Notre-Dame des Bois exhausse les petites et les grandes prières

Témoignage sur les débuts de la démarche de repentance à l’égard du peuple Juif

Ce témoignage, qui émane d’une amie de la Congrégation, relate une grande et belle demande qui a été présentée plusieurs fois aux pieds de la Sainte Vierge à Notre-Dame des Bois. La manière dont elle a été exhaussée nous édifie…

« Il peut nous arriver, parfois, d’être tentés de ne pas faire de prière de demande de crainte d’être exaucés ! Cependant, il faut résister à cette tentation car… « tout est grâce ». »


Au début des années soixante, j’ai eu en main le livre du comte Bivert : « Le Père Lamy, apôtre et mystique », qui ne pouvait qu’attirer vers le pèlerinage fondé par ce père à la demande de la Sainte Vierge : « Notre-Dame des Bois ». Quelque temps plus tard je me suis rendue seule, en ce lieu peu connu, découvrant comme un haut-lieu spirituel humble, caché et prophétique.
Auparavant, j’avais passé, avec une amie qui cherchait aussi à connaître plus précisément sa vocation, une journée de prière dans l’église St Lucien à la Courneuve où avait été curé le père Lamy : ceci en priant l’une pour l’autre, indépendamment et en silence, soit à l’intérieur de l’église, soit en dehors dans le cimetière mitoyen où est la tombe du père Lamy.
En ces années, l’existence de la « Congrégation des Serviteurs de Jésus et de Marie », fondée également par le père Lamy, m’étais inconnue.
C’est bien après, vers la fin des années soixante-dix, que j’en ai connu l’existence. Dès lors, j’ai apprécié et aimé les religieux de l’Abbaye d’Ourscamp, lieu marial lui aussi, et participé quelquefois avec eux au pèlerinage organisé autour du 8 septembre ; outre les ‘sauts’ que je faisais déjà à Notre-Dame des Bois, soit seule, soit avec quelques personnes : en ce dernier cas, nous y allions avec le Saint-Sacrement que le curé de Chalindrey nous autorisait à emmener pour prendre un temps d’adoration dans la chapelle. En route, nous récitions le chapelet, chacun à son tour portant le Saint-Sacrement, en ‘procession cachée’.


Un pèlerinage organisé par la Congrégation m’a été particulièrement marquant : celui du 6-7 septembre 1980. Effectué en car, chacun avait sa place à l’aller, qu’il prenait au retour pour qu’on puisse mieux vérifier que personne ne manquait.
Comme je me demandais si le moment était venu pour moi de retourner en Pologne (où j’avais vécu un an en 1958-59), avec des vivres et d’autres choses vu la pénurie à l’Est, et aussi pour parler des Juifs avec des amis polonais, j’ai donc demandé à Notre-Dame des Bois de m’obtenir la lumière de quelque façon quant à la volonté du Seigneur. Mais durant la journée,… aucune motion intérieure ni signe quelconque. Mes hésitations demeuraient.
Un peu déçue en regagnant le car, je vois ma place prise par quelqu’un alors qu’il n’y avait encore que peu de pèlerins arrivés. Ce jeune homme ne faisait pas partie du pèlerinage. Le chauffeur me dit qu’il lui avait permis de monter pour aller à la gare de Chalindrey, puisqu’il y avait une ou deux places non occupées par les pèlerins. Il s’était donc assis au hasard.
Alors je m’assieds à côté de lui et on commence à faire connaissance ; mais il s’excuse de parler à peine le français : c’était un polonais (!).


