Lors de la dernière halte, j’ai commenté l’acte d’espérance en introduction pour l’année :
par les mérites de Jésus-Christ, votre grâce en ce monde et le bonheur éternel dans l’autre,
parce que vous l’avez promis et que vous tenez toujours vos promesses. »
Je voudrais revenir en quelque sorte en arrière en voyant comment le Seigneur a formé son peuple à l’Espérance. En effet, vous savez que la démarche en théologie consiste à partir de la Parole de Dieu pour réfléchir à ce que Dieu nous a révélé de lui, de son action et de sa pensée.
Cette fois-ci, nous ferons un panorama dans l’Ancien Testament et la fois prochaine dans le Nouveau Testament.
Ce parcours qu’ont fait nos ancêtres dans la foi et l’espérance peut nous aider aussi à progresser dans l’Espérance. Comme le dit bien le catéchisme de l’Église Catholique :
« Espérant contre toute espérance, il crut et devint ainsi père d’une multitude de peuples » (Rm 4,18). » (CEC 1819)
À l’occasion de ce parcours, nous pouvons prendre conscience que notre espérance a elle-aussi bien besoin de grandir et d’être purifiée.
Confiance en l’avenir grâce à une promesse de Dieu
Une espérance d’ordre terrestre
Si la mystérieuse promesse faite dès les origines par Dieu à l’humanité pécheresse (Ga 3,15 ; 9,1-17) atteste que Dieu ne la laissa jamais sans espérance, c’est avec Abraham que commence vraiment l’histoire de l’espérance biblique. L’avenir assuré par la promesse est simple : une terre et une nombreuse postérité (Gn 12,15 ; fécondité). Pendant des siècles, les objets de l’espérance d’Israël resteront du même ordre terrestre : « la terre où coulent le lait et le miel » (Ex 3,8.17), toutes les formes de la prospérité (Gn 49 ; Ex 23,27-33 ; Lv 26,3-13 ; Dt 28).
« Les jours de nos années s’élèvent à soixante-dix ans, et pour les plus robustes, à quatre-vingts ans. […] Enseigne-nous à bien compter nos jours, […] Rassasie-nous chaque matin de ta bonté, et nous serons toute notre vie dans la joie et l’allégresse. Réjouis-nous autant de jours que tu nous as humiliés, autant d’années que nous avons vu le malheur. » (Psaume 90.10-15)
Une espérance qui implique une vraie relation avec Dieu
Ce vigoureux élan vers les biens de ce monde ne fait pourtant pas de la religion d’Israël une simple morale du bien-être. Au-delà de ces bienfaits, c’est la relation avec Dieu qui est importante.
« Je te sauverai, et tu ne tomberas pas sous l’épée, ta vie sera ton butin, parce que tu as eu confiance en moi, dit le Seigneur » (Jérémie 39.18)
« Il m’invoquera, et je lui répondrai, je serai avec lui dans la détresse. Je le délivrerai et je le glorifierai. Je le rassasierai de longs jours, et je lui ferai voir mon salut » (Psaume 91.15-16)
« Ils [les justes] ne sont pas confondus au temps du malheur, et ils sont rassasiés aux jours de la famine » (Psaume 37.19)
« Ceux qui espèrent en Dieu posséderont le pays. » (Psaume 37.9)…
Ces biens terrestres sont pour Israël des bénédictions (Gn 39,5 ; 49,25) et des dons (Gn 13,15 ; 24,7 ; 28,13) de Dieu qui se montre ainsi fidèle à la Promesse et à l’Alliance (Ex 23,25 ; Dt 28,2). Cette espérance s’appuie sur la foi en la bonté de Dieu :
« Voici ce que je veux repasser en mon cœur, ce qui me donnera de l’espérance : les bontés du Seigneur ne sont pas épuisées, ses compassions ne sont pas à leur terme, elles se renouvellent chaque matin. […] Le Seigneur est mon partage, dit mon âme, c’est pourquoi je veux espérer en lui. » (Lamentations 3.21-24)
Une espérance qui repose sur les promesses de Dieu, libérateur et créateur
L’espérance est vraiment placée en Dieu, dans son action et son accompagnement, car il réalisera ses promesses. Cette confiance en l’avenir s’appuie sur l’expérience que le peuple a eu d’être sauvé par Dieu lors de la sortie d’Égypte, mais également sur la foi en Dieu comme Créateur du ciel et de la terre. À partir de là, la foi en la présence et en la bienveillance du Seigneur fait que le croyant n’hésite pas à s’adresser à Dieu en lui disant :
« Tu es mon espérance. » (Ps 71, 5)
« Toi, l’espérance d’Israël. » (Jr 14, 8 ; 17, 13)
Une espérance indissociable d’une obéissance concrète aux exigences de Dieu
Quand la fidélité à Dieu l’exige, ces biens terrestres doivent donc être sacrifiés sans hésitation (Jos 6,17-21 ; 1 S 15) : le sacrifice d’Abraham est un exemple d’espérance parfaite en la promesse du Tout-Puissant (Gn 22).
De la part des fidèles, il s’agit de « jouer le jeu », de se laisser conduire docilement par Dieu. L’espérance d’Israël est subordonnée à sa fidélité à l’égard de Dieu. Sans fidélité, il n’y a pas à espérer le salut (Os 12,7 ; Is 26,8ss ; 59,9ss).
