Texte de l’homélie :
C’est un très bel évangile pour le temps du carême, car l’on sent que petit à petit, la pression monte autour de Jésus. Le rejet du Christ se fait de plus en plus pressant, alors qu’on pourrait penser qu’au contraire, le fait d’apporter la miséricorde devrait encourager les uns et les autres à se rapprocher du Seigneur.
L’adultère comme point de départ
Il y a une première chose dont on peut s’étonner, c’est que la femme soit surprise « en flagrant délit d’adultère ». Mais, où est donc l’homme, puisque selon la loi de Moïse, non seulement la femme, mais l’homme devaient être lapidés…
On peut se demander pourquoi Jean – racontant cela en tant qu’homme – ne nomme pas l’homme pris en faute : est-ce par complaisance ? Peut-être y a-t-il une autre raison pour laquelle cette histoire est racontée de cette manière-là : cet épisode nous parle sans doutes de l’humanité au sens large, elle qui est invitée à être épouse, à rentrer dans une alliance. Il peut aussi faire allusion à Israël qui a aussi été adultère et s’est tourné vers d’autres dieux.
Mais, au delà de l’aspect purement juridique de l’affaire, il est intéressant de voir le basculement. Au début, comme il est dit par deux fois, c’est la femme qui est au milieu ; puis, progressivement, c’est Jésus qui est au centre, accusé d’une manière ou d’une autre, celui dont on remet la parole en doute : va t-Il, oui ou non, suivre la loi de Moïse, où on voulait le piéger.
Et Il écrit sur le sol… C’est la seule fois où il est dit que Jésus écrit. Il n’y a pas de mention de cela à un autre endroit de l’évangile (c’est comme Socrate, qui n’aurait jamais rien écrit).
Alors, on peut se poser la question : « Qu’a-t-il écrit ? ». Il traçait des traits sur le sol : mais lesquels ?
Les interprétations sont multiples. Imaginez quelqu’un qui écrit une seule chose dans sa vie – a fortiori le Christ – on se demande ce qu’il a voulu dire !
Ainsi, une des interprétations dit qu’il écrivait sur le sol le péché de ceux qui regardaient la femme. Ces mêmes hommes qui l’avaient traînée là, au milieu – si vous avez vu le très beau fil de la Passion de Mel Gibson où Monica Belluci qui joue si bien ce rôle de la femme adultère - arrivent progressivement avec leurs pierres qui lâchent chacun leur tour leur pierre en lisant, car c’est peut-être leur péché à eux que le Christ a décelé.
« Celui qui n’a jamais péché, qu’il jette la première pierre…
Et ils s’en allèrent, en commençant par les anciens… »
Je trouve cela très beau de voir ce passage d’une personne accusée dont il est question, et c’est le Christ qui prend sur Lui l’accusation.
Il prend sur Lui l’accusation
C’est bien cela la miséricorde : il ne l’encourage pas dans son péché, puisqu’il dira :
« Va et ne pèche plus… »
Lui non plus ne la condamne pas à la lapidation.
Il l’appelle femme, tout comme il appelle la Très Sainte Vierge, du haut de la Croix :
« Femme, voici ton fils… »
Il la restaure dans l’Alliance, dans l’amour, alors qu’elle s’en était détournée pour aller vers des contrefaçons de l’amour qu’est l’adultère.
En restaurant cette femme, Il restaure l’humanité entière, par Son offrande et Sa miséricorde.
Il est intéressant de retravailler le texte un stylo en mains : c’est à la fois Jésus qui s’abaisse pour écrire, il parle aux accusateurs, il se redresse, s’abaisse de nouveau et continue d’écrire avant de s’adresser à la femme.
Vous connaissez cette analogie : se redresser c’est ressusciter : au cours de la messe, on se met debout comme signe de la Résurrection.
Ainsi, Il s’abaisse une fois pour Israël, puis se relève pour lui remettre ses fautes, et une autre fois Il s’abaisse pour la femme adultère, et se relève pour ressusciter cette femme qui a péché.
C’est beau de voir comment Il devient progressivement le centre :
« Il prend sur Lui nos péchés, Il prend sur Lui nos fautes… »
… comme le dira Saint Pierre. Cette femme n’est plus le souci des accusateurs, et ce qui la sauve, c’est de se retrouver seule avec Jésus.
— « Où sont tes accusateurs ? Quelqu’un t’a-t-il accusée ? »
— « Personne, Seigneur. »
Personne ne l’a condamnée. Elle va être relevée, elle va être pardonnée…
« Va ! Et désormais, ne pèche plus ! »
La femme adultère comme modèle de Foi ?