Un voyage en Pologne fut donc envisagé, qui a pu se réaliser effectivement du 9 au 18 janvier 1981, en voiture chargée, et seule pour avoir les coudées franches
A ce moment-là, avec deux amies, nous mettions en route un « Comité-Repentance » dont nous avions parlé au père Roger Braun chargé des relations judéo-chrétiennes. Il s’agissait d’inviter des Chrétiens à une journée de prière et de jeûne en Avent et en Carême, priant pour que l’Église pose un acte solennel de repentance au sujet des persécutions historiques de Chrétiens contre des Juifs. Ce père, nous encourageant, nous avait dit qu’il serait bon de préparer un « Rituel de repentance » pour ces journées. Et sur ces entrefaites, il est mort.
Nous avions donc eu à cœur de rédiger un projet de rituel, à soumettre au père Bernard Dupuy au nom du « Comité épiscopal pour les relations avec le judaïsme », au père Dubois en Israël, et à un autre théologien, puis à l’évêque. Une fois approuvé, je l’avais fait traduire en polonais pour le faire connaître à bon escient en Pologne, complété par un dossier. En même temps, nous pensions à une Supplique à l’intention du Saint-Père.

Et il s’est trouvé que j’ai été mise en relation téléphonique par un prêtre ami, Régis Israël, avec Mgr Lustiger alors à Orléans. J’avais donc parlé à cet évêque inconnu de ce dossier en cours au sujet de cette repentance, en vue de la Pologne. Sur quoi il m’avait envoyé -pour le cas où cela pourrait vous aider- le manuscrit d’une retraite prêchée par lui au Bec-Hellouin l’année précédente, me disant de le lui rendre après lecture car il ne voulait pas le divulguer.

Lu dans la nuit, j’ai eu la stupeur de ‘voir ma foi écrite’ au sujet du mystère d’Israël, me croyant naïvement alors quasiment seule au monde avec cette foi… J’émergeais de cette lecture tel un mini-résistant dans une cave placé d’un seul coup devant le maréchal Leclerc.
Téléphonant sitôt lecture à Mgr Lustiger, je lui dit que… j’aimerais emporter ce manuscrit en Pologne. Surpris, réticent, il s’est tu un moment. Puis il a dit : « Après tout, cela ne m’appartient pas, faites ce que vous voulez. »
Je l’ai donc emporté, avec le Rituel.
Mais à qui le donner ?? Priant et « testant » des amis au sujet des Juifs, je ne parvenais pas à me décider. Finalement, à la veille du retour, retrouvant un prêtre que j’avais un peu connu, qui avait été volontaire pour accompagner des Polonais déportés en Sibérie pendant la guerre, et le « testant », il me dit : Quand je célébrais la messe clandestinement dans la neige sur un tronc d’arbre, nous étions entourés par des Juifs qui s’étaient proposés pour monter la garde. Alors, j’ai décidé de lui remettre le manuscrit. Avais-je eu tort ou raison ?

Quand ensuite je l’ai dit à Mgr Lustiger, il a répondu : « Même si vous vous êtes trompée, Dieu s’en servira. »
En tous les cas, j’avais passé les frontières -les fouilles étaient longues !- sans ennuis, renoué avec des amis, notamment un merveilleux ménage -lui professeur d’histoire de la philosophie à l’Université de Lublin- qui devait venir en France au printemps, et avec qui je voulais parler davantage au sujet de la « repentance » parce qu’ils étaient des proches de Jean Paul II.

Le 4 avril suivant, je retourne donc avec deux autres personnes à Notre-Dame des Bois, chacune avec ses intentions personnelles. Pour ma part, je n’ai pu que ‘radoter’ à Marie et comme malgré moi, que : je voudrais parler au pape des Juifs tout en trouvant cette prière dépourvue de sens, sans la moindre possibilité de réalisation. D’ailleurs je n’y ai plus pensé.

Le 22 mars précédent, mon père étant à l’hôpital avec un cancer m’avait dit : « J’offre toutes mes souffrances pour mes enfants et pour l’Église. »
J’avais eu alors comme un flash intérieur : Faudra-t-il donc que papa meure pour que des choses se débloquent, en ce qui me concerne, au sujet d’Israël ?… (Il y avait bien longtemps que j’avais conscience expérimentalement d’être greffée sur Israël, j’avais passé de longs mois en kibboutz en milieu juif en Eretz ; mais sans guère pouvoir parler de la ‘question juive’, ni agir, du côté chrétien -hormis prier).
J’ai revu mon père pour les dernières fois, bien conscient, du Vendredi-Saint au lundi de Pâques. Revenant le voir le 3 mai -je travaillais à 300kms de l’hôpital-, je l’ai retrouvé mort de la veille, l’infirmière malgré sa promesse ne m’ayant pas prévenue de sa dégradation rapide.