« N’oublie pas mes enseignements, […] car ils prolongeront les jours et les années de ta vie, et ils augmenteront ta paix. » (Proverbes 3.1-2)
« Celui qui m’écoute […] vivra tranquille et sans craindre aucun mal. » (Proverbes 1.33)
« Aimez le Seigneur votre Dieu, obéissez-lui, restez-lui fidèlement attachés, c’est ainsi que vous pourrez vivre et passer de nombreuses années dans le pays que le Seigneur a promis de donner à vos ancêtres Abraham, Isaac et Jacob. » (Dt 30.20)
« Sache-le donc aujourd’hui et médite-le dans ton cœur : c’est Yahvé qui est Dieu, là-haut dans le ciel comme ici-bas sur la terre, lui et nul autre. Garde ses lois et ses commandements que je te prescris aujourd’hui, afin d’avoir, toi et tes fils après toi, bonheur et longue vie sur la terre que le Seigneur ton Dieu te donne pour toujours. » (Dt 4, 39-40)
On mesure mieux la profondeur de l’espérance d’Israël, si l’on mesure l’ampleur des exigences concrètes de cette Loi. Loin d’être vague, elle exige de chacun un amour sans partage de son Seigneur en même temps qu’une imitation de Dieu et de sa sollicitude sans limites à l’égard des frères, surtout des petits et des faibles :
« Tu aimeras Yahvé ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton pouvoir. » (6, 4)
« Tu n’endurciras pas ton cœur ni ne fermeras ta main à ton frère pauvre, mais tu lui ouvriras ta main et tu lui prêteras ce qui lui manque. » (15, 7-8)
« Tu n’exploiteras pas le salarié humble et pauvre, qu’il soit d’entre tes frères ou étranger en résidence chez toi. Chaque jour tu lui donneras son salaire… » (24, 14-15)
L’espérance ne serait qu’illusion, mensonge et insupportable hypocrisie, si elle ne comportait ce concret d’un amour fraternel vécu.
Les progrès et la purification de l’espérance
Les progrès de l’espérance
L’espérance se « spiritualise ». C’est l’espérance d’avoir le bonheur d’être avec Dieu, de le contempler et de le chanter.
« Oui, le bonheur et la grâce m’accompagneront tous les jours de ma vie, et j’habiterai dans la maison de Dieu jusqu’à la fin de mes jours. » (Psaume 23.6)
Les croyants aspirent aussi au jour où Israël sera rempli de la connaissance de Dieu (Is 11,9 ; Ha 2,14) parce que Dieu aura renouvelé les cœurs (Jr 31,33ss ; Ez 36,25ss), tandis que les nations se convertiront (Is 2,3 ; Jr 3.17 ; Is 45,14s). Pour les prophètes, l’espérance d’Israël et des nations, c’est Dieu lui-même (Is 60,19s ; 63,19 ; 51,5) et son règne (Ps 96-99).
L’infidélité même d’Israël ne doit pas l’empêcher d’espérer : Dieu lui pardonnera (Os 11 ; Lm 3, 22-33 ; Is 54,4-10 ; Ez 36,29). Si le salut peut tarder (Ha 2,3 ; So 3,8), il est certain, car c’est le Seigneur, fidèle et miséricordieux, qui est « l’espérance d’Israël » (Jr 14,8 ; 17,13s).
Étant fragile et pécheur, le croyant ne peut pas se fier à lui-même pour atteindre à cet avenir. Il ne peut que l’espérer, dans la confiance, du Dieu en qui il croit et qui peut seul rendre sa liberté capable d’aimer.
L’espérance s’affine dans la prière
La prière est le lieu où s’exprime et se nourrit l’espérance. Que la prière soit le lieu où se dit le mieux l’espérance n’a rien d’étonnant : un sujet, individuel ou collectif, expose à Dieu la situation qui menace la vie pour lui demander d’intervenir et de raviver l’espérance. Cette espérance s’inscrit dans un mouvement de dialogue et d’attente confiants. Son objet n’est autre que Dieu seul, qui sait ce qu’il convient de faire pour la combler.
Les juifs pieux ont eu le pressentiment de la résurrection, dans la prière. Mais les psaumes disent un immense désir, plus qu’une certitude :
« Seigneur, tu as fait remonter mon âme du séjour des morts, tu m’as fait revivre loin de ceux qui descendent dans la tombe. » (Psaume 30.4)
« Dieu sauvera mon âme du séjour des morts. » (Psaume 49.16)
« Ta bonté envers moi est grande, et tu délivres mon âme des profondeurs du séjour des morts. » (Psaume 86.13)
« C’est lui qui délivre ta vie de la tombe, qui te couronne de bonté et de compassion. » (Psaume 103.4)
Certains versets des psaumes portent en germe la notion de résurrection :
« Non, Seigneur, tu ne m’abandonnes pas à la mort, tu ne permets pas que moi, ton fidèle, je m’approche de la tombe. Tu me fais savoir quel chemin mène à la vie. On trouve une joie pleine en ta présence, un plaisir éternel près de toi. » (Psaume 16.10-11)
Les promesses de Dieu ont révélé peu à peu à son peuple la splendeur de cet avenir qui ne sera pas une réalité de ce monde, mais « une patrie meilleure, c’est-à-dire céleste » (He 11,16) : « la vie éternelle » où l’homme sera « semblable à Dieu » (1 Jn 2,25 ; 3,2). Comblée par la présence de Dieu, l’espérance des mystiques se sent arrivée à son terme : la souffrance et la mort n’ont plus vraiment d’importance pour elle (Ps 73 ; 49,16, cf 139,8 ; 16).
