Texte de l’homélie :
Introduction - Il y a des choses difficiles…
Ce n’est pas la première fois que l’humanité est confrontée à des choses difficiles voire dramatiques. C’est déjà l’expérience des fils d’Israël dans la première lecture : ils ont peur de mourir de soif. Laissons-nous éclairer par la Parole de Dieu pour bien vivre cette période difficile.
Les réactions dans une situation difficile
Face à l’épreuve et au mal, les réactions peuvent être mauvaises mais il y a aussi des actions héroïques.
Les réactions mauvaises
On voit certaines de ces réactions mauvaises dans la première lecture :
« Ils récriminèrent contre Moïse. »
On voit bien l’angoisse et la panique qui grandissent et qui conduisent à la plainte, à la révolte, à l’accusation, en particulier à l’égard des autorités. L’accusateur, le diable, est ravi de voir les gens s’entre-tuer par les critiques. Certains accusent Dieu :
« Moïse donna à ce lieu le nom de Massa (c’est-à-dire : Défi) et Mériba (c’est-à-dire : Accusation), parce que les fils d’Israël avaient accusé le Seigneur, et parce qu’ils l’avaient mis au défi, en disant : ’Le Seigneur est-il vraiment au milieu de nous, ou bien n’y est-il pas ?’ »
Nous sommes invités à ne pas fermer notre cœur :
« Ne fermez pas votre cœur comme au désert, où vos pères m’ont tenté et provoqué. ».
Nous sommes pétris de la même pâte humaine que les fils d’Israël. Nous avons la même tentation de nous replier sur nous-mêmes et nos propres intérêts en essayant de sauver notre peau en oubliant les autres.
Comme les hébreux voulaient faire des réserves de manne, beaucoup dévalisent les rayons des supermarchés par peur de manquer.
Les réactions édifiantes
À côté de cela, nous voyons aussi de très belles réactions : ceux qui se donnent héroïquement aux autres. Nous pensons particulièrement à tout le corps médical et à tous ceux qui se dévouent auprès des personnes vulnérables. Pour citer une Italienne :
On voit l’économie à genoux. « À genoux au chevet des plus vieux et des plus vulnérables. »
Ces situations difficiles peuvent aussi ouvrir le cœur et réveiller un bel héroïsme de la charité. Sous un autre angle, nous voyons que l’évangile de la Samaritaine commence par une situation de faiblesse :
« Jésus est fatigué. »
C’est le point de départ d’un dialogue profond qui ouvre sur de grands horizons.
Plutôt que de nous offusquer des réactions mauvaises, nous pouvons nous émerveiller de toutes les réactions édifiantes pour nous encourager à faire de même.
Trois opportunités devant la difficulté
Reconnaître notre vulnérabilité
La première opportunité est de nous renouveler dans la conscience que nous ne sommes pas tout puissants. Nous pensions que les épidémies du Moyen-âge étaient loin derrière nous. Et il faut se rendre à l’évidence : nous sommes très vulnérables. Cette conscience de notre vulnérabilité était bien présente dans la phrase de l’imposition des cendres qui a ouvert ce temps de carême :
Nous pensions êtres prêts ; nous pensions être forts ; nous pensions que cela n’arrivait que chez les autres. Voici maintenant l’heure où notre espérance est provoquée. Nos habitudes, nos modes de vie sont remis en cause.
Peut-être est-ce un moment où s’accomplit ce verset du prophète Isaïe :
« Les regards arrogants des humains seront abaissés, et la prétention des hommes sera humiliée. Seul le Seigneur sera exalté en ce jour-là. » (Is 2, 11)
Et il le répète quelques versets plus loin :
« L’arrogance des humains sera humiliée ; la prétention des hommes sera abaissée. Seul le Seigneur sera exalté en ce jour-là. » (Is 2, 17)
Comme nous l’avons chanté dans le psaume :
« Entrez, inclinez-vous, prosternez-vous, adorons le Seigneur qui nous a faits. Oui, il est notre Dieu. »
Nous voyons bien qu’il y a des choses que l’homme ne maîtrise pas et qu’il n’est pas tout-puissant. C’est un appel à nous rappeler que nous sommes dans la main de Dieu, l’unique nécessaire.
« Que rien ne te trouble, que rien ne t’épouvante, tout passe. Dieu seul suffit. » (sainte Thérèse d’Avila)
Ouvrir les yeux sur les difficultés des autres
Quand tout va bien, nous pouvons avoir tendance à oublier ceux pour qui c’est difficile. Les circonstances nous invitent à communier à la souffrance des chrétiens persécutés, de celles des chrétiens d’Amazonie, de celle des personnes âgées ou malades qui n’ont, toute l’année, elles, que la messe à la télévision ou à la radio.
Nous remettre en question personnellement et communautairement
Jésus nous invite à accueillir les événements difficiles comme une invitation à la conversion. C’est ce que fait Jésus au chapitre 13 de l’évangile de saint Luc :
« À ce moment, des gens qui se trouvaient là rapportèrent à Jésus l’affaire des Galiléens que Pilate avait fait massacrer, mêlant leur sang à celui des sacrifices qu’ils offraient.
