D’où son insistance sur la pratique de l’oraison et l’éloge qu’il en fait (pp 131-134) :
« L’oraison mettant notre entendement en la clarté et lumière divine, et exposant notre volonté à la chaleur de l’amour céleste, il n’y a rien qui purge tant notre entendement de ses ignorances et notre volonté de ses affections dépravées : c’est l’eau de bénédiction qui, par son arrosement, fait reverdir et fleurir les plantes de nos bons désirs, lave nos âmes de leurs imperfections et désaltère nos cœurs de leurs passions. »
Il est également convaincu que notre vie chrétienne commence par une rencontre avec Jésus.
« Mais surtout, je vous conseille la (prière) mentale et cordiale, et particulièrement celle qui se fait autour de la vie et Passion de Notre-Seigneur : en le regardant souvent par la méditation, toute votre âme se remplira de lui ; vous apprendrez ses contenances, et formerez vos actions au modèle des siennes…. Croyez-moi, nous ne saurions aller à Dieu le Père que par cette porte ; car tout ainsi que la glace d’un miroir ne saurait arrêter notre vue si elle n’était enduite d’étain ou de plomb par derrière, aussi la divinité ne pourrait être bien contemplée par nous en ce bas monde, si elle ne se fût jointe à la sacrée humanité du Sauveur, duquel la vie et la mort sont l’objet le plus proportionné, suave, délicieux et profitable que nous puissions choisir pour notre méditation ordinaire. » (Introduction à la Vie dévote, II, 1, III, pp. 69-72)
« Chère Philothée, j’ai voulu avant toutes choses graver et inscrire sur votre cœur ce mot saint et sacré : VIVE JÉSUS ! Assuré que je suis qu’après cela, votre vie, laquelle vient de votre cœur comme un amandier de son noyau, produira toutes ses actions qui sont ses fruits, écrites et gravées du même mot de salut, et que comme ce doux Jésus vivra dedans votre cœur, il vivra aussi en tous vos déportements, et paraîtra en vos yeux, en votre bouche, en vos mains, voire même en vos cheveux ; et pourrez saintement dire, à l’imitation de saint Paul : Je vis, mais non plus moi, mais Jésus Christ vit en moi. » (Introduction à la vie dévote, III 23)
La prière consiste d’abord à goûter l’amour de Dieu et à l’aimer en retour. Pour François de Sales, la prière n’est pas d’abord une pratique extérieure ; c’est avant tout un cœur à cœur avec Dieu. La prière nous permet de goûter la bonté et l’amour de Dieu et de conformer notre cœur au sien.
« Nous unissons notre volonté à Dieu pour goûter et ressentir la douceur de sa bonté incompréhensible, car, au sommet de cette échelle, Dieu, penché vers nous, nous donne le baiser de l’amour et nous donne de goûter les seins sacrés de sa douceur, mieux que le vin. » (François de Sales, Traité de l’Amour de Dieu, o.c., XI,12)
En définitive, prier c’est aimer ; et seul celui qui ne pourrait pas aimer se trouverait incapable de prier :
« Il n’y a que le diable qui ne la puisse faire [l’oraison], parce qu’il n’y a que lui seul qui soit incapable d’amour. » (EA IX 52- 53)
L’essentiel de l’oraison consiste à aimer.
« Votre sorte d’oraison est très bonne, et même beaucoup meilleure que si vous y faisiez des considérations et discours, puisque les considérations et les discours ne servent que pour exciter les affections ; de sorte que s’il plaît à Dieu de nous donner les affections sans discours ni considérations, ce nous est une grande grâce. Le secret des secrets en l’oraison, c’est de suivre les attraits en simplicité de cœur. Prenez la peine ou de lire, ou de vous faire lire si vos yeux ne peuvent fournir à cela, le septième livre du Traité de l’Amour de Dieu, et vous y trouverez tout ce qui vous sera nécessaire de connaître en l’oraison. » (Lettre à Madame de Granieu, 8 juin 1618, XVIII, pp. 238-239)