Tandis que l’espérance collective se tourne vers le Fils de l’homme (Dn 7), la foi des martyrs engendre l’espérance de la résurrection (Dn 12,1ss ; 2 M 7). L’espérance des sages se tourne vers une paix (Sg 3,3), un repos (4,7), un salut (5,2) qui ne sont plus sur terre, mais dans l’immortalité (3,4), près du Seigneur (5,15s). C’est ainsi que l’espérance devient personnelle (5,5) et s’oriente vers le monde à venir.
L’espérance collective, une perspective nouvelle pour Israël
Pour certains hommes de l’Ancien Testament confrontés à l’injustice, l’espérance individuelle se mue en espérance collective. Si la réussite des méchants offre un spectacle révoltant, « le Seigneur s’intéresse à la vie de ceux qui sont irréprochables, le pays dont ils sont les héritiers leur est acquis pour toujours » (Psaume 37.18). Au VIIIe siècle av. J.-C., le prophète Isaïe a même l’intuition que son peuple « ressuscitera » :
« Mon peuple, tes morts reprendront vie, alors les cadavres des miens ressusciteront ! Ceux qui sont couchés en terre se réveilleront et crieront de joie. » (Isaïe 26.19)
Vers la même époque, Osée, un autre porte-parole de Dieu, invite Israël à se repentir et évoque l’espérance d’une rénovation nationale :
« Venez, retournons au Seigneur ! Car il a déchiré, mais il nous guérira. Il a frappé, mais il bandera nos plaies. Il nous rendra la vie […] il nous relèvera, et nous vivrons devant lui. » (Osée 6.1-2)
Cette idée fait son chemin notamment au moment de l’exil à Babylone.
Après le châtiment, il y aura donc un rétablissement, un avenir pour le peuple de Dieu… de quoi raviver l’espérance :
« Je rétablirai le peuple de Juda et le peuple d’Israël, et je les rétablirai dans leur ancienne situation. » (Jérémie 33.7)
« Je multiplierai les descendants de mon serviteur David […] ils seront aussi nombreux que les étoiles qu’on ne peut compter dans le ciel. » (Jérémie 33.22)
Quant à Ézéchiel – contemporain comme Jérémie de la chute de Jérusalem (587 av. J.-C.) –, il est l’un des rares prophètes de l’Ancien Testament à proclamer aussi explicitement qu’il y a une espérance pour Israël… en dépit des circonstances dramatiques de l’époque ! Ainsi, dans sa célèbre vision des ossements desséchés (Ezéchiel 37.1-14), la renaissance de la nation d’Israël s’exprime pleinement. Bien qu’il s’agisse là plutôt d’une promesse de survie collective pour le peuple d’Israël, autrement dit d’une « résurrection nationale », on peut y voir en outre l’amorce de l’idée de résurrection individuelle. Citons quelques extraits de ce passage intéressant :
« Voici ce que dit le Seigneur, l’Éternel : Esprit, viens des quatre vents, souffle sur ces morts et qu’ils revivent ! […] Je vais ouvrir vos tombes et je vous en ferai sortir, vous qui êtes mon peuple, et je vous ramènerai sur le territoire d’Israël. » (Ézéchiel 37.9-12)
Deux éléments permettent une évolution vers la foi en la résurrection :
- d’une part, le fait que la rétribution questionne la justice de Dieu ;
- d’autre part, le fait qu’Israël reconnaît en Dieu le maître de la vie et de la mort.
Une rétribution dans l’au-delà : remise en cause de la théologie de la rétribution
Pendant longtemps, c’est le modèle de la rétribution – strictement terrestre – qui dicte la pensée des enfants d’Israël. Ceux-ci croient que Dieu « rétribue » ici-bas les hommes selon leurs actes, autrement dit que les justes sont récompensés par une longue vie tranquille et prospère tandis que les pécheurs sont condamnés à une vie malheureuse, courte et sans descendance.
Or, dans les faits, la mort atteint tout le monde. Bien plus, des justes vivent dans le malheur, alors que des impies prospèrent. La grande épreuve de la déportation à Babylone qui amène les Juifs à s’interroger sur la « juste rétribution » de Dieu. En cette période particulièrement troublée, le prophète Jérémie (né vers le milieu du VIIe siècle av. J.-C.), toujours soucieux du bien de ses compatriotes, se demande pourquoi ceux-ci lui manifestent tant de haine :
« Seigneur, tu es trop juste pour que je m’en prenne à toi. Pourtant, j’aimerais discuter de justice avec toi. Pourquoi le chemin des méchants les mène-t-il au succès ? Et ceux qui te sont infidèles, pourquoi vivent-ils tranquilles ? » (Jérémie 12.1)
Job (400 avant Jésus Christ) ose remettre en cause la croyance classique (Job 12.13-25). Assailli par de nombreux malheurs, Job déclare être demeuré fidèle au Seigneur. Alors, comment peut-il vivre dans l’affliction si Dieu bénit le juste en lui accordant une vie longue et prospère ?