Quant au ménage polonais qui s’était annoncé, le Pr Stefan Swiezawski et son épouse Marisz (décédé à l’âge de 97 ans en 2003, après elle), il était arrivé à Paris fin avril, pour quelques semaines. Nous nous sommes revus le 6 mai. S’agissant des Juifs (dont nous n’avions guère eu l’occasion de parler auparavant), il a réagi en disant qu’à l’âge de 18 ans, le père Kornilowicz (mort en odeur de sainteté) l’avait invité, ainsi que d’autres étudiants, à péleriner à Rome avec lui parce qu’il allait faire une chose que lui, Stefan, ne comprendrait sans doute pas encore, mais très importante : Il s’agissait de remettre une supplique à Pie XI pour qu’il supprime des Litanies du Sacré-Cœur un passage qui pouvait être compris comme blessant pour les Juifs. Ce qu’a fait le pape. C’était en 1924.
Et le professeur a ajouté : Je serais si heureux, devenu vieux, de pouvoir faire quelque chose pour les Juifs auprès du pape actuel ! Car cette famille connaissait le jeune Karol Wojtyla depuis qu’il avait été vicaire près de Cracovie, lui confiant leurs enfants adolescents. Ils étaient restés amis tout au long de la vie, en se retrouvant aussi à l’Université de Lublin. Alors, la chose étant facile (!), Stefan Swiezawski a immédiatement téléphoné au secrétaire de Jean Paul II, le père Dziwisz qui le connaissait bien et qui les a invités à venir pour le 23 mai.

L’ennui était qu’ils n’avaient pas de visa pour Rome ; ni assez d’argent pour s’y rendre. De plus, ils mettaient une condition : Nous sentons que vous devez venir avec nous… ; à quoi j’ai répondu que je ne pouvais pas m’échapper facilement de mon travail et que ma présence n’était nullement nécessaire : ils n’avaient qu’à remettre la Supplique, d’autant plus qu’étant éminent historien de la philosophie, lui était le plus indiqué pour parler. Mais ils étaient insistants, disant que c’était moi qui devais parler et qu’ils m’appuieraient. Et c’est seulement à ce moment-là que je me suis souvenue de ma prière saugrenue à Notre-Dame des Bois…

Mais il fallait obtenir l’argent (j’avais juste de quoi payer un voyage ; et ils ne voulaient pas se séparer, n’ayant jamais fait de choses importantes qu’ensemble… ce que j’approuvais à fond, les connaissant), et aussi des visas : ce qui était impossible pour l’Italie sans qu’ils retournent en Pologne pour le demander. Restait à prier. Et l’idée m’est venue d’aller voir un prêtre polonais que je connaissais à Paris pour savoir s’il aurait un moyen d’obtenir deux visas pour le Vatican, lui disant que c’était très important (sans lui dire quoi). Au bout de quelques jours il m’a téléphoné pour que je vienne les chercher.

Entre-temps, une amie à qui j’avais incidemment parlé de la détresse, matérielle et spirituelle en Pologne, m’avait appelée pour me dire qu’elle avait pris sous son bonnet de faire une quête dans son groupe de prière, et qu’elle avait 4.500 francs à me remettre, pour des polonais (sans préciser pour quoi). Touchée et surprise, j’ai accepté, mais me demandant pourquoi le Seigneur donnait tant, bien trop ! (le reste servirait donc pour autre chose…).

