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Anthropologie de la personne humaine
Quelle est la personne humaine que l’on doit éduquer ? Cette question rejoint le problème essentiel de la vision de l’homme. L’homme ne s’arrête pas à la question matérielle qui supposerait qu’il n’y ait rien après la mort. Il y a bien une dimension qui transcende la matière : il est important de réaffirmer que l’on est fait pour la vie de l’éternité qui se vit dès ici-bas ; il faut donc prendre les moyens de cette vie spirituelle. Prenons Aristote, philosophe païen, dans son traité sur l’âme humaine, pour comprendre la personne humaine.
Réalité du corps
Il est important d’éduquer le rapport au corps (hygiène, sexualité…), confirmer l’enfant dans sa féminité ou sa masculinité. Le père a un rôle important à jouer dans cette éducation car les perceptions du réel sont différentes que l’on soit homme ou femme. Le respect de son propre corps qui est Temple de l’Esprit Saint : c’est ce qui lui donne toute sa dignité. Une personne ne pourra jamais être considérée comme un légume, quoique soit son état, car son corps dit sa personne ; il y a, en effet, un lien intime entre l’âme et le corps (cf. maladies psychosomatiques : dans ce cas, le corps dit quelque chose de ce que la personne vit) Notre corps rend visible ce que nous portons invisiblement : Jean-Paul II a rompu avec le Jansénisme ou le rigorisme moral du 19e siècle. La personne humaine est à l’image de Dieu avec son corps (cf. la théologie du corps). Le corps dit la personne que ce soit dans l’étreinte des époux ou avant tout, dans l’Amour de Dieu qui s’est manifesté dans le corps de Jésus et se manifeste encore dans l’Eucharistie. Le corps donne la conscience de son identité : à l’adolescence, l’attirance de l’autre sexe nécessite une éducation sexuelle éclairée. La finalité de l’âme se trouve dans la communion et le corps est un des instruments de cette communion : importance du toucher, de la tendresse corporelle surtout chez un jeune enfant.
L’affectivité (émotion)
Les deux grandes tendances dans l’affectivité sont le concupiscible et l’irascible :
- Le concupiscible ou autrement dit la recherche de plaisir (eros) permet de se tourner vers un bien tant qu’on n’en fait pas un absolu comme chez Freud, par exemple, pour qui la personne humaine ne serait que « recherche de plaisir ». Cette recherche de plaisir ne se limite pas au plaisir des sens ; existent également des plaisirs plus spirituels ou intellectuels comme le plaisir de comprendre par exemple… Cette recherche de plaisir s’éduque par la tempérance qui est la bonne mesure (ni trop, ni trop peu) : il faut savoir écouter ses émotions et surtout ne pas brider l’affectivité.
- L’irascible est cette capacité à la combativité : tenir dans les difficultés, franchir les épreuves, aller à la rencontre de choses difficiles (porter sa maladie, passer un examen…) La vertu de FORCE nous aide à aller à la rencontre d’un bien ardu au lieu de se laisser emporter par la peur ou inversement par la témérité, car être fort c’est connaître aussi ses limites. Cette combativité peut entraîner par ailleurs la colère, la peur ou l’audace ; on voit chez l’enfant les tendances qui émergent. Dans l’affectivité, il est important de faire prendre conscience des émotions et de les canaliser sans vouloir pour autant les refouler.
Sensitivité ou rapport aux sens
Sens externes : ce sont nos cinq sens, qui sont aussi à éduquer ; il y a en effet très peu de choses spontanées ; en général, tout, chez l’homme, est à éduquer. C’est étonnant de constater que l’homme, roi de la création, est l’être le plus fragile de la nature. Il faut arrêter d’être spontané dans le sens de l’égoïsme : tout doit s’éduquer (cf. la méthode Wittoz fait prendre conscience du réel par les sens : nous ne sommes pas de purs esprits) ; éduquer les sens c’est remettre la personne dans le réel et cela a des conséquences importantes pour le développement de l’intelligence. Les sens nous construisent et donneront à l’intelligence l’objet qui lui permettra de faire son travail : cela passe, en effet, par l’expérience qui se fait par les sens.
Sens internes :
- La mémoire qui s’éduque
- L’imagination qui n’est ni bonne ni mauvaise mais donne une capacité de créativité. Attention de ne pas vivre dans l’imaginaire qui serait une certaine coupure du réel.
- Le sens commun : le sens de ce qui est convenable ou non et qui s’apparente au jugement.
Les facultés spirituelles (intelligence et volonté)
Il est important d’éduquer l’affectivité pour permettre aux facultés spirituelles de s’exercer :
L’intelligence est spirituelle parce qu’elle transcende la matière. Toute personne humaine est munie d’une intelligence et d’une volonté. Même celle qui a un handicap mental possède ces facultés. L’intelligence ne sera jamais blessée par un handicap mais par l’erreur et le mensonge.
L’intelligence - à ne pas confondre avec l’érudition - est la capacité de faire le lien entre les choses. Ce mot vient de « Intus legere » qui signifie « lire à l’intérieur » des choses ; l’intelligence est dans la vérité quand elle est en adéquation avec la réalité. Elle doit être fécondée par le réel. La philosophie d’Aristote est une philosophie réaliste : c’est l’objet et non le sujet qui est premier dans l’intelligence.