Job arrive finalement à la conclusion que le bien et le mal ont leur sanction outre-tombe plutôt qu’ici-bas, une avancée théologique considérable ! C’est ainsi qu’au-delà de l’espoir d’être délivré de ses maux en ce monde, il ose affirmer – certes, de façon imprécise, la traduction de ce passage reste difficile – son espérance en la résurrection :
« Pour ma part, je sais que celui qui me rachète est vivant et qu’il se lèvera le dernier sur la terre. Quand ma peau aura été détruite, en personne je contemplerai Dieu. C’est lui que je contemplerai, et il me sera favorable. Mes yeux le verront, et non ceux d’un autre. » (Job 19.25-27)
Cependant à la fin du livre de Job, nous le voyons comblés de bénédictions terrestres :
« Le Seigneur bénit la nouvelle situation de Job plus encore que l’ancienne. Job posséda quatorze mille moutons et six mille chameaux, mille paires de bœufs et mille ânesses. Il eut encore sept fils et trois filles. Il nomma la première Colombe, la deuxième Fleur-de-Laurier, et la troisième Ombre-du-regard. On ne trouvait pas dans tout le pays de femmes aussi belles que les filles de Job. Leur père leur donna une part d’héritage avec leurs frères. Après cela, Job vécut encore cent quarante ans, et il vit ses fils et les fils de ses fils : quatre générations. Et Job mourut âgé, rassasié de jours. » (Job 42, 12-17)
La conviction d’un salut dans l’au-delà fait peu à peu son chemin.
Dieu, maître de la vie et de la mort : la résurrection personnelle
Le premier livre de Samuel atteste la toute-puissance de Dieu :
« Le Seigneur fait mourir et fait vivre, il fait descendre au shéol et en fait remonter. » (1 S 2,6)
Ce texte rappelle que Dieu est plus fort que la mort, car il peut rendre la vie aux morts.
Jusque là : le Shéol
Bien que l’affirmation de la résurrection n’apparaisse que tardivement dans l’Ancien Testament, Israël a toujours cru en une survivance de la personne après sa mort biologique. Ainsi, pour l’homme biblique, à sa mort, l’homme se retrouve au sheol. (équivalent hébreu de l’hadès des Grecs), c’est-à-dire un lieu de poussière, de silence, de ténèbres (Job 10, 21). Ce n’est pas un lieu de punition, mais un lieu d’oubli, où l’homme ne peut plus connaître Dieu (cf. Ps 39,5.14 ; 49,1415.20 ; Is 38,18-19).
Sheol est un terme hébraïque intraduisible, désignant le « séjour des morts », la « tombe commune de l’humanité », sans vraiment pouvoir statuer s’il s’agit ou non d’un au-delà. La Bible hébraïque le décrit comme une place sans confort, où tous, justes et criminels, rois et esclaves, pieux et impies se retrouvent après leur mort pour y demeurer dans le silence et redevenir poussière, où tous resteront abandonnés à jamais.
Daniel : une résurrection personnelle suivie d’une vie éternelle
Le prophète Daniel parle bien pour les justes d’une résurrection personnelle suivie d’une vie éternelle :
« À cette époque-là se dressera Michel, le grand chef, celui qui veille sur les enfants de ton peuple. Ce sera une période de détresse telle qu’il n’y en aura pas eu de pareille depuis qu’une nation existe jusqu’à cette époque-là. A ce moment-là, ceux de ton peuple qu’on trouvera inscrits dans le livre seront sauvés. Beaucoup de ceux qui dorment dans la poussière de la terre se réveilleront, les uns pour la vie éternelle, les autres pour la honte, pour l’horreur éternelle. Ceux qui auront été perspicaces brilleront comme la splendeur du ciel, et ceux qui auront enseigné la justice à beaucoup brilleront comme les étoiles, pour toujours et à perpétuité. » (Dn 12, 1-3)
Les martyrs d’Israël : Dieu donne la vie éternelle à ceux qui meurent pour lui
Ce n’est vraiment qu’à partir du deuxième siècle avant Jésus-Christ que l’espérance en la résurrection devient une réalité pour le peuple juif. A la mort d’Alexandre le Grand, la Palestine « passe sous l’autorité des monarchies hellénistiques, des Lagides d’Egypte d’abord, puis des Séleucides de Syrie. La politique d’hellénisation radicale instaurée par Antiochus IV Epiphane (175-164 av. J.-C.), doublée d’une intolérance agressive vis-à-vis des Juifs, suscite un grand mouvement de révolte. Ce mouvement, à la fois national et religieux, est conduit par le prêtre Mattathias et son fils Judas, dit Maccabée. […] Antiochus IV s’efforce d’imposer aux Juifs les mœurs et la religion grecques. La pratique du judaïsme devient passible de mort ». (Marcel Simon, 2000 ans de christianisme, Vol. 1, « Le monde juif, berceau du christianisme », Paris : Aufadi – S.H.C. International, 1975, p. 14, 18)
Lors de la persécution exercée par Antiochus Épiphane, roi de Syrie, contre Israël (166-164 avant Jésus Christ), plusieurs Juifs pieux sont tués sauvagement. Qu’advient-il de ces martyrs d’lsraël ? Le deuxième livre des Maccabées apporte la réponse :
