conduit nos existences, s’oppose la confiance dans des simulacres muets. Les idéologies avec leur prétention à l’absolu, les richesses – et elles sont une grande idole – le pouvoir et le succès, la vanité, avec leur illusion d’éternité et de toute-puissance, des valeurs comme la beauté physique et la santé, quand elles deviennent des idoles à qui tout sacrifier, sont toutes des réalités qui embrouillent l’esprit et le cœur et qui, au lieu de favoriser la vie, mènent à la mort. C’est triste d’entendre et cela fait souffrir l’âme, ce que j’ai entendu une fois, il y a des années, dans le diocèse de Buenos Aires : une brave femme, très belle, se vantait de sa beauté, commentait, comme si c’était naturel : « Et oui, j’ai dû avorter parce que ma silhouette est très importante ». Ce sont des idoles et elles te poussent sur la mauvaise voie et ne te donnent pas le bonheur.
Le message du psaume est très clair : si l’on met son espérance dans les idoles, on devient comme elles : des images vides avec des mains qui ne touchent pas, des pieds qui ne marchent pas, des bouches qui ne peuvent pas parler. On n’a plus rien à dire, on devient incapable d’aider, de changer les choses, incapable de sourire, de se donner, incapable d’aimer. Et nous aussi, hommes d’Église, nous courons ce risque quand nous nous « mondanisons ». Il faut rester dans le monde mais se défendre des illusions du monde que sont ces idoles que j’ai mentionnées.
Il faut, comme poursuit le psaume, mettre sa confiance et espérer en Dieu et Dieu nous donnera sa bénédiction. Le psaume dit ceci : « Israël mets ta foi dans le Seigneur […] Maison d’Aaron, mets ta foi dans le Seigneur […] Vous qui craignez le Seigneur, ayez foi dans le Seigneur […] Le Seigneur se souvient de nous : il bénira ! » (vv. 9.10.11.12).
Le Seigneur se souvient toujours. Même dans les moments difficiles, il se souvient de nous. Et c’est là notre espérance. Et l’espérance ne déçoit pas. Jamais. Jamais. Les idoles déçoivent toujours : elles sont imaginaires, elles ne sont pas la réalité. Voilà l’étonnante réalité de l’espérance : en mettant sa foi dans le Seigneur, on devient comme lui, sa bénédiction fait de nous ses enfants, qui partagent sa vie. L’espérance en Dieu nous fait entrer, pour ainsi dire, dans le rayon d’action de son souvenir, de sa mémoire qui nous bénit et nous sauve. Alors peut jaillir l’Alleluia, la louange au Dieu vivant et vrai qui pour nous est né de Marie, est mort sur la croix et est ressuscité dans la gloire. Et nous, nous avons notre espérance en ce Dieu et ce Dieu – qui n’est pas une idole – ne déçoit jamais. Ps 115 (113B) :
01 Non pas à nous, Seigneur, non pas à nous, mais à ton nom, donne la gloire, pour ton amour et ta vérité. 02 Pourquoi les païens diraient-ils : « Où donc est leur Dieu ? »
03 Notre Dieu, il est au ciel ; tout ce qu’il veut, il le fait.
04 Leurs idoles : or et argent, ouvrages de mains humaines.
05 Elles ont une bouche et ne parlent pas, des yeux et ne voient pas,
06 des oreilles et n’entendent pas, des narines et ne sentent pas.
07 Leurs mains ne peuvent toucher, + leurs pieds ne peuvent marcher, pas un son ne sort de leur gosier !
08 Qu’ils deviennent comme elles, tous ceux qui les font, ceux qui mettent leur foi en elles.
09 Israël, mets ta foi dans le Seigneur : le secours, le bouclier, c’est lui !
10 Famille d’Aaron, mets ta foi dans le Seigneur : le secours, le bouclier, c’est lui !
11 Vous qui le craignez, ayez foi dans le Seigneur : le secours, le bouclier, c’est lui !
12 Le Seigneur se souvient de nous : il bénira ! * Il bénira la famille d’Israël, il bénira la famille d’Aaron ;
* 13 il bénira tous ceux qui craignent le Seigneur, du plus grand au plus petit.
