Combats et protections : les débuts d’une vocation
La vocation sacerdotale du Père Lamy est née le jour de sa première communion. Il y a donc pour lui un lien étroit entre le sacerdoce et l’Eucharistie.
Ce lien insiste sur l’offrande du Christ à son Père pour notre salut et qui nous est donnée comme force de guérison, gage de salut et mystère d’intimité avec le Seigneur.
On peut penser légitimement que les deux événements intérieurs qu’il décrit comme des apparitions ont eu une forte influence pour le préparer à sa vocation.
Tout d’abord l’apparition de l’Agneau mystique sur la hauteur en face de son village natal. L’Agneau immolé mais victorieux comme le présente l’Apocalypse de saint Jean, enveloppe et protège son village et ses habitants. Le petit Edouard est frappé par ses yeux et son regard qui semblent envelopper le village et le protéger.
Puis l’apparition de la Vierge, alors qu’il faisait seul une procession dans les bois proches de chez lui, avec une petite image tout en chantant les litanies de la Sainte Vierge. Le regard annonciateur de la Vierge tient dès le début une place importante pour celui que l’on appellera par la suite le prêtre de la Mère de Dieu. Il est « très émotionné » de sa présence. C’est Elle qui lui donne d’être lui-même. Contre toutes les attaques et les dépersonnalisations, Elle le protège. Ce sera une caractéristique de la présence de la Vierge dans la vie du P. Lamy depuis son enfance jusque dans sa vieillesse.
Peu de temps après, au début de l’adolescence, alors que l’idée du sacerdoce semble acquise dans sa famille puisque l’on confectionne peu à peu son trousseau pour aller au séminaire, tout est remis en cause par l’incendie de la maison familiale. C’est la ruine de la famille. Il n’est plus question de vocation pendant quelques temps.
L’idée et le désir lui reviendront au cours de son service militaire. Le jeune prêtre adjoint de l’aumônier militaire, animé d’un vrai zèle sacerdotal dans sa mission auprès des conscrits, va beaucoup marquer le jeune Édouard Lamy. Les activités religieuses et d’évangélisation qu’il va réaliser avec lui auront une influence grandissante sur sa vocation. Le courrier de cette époque le montre très clairement.
Libéré en octobre 1878, il est prêt à prendre le chemin du séminaire. Sous l’influence d’amis de Langres et du curé du Pailly, un des premiers Oblats de François de Sales, Edouard Lamy va faire un stage dans la jeune congrégation en formation. Il veut y rester mais son curé l’invite fortement à prendre un peu de recul, pour ses parents dit-il, mais aussi pour que le jeune homme vienne l’aider dans les travaux de son église alors en pleine réfection.
Cette expérience initiale, symboliquement proche de celle de François d’Assise à San Damiano « Va et répare mon église », est aussi une clef pour comprendre le sacerdoce du P. Lamy.
Religieux et prêtre-éducateur des jeunes
Dès son arrivée à Troyes le 1er septembre 1879, il apprend les rudiments de la vie religieuse, de la vie intérieure et de la spiritualité de saint François de Sales à l’école de la Visitation. Mais surtout il travaille dans l’Œuvre de Jeunesse confiée à la congrégation.
Il va « réparer » l’Église en la personne des jeunes enfants ouvriers livrés à eux-mêmes dans cette grande ville ouvrière, en leur proposant des activités éducatives et religieuses. Il fonde ensuite un foyer de vie pour les initier à une vie d’hommes et de chrétiens, libres et responsables.
Le Père Lamy sera ordonné prêtre, avec cette formation « sur le tas » d’ordre surtout pratique.
Et il se montrera pasteur, éducateur.
Il exhorte, éduque, forme les consciences à travers les œuvres et la pratique des sacrements. Il communique la vie, toujours liée à celle qui vient de Dieu et y qui mène : la vie éternelle.
