Texte de l’homélie :
Ce passage de la femme adultère est mis au cinquième dimanche de Carême, juste avant de rentrer dans la semaine sainte. Dimanche prochain, nous fêterons les Rameaux.
Cela nous dit quelque chose de la notion de Salut. « Etre sauvé », de quoi s’agit-il ?
On voit une femme qui a été amenée devant Jésus ayant été surprise en flagrant délit d’adultère.
On peut se poser une première question : si c’est un flagrant délit, où est l’homme ? La loi du Deutéronome dit très clairement que l’homme et la femme seront lapidés.
De plus, c’est officiellement un piège car, déjà à ce moment-là, il n’y avait plus de lapidation. On met donc Jésus à l’épreuve pour le faire chuter et l’accuser. Et comment mettre Jésus à l’épreuve sinon en le tentant avec la miséricorde, et voir si la miséricorde s’oppose à la loi ?
Une scène de mouvements
Dans le film de Mel Gibson, La Passion du Christ que vous avez certainement déjà regardé, c’est Monica Bellucci, la belle Italienne, qui a demandé ce rôle de la femme adultère. Toujours est-il qu’on la voit comme floutée à travers ces longues barbes et ces mains armées de pierres, ces regards accusateurs, elle qui est debout au milieu d’eux. Il y a un certain mouvement dans cette scène et voici ce que fait Jésus : Il détourne l’attention des regards accusateurs sur la femme adultère vers Lui-même. Il prend sur Lui nos péchés. C’est déjà le premier mouvement du Salut.
Puis, il y a aussi ce mouvement de s’abaisser et de se relever, qui rappelle aussi celui du Salut : le Christ qui a pris notre nature humaine nous ressuscite avec Lui. C’est une forme de délicatesse pour cette femme qui est mise au milieu debout, en face de tout le monde, de tous ces regards accusateurs… Il ne veut pas la dévisager, Il veut rester dans une modestie et Il se relève pour faire face aux accusateurs et dans le film, on voit que Jésus se positionne entre la femme et ceux qui l’accusent.
Enfin, il y a ces traces sur la terre. On pense que Jésus n’a rien écrit si ce n’est ces traits faits avec le doigt dans le sable. Les interprétations ont été multiples : certains ont dit qu’Il avait sans doutes écrit sur le sol les péchés de tous ceux qui étaient là et voulaient accuser la femme. Cela expliquerait la suite de cette histoire, qu’ils s’en aillent les uns après les autres lorsque Jésus leur dit :
« Que celui qui est sans péché soit le premier à lui jeter la pierre… »
D’autres interprétations sont possibles - on ne connaîtra jamais les détails de cette histoire – mais d’une manière ou d’une autre, ces mouvements d’abaissement et de relèvement ont un sens profond : Il se relève pour faire face aux accusateurs. C’est le doigt de Dieu : là où le doigt de Dieu ouvre rien ne peut fermer, et là où le doigt de Dieu ferme rien ne peut ouvrir, comme pour dire « Tu ne passeras pas ! ». La miséricorde n’est pas un encouragement au mal : elle est un terme, une limite donnée à l’accusation, à l’accusateur de nos frères.
Cette phrase que Jésus prononce vient du Deutéronome : « La main des témoins sera la première à les faire mourir. » Elle concerne l’homme et la femme pris en flagrant délit d’adultère.
Et rappelons-nous que celui qui jette en premier la pierre prend sur lui le sang du condamné par l’accusation. Ainsi, Jésus les renvoie à eux-mêmes et Il les invite à voir s’ils ont dans leur cœur assez de justice pour affirmer qu’ils n’ont pas péché.
Dans un autre passage d’Evangile, Jésus rappelle qu’il a été dit : « « Vous ne commettrez pas d’adultère » et moi je vous dis : « Tout homme qui regarde une femme avec un désir malsain, celui-là est déjà adultère… » »
Et l’on voit les hommes se frapper la poitrine et partir, car ils se savent eux-mêmes pécheurs.
