Texte de l’homélie :
Il y a deux moments dans l’année liturgique où nous faisons mémoire du Corps et du Sang du Seigneur :
- le Jeudi Saint, avec l’institution de l’Eucharistie et du sacerdoce, et nous avons là un temps de procession, afin de revivre cet accompagnement des disciples qui suivent Jésus du Cénacle jusqu’au Jardin des Oliviers, pour accompagner le Saint Sacrement au reposoir avant de vivre le vendredi Saint
- la Fête Dieu, ou solennité du Saint Sacrement, avec également une procession, mais qui est éclairée d’une manière différente et qui renvoie une autre lumière sur le mystère du Corps et du Sang du Seigneur, cette lumière qui vient de la Résurrection.
Ainsi, nous avons pour ainsi dire une fête du Saint Sacrement liée à la Passion, et une fête du Saint Sacrement qui est éclairée et fixée dans le calendrier en fonction de la date de Pâques.
Que célébrons-nous aujourd’hui ?
Il me semble que nous célébrons cette solennité du Corps et du Sang du Seigneur dans une dimension missionnaire. Pâques s’inscrit d’ailleurs clairement dans cette dimension missionnaire. Comme Jésus le demande à Marie-Madeleine :
« Va trouver mes frères et dis-leur ! »
Ou encore juste avant l’Ascension :
« Allez et baptisez-les ! De tous les peuples, faites de disciples ! »
Ainsi, il est intéressant de méditer sur combien chaque Eucharistie a cette dimension missionnaire, à tel point qu’une communauté chrétienne, lorsqu’elle s’établit dans un lieu où il n’y a pas l’Eucharistie, a le désir de recevoir le Corps et le Sang du Seigneur, ce qui nous renvoie alors, pour cette Fête du Saint Sacrement, à une prière pour les vocations sacerdotales. Car c’est précisément à partir de cela que les communautés chrétiennes se soudent, se rassemblent : autour du Corps et du Sang du Seigneur, pour pouvoir prendre des forces et rayonner.
Notre mission : l’annonce de la Bonne Nouvelle !
Et si l’on revient à cette méditation sur l’Eucharistie dans sa dimension missionnaire, on peut ainsi suivre les différentes étapes de la messe :
La prière pénitentielle
Tout d’abord, on commence par réaffirmer la miséricorde de Dieu. Voilà une bonne nouvelle, qui nous invite à participer à l’Eucharistie dominicale et nous fait reprendre conscience que, dans notre vie, nous ne sommes pas livrés à nos psychologies blessées, mais que nous avons une miséricorde, une grâce qui nous sont accordées et qui viennent de l’Eucharistie, une grâce du pardon du Seigneur que nous célébrons chaque fois que nous nous rassemblons autour du Corps et du Sang du Seigneur.
C’est une bonne nouvelle, parce que, sans Eucharistie, c’est un peu comme si la miséricorde de Dieu, le pardon et la réconciliation qui, ne pouvant être célébrés, n’ont pas leur source - et c’est bien le drame de la sécularisation de nos sociétés occidentales. Sans cette intimité et cette communion au corps au Sang du Seigneur, nous nous risquons à une certaine désespérance.
Ainsi, participer à une Eucharistie nous fait nous relancer nous-mêmes, et nous fait relancer ceux que nous invitons dans cette dimension de miséricorde et d’action de grâce de réconciliation.
La liturgie de la Parole
Il y a aussi l’écoute de la parole de Dieu. C’est aussi une bonne nouvelle : savoir que Dieu nous parle, c’est beau. Car, l’on entend souvent des personnes dire qu’elles parlent à Dieu dans la prière, mais que Dieu ne nous répond pas. Et Saint Augustin de dire :
« Nous parlons à Dieu dans la prière,
et Lui nous répond dans les écritures… »
Ainsi, savoir que Dieu nous parle, c’est une bonne nouvelle, car nous ne sommes pas seuls dans cette création : nous avons un contact avec un dieu qui s’est manifesté en Jésus-Christ, tout d’abord dans l’ancienne alliance, puis en la plénitude des temps.
On le voit bien, de dimanche en dimanche – pour celles et ceux qui sont habitués à ce rendez-vous - cette écoute de la parole de Dieu vient éclairer notre vie de façon nouvelle. Cette parole de Dieu est une parole vivante. Ce n’est pas comme de lire les textes d’une « sagesse » - si bonne qu’elle soit – qui n’aurait pas la force de la parole de Dieu.
La parole de Dieu est une parole vivante, et dans chaque Eucharistie, on écoute la Parole vivante. Cette liturgie qui est suivie de façon plus ou moins heureuse par l’homélie – qui a de temps à autres les traits d’un pince-homme ou ceux d’un remontant - qui nous redonne des forces, et qui l’éclaire.
La liturgie eucharistique
Nous pouvons ainsi remarquer la place que l’Eucharistie occupe dans notre vie spirituelle : elle est centrale ! Elle n’est pas juste de l’ordre d’une dévotion, ou optionnelle : elle est bel et bien au cœur de notre vie de foi ! Dans chaque eucharistie dominicale, on rappelle notre Foi, ce qui fait la Foi de l’Église, ce qui nous rassemble.
L’autre nom de l’Eucharistie n’est-il pas : le mystère de la Foi ? Car, pour toucher dans ce pain et ce vin consacré le Corps et le Sang du Seigneur. Cela nous « requinque » dans la Foi.
Combien prenons-nous de moyens pour nous renforcer dans notre vie professionnelle, familiale ou conjugale ? et quel autre moyen de requinquer notre foi que de la proclamer en communauté comme nous allons le faire dans un instant…
Oui, nous avons cette dimension spirituelle. Certains d’entre-vous sont venus en famille, et c’est justement à travers ces temps de célébration eucharistique que, dans la foi des parents, ils vont grandir et ils vont découvrir la beauté de l’Évangile.