Pendant la messe, j’ai eu une distraction : quand vous lisez la deuxième lettre aux Philippiens, et imaginez que ce soit elle, la femme adultère, qui lise cette épître :
« Tous les avantages que j’avais autrefois, je les considère comme une perte à cause de celui qui dépasse tout : la connaissance de Jésus-Christ et Seigneur.
À cause de Lui, j’ai tout perdu, et je considère tout comme des ordures. »
Je trouve cela beau d’associer cet évangile avec ces paroles de Saint Paul, et d’imaginer la femme adultère prononçant ces paroles : elle a découvert en Jésus Celui qui était son sauveur. Non seulement le sauveur de la lapidation, de la mort, mais le sauveur de sa féminité blessée. Elle est restaurée dans sa capacité d’amour, et elle peut à nouveau être à l’image et à la ressemblance de Dieu par Son amour.
Ce passage de la femme adultère est très touchant, car il est vraiment au cœur de la mission de Jésus. Il ne s’arrête pas à la fragilité humaine. Bien entendu, il ne va pas encourager l’adultère – c’est la fragilité humaine dont il est question, avec nos difficultés à gérer nos pulsions, emporter par les tentations – mais Il ne s’arrête pas là :
« Moi non plus, je ne te condamne pas ; lève-toi, relève-toi… »
Voici les paroles pour l’encourager à ne plus pécher.
La miséricorde, c’est la mission de Jésus. Et c’est pour cela que le Saint-Père a mis clairement cette année sous le signe de la miséricorde. Réconcilier, pardonner, pardonner !. Ce n’est pas établir une nouvelle loi.
Dans ce passage, on voit comment Jésus prend cela sur lui. Quelques chapitres après, c’est à Jésus que l’on veut jeter des pierres : on le pousse vers l’escarpement - vous rappelez-vous ? – en ramassant des pierres, celles-là même qui, d’une certaine manière, n’ont pas été jetées sur la femme adultère.
Il a pris notre place. Il s’est offert pour nous.
Laissons-nous toucher par cet exemple tout simple de la femme adultère. Demandons au Seigneur d’avoir un regard de miséricorde lorsque l’on voit l’autre pécher, tomber dans la tentation. Et que nous puissions ne pas nous décourager face à nos chutes. Je suppose que beaucoup d’entre-vous se confessent assez régulièrement – le Carême étant le temps particulier pour recevoir ce sacrement – et ce sont souvent les mêmes choses que nous confions dans la confession. De fait, le prêtre ne vous demande pas de faire dans l’originalité pour qu’il ne s’ennuie pas !
Dans la confession, je viens confier mon combat à Jésus. Mon combat pour la pureté – s’il s’agit de l’adultère – mon combat pour la Foi, pour la persévérance, pour la charité, la patience, la miséricorde – car j’en suis dépourvu.
Demandons au Seigneur et à la prière du Christ et peut-être à la prière de la femme adultère, car on ne sais pas ce qu’elle se devenue, mais je ne serais pas étonné qu’elle fasse partie des saintes femmes qui ont suivi le Christ après. Pourquoi pas ? c’est une interprétation libre. Elle a expérimenté la miséricorde de Dieu dans sa chair.
Elle qui a été sauvée, rachetée, qu’elle nous aide à croire en Sa miséricorde.
Amen !
Références des lectures du jour :
- Livre d’Isaïe 43,16-21.
- Psaume 126(125),1-2ab.2cd-3.4-5.6.
- Lettre de saint Paul Apôtre aux Philippiens 3,8-14.
- Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 8,1-11 :
En ce temps-là, Jésus s’en alla au mont des Oliviers.
Dès l’aurore, il retourna au Temple. Comme tout le peuple venait à lui, il s’assit et se mit à enseigner.
Les scribes et les pharisiens lui amènent une femme qu’on avait surprise en situation d’adultère. Ils la mettent au milieu, et disent à Jésus :
— « Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d’adultère.
Or, dans la Loi, Moïse nous a ordonné de lapider ces femmes-là.
Et toi, que dis-tu ? »
Ils parlaient ainsi pour le mettre à l’épreuve, afin de pouvoir l’accuser. Mais Jésus s’était baissé et, du doigt, il écrivait sur la terre.
Comme on persistait à l’interroger, il se redressa et leur dit :
— « Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter une pierre. »
Il se baissa de nouveau et il écrivait sur la terre.
Eux, après avoir entendu cela, s’en allaient un par un, en commençant par les plus âgés. Jésus resta seul avec la femme toujours là au milieu.
Il se redressa et lui demanda :
— « Femme, où sont-ils donc ? Personne ne t’a condamnée ? »
Elle répondit :
— « Personne, Seigneur. »
Et Jésus lui dit :
— « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus. »