14 Que le Seigneur multiplie ses bienfaits pour vous et vos enfants !
15 Soyez bénis par le Seigneur qui a fait le ciel et la terre !
Le chrétien n’a pas à consulter les voyants. Dieu interdit ces choses dans sa parole :
« 09 Lorsque tu seras entré dans le pays que le Seigneur ton Dieu te donne, tu n’apprendras pas à commettre les abominations que commettent ces nations-là.
10 On ne trouvera chez toi personne qui fasse passer son fils ou sa fille par le feu, personne qui scrute les présages, ou pratique astrologie, incantation, enchantement,
11 personne qui use de magie, interroge les spectres et les esprits, ou consulte les morts.
12 Car quiconque fait cela est en abomination pour le Seigneur, et c’est à cause de telles abominations que le Seigneur ton Dieu dépossède les nations devant toi.
13 Toi, tu seras parfait à l’égard du Seigneur ton Dieu.
14 Ces nations que tu vas déposséder écoutent les astrologues et ceux qui scrutent les présages. Mais à toi, ce n’est pas cela que t’a donné le Seigneur ton Dieu.
15 Au milieu de vous, parmi vos frères, le Seigneur votre Dieu fera se lever un prophète comme moi, et vous l’écouterez. » (Dt 18)
B- LE DESESPOIR
B0- Désespoir contemporain
Je trouve que l’art contemporain est un témoin privilégié de cette désespérance. Combien d’oeuvres sont extrêmement tourmentées et reflètent l’angoisse de leurs auteurs. Il suffit de voir l’une des portes de la basilique Saint Pierre de Rome.
L’angoisse n’est pas un péché, mais elle exerce sur l’homme une emprise totalitaire. Qui se laisse aller, faisant abstraction des soutiens de la foi et de la vie sacramentelle, est tout entier absorbé par l’angoisse. On s’inquiète pour soi, pour sa santé, pour son avenir, ou bien on s’alarme pour l’avenir de la nation ou le devenir de l’humanité, ou encore on s’apeure à propos des fins dernières. Pour s’arracher de ce tourbillon spirale, on s’accroche aux preuves que donnent les spécialistes : l’avis de médecins compétents, les conseils de nutritionnistes, la sagesse de certains philosophes (orientaux, de préférence, l’angoissé voulant rester zen) et les recommandations de prêtres éclairés. Mais rien n’y fait. L’angoisse persiste pour la raison qu’on ne la vainc pas en s’entourant de sécurités mais en faisant confiance.
Or, au plan spirituel, la confiance, c’est l’espérance. Il faut donc apprendre la confiance.
B1- Pas de Ciel
Pour beaucoup, tout s’arrête à la mort. Il n’y a rien après. C’est la chute dans le néant. Si la mort de quelqu’un que l’on aime est toujours difficile, cela l’est encore plus quand on ne croit à rien.
1- La perspective du Ciel change tout
Selon que l’on croie ou non à un au-delà, notre vie terrestre s’en trouve transformée. La perspective d’un au-delà nous donne une responsabilité par rapport à notre vie présente.