« Le roi du monde nous ressuscitera pour nous donner une vie éternelle à nous qui mourons pour ses lois. » (2 M 7,9)
Ce deuxième livre des Maccabées, probablement écrit vers 120-100 av. J.-C., décrit justement l’héroïque résistance de sept frères « Maccabées » et de leur mère (modèles des premiers martyrs juifs) qui préfèrent être torturés à mort plutôt que de toucher à la viande de porc interdite par la loi. Citons ici quelques versets de ce livre deutérocanonique de l’Ancien Testament témoignant de cette foi naissante en la résurrection :
« Au moment de rendre le dernier soupir, il [le second supplicié] dit : Scélérat que tu es, tu nous exclus de la vie présente, mais le roi du monde, parce que nous serons morts pour ses lois, nous ressuscitera pour une vie éternelle. » (2 Maccabées 7.9, TOB)
« On soumit le quatrième aux mêmes tortures cruelles. Sur le point d’expirer, il dit : Mieux vaut mourir de la main des hommes en attendant, selon les promesses faites par Dieu, d’être ressuscité par lui. » (2 Maccabées 7.13-14, TOB)
« Éminemment admirable et digne d’une excellente renommée fut la mère, qui voyait mourir ses sept fils en l’espace d’un seul jour et le supportait avec sérénité, parce qu’elle mettait son espérance dans le Seigneur. Elle exhortait chacun d’eux dans la langue de ses pères. Remplie de nobles sentiments et animée d’un mâle courage, cette femme leur disait : Je ne sais pas comment vous avez apparu dans mes entrailles ; ce n’est pas moi qui vous ai gratifiés de l’esprit et de la vie, […] Aussi bien le Créateur du monde, qui a formé l’homme à sa naissance et qui est à l’origine de toute chose, vous rendra-t-il dans sa miséricorde et l’esprit et la vie, parce que vous vous sacrifiez maintenant vous-mêmes pour l’amour de ses lois. » (2 Maccabées 7.20-23, TOB)
Le livre de la Sagesse
Enfin, on peut mentionner le livre de la Sagesse, rédigé vers la même époque (Ier siècle av. J.-C.) dans lequel on trouve, quoique de façon larvée, le thème de la résurrection :
« Les âmes des justes, elles, sont dans la main de Dieu et nul tourment ne les atteindra plus. Aux yeux des insensés, ils passèrent pour morts, et leur départ sembla un désastre, […] Pourtant, ils sont dans la paix. Même si, selon les hommes, ils ont été châtiés, leur espérance était pleine d’immortalité. » (Sagesse 3.1-4, TOB)
Les derniers écrits de l’Ancien Testament affirment donc clairement la résurrection des morts. Au temps de Jésus, bien que la foi en la résurrection soit largement répandue, les Sadducéens ne l’admettent pas encore.
L’ espérance du Messie
Peu à peu, les prophètes ont orienté l’espérance d’Israël vers un Roi futur qui serait envoyé par Dieu et en qui on le verrait agir.
Le mot français « messie » est la transcription de l’hébreu mashiah. Le mot « christ » quant à lui, vient du grec christos, lequel est la traduction de mashiah. Les deux mots « messie » et « christ » sont donc synonymes et signifient oint. Le messie ou le christ désignent donc une personne qui a reçu une onction d’huile sainte. Ce mot « messie » est d’abord associé aux prêtres, dans les passages sacerdotaux du Pentateuque (les cinq premiers livres de la Bible). Pendant la période royale, il désigne le roi, investi d’une consécration divine. Le terme s’applique aussi aux prophètes. Dans tous les cas, ce sont les prophètes qui se chargent de l’onction, ce qui signifie qu’il n’y a pas de messie autoproclamé dans le judaïsme.
Les prophètes qui critiquent les infidélités des rois d’Israël et de Juda réorientent peu à peu l’espérance d’Israël. Le messie devient le Roi idéal qu’Israël attend, un descendant de David sur qui reposera l’Esprit du Seigneur, qui mettra un terme à la domination extérieure et fera advenir des temps nouveaux de justice et de paix (Isaïe 11 notamment). Cette espérance se fera de plus en plus vive au fur et à mesure que l’histoire avance et qu’Israël vit sous la domination des régimes politiques étrangers. Ce messianisme prendra parfois une dimension eschatologique.
Si Jésus est bien pour les chrétiens le Messie annoncé par les prophètes, il a largement purifié la conception messianique de ses disciples. Ceci explique son attitude réservée, au début de sa vie publique, à l’égard des titres de Messie et de Roi que voulaient lui attribuer les foules. C’est surtout après sa résurrection que le titre de « messie » sera attribué à Jésus. Jésus inaugure un concept nouveau de Royaume, à l’opposé des royautés temporelles :
« Mon royaume n’est pas de ce monde » répond-il à Pilate au cours de son procès. (Jn 18, 36-37)
Conclusion :
Nous voyons donc tout le cheminement concernant l’espérance dans l’Ancien Testament. Si dans un premier temps, elle était surtout terrestre, elle s’est tournée peu à peu vers l’au-delà.