Alors, munie des visas et de l’argent, je me hâte chez mes amis le bec enfariné dans l’après-midi même. Stefan ouvre, blanc comme un linge : Venez vite on a tiré sur le pape ! C’était le 13 mai ! Et je me retrouve entre eux devant la télévision regardant la voiture qui filait à Gemelli, le pape affaissé dans les bras du secrétaire. Ils étaient effondrés. Moi, j’étais sans aucune crainte. Le pape ne pouvait que s’en sortir puisque c’était à lui de poser l’acte de repentance ; sinon ce que j’apportais n’avait aucun sens. Seulement nous le verrions plus tard.

Faisant ensuite le point ensemble, nous décidons de remettre la démarche à octobre, mois dédié aussi à Marie. Ils demanderaient une audience pour nous trois. Et si l’1 ou les 2 visas pour l’Italie leur étaient refusés, nous irions voir Jean Paul II à deux, ou bien… moi toute seule avec leur appui par une lettre d’introduction.
En septembre, je devais aller en Israël, et retravailler en octobre. Mais j’avais le droit de prendre 48h de congé sans avis médical. Mes amis me téléphoneraient donc en octobre.
Je suis retournée à Notre-Dame des Bois le 30 mai 1981 pour lui confier notre projet pour octobre : pensant lui re-seriner ma prière du 4 avril mais, cette fois, je n’ai pas pu le faire,… comme si Marie me disait : Je sais, je m’en occupe ! C’eut donc été manquer de foi.

Et en octobre, le téléphone attendu est venu. Ils avaient les visas. J’avais eu le temps de préparer le mieux possible la Supplique à signer tous les trois à Rome, avec un petit dossier. Et je voulais offrir au pape une Marie qui lui était sûrement inconnue : Notre-Dame des Bois. Aussi avais-je demandé à Ourscamp une petite reproduction, que l’on m’avait promise.
J’ai pris mes billets d’avion du mercredi 21 octobre au soir au dimanche 25, car la date de rencontre n’était pas fixée encore. Mais… désolation ! Pas de statue de Notre-Dame des Bois, le travail demandé étant en retard. Et rien pour la remplacer…
Le mardi soir, entrain de faire ma valise, on sonne. C’était inhabituel et j’avais autre chose à faire. J’ouvre quand même à cet importun. Et c’était… avec un autre frère, le frère Roger d’Ourscamp qui me dit : Je t’amène Notre-Dame des-Bois…ajoutant : Elle a un air polonais ! (il est possible en effet qu’elle ait été sculptée par un polonais en route vers Compostelle). En en parlant avec la Communauté, le supérieur, le père André avait décidé de me faire remettre au Saint-Père la seule belle photo qu’ils avaient dans leur chapelle, en noir et blanc, sur bois, parce que c’était l’année du 50e anniversaire de la mort du père Lamy.
Le frère Roger est passé ce soir-là chez moi sitôt son arrivée à Paris, alors que son compagnon préférait ne venir que plus tard, étant persuadé que je ne partirais que pour le week-end. Mais frère Roger m’a dit : « Je me suis senti fortement poussé à venir de suite. » Je lui ai répondu : « Heureusement, car c’est demain que je pars ! » -ce que savait Notre-Dame des Bois !
Mais voilà qu’arrivée à Rome, mes amis m’annoncent, marris, qu’à cause des jours anniversaires de son élection, pape a un agenda bourré à craquer. Mais qu’après une dizaine de jours, il sera facile d’avoir une audience. Néanmoins, le père Dziwisz avait ajouté que si jamais il trouvait une possibilité, peu probable, il les informerait.
Je n’étais pas navrée car au fond je craignais de bafouiller devant le pape. L’essentiel était qu’ils aient la Supplique, avec Notre-Dame des Bois, qu’ils lui remettraient de la main à la main. Et, comme ils avaient dû emprunter pour leur voyage et leur séjour, ils pourraient rembourser leur prêt, qui se montait à l’équivalent de… 4.500 francs.
Néanmoins, nous regardions de la place Saint-Pierre la petite fenêtre de l’appartement, si proche et…si loin, en faisant le vœu en entrant à Saint-Pierre que la rencontre puisse se faire au moment où nous étions ensemble. Mais rien le jeudi, sauf un téléphone manqué, la sœur gardienne de leur pension ne sachant pas de qui,… à un moment où ils étaient absents.
Mais le vendredi, ils lèvent les bras au ciel quand je les rejoins pour le déjeuner.
Le matin vers 8h, Stefan passant devant le standard pour chercher du pain, s’arrêta en entendant le téléphone. La sœur le voyant lui dit : « C’est pour vous ! » C’était le père Dziwisz mais pour dire que vraiment une rencontre était impossible dans l’immédiat. Alors se déroule l’échange suivant.
— Stefan : « Nous avons fait venir une amie exprès de Paris, jusqu’à dimanche, c’est très important ! »
— Mais de quoi, ou de qui veut-elle parler au pape ?…
— Des Juifs !
— Alors, venez demain matin à 6h30, porte de bronze, pour la messe.