Ici-bas, nous sommes confrontés au mal et à la mort. Notre bonheur ici-bas ne peut être que partiel. Nous le vivrons en plénitude au Ciel où le mal et la mort seront définitivement vaincus. C’est ce qu’exprime le livre de l’Apocalypse : « L’un des Anciens prit alors la parole et me dit : ’Ces gens vêtus de robes blanches, qui sont-ils, et d’où viennent-ils ?’ Je lui répondis : ’Mon seigneur, toi, tu le sais.’ Il me dit : ’Ceux-là viennent de la grande épreuve ; ils ont lavé leurs robes, ils les ont blanchies par le sang de l’Agneau. C’est pourquoi ils sont devant le trône de Dieu, et le servent, jour et nuit, dans son sanctuaire. Celui qui siège sur le Trône établira sa demeure chez eux. Ils n’auront plus faim, ils n’auront plus soif, ni le soleil ni la chaleur ne les accablera, puisque l’Agneau qui se tient au milieu du Trône sera leur pasteur pour les conduire aux sources des eaux de la vie. Et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux.’ » (Ap 7, 13-17)
Ou encore : « j’entendis une voix forte qui venait du Trône. Elle disait : ’Voici la demeure de Dieu avec les hommes ; il demeurera avec eux, et ils seront ses peuples, et lui-même, Dieu avec eux, sera leur Dieu. Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur : ce qui était en premier s’en est allé.’ Alors celui qui siégeait sur le Trône déclara : ’Voici que je fais toutes choses nouvelles.’ » (Ap 21, 3-5)
Saint Jean nous dit encore dans son évangile : « 22 Vous aussi, maintenant, vous êtes dans la peine, mais je vous reverrai, et votre cœur se réjouira ; et votre joie, personne ne vous l’enlèvera. 23 En ce jour-là, vous ne me poserez plus de questions. » (Jn 16)
2- La parole de la Vierge à Bernadette
La parole de la Vierge Marie à Bernadette le 18 février 1858 va dans ce sens : « Je ne vous promets pas de vous rendre heureuse en ce monde, mais dans l’autre ». Mais certains le traduisent plus justement : « Je ne vous promets pas le bonheur de ce monde, mais de l’autre ! »
Au premier abord on sait que le bonheur n’est pas de ce monde, surtout pour les disciples du Christ. Le Christ nous en a avertis : « Méfiez-vous des hommes : ils vous livreront…à cause de Moi…. Vous serez haïs à cause de mon Nom… » (Mt 10,17-22). Mais dans ces paroles, il y a aussi et surtout un appel à la conversion : vous ne trouverez pas le bonheur dans « ce monde » : le monde du péché, du mensonge, de la haine… Mais vous serez heureux dans l’autre monde : Celui de l’amour de Dieu, de la paix, de la justice, du pardon ! : « Le Royaume de Dieu est justice, paix et joie dans l’Esprit Saint. » (Rm 14, 17) Quittez donc le monde du Mauvais, du Mal et entrez dans le monde de Dieu, de la Vérité, de la Joie et de l’Amour ! Appel à la Conversion qui conduit au bonheur de Dieu !
De fait, malgré sa misère, sa maladie, son inculture, Bernadette a toujours été profondément heureuse. C’est cela le Royaume de Dieu, le monde du vrai Amour. Pendant les sept premières apparitions de Marie, Bernadette a montré un visage rayonnant de joie, de bonheur, de lumière. Mais, entre la huitième et la douzième apparition, tout change : le visage de Bernadette devient dur, triste, douloureux et surtout elle accomplit des gestes incompréhensibles… Marcher à genoux jusqu’au fond de la Grotte ; embrasser le sol sale et dégoûtant de cette Grotte ; manger quelques herbes amères ; gratter le sol et essayer de boire de l’eau boueuse ; se barbouiller le visage avec de la boue. Puis, Bernadette regarde la foule, tous disent : "Elle est folle". Pendant quatre apparitions, Bernadette reproduira les mêmes gestes. Qu’est-ce que cela signifie ? Personne n’a rien compris ! Les gestes de Bernadette expriment l’Incarnation, la Passion et la Mort du Christ. Comme le dit saint Paul : « Nos détresses d’un moment sont légères par rapport au poids extraordinaire de gloire éternelle qu’elles nous préparent. » (2 Co 4, 17) La Croix n’exclut pas une certaine joie.
3- Nous goûtons déjà quelque chose du Ciel
Dès à présent nous pouvons goûter quelque chose de ce bonheur du Ciel. Vous en avez certainement déjà fait l’expérience dans certaines circonstances de votre vie où vous aimeriez que cela dure indéfiniment, notamment le fait d’être plongés dans l’amour.
C’est à partir de notre expérience spirituelle que nous pouvons entrevoir ce que sera le bonheur du ciel. Tout l’Evangile proclame en effet que la vie éternelle commence ici-bas (Jn 6, 47-54). Il n’y aura plus personne à consoler, plus de querelles, plus de guerres. Tout le monde se réjouira du bonheur de chacun. Nous passerons notre éternité à nous admirer les uns les autres, car nous verrons en chacun de nos frères, en chacune de nos soeurs, quelque chose d’unique et d’admirable. Et nous ne jalouserons personne !