Le curé de bidonville
Après treize ans de ce régime très actif et sans répit, désormais tout proche de la quarantaine, le Père Lamy voit sa santé ébranlée.
Il change de maison et va chez les frères Oblats à Saint-Ouen. Comme ministère sacerdotal, dans cette paroisse tenue par un prêtre diocésain, on lui confie la pastorale des jeunes. Les Frères Oblats tiennent le grand collège à côté de la paroisse.
Le P. Lamy s’occupera de ceux dont l’école ne veut pas, les enfants qui travaillent et ceux qui sont laissés pour compte.
En cette période de pleine expansion de la population et de l’activité industrielle, le P. Lamy devient, en quelque sorte, un curé de bidonville. Il est beaucoup dans la rue, à la recherche des jeunes et de leurs familles, ceux qui ne sont pas dans les circuits de la société ou de l’école. C’est la période des rencontres les plus insolites et parfois hautes en couleur avec ceux qui ne mettent jamais ou rarement les pieds à l’Église.
Le Père Lamy organise quelques activités sociales et religieuses pour les jeunes. Les deux sont toujours unies.
A travers les corps on soigne les âmes, en touchant les âmes on restaure les corps."
Il organise un vestiaire, des goûters et distributions de nourriture, il propose des activités pour les jeunes désœuvrés, il baptise, catéchise, confesse, réconcilie avec la vie et avec Dieu sans relâche. Là encore il répare l’Église, œuvre de salut pour tout l’être, désireux de préserver les jeunes des pièges de la vie et de la pauvreté, du péché, et brûlant de communiquer la vie éternelle, la connaissance de Jésus-Christ et la pratique de ses vertus.
Le curé de paroisse
La tension entre le gouvernement de la Troisième République et les congrégations religieuses (surtout enseignantes comme l’est celle des Oblats de Saint François de Sales) aboutit à la dispersion des frères Oblats.
Le P. Lamy devient, en 1900, curé de la Courneuve, petit village du diocèse de Paris progressivement absorbé par la grande banlieue.
En tant que curé, l’activité sacerdotale du P. Lamy devient plus classique. Son prédécesseur très âgé n’avait plus pris d’initiatives depuis plusieurs années, les cadres de la paroisse avaient tous vieilli, ou avaient déménagé.
Le P. Lamy reconstruit véritablement sa paroisse. Il apporte la vie à chacun en ramenant beaucoup à la pratique.
Le prêtre de la consolation
En 1909, une grande grâce intérieure lui est donnée par l’intermédiaire de la Vierge. Avec cette véritable grâce de guérison intérieure, c’est toute sa vie sacerdotale qui va être renouvelée. Les difficultés de sa propre histoire, celles du temps dans le monde - avec l’approche de la première guerre mondiale - et dans l’Église – avec la crise moderniste – ne sont plus des obstacles mais vont devenir un tremplin de la grâce, par la protection de la Vierge Marie.
C’est un véritable temps de consolation au sens où le Deuxième Isaïe annonce à ceux qui souffrent de l’exil la présence de Dieu comme celui qui vient et qui régénère la force de ceux qui se confient en lui.
Il vit de manière concrète et renouvelée de la grâce de Dieu qui vient le toucher, lui et ceux à qui il s’adresse dans le quotidien.
Il se laisse transformer par cet amour de Dieu qui lui est manifesté."
Plus que jamais, à travers l’organisation d’une paroisse, la prédication et l’administration des sacrements, il manifeste la miséricorde de Dieu pour les pécheurs en les invitant à la conversion, et à la pratique des vertus de l’Évangile.
Plus que jamais le P. Lamy se donne dans son ministère. Il n’invente pas de méthodes pastorales vraiment nouvelles, mais il transmet l’espérance. Par son ministère, il apprend à chacun comment être renouvelé dans sa vie. Cette miséricorde, il la puise dans son amour de la Vierge Marie et la contemplation du Sacré-Cœur et de la Passion de Jésus qui vont prendre une influence croissante dans sa vie et ses engagements.
