Homélie du cinquième dimanche de Carême

10 avril 2025

En apprenant cela, Jésus dit : « Cette maladie ne conduit pas à la mort, elle est pour la gloire de Dieu, afin que par elle le Fils de Dieu soit glorifié. »

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Texte de l’homélie

Frères et sœurs bien-aimés,

Vous êtes peut-être surpris d’entendre des lectures différentes de celles annoncées sur vos Prions en Église ou vos applications respectives. Mais, vous le savez, quand il y a une étape de préparation au baptême qui a lieu dans ce cinquième dimanche de Carême, on prend les lectures de l’année A, et en ce jour, il s’agit du passage de la mort à la vie. Grâce à toi, ma chère Amélie, nous avons cette grâce de méditer sur ce passage de la Pâque. C’est un passage que nous pouvons nous-mêmes désirer, car nous sommes tous sur ce chemin.

J’aimerais méditer avec vous sur la première lecture : le livre du prophète Ézéchiel. Il faut tout d’abord remettre quelques éléments de contexte, comme on doit le faire quand on lit la parole de Dieu. Ézéchiel vit au sixième siècle avant Jésus-Christ, et c’est le temps de la déportation vers Babylone. Tout le peuple est transféré de force - cela fait partie des grandes épreuves qu’il a subies - et Ézéchiel est donné au comme prophète au peuple pendant 22 ans. Et depuis Babylone, il montre un chemin vers une vie nouvelle :

« J’ouvrirai vos tombeaux, et je vous ferai remonter, ô mon peuple. Je vous ramènerai sur la terre d’Israël. »

C’est intéressant de lire ce qu’il y a juste avant ce passage du livre d’Ézéchiel, au chapitre 37 : il y a la prophétie sur les ossements desséchés. C’est un très beau passage : Ézéchiel a une vision d’une vallée avec des ossements desséchés et il est invité par le Seigneur à leur redonner vie (cf verset 3) :

— « Fils d’homme, ces ossements peuvent-ils revivre ? »
— « Seigneur, c’est toi qui le sais ! »
— « Prophétise sur ces ossements. Tu leur diras : « Ossements desséchés, écoutez la parole du Seigneur ! ». »

Et dans ce passage qui précède celui que nous venons de lire, il y cette invitation à avoir une espérance sur ce qui est desséché en nous, ce qui est mort. Pour faire ce passage de la mort à la vie, il est nécessaire de reconnaître ce qui en nous est comme une attitude de mort, dans notre chemin personnel mais aussi dans nos rapports aux autres. On le sait très bien, dans nos relations familiales et professionnelles. Vous qui êtes membres du relais Lumière et Espérance qui entourez les proches des personnes qui sont malades psychiques ou psychiatriques, vous savez combien c’est complexe. Il y a parfois des choses mortifères et on se décourage. On voit bien dans cette image des ossements desséchés décrits pas Ezéchiel :

« Notre espérance est détruite, nous sommes perdus… »

C’est le verset qui précède celui que nous venons de lire. Il y a une forme de découragement par rapport à ce qui est mortifère en nous, ce qui n’est pas orienté vers la relation, vers l’amour. Et c’est là que nous entendons le prophète Ezéchiel prophétiser sur les ossements : il donne une parole de Dieu sur ce qui était mort et desséché pour qu’il revienne à la vie.

Ce passage de la mort à la vie est précisément ce que nous fêtons à Pâques, c’est ce que tu t’apprêtes à faire, ma chère Amélie, en étant baptisée dans quelques jours : c’est cette vie de Dieu que tu vas recevoir. Par l’Esprit-Saint, cette vie de Dieu travaille dans le cœur des personnes non baptisées pour les amener à rejoindre l’Église. C’est pour cela que tu nous fais la joie de ta présence parmi notre assemblée ce matin.

Tu as peut-être aussi ressenti ce qui est de l’ordre du combat intérieur, avec des choses qui amènent loin de la relation, loin de l’amour. Nous qui – pour la majorité d’entre-nous - sommes baptisés depuis l’enfance, nous voulons le confier au Seigneur. Nous voulons fracasser la tentation contre le Christ…
La tentation serait de regarder trop vers ce qui ne va pas et non pas vers la vie, vers ces ossements qui vont renaître, l’Esprit-Saint qui va permettre la grâce d’aboutir à une vie, à une renaissance.