Au-delà des bienfaits espérés auprès de Dieu, c’est la relation avec Dieu lui-même qui a pris davantage de place.
La préparation de l’Ancien Testament nous conduit jusque Jésus, le Messie promis qui est également « la résurrection et la vie ». On ne parle pas d’espérance dans l’Évangile. Pourquoi ? Parce que Jésus lui-même est notre espérance.
« La grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes. 12 Elle nous apprend à renoncer à l’impiété et aux convoitises de ce monde, et à vivre dans le temps présent de manière raisonnable, avec justice et piété, 13 attendant que se réalise la bienheureuse espérance : la manifestation de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur, Jésus Christ. 14 Car il s’est donné pour nous afin de nous racheter de toutes nos fautes, et de nous purifier pour faire de nous son peuple, un peuple ardent à faire le bien. » (Tite 2, 11-14)
C’est de cette épître qu’est tirée la prière après le Notre Père pendant la messe :
Dans les lettres des apôtres, on reparle d’espérance. Cette espérance se fonde alors sur la résurrection du Christ. Autrement dit, l’espérance nous tourne vers la personne de Jésus : c’est non seulement « par les mérites de Jésus-Christ » qu’il nous est donné d’espérer, mais c’est aussi lui-même que nous espérons.
« À Celui qui peut réaliser, par la puissance qu’il met à l’œuvre en nous, infiniment plus que nous ne pouvons demander ou même concevoir, gloire à lui dans l’Église et dans le Christ Jésus pour toutes les générations dans les siècles des siècles. Amen. » (Ep 3, 20-21)
« Ne soyez inquiets de rien, mais, en toute circonstance, priez et suppliez, tout en rendant grâce, pour faire connaître à Dieu vos demandes. Et la paix de Dieu, qui dépasse tout ce qu’on peut concevoir, gardera vos cœurs et vos pensées dans le Christ Jésus. » (Ph 4, 6-7)
La résurrection dans l’Ancien Testament
L’Ancien Testament parle très peu de la résurrection des morts, et seulement dans les tout derniers livres. D’où vient donc cette croyance, cette espérance ? Pourquoi est-elle apparue si tard ? N’est-elle pas une croyance étrangère à la foi d’Israël ? Pour répondre à ces questions, il faut parcourir les principaux textes de l’Ancien Testament concernant la résurrection.
Deux enfants morts (1 R 17 et 2 R 4)
Dans l’Ancien Testament, deux cas de résurrection sont attribués aux prophètes du IXe siècle : Élie et son disciple Élisée. Il s’agit de deux enfants qui viennent de mourir. La prière d’Élie est révélatrice :
« Seigneur, mon Dieu, que le souffle de cet enfant revienne en lui ! » (1 R 17,21)
Et c’est ce qui arrive :
« Le souffle de l’enfant revint en lui, il fut vivant. »
Et la mère serrant son enfant dans ses bras peut dire à Élie :
« Oui, maintenant je sais que tu es un homme de Dieu et que la parole du Seigneur est vraiment dans ta bouche. » (v. 24)
C’est sur Élie qu’est centré ce récit populaire assez ancien : en lui Dieu parle et agit. Au fond, ces deux résurrections sont des réanimations, des guérisons extraordinaires, comme celles que Jésus fera plus tard, pour deux jeunes également : la fille de Jaïre et le fils de la veuve de Naïm. Ces guérisons prouvent que Dieu a pouvoir sur le souffle vital, sur la vie des hommes :
« Le Seigneur fait mourir et fait vivre ; il fait descendre au séjour des morts et en fait remonter. » (1 S 2,6)
Mais rien ne vient entamer l’évidence universelle que le séjour des morts, le shéol, est le « pays sans retour », comme le dit David qui pleure son enfant (2 S 12,23).
Retour à la vie le troisième jour (Osée 6)
Au VIIIe siècle, toujours dans le Royaume du Nord, le prophète Osée se bat contre l’infidélité du peuple envers le Seigneur. Israël prend bien des résolutions de conversion, mais çà ne dure pas ! Les gens disent :
« Venez, retournons vers le Seigneur. C’est lui qui a déchiré et c’est lui qui nous guérira il a frappé et il pansera nos plaies. Au bout de deux jours il nous aura rendu la vie au troisième jour il nous aura relevés et nous vivrons en sa présence’. » (Osée 6,1-2)
Manifestement ce langage de mort et de vie est symbolique et concerne tout le peuple : Israël est comme un malade ou un blessé que Dieu peut guérir. L’expression « le troisième jour » signifie : très bientôt. Les images de la pluie et de la rosée des v. 3-4 rappellent les mythes des paysans cananéens, pour qui Baal, le dieu de la végétation, meurt l’été à la saison sèche, et revient à la vie avec les pluies. Aux alentours de l’ère chrétienne, lorsque les Juifs traduiront ce texte en grec (la Septante) et en araméen (le Targoum), ils y exprimeront leur foi en la résurrection des morts.