Jésus leur répondit : ’Pensez-vous que ces Galiléens étaient de plus grands pécheurs que tous les autres Galiléens, pour avoir subi un tel sort ? Eh bien, je vous dis : pas du tout ! Mais si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même.
Et ces dix-huit personnes tuées par la chute de la tour de Siloé, pensez-vous qu’elles étaient plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem ? Eh bien, je vous dis : pas du tout ! Mais si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même.’ »
Les difficultés sont l’occasion de réfléchir, de remettre de l’ordre dans nos priorités. Croyons-nous vraiment que le plus essentiel est la vie éternelle ? C’est en tout cas une intention de prière pour nous-mêmes mais aussi pour tous ceux qui détiennent une autorité dans la société, que ce soient les médias ou les hommes politiques.
Quatre pistes
Faire confiance à la Providence et intercéder
Dans ce brouillard où nous sommes invités à vivre au jour le jour, cela peut être aussi l’occasion de réapprendre la confiance, de s’abandonner à la Providence. Nous sommes invités à frapper au Rocher qui est le Christ :
« Tu frapperas le rocher, il en sortira de l’eau, et le peuple boira ! »
Prendre le temps
A une époque où nous courons après le temps, nous sommes obligés de ralentir notre rythme effréné. Pour certains, la course à pied est devenue presque une drogue. Pour beaucoup, le fait de courir après le temps est devenu aussi une sorte de drogue.
Souvent, nous nous faisons cette confidence : « Quand j’aurai du temps, je ferai ceci ou cela ».
Ce temps est désormais arrivé. Il faut donc risquer cette question : qu’allons-nous en faire ? Comment allons-nous occuper nos soirées ?
Dans quelques semaines, soyons de ceux et celles qui diront : « J’ai profité de la crise du Coronavirus pour… » Les idées ne manquent pas : lecture, travail (oui, quand même !), sport, bricolage, courrier… et prière ! L’argument du « Je n’ai pas le temps » n’est désormais plus possible.
Consacrer plus de temps à ses proches et aux gens vulnérables
Cette période où nous sommes confinés peut être aussi une opportunité pour prendre plus de temps en famille, d’avoir plus de soirées tranquilles, nous recentrer sur nos proches, nos enfants, nos voisins, … Beaucoup vont peut-être se rendre compte que leur famille est plus importante que la course effrénée à l’argent ou le rythme métro-boulot-dodo.
Il ne faudra pas non plus manquer d’être disponibles pour servir et aider : faire des courses pour ceux qui ne le peuvent pas, prendre des nouvelles, garder le contact, etc. Cela peut passer par des choses très simples : téléphoner ou envoyer une carte à des personnes en maison de retraite puisqu’on ne peut plus les visiter, …
Dans ce domaine, notre imagination est appelée à se faire inventive.
Rendre compte de notre espérance
Le carême est l’occasion par excellence de méditer sur la Passion et la Croix de Jésus, pour nous laisser davantage pénétrer par l’amour de Jésus. De ce point de vue la deuxième lecture peut vraiment nous accompagner :
« L’espérance ne trompe pas, puisque l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné. Alors que nous n’étions encore capables de rien, le Christ, au temps fixé par Dieu, est mort pour les coupables que nous étions.
Accepter de mourir pour un homme juste, c’est déjà difficile ; peut-être donnerait-on sa vie pour un homme de bien.
Or, la preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ est mort pour nous alors que nous étions encore pécheurs. »
Pour beaucoup de non-croyants, cette période est particulièrement anxiogène. Nous pouvons laisser résonner en nos cœurs cette invitation de saint Pierre :
« Soyez prêts à tout moment à présenter une défense devant quiconque vous demande de rendre raison de l’espérance qui est en vous ; mais faites-le avec douceur et respect. » (1 P)
Nous pouvons partager aussi des motifs d’espérance sur les réseaux sociaux et tout ce qui est de nature à élever les âmes.
Conclusion :
Dans l’histoire de l’Eglise, à de multiples reprises, le peuple chrétien s’est tourné vers la Vierge Marie pour obtenir du Ciel la fin de tel ou tel fléau. Nous pouvons nous inscrire dans la lignée de tous ces croyants. Vous pouvez par exemple vous unir à la grande neuvaine à l’Immaculée lancée par le sanctuaire de Lourdes, du 17 au 25 mars, pour implorer le secours de la Vierge Marie durant l’épidémie du coronavirus.
Avec vous, je désire terminer cette homélie par la plus ancienne prière mariale que nous connaissions : le Sub tuum praesidium, Sous l’abri de ta miséricorde :
Ne méprise pas les demandes que nous t’adressons dans le besoin.
Au contraire, délivre-nous de tout danger,
Ô glorieuse et bénie Vierge Marie. »
Amen !
Références des lectures du jour :
- Livre de l’Exode 17,3-7.
- Psaume 95(94),1-2.6-7ab.7d-8a.9.