C’est ainsi que le samedi 24 octobre 1981 nous nous trouvions tous les trois à cette messe.
A cause d’un capucino pris trop tard la veille et un début de grippe, j’avais mal dormi et étais si abrutie qu’à moins de prendre un café auparavant, je me sentais incapable de dire trois mots sensés. Ma prière fut donc plus que terre à terre à cette merveilleuse messe.
Ensuite comme de coutume, dans le couloir le pape salue chacun des présents en lui offrant un chapelet cependant que photo est prise ; mes amis me présentent brièvement (impossible évidemment de parler à ce moment-là ni de donner quoi que ce soit). Puis chacun s’en va, tandis que le pape se rend dans la salle d’audience, prévue ce matin-là pour un groupe américain. Mais le père Dziwisz nous fait signe d’attendre un instant, puis nous fait entrer dans la salle à manger, où 8 couverts étaient préparés. Les invités parlent entre eux en polonais, sauf moi qui surveille la porte par où doit entrer le pape. Émotion au moment où il entre. Il sourit, moi aussi. Cela fait tellement simplement famille !
Avant de nous asseoir, mes amis me disent qu’on peut peut-être commencer à parler de nos affaires pendant le petit déjeuner, aucune audience n’étant prévue après. Mais pour moi c’était impossible devant les 2 secrétaires et 2 polonais inconnus. -Alors, à la fin on laissera partir les autres, dit Stefan, je me tiendrai dos à la porte ainsi vous aurez quelques instants pour parler au Saint-Père et lui remettre ce qu’on a à lui remettre.

Une fois à table, le pape, amaigri et convalescent, me demande si je comprends bien le polonais. Je réponds que non, pas bien mais que, surtout, ils parlent en polonais ! A quoi il a répondu : On parlera donc polonais pour des choses peu importantes, mais français si c’est important. En ces 25 minutes, il a été question surtout des événements en Pologne et de l’attentat. Le pape était frappé de la coïncidence avec le jour anniversaire de Fatima…- pas seulement le jour, mais l’heure et la minoute ! Impressionnant, n’est-ce pas ?
(Et un ‘détail’ : sitôt avalée ma tasse de café, le père Dziwisz, attentif, m’en a versé une seconde).

Aussi ai-je pu, au moment du départ, bafouiller, mais trop rapidement, quelques mots auxquels le pape ne pouvait rien comprendre mais, se penchant, il m’a dit : Vous savez, j’écoute ! Alors, j’ai pu lui parler de notre désir de demande de pardon au sujet des Juifs, ainsi que d’une Encyclique sur le mystère d’Israël déjà demandée par Edith Stein à Pie XI.
u sujet de la demande de pardon, il a répondu : Priez, priez beaucoup pour cela ! Et au sujet de l’Encyclique : Il faut réfléchir. Il pensait donc depuis longtemps déjà à cette demande de pardon ! (Par des polonais on a su que, devenu évêque, il avait demandé à des historiens de travailler sur cette question de l’antisémitisme dans le monde chrétien. Quant à l’Encyclique, il a fait sûrement encore mieux par ses interventions orales et écrites, ses gestes, et le Catéchisme). Ensuite, Stefan m’a donné ce que nous devions lui remettre. Je remets donc au Saint-Père la Supplique ainsi que l’image d’une Vierge de France. -Elle est à Paris ?… demande-t-il, comme impatient de la voir ! -Non, lui dis-je, et je la lui présente brièvement. Puis il la prend avec le dossier, nous bénit et nous dit : Merci. Que Dieu vous garde !
Dans le couloir nous l’avons suivi des yeux allant dans sa bibliothèque, la Supplique et Notre-Dame des Bois sous le bras. Où est-elle maintenant ?? En tous cas elle est chez le pape.