Après avoir vécu dans la foi notre pèlerinage sur terre, nous verrons enfin face à face le visage resplendissant du Christ ressuscité. Nous serons éblouis par sa Beauté et surtout par son indicible Bonté ! Nous verrons à travers le regard que Jésus posera sur nous de quel amour éternel Il nous aimait et nous n’en finirons pas de lui demander pardon de ne pas y avoir suffisamment cru lorsque nous étions encore sur terre. Nous n’en finirons pas de nous dire les uns aux autres.
B2- Pas d’aide et de secours
Ce défaut d’espérance consiste à manquer de confiance en la bonté et la providence de Dieu. Savoir qu’il y a une Providence aimante qui gouverne le monde change tout. Mais cela ne va pas toujours de soi de croire en la Providence.
1- Vivre dans la confiance
Comme le dit Jésus dans l’évangile, cela distingue des croyants des autres (Mt 6, 25-34). « 31 Ne vous faites donc pas tant de souci ; ne dites pas : “Qu’allons-nous manger ?” ou bien : “Qu’allons-nous boire ?” ou encore : “Avec quoi nous habiller ?” 32 Tout cela, les païens le recherchent. Mais votre Père céleste sait que vous en avez besoin. 33 Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît. 34 Ne vous faites pas de souci pour demain : demain aura souci de lui-même ; à chaque jour suffit sa peine. » (Mt 6) Bien entendu, ce serait tenter Dieu que d’espérer obtenir, sans rien faire, ce qui regarde les besoins temporels ; notre confiance, pour être légitime, doit être accompagnée de travail et d’activité. Jésus a bien dit : « Demandez, a-t-il dit, et vous recevrez ; quiconque demande reçoit » (Mt 7,7).
« Celui qui n’a point épargné son propre Fils, mais qui l’a livré à la mort pour nous tous, que ne nous donnera-t-il point après nous l’avoir donné ? » (Rm 8,32)
2- Laisser une place pour la faiblesse et la vulnérabilité
Le fait de savoir que Dieu veille sur nous nous aide en particulier à accueillir notre faiblesse et celle des autres. Avec Dieu, il y a place pour la faiblesse et la vulnérabilité.
« Une culture de paix implique que chacun reconnaisse l’autre tel qu’il est, avec ses dons et sa faiblesse, et l’aide à retrouver sa dignité et sa place dans la communauté humaine .Une culture de paix encourage les plus forts à accueillir leurs propres faiblesses, à soutenir et servir les plus faibles et à découvrir leurs dons et leurs capacités. Dans une culture de paix chaque personne est vue comme unique, importante et sacrée. Comment effectuer cette transformation en nous ? Cette paix implique un travail sur soi en face des compulsions de pouvoir, d’égoïsme ou de dépression ; un travail qui aboutit à un respect profond de soi et de l’autre, pour mieux vivre notre humanité. La paix c’est l’accueil de nous-mêmes tels que nous sommes, avec nos forces et nos faiblesses. C’est être dans la vérité et aider d’autres à s’accepter tels qu’ils sont, avec leurs forces et leurs faiblesses. » (Lettre de Jean Vanier en juin 2006)
3- Accueillir les épreuves différemment
Dans les épreuves, le fait de pouvoir prier est déjà une grande chose. Dans la Bible, nous voyons souvent le psalmiste se tourner vers Dieu quand cela va mal. Psaume 106 (107) : « 01 Rendez grâce au Seigneur : Il est bon ! Éternel est son amour ! 02 Ils le diront, les rachetés du Seigneur, qu’il racheta de la main de l’oppresseur, 03 qu’il rassembla de tous les pays, du nord et du midi, du levant et du couchant. 04 Certains erraient dans le désert sur des chemins perdus, sans trouver de ville où s’établir : 05 ils souffraient la faim et la soif, ils sentaient leur âme défaillir. 06 R/1Dans leur angoisse, ils ont crié vers le Seigneur, et lui les a tirés de la détresse : 07 il les conduit sur le bon chemin, les mène vers une ville où s’établir. 