Dans le rayonnement du Cercle de Meudon
Un an avant sa retraite prise en 1923, il rencontre les Maritains.
La « Communauté de Meudon » est à l’origine d’un vrai renouveau de la vie chrétienne et draine beaucoup de nouveaux convertis dans les chemins de la vie spirituelle. Intellectuels, artistes, hommes et femmes à la riche personnalité découvrent la beauté de la doctrine et de la vie chrétienne vécue de l’intérieur, dans l’Esprit-Saint.
Ce n’est pas tant un mouvement spirituel qu’un foyer d’amitié qui rayonne et permet à chacun de s’engager à la suite du Seigneur. Ce groupe suscite beaucoup de vocations laïques, sacerdotales et religieuses dans des domaines très divers suivant les charismes de chacun.
Même s’il y est un peu marginal car pas vraiment intellectuel, le P. Lamy y est bien accepté, il y trouve sa place par son sens de la relation vivante et personnelle au Seigneur, par sa force évangélisatrice puisée dans la doctrine chrétienne, par son amour et son expérience de la vie avec la Vierge Marie.
L’influence du cercle de Meudon lui permettra d’avoir des audaces apostoliques jusque dans sa retraite.
Ainsi il développe le pèlerinage à Notre-Dame des Bois qui se révèle être une source de grâces. Il en vient même à oser l’aventure de la fondation de la Congrégation. Le cercle Maritain portait le sens d’une œuvre d’évangélisation à créer, peut-être même sous la forme d’une communauté. Beaucoup s’y essayent dans une grande liberté, il n’y a pas de projet précis et les différences sont grandes suivant les personnalités qui s’y engagent : le P. Charles Henrion, le prince Vladimir Ghika, le P. Lamy…
Toute collaboration s’avère impossible. Mais le mouvement est amorcé, il mènera jusqu’à la fondation des Serviteurs de Jésus et de Marie.
Le pauvre prêtre
Le prêtre en célébrant doit avoir trois fins : honorer Dieu, se rappeler sa passion, obtenir des grâces à toute l’Église."
- Honorer Dieu pour le Père Lamy c’est rendre à l’homme sa totalité, faire de l’homme un homme debout et non amputé d’une partie de lui-même ; un être en relation avec sa profondeur et sa vocation dans le plan de Dieu.
- Se rappeler sa passion, c’est se laisser toucher par l’Amour, être purifié de son péché, être attiré par le Christ et marcher dans ses voies.
- Obtenir des grâces pour toute l’Église, c’est évangéliser et faire retomber la grâce sur chacun, jusqu’aux plus éloignés, par la prière et par l’action.
Le Père Lamy aimait à se désigner par l’expression un pauvre prêtre …
Sa pauvreté, ses limites sont très présentes tout au long de sa vie. On peut dire qu’elles iront même croissant mais elles seront de moins en moins un obstacle à la grâce sacerdotale.
Le Père Lamy tout au long de sa vie est très perfectionniste, c’est à dire de se donner pleinement, mais il ne s’embarrasse pas de construire de grands projets.
La fondation du pèlerinage à Notre-Dame des Bois est déconcertante par son absence de moyens : le Père Lamy monte seul avec son paquet sous le bras (la statue) dans un bois où il n’est pas allé depuis sa jeunesse.
Pour la fondation de la Congrégation, il n’y va lui-même que lorsque les difficultés amoncelées présument de l’issue fatale de ce premier essai.
Les réalisations ne seront montées que par des proches et bienfaiteurs. Le Père Lamy vit cela comme un mystère d’obéissance et d’effacement qui a pour but de mettre en contact les uns et les autres avec la grâce de Dieu.
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Au fond, tout sera rendu possible uniquement par la primauté dans sa vie de l’action de la Vierge Marie, de l’amour du Sacré-Cœur et de la contemplation de la Passion de Jésus qui seront comme l’axe de sa grâce sacerdotale.