Un texte d’après l’Exil, annonce le retour à la vie pour les morts (Is 26,19). Il emploie les images mythiques de la rosée et de la lumière. Bien qu’énigmatique et très discuté, il ne semble promettre, lui aussi, qu’un retour à la vie symbolique pour le peuple de Dieu menacé de disparition :
« Tes morts revivront, leurs cadavres ressusciteront. Réveillez-vous, criez de joie, vous qui demeurez dans la poussière ! Car ta rosée est une rosée de lumière et la terre aux trépassés rendra le jour. »
Le souffle sur les ossements (Ézéchiel 37)
Pendant l’Exil à Babylone au Vie siècle, les exilés ont perdu tout espoir de rentrer dans leur patrie. Ils se comparent à des morts vivants :
« Nos ossements sont desséchés, notre espérance est détruite, nous sommes en pièces. » (Ez 37, 11)
Alors Ézéchiel leur raconte une vision qu’il a eue : une plaine couverte d’ossements desséchés, sur lesquels Dieu l’a fait prophétiser pour qu’ils reprennent forme humaine, puis qu’ils reçoivent le souffle, l’esprit de Dieu. Et ces corps se sont mis debout, vivants.
Images merveilleuses, mais images seulement : c’est comme une parabole en vision qui annonce la libération des exilés et leur retour à la vie, dans leur patrie. Ézéchiel ne dit rien de plus ; mais lorsque les Juifs reliront ensuite cette vision sur le retour d’Exil, ils y reconnaîtront l’annonce de la résurrection des morts. C’est pourquoi les Juifs de Doura-Europos, sur l’Euphrate, au IIIe siècle de notre ère, peindront cette vision sur les murs de leur synagogue.
L’auteur du livre de l’Ecclésiaste reconnaît avec lucidité et grande vénération que Dieu a « implanté au tréfonds de l’être humain le sens de l’éternité » (Ecclésiaste 3.11)… avant de confesser finalement l’aspect décevant de la vie humaine qui s’achève par la vieillesse et la mort (Ecclésiaste 12.1-7, 3.19-20) !
La vie éternelle pour les martyrs (Daniel 12)
En 167 av. J.-C. Les Juifs subissent une violente persécution de la part du roi grec Antiochos Epiphane ; il veut supprimer cette religion trop différente des autres et il profane le temple de Jérusalem. La circoncision, le sabbat, la lecture des Écritures, la nourriture juive : tout est interdit sous peine de mort. Pourtant beaucoup risquent leur vie pour rester fidèles à leur religion. Certains font même de la résistance, autour d’un chef, Judas Maccabée. Parmi les Juifs pieux, il y a des martyrs, notamment parmi « les gens réfléchis », qui enseignent la foi et la soutiennent :
« Ce sera un temps d’angoisse tel qu’il n’en est pas advenu depuis qu ’il existe une nation jusqu ’à ce temps-là. En ce temps-là, ton peuple en réchappera, quiconque se trouvera inscrit dans le Livre. Beaucoup de ceux qui dorment dans la poussière se réveilleront ceux-ci pour la vie éternelle, ceux-là pour l’opprobre, pour l ’horreur éternelle. Et les gens réfléchis resplendiront, comme la splendeur du firmament, eux qui ont rendu la multitude juste, comme les étoiles à tout jamais. » (Daniel 12,1-3)
La persécution va bientôt cesser et Dieu fera triompher les siens. Entre eux et leurs persécuteurs, Dieu va juger : pour ceux-ci, ce sera la destruction, mais ses fidèles, Dieu les arrachera au sommeil de la mort pour leur faire partager sa vie éternelle. Le message de cette annonce est très proche de celui de la vision du Fils de l’homme au ch. 7. Le « peuple des Saints du Très Haut » est représenté par ce personnage mystérieux, d’abord persécuté, puis élevé par Dieu dans sa gloire (Dn 7,24-27). Pour l’auteur du livre de Daniel, les martyrs ne peuvent pas rester dans la mort, puisqu’ils ont perdu leur vie pour Dieu. Ils entreront dans une vie nouvelle auprès de Dieu et continueront d’appartenir à son peuple, car leurs noms sont inscrits dans le Livre de vie.
Dans le second livre des Maccabées, au ch. 7, un récit illustre cette croyance nouvelle de la résurrection des morts. On y raconte le martyre de sept frères et de leur mère, toujours lors de la persécution d’Antiochos. Avant sa mort, chacun dit sa foi au Dieu vivant qui le ressuscitera. Ce récit – écrit vers 120 av. J.-C. – vient éclairer les questions soulevées par l’annonce de Daniel 12. Parce qu’ils ont choisi la fidélité à Dieu et à sa Loi jusqu’au bout, les martyrs restent unis à Dieu dans la mort. Au-delà de la mort, ils retrouveront une autre vie corporelle mais éternelle, car Dieu qui les avait créés va les recréer.
L’énigme de Job s’éclaire
Les prophètes n’avaient jamais osé franchir les limites de cette vie ; le seul idéal du monde nouveau qu’ils envisageaient était celui d’une très longue vie :
« Il n’y aura plus (à Jérusalem) de nourrisson emporté en quelques jours ni de vieillard qui n’accomplisse pas ses jours. Le plus jeune, en effet, mourra centenaire. » (Isaïe 65, 17.20)
De même le sage Qohéleth sait bien qu’il faut se résigner à la mort (Qo 9,5-10).