08 R/2Qu’ils rendent grâce au Seigneur de son amour, de ses merveilles pour les hommes : 09 car il étanche leur soif, il comble de biens les affamés ! 10 Certains gisaient dans les ténèbres mortelles, captifs de la misère et des fers : 11 ils avaient bravé les ordres de Dieu et méprisé les desseins du Très-Haut ; 12 soumis par lui à des travaux accablants, ils succombaient, et nul ne les aidait. 13 R/1Dans leur angoisse, ils ont crié vers le Seigneur, et lui les a tirés de la détresse : 14 il les délivre des ténèbres mortelles, il fait tomber leurs chaînes. 15 R/2Qu’ils rendent grâce au Seigneur de son amour, de ses merveilles pour les hommes : 16 car il brise les portes de bronze, il casse les barres de fer ! 17 Certains, égarés par leur péché, ployaient sous le poids de leurs fautes : 18 ils avaient toute nourriture en dégoût, ils touchaient aux portes de la mort. 19 R/1Dans leur angoisse, ils ont crié vers le Seigneur, et lui les a tirés de la détresse : 20 il envoie sa parole, il les guérit, il arrache leur vie à la fosse. 21 R/2Qu’ils rendent grâce au Seigneur de son amour, de ses merveilles pour les hommes ; 22 qu"ils offrent des sacrifices d"action de grâce à pleine voix qu’ils proclament ses oeuvres ! 23 Certains, embarqués sur des navires, occupés à leur travail en haute mer, 24 ont vu les oeuvres du Seigneur et ses merveilles parmi les océans. 25 Il parle, et provoque la tempête, un vent qui soulève les vagues : 26 portés jusqu’au ciel, retombant aux abîmes, ils étaient malades à rendre l’âme ; 27 ils tournoyaient, titubaient comme des ivrognes : leur sagesse était engloutie. 28 R/1Dans leur angoisse, ils ont crié vers le Seigneur, et lui les a tirés de la détresse, 29 réduisant la tempête au silence, faisant taire les vagues. 30 Ils se réjouissent de les voir s’apaiser, d’être conduits au port qu’ils désiraient. 31 R/2Qu’ils rendent grâce au Seigneur de son amour, de ses merveilles pour les hommes ; 32 qu’ils l’exaltent à l’assemblée du peuple et le chantent parmi les anciens ! »
« 22 Grâce à l’amour du Seigneur, nous ne sommes pas anéantis ; ses tendresses ne s’épuisent pas ; 23 elles se renouvellent chaque matin, – oui, ta fidélité surabonde. » (Lm 3)
Saint Paul nous en donne un bel exemple à diverses reprises : « 07 Pour m’empêcher de me surestimer, j’ai reçu dans ma chair une écharde, un envoyé de Satan qui est là pour me gifler, pour empêcher que je me surestime. 08 Par trois fois, j’ai prié le Seigneur de l’écarter de moi. 09 Mais il m’a déclaré : « Ma grâce te suffit, car ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse. » C’est donc très volontiers que je mettrai plutôt ma fierté dans mes faiblesses, afin que la puissance du Christ fasse en moi sa demeure. 10 C’est pourquoi j’accepte de grand cœur pour le Christ les faiblesses, les insultes, les contraintes, les persécutions et les situations angoissantes. Car, lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort. » (2 Co 12)
4- Consentir les efforts et sacrifices en vue du bien
Le fait de savoir Jésus victorieux nous aide à ne pas partir battus avant le combat. Il est vrai qu’il n’est pas facile de vivre sa foi, mais ce n’est pas impossible car Dieu donne ce qu’il ordonne. Pour cela, il faut avoir assez de foi pour recourir aux moyens surnaturels (à l’inverse du pélagianisme ou on ne croit plus à la grâce comme don gratuit de Dieu).
On peut tout avec la grâce, et la grâce n’est jamais refusée à ceux qui la demandent : « quelque chose que vous demandiez à mon Père en mon nom, je le ferai ; afin que le Père soit glorifié dans le Fils. Si vous me demandez quelque chose en mon nom, je le ferai », (Jn 14,13-14).