Il s’agit bien de ce combat intérieur qui est également lié au découragement : on peut être tenté de se décourager de nos relations, de nous-mêmes - en perdant notre l’estime de nous-mêmes – de notre famille, de notre communauté… C’est l’image de ces ossements desséchés, selon les mots du prophète juste avant le passage que nous venons d’entendre :

« Notre espérance est détruite, nous sommes perdus ! »

Et il est intéressant que les prophètes eux-mêmes expérimentent quelque chose de l’ordre du découragement. Il est vrai que nous aimerions tant parfois profiter d’une communion plénière, que la grâce de Dieu puisse agir dans notre entourage, chez nos amis, dans nos familles, avec nos collègues…
Mais c’est la réalité, il y a bien souvent des choses qui méritent d’être converties, d’être tournées vers le Seigneur.

Il est très beau de voir que c’est grâce à l’amitié que Lazare a été ressuscité : il est ami de Jésus et c’est bien souvent grâce à des amitiés que des jeunes demandent le baptême. C’est parce qu’ils ont découvert dans des témoins jeunes et amis quelque chose du vivant, qui leur donnait la vie et l’Espérance.

Frères et sœurs bien-aimés, je trouve que ce passage de la mort à la vie, cette résurrection de Lazare qu’on lit lorsqu’il y a une étape vers le baptême nous invite à revisiter nos découragements. Nous sommes ainsi invités à nous demander où nous en sommes de ces attitudes mortifères qui font que la relation ne s’épanouit pas, qu’elle reste comme dans une situation de stagnation, voire de recul. Prenons alors le temps de renoncer ce qui peut en nous être mortifère, être complaisance avec ce qui est source de mort.

Vous vous rappelez ces paroles du chapitre 6 du livre du Deutéronome :

« Je mets devant toi la malédiction et la bénédiction. Je mets devant toi la mort et la vie, choisis la vie ! »

Choisir la vie n’est pourtant pas si simple, surtout quand on est atteint de maladie psychique ou psychiatrique. Vous qui faites partie du Relais Lumière et Espérance, vous accompagnez dans vos familles des personnes qui sont en souffrance et ce n’est pas simple. : on se sent souvent très faibles et démunis car on n’a pas les outils pour avancer. Ainsi, à travers le prophète Ézéchiel, c’est sans doutes l’invitation d’avoir une certaine audace, celle de prophétiser sur cette maladie, tout comme il l’a eue sur les ossements desséchés.
On le sait très bien, les maladies psychiques et psychiatriques fragilisent et mettent en tension les relations. Ayons l’audace de nous dire que ce qui nous met en tension peut être source de vie. Ce n’est pas intuitif, ce n’est pas simple, mais confiants dans la parole de Dieu, et singulièrement du prophète Ézéchiel, nous voulons prophétiser, dire une parole par rapport à ce qui, précisément, met en tension la parole ou provoque le silence.

Nous disons une parole là où la relation se fait silence.

Oui, frères et sœurs bien-aimés, ce passage d’Évangile du prophète Ézéchiel est une invitation à une audace de nous laisser bousculer intérieurement nous faire sortir de notre zone de confort. En effet, on peut parfois s’habituer à des relations qui sont toxiques et mortifères, puis renoncer et désespérer…
Oui, avons parfois cette sensation que nos ossements sont desséchés, que notre espérance est détruite et que nous sommes perdus… Mais voyons que les prophètes ont cette audace de prophétiser, c’est à dire de donner une parole sur l’ordre du Seigneur : le Seigneur l’ordonne à Ézéchiel.

« Prophétise sur ces ossements. Tu leur diras : « Ossements desséchés, écoutez la parole du Seigneur ! ». »

Nous aussi nous sommes invités à dire une parole là où nous sommes parfois découragés. Et c’est de cette manière que nous sommes prophètes. Vous le savez, par le baptême, nous sommes prêtres, prophètes et rois. Amélie, par le baptême que tu recevras le jour de Pâques, tu seras capable aussi de prophétiser, de dire une parole. Et le fait même que tu viennes auprès du Seigneur pour demander le baptême est une parole en soi.
Vous le savez, en Hébreu, on utilise le même mot pour dire « parole » et « acte ». Et le fait de s’avancer vers le Seigneur pour demander le baptême est à la fois un acte et une parole.