- Lettre de saint Paul Apôtre aux Romains 5,1-2.5-8.
- Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 4,5-42 :
En ce temps-là, Jésus arriva à une ville de Samarie, appelée Sykar, près du terrain que Jacob avait donné à son fils Joseph. Là se trouvait le puits de Jacob. Jésus, fatigué par la route, s’était donc assis près de la source. C’était la sixième heure, environ midi.
Arrive une femme de Samarie, qui venait puiser de l’eau. Jésus lui dit : « Donne-moi à boire. » – En effet, ses disciples étaient partis à la ville pour acheter des provisions.
La Samaritaine lui dit :
— « Comment ! Toi, un Juif, tu me demandes à boire, à moi, une Samaritaine ? » – En effet, les Juifs ne fréquentent pas les Samaritains.
Jésus lui répondit :
— « Si tu savais le don de Dieu et qui est celui qui te dit : “Donne-moi à boire”, c’est toi qui lui aurais demandé, et il t’aurait donné de l’eau vive. »
Elle lui dit :
— « Seigneur, tu n’as rien pour puiser, et le puits est profond. D’où as-tu donc cette eau vive ? Serais-tu plus grand que notre père Jacob qui nous a donné ce puits, et qui en a bu lui-même, avec ses fils et ses bêtes ? »
Jésus lui répondit :
— « Quiconque boit de cette eau aura de nouveau soif ; mais celui qui boira de l’eau que moi je lui donnerai n’aura plus jamais soif ; et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’eau jaillissant pour la vie éternelle. »
La femme lui dit :
— « Seigneur, donne-moi de cette eau, que je n’aie plus soif, et que je n’aie plus à venir ici pour puiser. »
Jésus lui dit :
— « Va, appelle ton mari, et reviens. »
La femme répliqua :
— « Je n’ai pas de mari. »
Jésus reprit :
— « Tu as raison de dire que tu n’as pas de mari : des maris, tu en as eu cinq, et celui que tu as maintenant n’est pas ton mari ; là, tu dis vrai. »
La femme lui dit :
— « Seigneur, je vois que tu es un prophète !… Eh bien ! Nos pères ont adoré sur la montagne qui est là, et vous, les Juifs, vous dites que le lieu où il faut adorer est à Jérusalem. »
Jésus lui dit :
— « Femme, crois-moi : l’heure vient où vous n’irez plus ni sur cette montagne ni à Jérusalem pour adorer le Père. Vous, vous adorez ce que vous ne connaissez pas ; nous, nous adorons ce que nous connaissons, car le salut vient des Juifs.
Mais l’heure vient – et c’est maintenant – où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et vérité : tels sont les adorateurs que recherche le Père.
Dieu est esprit, et ceux qui l’adorent, c’est en esprit et vérité qu’ils doivent l’adorer. »
La femme lui dit :
— « Je sais qu’il vient, le Messie, celui qu’on appelle Christ. Quand il viendra, c’est lui qui nous fera connaître toutes choses. »
Jésus lui dit :
— « Je le suis, moi qui te parle. »
À ce moment-là, ses disciples arrivèrent ; ils étaient surpris de le voir parler avec une femme. Pourtant, aucun ne lui dit : « Que cherches-tu ? » ou bien : « Pourquoi parles-tu avec elle ? »
La femme, laissant là sa cruche, revint à la ville et dit aux gens : « Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait. Ne serait-il pas le Christ ? »
Ils sortirent de la ville, et ils se dirigeaient vers lui.Entre-temps, les disciples l’appelaient : « Rabbi, viens manger. »
Mais il répondit : « Pour moi, j’ai de quoi manger : c’est une nourriture que vous ne connaissez pas. »
Les disciples se disaient entre eux :
— « Quelqu’un lui aurait-il apporté à manger ? »
Jésus leur dit :
— « Ma nourriture, c’est de faire la volonté de Celui qui m’a envoyé et d’accomplir son œuvre. Ne dites-vous pas : “Encore quatre mois et ce sera la moisson” ? Et moi, je vous dis : Levez les yeux et regardez les champs déjà dorés pour la moisson. Dès maintenant, le moissonneur reçoit son salaire : il récolte du fruit pour la vie éternelle, si bien que le semeur se réjouit en même temps que le moissonneur.
Il est bien vrai, le dicton : “L’un sème, l’autre moissonne.”
Je vous ai envoyés moissonner ce qui ne vous a coûté aucun effort ; d’autres ont fait l’effort, et vous en avez bénéficié. »Beaucoup de Samaritains de cette ville crurent en Jésus, à cause de la parole de la femme qui rendait ce témoignage : « Il m’a dit tout ce que j’ai fait. »
Lorsqu’ils arrivèrent auprès de lui, ils l’invitèrent à demeurer chez eux. Il y demeura deux jours.
Ils furent encore beaucoup plus nombreux à croire à cause de sa parole à lui, et ils disaient à la femme : « Ce n’est plus à cause de ce que tu nous as dit que nous croyons : nous-mêmes, nous l’avons entendu, et nous savons que c’est vraiment lui le Sauveur du monde. »