Le « n’ayez pas peur » de Jean-Paul II peut s’entendre aussi dans ce contexte. Jean-Paul II, Entrez dans l’Espérance, pp 322-323
« Vous notez que l’homme contemporain a de la peine à revenir à la foi, parce que les exigences morales qui en découlent l’effraient. Dans une certaine mesure, c’est fondé : oui, l’Évangile comporte des exigences. A cet égard, le Christ n’a jamais bercé d’illusions ni ses disciples ni ceux qui L’écoutaient. Au contraire, avec une grande fermeté, Il les a préparés à affronter toutes sortes de contradictions intérieures et extérieures, en n’excluant jamais qu’ils pourraient décider de L’abandonner. S’Il affirme cependant : « N’ayez pas peur ! », Il ne dit pas cela pour minimiser ses exigences d’une façon ou d’une autre. Bien au contraire, Il confirme par là toute la vérité de l’Evangile et toutes les obligations qui en découlent. Mais il révèle en même temps que ces exigences ne dépassent pas les forces de l’homme. Si l’homme accepte ces implications de sa foi, il trouve alors, dans la grâce que Dieu ne lui refuse pas, la force qui lui permet de faire face. Le monde déborde de preuves de l’action de cette force rédemptrice, que les évangiles annoncent avec bien plus de clarté qu’ils n’imposent des exigences morales. Il y a dans le monde tant d’hommes et de femmes dont la vie témoigne qu’il est possible de mettre en pratique tout ce que demande la morale évangélique ! De plus, l’expérience prouve qu’une vie humaine ne peut réussir qu’à leur exemple.
Accepter les exigences évangéliques, c’est assumer toutes les dimensions de sa propre humanité, y discerner la beauté du dessein de Dieu, en reconnaissant la réalité de toutes les faiblesses humaines, à la lumière de la puissance même de Dieu : « Ce qui est impossible pour les hommes est possible pour Dieu. » (Lc 18, 27) On ne peut pas séparer les exigences morales pro-posées à l’homme par Dieu de l’exigence de l’amour rédempteur, c’est-à-dire du don de la grâce que Dieu lui-même en un sens s’est engagé à accorder. Qu’est-ce que le salut apporté par le Christ, si ce n’est précisément cela ? Dieu veut sauver l’homme, Il veut l’accomplissement de l’humanité selon la mesure qu’Il a Lui-même fixée. Et le Christ est fondé à dire que le joug qu’Il met sur nos épaules est doux et son fardeau, en fin de compte, léger. (Cf. Mt 11, 28-30 : ’Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos. Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de coeur, et vous trouverez le repos. Oui mon joug est facile à porter et mon fardeau léger.’ »
B3- Pas de pardon ou de salut
1- Le remords
Le désespoir le pire est peut-être celui où on se croit impardonnable. Parce que dans ce cas-là, nous nous rendons bien compte que nous sommes nous-mêmes les auteurs de notre malheur.
L’exemple par excellence de ce désespoir est celui de Judas qui ne croit pas en la miséricorde de Dieu et va se pendre. C’est la perte totale de l’espérance ; en cela, c’est plus grave que la présomption.
« 03 Alors, en voyant que Jésus était condamné, Judas, qui l’avait livré, fut pris de remords ; il rendit les trente pièces d’argent aux grands prêtres et aux anciens. 04 Il leur dit : ’J’ai péché en livrant à la mort un innocent.’ Ils répliquèrent : ’Que nous importe ? Cela te regarde !’ 05 Jetant alors les pièces d’argent dans le Temple, il se retira et alla se pendre. » (Mt 27)
Judas a pris conscience du mal qu’il a fait mais n’a pas cru à la miséricorde de Dieu, à la différence de Pierre, qui après son reniement y a cru. Cela rejoint la réaction de Caïn après que son péché ait été découvert : « Mon châtiment est trop lourd à porter ! » (Gn 4, 13) ou, selon une autre traduction : « Mon crime est trop grand pour que je puisse en obtenir le pardon. »
2- La volonté de Dieu est de nous sauver
L’espérance dont témoigne sainte Thérèse de Lisieux : « si j’avais commis tous les crimes possibles, j’aurais toujours la même confiance. » Pourtant, Dieu est clair dans sa parole : « Prendrais-je donc plaisir à la mort du méchant – oracle du Seigneur Dieu –, et non pas plutôt à ce qu’il se détourne de sa conduite et qu’il vive ? » (Éz 18, 23)
« Tu leur diras : Par ma vie – oracle du Seigneur Dieu – je ne prends pas plaisir à la mort du méchant, mais bien plutôt à ce qu’il se détourne de sa conduite et qu’il vive. Retournez-vous ! Détournez-vous de votre conduite mauvaise. Pourquoi vouloir mourir, maison d’Israël ? » (Ez 33, 11)
« Lavez-vous, purifiez-vous, cessez de faire le mal, apprenez à faire le bien, après cela, venez, quand vos péchés seraient comme l’écarlate teinte deux fois, ils deviendront blancs comme la neige ; et quand ils seraient rouges comme le vermillon, ils deviendront comme la laine la plus blanche » (Is 1,16-18).
