Homélie du troisième dimanche de Carême

25 mars 2025

« Ce n’est plus à cause de ce que tu nous as dit que nous croyons maintenant ; nous l’avons entendu par nous-mêmes, et nous savons que c’est vraiment lui le Sauveur du monde. »

Veuillez noter que les lectures choisies sont celles de l’année A pour le premier scrutin des catéchumènes.

Écouter l’homélie

Texte de l’homélie

Comme vous l’avez constaté, nous avons pris les textes de l’année A car nous accompagnons Amélie qui recevra le baptême le jour de Pâques. La liturgie nous offre aujourd’hui l’Évangile de la Samaritaine ; dimanche prochain, ce sera celui de l’aveugle-né ; le 5e dimanche, ce sera celui la résurrection de Lazare. Ce sont trois rencontres déterminantes avec Jésus.

La rencontre de Jésus avec la samaritaine a lieu près du puits de Jacob. Dans la tradition biblique, le puits est un lieu de rencontre. C’est près d’un puits qu’Isaac rencontre Rébecca (Gn 24), que Jacob rencontre Rachel (Gn 29) ou que Moïse défend des femmes qui viennent abreuver leurs troupeaux. C’est ainsi qu’il se mariera avec Çippora (Ex 2, 16-22).

Aujourd’hui encore, Jésus veut nous rencontrer pour s’unir plus intimement à nous.
Je distinguerai trois moments de cette rencontre de Jésus avec la Samaritaine. Cela vaut aussi pour Amélie et chacun d’entre nous que Jésus veut rencontrer.

Ouvrir son cœur

Jésus ne s’impose pas. Il n’aborde pas la Samaritaine “par le haut”. Dieu ne veut pas nous imposer son amour, Il veut entrer en communion avec nous, ce qui est bien différent. L’amitié, la communion, suppose la réciprocité.

Comment s’y prend-il ? Comme le dit saint Jean, la Samaritaine trouve Jésus, assis :

« …fatigué par la marche. » (Jn 4, 6)

Jésus se met en position de faiblesse. Il commence par montrer à cette femme qu’Il attend quelque chose d’elle :

« Donne-moi à boire. »

C’est une perche qu’Il lui tend. Dieu aime nous tendre des perches. Ensuite, on les saisit ou on ne les saisit pas. Nous sommes libres ; Jésus n’entre jamais par effraction dans notre cœur. Dieu a mille manières de nous lancer des perches mais cela passe souvent par ceux qui ont besoin, par les pauvres. Il fait appel à notre bon cœur.
Le fait que cette femme accepte de donner de l’eau à Jésus manifeste déjà une ouverture. Cette bonté est déjà une porte par laquelle Jésus pourra entrer.

À travers une sorte de quiproquo qu’aime utiliser Jésus dans l’évangile du Jean, Jésus amène la Samaritaine plus loin :

« ‘Si tu savais le don de Dieu, si tu connaissais celui qui te dit : ’Donne-moi à boire’, c’est toi qui lui aurais demandé, et il t’aurait donné de l’eau vive… Tout homme qui boit de cette eau aura encore soif ; mais celui qui boira de l’eau que moi je lui donnerai n’aura plus jamais soif ; et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui source jaillissante pour la vie éternelle.’
La femme lui dit : ‘Seigneur, donne-la-moi, cette eau : que je n’aie plus soif, et que je n’aie plus à venir ici pour puiser.’ »

Jésus conduit cette femme à désirer le don de Dieu. Quelques chapitre plus loin, Jésus dira plus explicitement :

« Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et il boira, celui qui croit en moi !’ selon le mot de l’Écriture : De son sein couleront des fleuves d’eau vive. Il parlait de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui avaient cru en lui. » (Jn 7, 37-39)

Comme l’explique saint Paul :

« L’espérance ne déçoit point, parce que l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par le Saint Esprit qui nous fut donné.
La preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ est mort pour nous alors que nous étions encore pécheurs. » (Rm 5, 5-8)

La suite du récit montrera que cette femme avait soif de l’amour et qu’elle n’était pas comblée par l’amour des hommes qui est toujours limité.

Accepter de mettre notre vie dans la lumière

À ce moment-là se produit un virage très clair dans le dialogue entre Jésus et la Samaritaine, au moment où elle demande cette eau vive :

« Jésus lui dit : ‘Va, appelle ton mari, et reviens.’
La femme répliqua : ‘Je n’ai pas de mari.’
Jésus reprit : ‘Tu as raison de dire que tu n’as pas de mari, car tu en as eu cinq, et celui que tu as maintenant n’est pas ton mari : là, tu dis vrai.’ »

Au premier abord, cela peut paraître un peu rabat-joie. Mais Jésus ne fait pas comme si de rien n’était. Il n’est pas bonasse ; Jésus sait être exigeant.

Pourquoi ? Parce que nous formons un tout. La foi n’engage pas seulement notre cœur mais tout notre être.
Saint Jacques nous dit bien :

« Montre-moi donc ta foi qui n’agit pas ; moi, c’est par mes actes que je te montrerai ma foi. » (Jc 2, 18)

Pour accueillir le don de Dieu, la femme doit faire la vérité sur sa conduite morale. Nos péchés ne sont pas un problème pour Dieu à partir du moment où nous les regrettons et que voulons changer.