Cette foi dans un Dieu qui se laisse toucher, dans ce Dieu qui a pris notre humanité et qui s’est offert pour nous, la consécration du pain et du vin, sacrement inédit. Mettons-nous à la place des Juifs qui ont entendu ces parole : la première fois qu’ils ont entendu cela, ils n’ont pensé qu’à des pratiques anthropophages. Et rappelons-nous qu’au début, c’est pour cela que les Chrétiens ont été persécutés. Admettons que c’est à la fois admirable et très étonnant.
On dit bien que c’est de façon non-sanglante que ce corps et ce sang du Seigneur nous sont offerts, comme ils ont été offerts du temps de la Croix pour la Salut du monde : chaque fois que nous rappelons, que nous faisons mémoire de cette Passion, de cette mort et de cette résurrection du Seigneur, cela nous est offert. C’est un dieu qui n’est pas insensible, et qui s’est laissé toucher par les hommes, et qui a souffert pour nous…
Voici la bonne nouvelle qui nous envoie en mission.
Quel lien avec notre vie quotidienne ?
Admettons que, de ce point de vue là, le Christianisme dénote par rapport à toutes les religions : alors que les autres religions se concentrent à créer un pont avec Dieu, Jésus dit :
« Moi, je suis le pont ! »
Non, seulement Il le dit, mais Il dit aussi :
« Je prends sur moi vos souffrances, vos difficultés quotidiennes… »
C’est pour cela que l’on appelle aussi l’Eucharistie le Pain d’effort… car cela nous fortifie dans les épreuves. Voilà un autre point de la mission : nous ne sommes pas livrés à nos forces, nous pouvons compter sur un dieu qui s’est laissé toucher, qui a pris notre nature, nos souffrances sur Lui, et qui Se donne en nourriture à chaque Eucharistie.
Et il y a aussi la communion : quand on considère de manière approfondie la structure de la messe, tout converge à la communion. Voici une autre bonne nouvelle à annoncer : cette communion avec Dieu, coupée par le péché originel, est possible à nouveau parce que le Christ s’est offert pour nous racheter. Et ce lien avec le Seigneur, nous le vivons en recevant la communion au pain eucharistique. Nous la recevons pour nous dire que nous ne sommes pas seuls.
Dans l’Eucharistie, il y a cette bonne nouvelle : nous ne sommes pas seuls…
« Je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde. »
Comment cela se traduit-il ? par l’envoi de l’Esprit-Saint, ainsi que par l’Eucharistie qui nous est donnée chaque dimanche pour nous fortifier en communauté.
Au sujet du geste de paix
Enfin, le geste de paix est aussi un geste missionnaire. Il y a deux lieux où vous saluez quelqu’un que vous ne connaissez pas :
- à la messe, lorsque vous donnez la paix du Christ à votre voisin, en général. Cette bonne nouvelle nous vient de Jésus : « Le Christ est notre paix », comme nous le dit Saint Paul.
- au stade ! et ceci est d’actualité : lorsque l’équipe que l’on défend gagne, ce sont des grandes embrassades avec des personnes que l’on ne connaît pas ; et remarquez que l’on appelle aussi ces grandes compétitions des « grand-messe », ne l’oublions pas !
Oui, la messe est devenue comme l’archétype de touts les lieux de communion, même en dehors de l’Église. Et je trouve cela beau que cette communion, ce geste de paix que l’on se donne l’un à l’autre fait que l’on forme un même corps…
« En partageant un même pain, on forme un même corps. »
Nous ne sommes pas une juxtaposition d’individus. Dans la messe, on prend conscience que l’on est un corps, que l’on est liés les uns aux autres. Je ne peux pas dire « je » sans dire « tu », je ne peux pas dire « tu » sans dire « nous ». Et c’est vraiment un « médicament » qui nous est donné pour lutter contre cette maladie de l’individualisme ; c’est un remède, c’est une guérison qui nous est donnée dans cette manière de nous concevoir comme individu, comme seul au monde… et non ! je fais partie d’un corps, et dans chaque eucharistie, ce corps familial et social - le corps de l’Église – se fortifie.
Et pour finir…
Ensuite, c’est la bénédiction et l’envoi : Dieu qui dit du bien de nous - cela fait toujours du bien d’en entendre sur soi-même !
Ainsi, demandons au Seigneur que nous puissions, à travers cette Eucharistie, être relancés dans l’aspect missionnaire de notre vie, et découvrir la bonne nouvelle qui est annoncée dans chaque étape, car il y a une bonne nouvelle dans chaque temps de la célébration eucharistique.
Demandons que nous puissions bénéficier de cette bénédiction pour la transmettre autour de nous, et la faire rayonner et faire se propager cet amour du Christ,
Amen !
Références des lectures du jour :
- Livre du Deutéronome 8,2-3.14b-16a.
- Psaume 147,12-13.14-15.19-20.
- Première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens 10,16-17.
- Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 6,51-58 :
Après avoir nourri la foule avec cinq pains et deux poissons, Jésus disait :
— « Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour que le monde ait la vie. »
Les Juifs discutaient entre eux :
— « Comment cet homme-là peut-il nous donner sa chair à manger ? »
Jésus leur dit alors :
— « Amen, amen, je vous le dis : si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n’aurez pas la vie en vous.
Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour.
En effet, ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson.
Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi je demeure en lui.De même que le Père, qui est vivant, m’a envoyé, et que moi je vis par le Père, de même aussi celui qui me mangera vivra par moi.
Tel est le pain qui descend du ciel : il n’est pas comme celui que vos pères ont mangé. Eux, ils sont morts ; celui qui mange ce pain vivra éternellement. »