« 16 Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle. 17 Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. » (Jn 3)
3- Le péché contre l’Esprit Saint (cf. Dominum et vivificantem n° 46 & 47)
« Tout péché et blasphème sera remis aux hommes, mais le blasphème contre l’Esprit ne sera pas remis. Et quiconque aura dit une parole contre le Fils de l’homme, cela lui sera remis ; mais quiconque aura parlé contre l’Esprit Saint, cela ne lui sera remis ni en ce monde ni dans l’autre » (Mt 12,31-32 ; cf. Mc 3,28-29 ; Lc 12,10). Pourquoi le blasphème contre l’Esprit Saint est-il impardonnable ? En quel sens entendre ce blasphème ? Saint Thomas d’Aquin répond qu’il s’agit d’un péché « irrémissible de par sa nature, parce qu’il exclut les éléments grâce auxquels est accordée la rémission des péchés » (S. Thomas II-II 14,3).
Selon une telle exégèse, le « blasphème » ne consiste pas à proprement parler à offenser en paroles l’Esprit Saint ; mais il consiste à refuser de recevoir le salut que Dieu offre à l’homme par l’Esprit Saint agissant en vertu du sacrifice de la Croix. Si l’homme refuse la « manifestation du péché », qui vient de l’Esprit Saint (…), il refuse en même temps la « venue » du Paraclet. (…) Si Jésus dit que le péché contre l’Esprit Saint ne peut être remis ni en ce monde ni dans l’autre, c’est parce que cette « non-rémission » est liée, comme à sa cause, à la « non-pénitence », c’est-à-dire au refus radical de se convertir. (…) Le blasphème contre l’Esprit Saint est le péché commis par l’homme qui présume et revendique le « droit » de persévérer dans le mal – dans le péché quel qu’il soit – et refuse par là même la Rédemption.
L’action de l’Esprit de vérité, qui tend à la « mise en lumière du péché » pour le salut, se heurte, dans l’homme qui se trouve en une telle situation, à une résistance intérieure, presque une impénétrabilité de la conscience, un état d’âme que l’on dirait durci en raison d’un libre choix : c’est ce que la Sainte Ecriture appelle « l’endurcissement du coeur » (Cf. Ps 81,13 ; Jr 7,24 ; Mc 3,5). De nos jours, à cette attitude de l’esprit et du cœur fait peut-être écho la perte du sens du péché, à laquelle l’Exhortation apostolique Reconciliatio et paenitentia a consacré de nombreuses pages. Déjà, le Pape Pie XII avait affirmé que « le péché de ce siècle est la perte du sens du péché », et cela va de pair avec la « perte du sens de Dieu ».
B4- Une lueur d’espérance
Je ne voudrais pas vous laisser avec ces perspectives de désespérance.
1- Demander à l’Esprit Saint de nous renouveler dans l’espérance.
« A vous, chers jeunes, qui êtes en recherche d’une espérance ferme, j’adresse les mêmes paroles que saint Paul adressait aux chrétiens persécutés de la Rome d’alors : « Que le Dieu de l’Espérance vous donne en plénitude, à vous qui croyez, la joie et la paix, afin que vous débordiez d’espérance par la puissance de l’Esprit Saint. » (Rm 15, 13). » (Benoît XVI aux jeunes pour la 24e JMJ, 5 avril 2009)
« On n’abonde pas dans l’espérance sans la vertu de l’Esprit Saint. Il y a un cantique negro spiritual qui ne fait que répéter continuellement ces quelques mots : « Il y a un baume à Gilead qui guérit les âmes blessées ». Gilead, ou Galaad, est une localité célèbre dans l’Ancien Testament pour ses parfums et ses baumes (cf. Jr 8, 22). Le cantique se poursuit en disant : « Parfois je me sens découragé et je pense que tout est inutile, mais l’Esprit Saint vient et redonne vie à mon âme ». Galaad est pour nous l’Eglise et le baume qui guérit est l’Esprit Saint. Il est l’effluve parfumée que Jésus a laissée derrière lui, en passant sur cette terre.