Mais sitôt après, j’étais un peu malheureuse d’avoir oublié de dire la seule phrase à dire au pape, si je n’avais eu que quelques secondes ; et c’était « Consolez mon Peuple ». Alors, mes amis m’ayant donné l’adresse personnelle du père Dziwisz, j’ai pu réparer en envoyant à ce dernier une lettre de gratitude à remettre au Saint-Père, avec ce mot d’Isaïe qui résumait tout.
Le 4 décembre je recevais sa réponse : ma lettre était transmise. Le 13 janvier 1982, un mot de remerciement arrivait de la Secrétairerie d’Etat, et le Jeudi-Saint suivant un second courrier qui précisait que c’était pour le dossier remis en octobre. J’ai alors envoyé au père Dziwisz le texte de notre Rituel de repentance.

En cette même année 1981, je suis retournée en pèlerinage à Notre-Dame des Bois avec deux amies, dont une religieuse d’origine juive, le samedi 7 novembre, 1er du mois, en action de grâce, et aussi pour lui demander de nous obtenir à Paris un lieu, afin de pouvoir commencer des rencontres bien particulières.
Car, au cours de mon séjour en Israël du mois de septembre précédent, j’avais parlé à avec des amis de la « Communauté catholique hébréophone » du désir de quelques néophytes juifs de prier régulièrement avec des non-juifs : l’Église, étant « catholique » aussi en ce sens qu’elle rassemble des baptisés Juifs et non-juifs, avec leur témoignage complémentaire (cf Ep 1-3 et Rm 15,7ss). Ils désiraient pouvoir prier, s’instruire et échanger compte-tenu de leur situation particulière pas toujours facile. Mais j’avais besoin de l’avis d’amis de cette Communauté -qui est dans ce cas- et de voir bien clair quant à la place respective de ces deux composantes de l’Église -je l’ai comprise ensuite de par l’Écriture- pour m’engager, comme ces jeunes me le demandaient, dans le démarrage d’un petit groupe à Paris.

Il en existait déjà un autour du père Régis Israël, qui a discerné que nous devions former un nouveau groupe pour avoir les coudées franches, nous demandant de trouver un lieu idoine et promettant alors de venir au moins une fois par trimestre y célébrer la messe.
Le projet était celui d’une rencontre mensuelle comportant : étude de l’Écriture, adoration, prières, messe si possible, chaque 1er samedi du mois car nous voulions ce groupe dédié à Marie, la « Fille de Sion », d’où son nom : Miryam Bath Tsion.

Aussi, ai-je demandé à Notre-Dame des Bois, si telle était la volonté du Seigneur, de nous trouver un lieu central dans Paris dont nous pourrions disposer ce jour-là, qui soit : marial, marqué de quelque façon par Israël, et discret -une crypte de préférence- avec la présence du Saint-Sacrement. Ceci avec le souhait de l’obtenir pour la fête mariale suivante : le 21 novembre 1981 ; et en décidant de ne rien chercher par moi-même.
Or, le 20 novembre au soir, un téléphone de la religieuse juive venue le 7 à Notre-Dame des Bois et qui, elle, avait prospecté, me dit que peut-être nous pourrions disposer d’une petite crypte à la disposition de sœurs qui s’en servaient à peine (allant prier surtout ailleurs). Le 21 au matin j’allais donc voir ce lieu -qui correspondait en tout aux désirs exprimés !- avec les sœurs, qui furent d’accord, très contentes que cet Oratoire puisse servir davantage !