Pour éduquer l’intelligence il y a bien sûr l’école qui instruit mais, avant tout, ce sont les parents qui doivent conduire l’intelligence de l’enfant dans ce qui est le réel.
L’émerveillement est à la source de la philosophie, de même la curiosité intellectuelle de l’enfant avec ses « pourquoi » (étonnement, admiration). Si un des sens est aiguisé, l’intelligence est aiguisée aussi. Il y a des formes multiples d’intelligence ; pour cela il faut être attentif à la forme d’intelligence de son enfant. La foi est aussi dans l’intelligence : adhérer à Dieu qui se révèle et dire « c’est vrai ».
L’éducation de la Foi relève de l’éducation de l’intelligence ; en effet, la Foi n’est pas dans la volonté, et dans la Foi, l’intelligence part de la théologie alors que la philosophie part du réel. Dans la vie de foi on part d’un point extérieur à nous-même (la Révélation), on élève l’intelligence à une réalité spirituelle.
La volonté est la capacité de choisir ce qui est bien parce que l’intelligence a découvert que c’était bien. Le Bien est ce qui correspond à ma propre finalité c’est-à-dire au bonheur. La finalité de la volonté se trouve dans l’amour. Une personne humaine agit toujours sous le couvert du bien ; cela implique un jugement et donc une formation morale qui fait la différence entre un Bien véritable et un Bien illusoire et donne une capacité d’engagement et de renoncement. C’est une vraie responsabilité impliquant une éducation à la liberté : ma volonté ne doit pas être dirigée par mes émotions. Dans la maîtrise de soi l’intelligence nous aide à prendre des distances. Et le bien commun qui est le bien de tous amène à sacrifier son propre bien ! (cf. le militaire qui donne sa vie pour son pays). Dans la vie de foi il y a le refus d’apostasier car il y a une conscience forte que sa propre vie n’est rien face à Dieu. Il est important d’éduquer au bien commun, à la communion. Dans la volonté on vit de la charité : aimer à la manière de Dieu, de façon désintéressée, sans attendre de retour. La charité est une des trois vertus théologales dont la capacité est donnée mais dont l’exercice incombe à chacun d’entre nous.
L’unification de tout cela donne maturité, intégration, harmonie. Et notre éducation n’est jamais terminée. Dans la vie matrimoniale, également, on est appelé à travailler sur nous-même toute notre vie ; cela nous fait grandir et cette éducation est permanente.
Grandes directions léguées par Jean-Paul II
La vérité
C’est le côté objectif dans l’éducation. Tout n’est pas laissé à l’arbitraire. C’est l’accueil du réel comme fécondant mon intelligence. C’est recevoir l’autorité du réel et donc d’un autre. L’accueil de la Vérité est lié à l’accueil de l’autorité et donc de limites. L’enfant doit sortir de la toute puissance pour atteindre une objectivité qui lui permettra de rejoindre l’autre ; la relation de communion avec l’autre est ainsi rendue possible. L’autre est autre que moi et cela est une vérité. La vérité structure comme une colonne vertébrale ; C’est la notion d’interdit qui structure sinon, quand il n’y a pas d’objectivité et que tout est relatif, cela entraîne anxiété ou recherche de limites. L’autorité est un tuteur qui fait grandir. Sans autorité on ne se construit pas ; une autorité met une limite à mon désir (caprices de grands ou de petits) et il faut savoir sacrifier ses propres désirs pour permettre la communion. Mon désir est vrai s’il permet la communion. L’interdit permet cette communion. Sans interdit je me répands et j’absorbe l’autre ; je vois l’autre comme la prolongation de moi-même. Attention de ne pas entrer dans la fusion mais dans la communion de deux êtres qui sont distincts. Dans la Trinité il y a bien trois personnes distinctes qui entrent dans une communion. L’éducation dans une vérité et une objectivité va permettre de choisir (et non rester dans l’indécision qui provoque l’angoisse). Dans l’éducation à la vérité se retrouve l’éducation à l’humilité qui est l’accueil de ses limites physiques comme intellectuelles, de caractère et même dans la relation. Selon Ste Thérèse d’Avila :
Être humble c’est marcher en Vérité".
Apprendre à se connaître en vérité c’est accueillir comme un don même le dépouillement et accueillir le don qu’est l’autre et le don qu’a l’autre (sans jalousie).
Éducation à la communion
Faire de l’Église la maison et l’école de la communion : tel est le grand défi qui se présente à nous dans le millénaire qui commence, si nous voulons être fidèles au dessein de Dieu et répondre aussi aux attentes profondes du monde…
(« Novo millennio ineunte » de Jean-Paul II au chapitre de la spiritualité de communion)
C’est dans la famille qu’on apprend à vivre en communion avec l’autre et l’enfant vient d’une communion, celle de ses parents ; l’école, ensuite, est un lieu de socialisation. Avant de faire des choses pratiques ou engager des projets communs, faisons communion ! Les projets ne sont que le fruit d’une communion et non la solution à un manque de communion. « …il faut promouvoir une spiritualité de la communion, en la faisant ressortir comme principe éducatif partout où sont formés l’homme et le chrétien, où sont éduqués les ministres de l’autel, les personnes consacrées, les agents pastoraux, où se construisent les familles et les communautés. »
Une spiritualité de communion consiste avant tout en un regard du cœur porté sur le mystère de la Trinité qui habite en nous et dont la lumière doit aussi être perçue sur le visage des frères qui sont à nos côtés."