L’espérance est miraculeuse : lorsqu’elle renaît dans le cœur, tout est différent même si rien n’a changé. « Les adolescents se fatiguent et s’épuisent, lit-on dans Isaïe, les jeunes ne font que chanceler, mais ceux qui espèrent en Yahvé renouvellent leur force, ils déploient leurs ailes comme des aigles, ils courent sans s’épuiser, ils marchent sans se fatiguer » (Is 40, 30-31). » (Cantalamessa, 21 décembre 2007)
2- L’exemple de saint Paul
« Se trouvant immergé dans des difficultés et des épreuves de toute sorte, Paul écrivait à son fidèle disciple Timothée : « Nous avons mis notre espérance dans le Dieu vivant » (1 Tim 4, 10). Comment était née en lui cette espérance ? Pour répondre à une telle question, nous devons partir de sa rencontre avec Jésus ressuscité sur la route de Damas. (…)
Pour Paul, l’espérance n’est pas seulement un idéal ou un sentiment, mais une personne vivante : Jésus Christ, le Fils de Dieu. Intimement pénétré de cette certitude, il pourra écrire à Timothée : « Nous avons mis notre espérance dans le Dieu vivant. » (1 Tim 4, 10). Le « Dieu vivant » est le Christ ressuscité et présent dans le monde. C’est Lui la vraie espérance : le Christ qui vit avec nous et en nous, et qui nous appelle à participer à sa propre vie éternelle. Si nous ne sommes pas seuls, s’Il est avec nous, ou mieux, si c’est Lui notre présent et notre avenir, pourquoi avoir peur ? L’espérance des chrétiens est donc de désirer « comme notre bonheur le Royaume des cieux et la Vie éternelle, en mettant notre confiance dans les promesses du Christ et en prenant appui, non sur nos forces, mais sur le secours de la grâce du Saint-Esprit. » (Catéchisme de l’Eglise Catholique, 1817) » (Benoît XVI aux jeunes pour la 24e JMJ, 5 avril 2009)
3- Comme l’on expérimenté tous les convertis : seul Dieu peut nous combler
Nous reconnaissons que toutes les créatures ne sauraient combler le vide immense de notre cœur ; que Dieu seul peut nous rendre véritablement heureux, et nous lui disons avec saint Augustin : « Tu nous as faits pour toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu’il ne demeure en Toi. » (Confessions, I,1,1) C’est ainsi que nous honorons Dieu par l’Espérance.
Cantalamessa, prédication de l’Avent, 21 décembre 2007
L’espérance théologale est le « fil qui vient d’en haut », qui soutient par le centre toute l’espérance humaine. « Le fil qui vient d’en haut » est le titre d’une parabole de l’écrivain danois Johannes Jörgensen. Il parle de l’araignée suspendue à la branche d’un arbre par un fil qu’elle a elle-même tissé. Se posant sur le buisson, elle tisse sa toile, chef d’œuvre de symétrie et de fonctionnalité. Celle-ci est tendue sur les côtés par autant de fils, mais tout est soutenu au centre par ce fil par lequel elle est descendue. Si l’un des fils latéraux se casse, l’araignée intervient, le répare et tout rentre dans l’ordre, mais si le fil qui vient d’en haut se casse (j’ai voulu vérifier cela un jour et j’ai vu que c’était vrai) tout s’effondre et l’araignée disparaît, sachant qu’il n’y a plus rien à faire. C’est une image de ce qui se passe lorsque le fil qui vient d’en haut, qui est l’espérance théologale, se casse. Elle seule peut ancrer les espérances humaines dans l’espérance « qui ne déçoit point ».