Le geste rejoint par la parole
Qu’est-ce qui sauve la femme ? C’est à la fois ce geste de s’abaisser et de se relever, ainsi que le fait d’être seul avec Lui. Après cette relation improbable et interdite, elle vit ce cœur à cœur, cette intimité avec le Christ. Et comme l’a dit Saint Augustin :
« Il y a là le face à face de la misère et de la miséricorde. »
C’est d’être seul avec le Christ qui permet d’être sauvé. Il y a ce geste et cette parole, tout comme celle que nous dirons juste avant de communier :
« Dis seulement une parole et je serai guéri. »
Et cette parole adressée à la femme est une parole considérable, car elle rappelle les paroles du commencement :
« Femme ! »
La femme est faite pour l’amour, et elle est là pour rappeler à l’homme le primat de la communion sur l’efficacité, le « faire ».
Ce qui est étonnant, c’est que dans le chapitre suivant dans l’évangile de Saint Jean, la prochaine que Jésus s’adressera à une femme en l’interpellant ainsi : « Femme ! », ce sera à Celle qui est debout, Stabat Mater, à la Vierge Marie.
C’est très beau de voir que le regard du Christ sur cette femme adultère ainsi que cette parole la restaurent, la relèvent. Il s’est abaissé et relevé pour détourner le regard des accusateurs, mais Il s’est abaissé et relevé pour restaurer dans cette femme cette capacité d’amour et cette capacité de communion.
A nous d’être les témoins de la miséricorde du Seigneur
Alors, oui, le Seigneur fait bien la différence entre le pécheur et le péché.
« Où sont-ils tes accusateurs ?
Moi, je ne te condamne pas. »
Oui, le Seigneur nous demande d’avoir cette attitude de miséricorde, de nous laisser aussi regarder avec miséricorde. Nous avons aussi enfreint l’Alliance, nous avons servi d’autre dieux, nous avons cédé à une forme d’idolâtrie, que ce soit les plaisir malsains de l’argent, du pouvoir, du perfectionnisme qui sont en sont d’autres formes. Nous nous sommes éloignés de Dieu.
Et le Seigneur nous restaure en nous rendant cette capacité de communion, en nous rendant la beauté des origines. Plus encore que de nous la redonner, il nous restaure en nous associant à Sa propre gloire.
Le Seigneur nous demande de nous laisser toucher en ce jour, il nous demande de savoir prendre un regard de miséricorde face à nous-même, ce qui n’est pas le plus simple. Non, la miséricorde n’est pas un encouragement au mal :
« Moi non plus je ne te condamne pas.
Va et désormais ne pèche plus. »
C’est un impératif que le Seigneur donne à cette femme.
En méditant sur cet évangile et sur les lecture du jour, vous pourrez relire la lettre de Saint Paul Apôtre aux Philippiens, particulièrement ce passage que nous avons entendu dans la deuxième lecture, et de remettre ces paroles dans la bouche de la femme adultère après avoir été relevée, après ce cœur à cœur avec Jésus :
« Il s’agit pour moi de connaître le Christ, d’éprouver la puissance de Sa Résurrection, de communier aux souffrances de Sa Passion en devenant semblable à Lui dans Sa Mort, avec l’espoir de parvenir à la Résurrection d’entre les morts. »
Amen !
Références des lectures du jour :
- Livre d’Isaïe 43,16-21
- Psaume 126(125),1-2ab.2cd-3.4-5.6
- Première lettre de saint Paul Apôtre aux Philippiens 3,8-14
- Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 8,1-11 :
En ce temps-là, Jésus s’en alla au mont des Oliviers. Dès l’aurore, il retourna au Temple. Comme tout le peuple venait à lui, il s’assit et se mit à enseigner.
Les scribes et les pharisiens lui amènent une femme qu’on avait surprise en situation d’adultère. Ils la mettent au milieu, et disent à Jésus :
— « Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d’adultère.
Or, dans la Loi, Moïse nous a ordonné de lapider ces femmes-là. Et toi, que dis-tu ? »
Ils parlaient ainsi pour le mettre à l’épreuve, afin de pouvoir l’accuser. Mais Jésus s’était baissé et, du doigt, il écrivait sur la terre.
Comme on persistait à l’interroger, il se redressa et leur dit :
— « Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter une pierre. »
Il se baissa de nouveau et il écrivait sur la terre.
Eux, après avoir entendu cela, s’en allaient un par un, en commençant par les plus âgés.Jésus resta seul avec la femme toujours là au milieu.
Il se redressa et lui demanda :
— « Femme, où sont-ils donc ? Personne ne t’a condamnée ? »
Elle répondit :
— « Personne, Seigneur. »
Et Jésus lui dit :
— « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus. »