C’est l’affirmation d’une transcendance ; se remettre ensemble comme couple ou famille sous le regard du Seigneur ; se remettre ensemble face au Seigneur comme des pauvres, implorer la communion. On est fait à l’image et à la ressemblance d’une communion (la Trinité).
"Une spiritualité de communion, cela veut dire la capacité d’être attentif, dans l’unité profonde du Corps mystique, à son frère dans la foi, le considérant donc comme « l’un des nôtres » pour savoir partager ses joies et ses souffrances, pour deviner ses désirs et répondre à ses besoins, pour lui offrir une amitié vraie et profonde« = développer une attention qui est un aspect plus maternel. La perception de ce qui se passe dans le cœur de l’autre appartient plus à la femme ; c’est être attentif à l’autre. »Une spiritualité de communion est aussi la capacité de voir surtout ce qu’il y a de positif dans l’autre, pour l’accueillir et le valoriser comme un don de Dieu : un « don pour moi », et pas seulement pour le frère qui l’a directement reçu.« Réjouis-toi ! Pas de place à la jalousie. »Une spiritualité de communion c’est enfin « donner une place » à son frère en portant « les fardeaux les uns des autres » (Galates 6, 2) et en repoussant les tentations égoïstes qui continuellement nous tendent des pièges et qui provoquent compétitions, carriérisme, défiance, jalousies. « Il y a une part de souffrance ; il faut accepter de porter un peu ! Si il n’y a pas d’ouverture à la souffrance, il n’y a pas de possibilité de communion. Éduquer, c’est accepter, ne pas se plaindre, avoir une certaine patience. »Sans ce cheminement spirituel, les moyens extérieurs de communion serviraient à bien peu de chose. Ils deviendraient des façades sans âme, des masques de communion plus que ses expressions et ses chemins de croissance." Il faut l’Esprit ! _ L’Esprit de communion est une lumière, un chemin qui nous est donné. En même temps qu’il y a la Communion, il y a la Miséricorde, le Pardon qui rend possible à nouveau la communion. La Miséricorde c’est avoir du cœur pour la misère.
La confiance
c’est le signe d’une éducation réussie ; elle se décline à trois niveaux :
- La confiance en soi n’est pas incompatible avec l’humilité. Dans l’humilité qui est un don de Dieu, ce que j’ai, je l’accueille du Seigneur ; c’est surtout dans la famille que l’on donne confiance. On a confiance lorsque l’on a été capable de franchir un certain nombre d’étapes (cf. le scoutisme) ; les étapes structurent la personne et lui donnent confiance, l’apaisent ; qui dit étape, dit qu’on n’a pas accès tout de suite à tout ; de même dans la Foi, accueillir la vérité sur Dieu. Cf. Benoît XVI : « attention au bricolage spirituel »
- La confiance en l’autre : ouvrir la porte au fait d’être blessé. Cette confiance en l’autre qui rejaillit du pardon (cf. Jésus se montre ressuscité avec les marques de sa passion, avec ses blessures mais il avance) Il y a un véritable danger de se fermer à la relation quand la confiance a été blessée ! Il n’y a pas de communion sans confiance ; il est important d’accepter de ne pas tout contrôler dans un contexte de mentalité sécuritaire qui nous entoure. Quand on est pauvre on est obligé de faire confiance parce que l’on n’a pas les moyens de faire une structure sécuritaire. La difficulté est de s’appuyer sur ses richesses et donc de ne compter que sur soi. Accueil de ce que je ne peux pas maîtriser et donc de la liberté.
- La confiance en Dieu vient de la Foi. Le premier péché est le doute : « Est-ce que je peux vraiment faire confiance à Dieu ? » Dans nos vies c’est comme cela : les chemins de Dieu ne sont pas nos chemins, ni ses pensées nos pensées. Mais tout contribue à ceux qui aiment Dieu (promesses de vie éternelle). Cette confiance est la source des autres confiances ; si je m’abandonne à cette confiance en Dieu même l’échec peut être fécond. Cette confiance en Dieu évite la désespérance : « à quoi bon lutter ? » Pourtant l’Éternité se joue dès ici- bas, rien que par des chemins ordinaires : « Dieu est un Dieu qui se cache » mais dans cette vie cachée il se passe quelque chose (cela se voit par notre regard de Foi). Pensons à la Vierge Marie qui a fait confiance aux promesses de Dieu à l’Annonciation.
Marie est la grande figure de l’Avent qui nous fait tendre vers l’Espérance. Demandons-lui cette grâce de nous faire grandir dans cette confiance en Dieu en les autres et en nous-même et faire grandir ce que Dieu a déposé en chacun de nous.