Nous avons commencé à y prier à quatre personnes le 13 décembre 1981, fête de Hanoukka, et jour où s’abattait en Pologne la dure nuit de la répression contre Solidarnosc.

J’ai aussitôt informé de la naissance de ce petit groupe le cardinal Lustiger, qui a répondu de suite en disant s’en réjouir et nous encourageant.
Nous avons baptisé cette Crypte : Oratoire St Michel, avec la Bénédiction du père Régis Israël, y plaçant une icône de l’Archange peinte par une amie juive de foi catholique. Marie et Joseph y étaient déjà représentés. Par la suite, une Ménorah avec une Croix y a été placée, venant du cardinal Lustiger qui est venu célébrer deux fois. Et, il y a quelques années, nous ont été offerts une icône de Saint Grégoire l’Illuminateur, patron de l’Arménie (ce qui a du sens pour nous), et un moulage de Notre-Dame des Bois qui a trouvé sa place dans une niche.
Voilà pour le lieu de prière.
Mais revenons au début, fin 1981. Au bout de plusieurs mois, besoin s’était fait sentir de disposer aussi d’un local proche, pour y prendre un repas, accueillir, échanger davantage. Nous étions une petite dizaine, assez éparpillés. Nous avons donc prié et cherché un local.
J’habitais alors un logement dans une impasse du 20e arrt., dont les maisonnettes, devenues insalubres, devaient être démolies l’année suivante. Je cherchais donc un nouveau logement, proche autant que possible de notre lieu de prière, en mettant bien sûr Notre-Dame-des-Bois à contribution. Ce n’était pas facile à trouver. Je retourne à Notre-Dame des Bois le 5 septembre 1982, lui disant notamment mon désir d’habiter le quartier juif.


En 1983, je retourne en mai à Notre-Dame des Bois, et en septembre au pèlerinage annuel.
Et il s’est trouvé qu’un local a été proposé au Secours Catholique, avec lequel j’étais en lien de travail pour un accueil de jour dépendant de lui. On m’a demandé si je pouvais aller le voir pour une première visite. C’était un petit bar avec escalier et une pièce au-dessus, qui était à vendre. Mais finalement, le Secours Catholique l’a trouvé trop petit.
Le propriétaire était déçu car il était pressé de vendre, et à un prix avantageux parce qu’invendu depuis 2 ans, et nécessitant quelques travaux.
Ce logement se trouvant en plein quartier juif et à cinq minutes de notre lieu de prière (!), j’ai dit alors au propriétaire qu’il me conviendrait… -bien que n’ayant en poche que le 1/10e du prix, le juste nécessaire pour signer l’engagement d’achat devant notaire ; ce qui a été fait en octobre ‘dans la foi ’. J’avais 2 mois pour trouver la somme. Ce pari sur Notre-Dame des Bois était vraiment un peu fou, d’où certaines nuits sans grand sommeil, ce genre de procédé étant totalement contraire à mes habitudes.
En plus, d’autres acquéreurs se présentaient au propriétaire, lui offrant davantage… Je pouvais donc me dédire. Mais, avec assurance (!), je répondais que je conclurais l’achat (malgré que je n’avais pu emprunter que 3.000frs sur les 12 requis…).

C’est grâce à deux ‘hasards’ qui ressemblent à de petits miracles que vers la fin des 2 mois j’ai eu la somme. (Un ami religieux, dont j’avais demandé la prière au sujet de ce logement, se trouvait avoir prêté 5.000 frs à quelqu’un qui pouvait les lui rendre. Il me les a remis n’en ayant nul besoin. Ensuite, j’ai eu l’occasion de dépanner une personne inconnue qui travaillait pour le Liban, en l’emmenant à l’aéroport en voiture, son chauffeur ayant une entorse. En cours de trajet, elle m’a parlé de sa vie et moi de mon travail auprès de malades mentaux et, incidemment, de mon souci d’emprunt …sur quoi elle m’a demandé de combien. -4.000frs, dis-je. Oh, dit-elle, j’ai une amie qui a une fille handicapée ; cette somme n’est rien pour elle. Téléphonez-lui de ma part, elle sera heureuse de vous dépanner, même sans que vous ayez à lui rendre… Ainsi, sans couteau sous la gorge, j’ai pu rembourser peu à peu les deux prêteurs).