Mais avec l’apocalypse de Daniel la limite de la mort est franchie, sous le choc de la persécution et des martyrs. Et pourtant cette innovation se fonde sur deux certitudes traditionnelles en Israël : Dieu est créateur et il est juste. La mort ne saurait faire obstacle au Créateur, au maître de toute vie. Le séjour des morts, le shéol (les « enfers »), n’échappe pas non plus à son pouvoir. S’il ne juge pas les hommes avant leur mort, c’est qu’il les jugera après.
Ainsi s’éclaire la grande énigme du livre de Job, l’homme fidèle plongé dans les épreuves et le malheur, qui doute de la justice de Dieu. Les actes de chacun seront jugés après cette vie ; Dieu rétribue le juste (le martyr, par exemple) par la vie nouvelle, tandis qu’il abandonne le pécheur (le bourreau) à son refus de Dieu et à la mort. Dieu ne peut pas ne pas sauver les siens, mais il le fera par-delà la mort, et non avant ; il n’évite pas la mort à ses fidèles mais il leur offre de partager sa propre vie sans fin.
« Tu me prendras avec toi »
Avant Daniel, les juifs pieux avaient, semble-t-il, déjà eu le pressentiment de la résurrection, dans la prière. Les psaumes de confiance chantaient que Dieu ne peut abandonner les siens. Même si ces prières sont difficiles à dater et à commenter, les mots sont là, très forts ; ils disent un immense désir, plus qu’une certitude.
« Dieu rachètera ma vie au pouvoir des enfers ; oui, il me prendra. » (Ps 49,16)
« J’ai toujours été avec toi : tu m’as saisi la main droite, tu me conduis selon tes vues, tu me prendras ensuite avec gloire. » (Ps 73,23-26)
« Tu ne m’abandonnes pas aux enfers, tu ne laisses pas ton fidèle voir la fosse. Tu me fais connaître la route de la vie ; la joie abonde près de ta face à ta droite, délices éternelles » (Ps 16,9-1 1)
Cette piété juive trouvait d’ailleurs un support dans la tradition d’Élie qui affirmait que cet « homme de Dieu » avait été enlevé au ciel sur un char de feu (2 Rois 2,9-12). Dieu l’avait « pris » auprès de lui, comme déjà auparavant le patriarche Hénok (Gn 5,24). Ne disait-on pas la même chose du mystérieux Serviteur de Dieu qui pendant l’Exil avait donné sa vie en sacrifice pour le pardon des péchés de son peuple ? Lui aussi, Dieu l’avait pris (Isaïe 53,8). Bien plus, il lui avait fait voir une descendance (ou la lumière) et un triomphe (v. 10-12). Une telle vie donnée à Dieu, sur terre, ne pouvait aboutir qu’à une communion totale avec lui, par delà la mort : une vie sans fin en sa présence.
Au temps de Jésus, pour presque tous les Juifs sauf les Sadducéens, la résurrection des justes est devenue une certitude et l’on cherche qui en bénéficiera, quand et comment elle aura lieu. Qui ? Les justes seuls ou tout Israël ou encore tous les hommes ? Quand : aussitôt après la mort ou seulement au jugement universel, à la fin des temps ? Comment : au ciel ou sur terre ? Avec un corps ou sans corps ? Mais désormais cette espérance est enracinée en Israël. Beaucoup auraient pu dire comme Marthe à Jésus, devant la tombe de son frère Lazare :
« Je sais, mon frère ressuscitera à la résurrection, au dernier jour… »
Mais personne n’aurait pu prévoir la réponse de Jésus :
« Je suis la résurrection. » (Jean 11,24-25)
Le vocabulaire de l’espérance
Nos versions rendent occasionnellement par « espérer » ou « espérance » des termes hébreux dont la racine exprime une nuance voisine :
- bâtakh , qui représente un état de tranquille sécurité, la confiance, presque la foi, en Dieu, en certaines personnes ou en l’avenir (Jérémie 17.7 ; Ecclésiaste 9.4 etc.) ;
- câsal , qui évoque les reins et par là l’idée de s’appuyer, se soutenir (Job 4.6), mais qui lorsque l’appui est mal choisi désigne plus souvent la sottise (Ecclésiaste 7.25) ;
- sâbar , mot tardif, qui signifie examiner, puis compter sur quelqu’un ou quelque chose (Psaumes 119.116 ; Esther 9.1 etc.) ;
- iâkhal , plus commun, qui exprime l’attente (Job 6.11 ; Psaumes 33.18 ; Psaumes 33.22 ; Psaumes 42.5 ; Psaumes 42.11 ; Psaumes 43.4 ; Lamentations 3.24 etc.) ;
- thiqvâh , qui désigne proprement l’espérance ; la racine de ce nom, qâvâh, évoque la « tension » (comparable à celle d’une corde) qui se trouve aussi dans notre verbe « attendre » ; c’est la patience ferme, endurante, tournée vers un bien à venir (Genèse 49.18 ; Ruth 1.12 ; Job 14.7 ; Job 14.19 ; Psaumes 25.21 ; Osée 2.15 ; Ézéchiel 37.11 ; Zacharie 9.12 etc.).