Alors, ayons confiance, reprenons confiance dans ce qui peut parfois nous décourager. Les raisons de perdre courage ne manquent pas, que ce soit l’actualité internationale qui nous préoccupe ou nos vies personnelles dans lesquelles nous sommes dans une sorte d’impuissance… Et je trouve qu’à travers le prophète Ézéchiel – lui qui est loin car en déportation – il montre la terre d’Israël.

Cette terre d’Israël est une terre de fécondité d’où coulent le lait et le miel. Elle est aussi une terre de combat. Vous vous rappelez dans l’Exode au chapitre 34, cette terre de l’Alliance où le Seigneur déclare :

« Je vais chasser devant toi l’Amorite, le Cananéen, le Hittite, le Perizzite, le Hivvite et le Jébuséen ? »

C’est combat qui est annoncé. Choisir la fécondité est un combat. Choisir de porter du fruit et un fruit qui demeure n’est pas intuitif, c’est un combat. Comme la terre d’Israël au temps de Jésus, au temps d’Ézéchiel et encore aujourd’hui – la Terre Sainte est un lieu de combat encore aujourd’hui – on se dit : comment le Seigneur nous invite à choisir la fécondité malgré les difficultés, à choisir de porter du fruit.
Il fait cette promesse :

« Je te ramènerai sur la terre d’Israël. Je te ramènerai sur le lieu où tu peux porter du fruit et un fruit qui demeure. Je te ramènerai vers la terre du centuple. »

Vous vous rappelez la parabole du semeur :

« Le semeur est sorti pour semer. »

Il y a le bon grain qui est semé dans la bonne terre et qui porte du cent pour un.

Oui, au fond, être prophète, c’est montrer la terre où l’on peut porter du fruit, dans l’adversité, montrer un chemin, montrer une au-delà, montrer une espérance. Nous ne sommes pas livrés au face à face de nos psychologies blessées. Bien sûr nous sommes blessés personnellement, parfois même de façon pathologique, nous avons tous du mal à rentrer en relation, mais tout cela n’est pas définitif. Le fait d’affirmer une transcendance, d’affirmer une espérance, un au-delà, quelque chose qui va plus loin que nous-mêmes. C’est là que nous sommes prophètes.

Oui, frères et sœurs bien-aimés, demandons au Seigneur d’être attentifs à ce qui est source de vie, à ce qui peut nous donner à la fois espérance et espoir, nous donner une invitation à aller plus loin que nos découragements.

Puissions-nous, à travers notre témoignage, devenir des témoins d’un Dieu qui nous appelle des ténèbres à Son admirable lumière,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre d’Ézéchiel 37, 12-14.
  • Psaume 129 (130), 1-2, 3-4, 5-6ab, 7bc-8.
  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Romains 8,8-11.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 11,1-45 :