En mars 1984, nous disposions donc d’un local pratique, l’ex-bar ayant porte sur rue, et ma chambre une porte au 1er étage de l’immeuble. Notre-Dame des Bois arrange tout.
C’est alors que les sœurs, gardiennes de la Crypte, ont déménagé. Nous nous sommes donc adressés au curé, qui ne nous connaissait pas, pour lui demander s’il acceptait de nous garder. Ce qu’il a fait d’autant plus facilement qu’il était…. d’origine juive, sans en parler.


Le 9 février 1986, ma propagande pour Notre-Dame des Bois portant quelque fruit, deux jeunes du groupe de prière ont désiré que nous y allions en pèlerinage. Et l’un d’eux, qui venait d’avoir son permis de conduire, souhaitait m’accompagner en Pologne où je projetais de me rendre avec un chargement comme chaque hiver. Cependant, j’hésitais à l’emmener, notamment à cause des mauvaises routes et de la neige en Pologne.
Mais en allant en voiture à Notre-Dame-des-Bois, il pourrait commencer à se faire la main. Peu sûr de lui encore, il n’a voulu prendre le volant qu’après la sortie de Paris. Après Troyes il a commencé à neiger mais tout se passait bien, la route étant quasi-déserte.
Mais d’un seul coup, 15 km après Chaumont, la voiture a zigzagué sans raison apparente et roulé d’un tour et demi à droite dans le ravin. La jeune fille à l’arrière, peu contusionnée, a pu sortir et monter sur la route appeler du secours. Le jeune homme, lui, ne bougeait pas, au-dessus de moi, et la porte était au-dessus de lui, à soulever.
Enfin, il a pu sortir, et moi ensuite pour m’allonger par terre, le crâne ensanglanté qui avait cogné partout. Il faisait très froid. Nous avons dit paisiblement des « Je vous salue Marie… » dans ce ravin. Au bout d’environ ¼ d’heure, les secours sont venus de Chaumont et nous ont emmenés à l’hôpital.

Les deux jeunes, contusionnés mais valides, ont tenu à aller courageusement le lendemain en taxi (la voiture étant hors d’usage) à Notre-Dame des Bois, pendant 20 minutes, pour prier aussi pour un de leurs amis qui était dans le coma suite à un accident, et dont il est sorti.
Au bout d’une semaine, hors de danger, je suis sortie de l’hôpital avec 6 mois d’arrêt de travail. Après environ 3 mois, j’ai été en mesure d’aller en province auprès de ma mère, alors paralysée et que je ne pouvais guère aller voir ; et de commencer à rédiger quelque chose, qui me tenait à cœur, sans en trouver le temps et pour laquelle je souhaitais pouvoir disposer d’une demi-année sabbatique, au sujet de Marie et Israël ; intention confiée tout particulièrement -outre la triste et difficile « affaire du Carmel d’Auschwitz » qui déclenchait de graves malentendus- à Notre-Dame des Bois ce jour-là.


Cet accident a donc permis 3 articles publiés dans « Nova et Vetera » en 1987 et un petit ouvrage paru sous le titre mentionné ci-dessus le 8 février 1988, avec une préface du père Marcel Dubois o.p. de Jérusalem datée du 8 au 15 septembre 1987.
Quant au voyage en Pologne prévu en hiver 1986, je l’ai fait seule, en mars 1987.

Il peut nous arriver, parfois, d’être tentés de ne pas faire de prière de demande de crainte d’être exaucés ! Cependant, il faut résister à cette tentation car… « tout est grâce ».