En ce temps-là, il y avait quelqu’un de malade, Lazare, de Béthanie, le village de Marie et de Marthe, sa sœur. Or, Marie était celle qui répandit du parfum sur le Seigneur et lui essuya les pieds avec ses cheveux. C’était son frère Lazare qui était malade.
Donc, les deux sœurs envoyèrent dire à Jésus : « Seigneur, celui que tu aimes est malade. »
En apprenant cela, Jésus dit : « Cette maladie ne conduit pas à la mort, elle est pour la gloire de Dieu, afin que par elle le Fils de Dieu soit glorifié. »
Jésus aimait Marthe et sa sœur, ainsi que Lazare. Quand il apprit que celui-ci était malade, il demeura deux jours encore à l’endroit où il se trouvait. Puis, après cela, il dit aux disciples : « Revenons en Judée. »
Les disciples lui dirent :
— « Rabbi, tout récemment, les Juifs, là-bas, cherchaient à te lapider, et tu y retournes ? »
Jésus répondit :
— « N’y a-t-il pas douze heures dans une journée ? Celui qui marche pendant le jour ne trébuche pas, parce qu’il voit la lumière de ce monde ; mais celui qui marche pendant la nuit trébuche, parce que la lumière n’est pas en lui. »
Après ces paroles, il ajouta : « Lazare, notre ami, s’est endormi ; mais je vais aller le tirer de ce sommeil. »
Les disciples lui dirent alors :
— « Seigneur, s’il s’est endormi, il sera sauvé. »
Jésus avait parlé de la mort ; eux pensaient qu’il parlait du repos du sommeil.
Alors il leur dit ouvertement :
— « Lazare est mort, et je me réjouis de n’avoir pas été là, à cause de vous, pour que vous croyiez. Mais allons auprès de lui ! »
Thomas, appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau), dit aux autres disciples :
— « Allons-y, nous aussi, pour mourir avec lui ! »
À son arrivée, Jésus trouva Lazare au tombeau depuis quatre jours déjà. Comme Béthanie était tout près de Jérusalem – à une distance de quinze stades (c’est-à-dire une demi-heure de marche environ) –, beaucoup de Juifs étaient venus réconforter Marthe et Marie au sujet de leur frère.
Lorsque Marthe apprit l’arrivée de Jésus, elle partit à sa rencontre, tandis que Marie restait assise à la maison.
Marthe dit à Jésus :
— « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. Mais maintenant encore, je le sais, tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te l’accordera. »
Jésus lui dit :
— « Ton frère ressuscitera. »
Marthe reprit :
— « Je sais qu’il ressuscitera à la résurrection, au dernier jour. »
Jésus lui dit :
— « Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? »
Elle répondit :
— « Oui, Seigneur, je le crois : tu es le Christ, le Fils de Dieu, tu es celui qui vient dans le monde. »
Ayant dit cela, elle partit appeler sa sœur Marie, et lui dit tout bas : « Le Maître est là, il ’appelle. »
Marie, dès qu’elle l’entendit, se leva rapidement et alla rejoindre Jésus. Il n’était pas encore entré dans le village, mais il se trouvait toujours à l’endroit où Marthe l’avait rencontré.
Les Juifs qui étaient à la maison avec Marie et la réconfortaient, la voyant se lever et sortir si vite, la suivirent ; ils pensaient qu’elle allait au tombeau pour y pleurer.
Marie arriva à l’endroit où se trouvait Jésus. Dès qu’elle le vit, elle se jeta à ses pieds et lui dit : « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. »
Quand il vit qu’elle pleurait, et que les Juifs venus avec elle pleuraient aussi, Jésus, en son esprit, fut saisi d’émotion, il fut bouleversé, et il demanda :
— « Où l’avez-vous déposé ? »
Ils lui répondirent :
— « Seigneur, viens, et vois. »
Alors Jésus se mit à pleurer. Les Juifs disaient :
— « Voyez comme il l’aimait ! »
Mais certains d’entre eux dirent :
— « Lui qui a ouvert les yeux de l’aveugle, ne pouvait-il pas empêcher Lazare de mourir ? »
Jésus, repris par l’émotion, arriva au tombeau. C’était une grotte fermée par une pierre.
Jésus dit : « Enlevez la pierre. »
Marthe, la sœur du défunt, lui dit :
— « Seigneur, il sent déjà ; c’est le quatrième jour qu’il est là. »
Alors Jésus dit à Marthe :
— « Ne te l’ai-je pas dit ? Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu. »
On enleva donc la pierre. Alors Jésus leva les yeux au ciel et dit :
— « Père, je te rends grâce parce que tu m’as exaucé. Je le savais bien, moi, que tu m’exauces toujours ; mais je le dis à cause de la foule qui m’entoure, afin qu’ils croient que c’est toi qui m’as envoyé. »
Après cela, il cria d’une voix forte : « Lazare, viens dehors ! »
Et le mort sortit, les pieds et les mains liés par des bandelettes, le visage enveloppé d’un suaire.
Jésus leur dit : « Déliez-le, et laissez-le aller. »

Beaucoup de Juifs, qui étaient venus auprès de Marie et avaient donc vu ce que Jésus avait fait, crurent en lui.