Cette eau que Jésus veut lui donner, c’est une eau qui désaltère mais c’est aussi une eau qui purifie. Si elle symbolise l’amour de Dieu ; elle symbolise aussi Sa miséricorde. Mais pour cela, il faut accepter d’être lavé par cette eau. Notre âme est comme un tissu précieux lavé dans l’eau du baptême. Nous sommes comme l’épouse que l’Époux rend belle.

Comme le dit saint Paul :

« Le Christ a aimé l’Église : il s’est livré pour elle, afin de la sanctifier en la purifiant par le bain d’eau qu’une parole accompagne ; car il voulait se la présenter à lui-même toute resplendissante, sans tache ni ride ni rien de tel, mais sainte et immaculée. » (Ep 5, 25-27)

Il arrive assez souvent que des personnes s’étonnent de ce que leur foi semble s’étioler. La raison en est quelquefois assez simple : en refusant de vivre selon les exigences de la l’Évangile, elles perdent la foi.
La foi est une démarche qui ne concerne pas seulement notre cœur et notre intelligence mais toute notre personne. C’est toute notre vie que nous remettons à Jésus.

Par la prière entrer dans une relation avec Dieu

Après que Jésus lui ait dit qu’elle avait eu cinq maris et que l’homme avec qui elle vivait n’était pas son mari, la femme lui dit :

« Seigneur, je le vois, tu es un prophète. Alors, explique-moi : nos pères ont adoré Dieu sur la montagne qui est là, et vous, les Juifs, vous dites que le lieu où il faut l’adorer est à Jérusalem. »

À première vue, on pourrait avoir l’impression que la Samaritaine change de sujet parce que ce n’est jamais très agréable de se voir découvert dans ce qui n’est pas glorieux dans notre vie. Peut-être est-elle gênée aux entournures mais il y a plus que cela car lorsqu’elle va voir les gens de sa ville, elle s’exclame :

« Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait. Ne serait-il pas le Messie ? »

Elle serait à même de redire le début du beau psaume 138 :

« Tu me scrutes, Seigneur, et tu sais ! Tu sais quand je m’assois, quand je me lève ; de très loin, tu pénètres mes pensées.
Que je marche ou me repose, tu le vois, tous mes chemins te sont familiers. »

Sa question sur l’adoration n’est donc pas une manière d’éviter le coup. C’est une vraie question, et la réponse de Jésus est très éclairante. Jésus n’est pas un relativiste qui dit que tout se vaut :

« Vous adorez ce que vous ne connaissez pas ; nous adorons, nous, celui que nous connaissons, car le salut vient des Juifs. »

Mais Jésus invite à aller plus loin :

« L’heure vient – et c’est maintenant – où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et vérité. »

Et il se présente alors comme :

« le Messie, celui qu’on appelle Christ. »

Bien sûr la liturgie et la théologie sont importantes. Mais elles ne suffisent pas si l’on veut vraiment rencontrer Jésus. Il y a besoin d’une rencontre personnelle avec Lui. Cela se fait dans la prière.
Adorer, c’est s’émerveiller devant Dieu (Ps 8) et Lui rendre grâce pour tous Ses bienfaits.
Adorer, c’est aussi accepter de soumettre notre volonté à la Sienne pour faire Sa volonté.
Prier, c’est aussi pouvoir tout Lui demander parce que Dieu est notre Père et ne peut rester indifférent à tout ce qui nous concerne.

La foi consiste à entrer et persévérer dans une relation de confiance qui est mise à mal par les difficultés que nous pouvons traverser. C’est cette question de confiance qui s’est posée à Massa et Meriba dans la première lecture de ce jour :

« Le Seigneur est-il vraiment au milieu de nous, ou bien n’y est-il pas ? »

Conclusion

Cette femme devient aussi témoin :

« Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait ! »

J’aime la manière dont elle présente les choses. Elle ne les impose pas. Elle laisse une question résonner dans l’esprit des gens :

« Ne serait-il pas le Christ ? »

Elle met spontanément en œuvre la consigne que Jésus donnera au possédé délivré de ses démons :

« Rentre à la maison, auprès des tiens, annonce-leur tout ce que le Seigneur a fait pour toi dans sa miséricorde. » (Mc 5, 19)

C’est ce dont parle le Pape François lorsqu’il parle de disciple-missionnaire. Le don de Dieu est un trésor que nous sommes appelés à communiquer.

Comme le disait le pape Jean-Paul II :

« La foi se renforce en la donnant. »

Alors n’hésitons pas à faire de même,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre de l’Exode 17,3-7.
  • Ps 95(94),1-2.6-7ab.7d-8a.9.
  • Première lettre de saint Paul Apôtre aux Romains 5,1-2.5-8.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 4,5-42 :

Jésus arrivait à une ville de Samarie appelée Sykar, près du terrain que Jacob avait donné à son fils Joseph, et où se trouve le puits de Jacob.
Jésus, fatigué par la route, s’était assis là, au bord du puits. Il était environ midi.
Arrive une femme de Samarie, qui venait puiser de l’eau.
Jésus lui dit :
— « Donne-moi à boire. » (En effet, ses disciples étaient partis à la ville pour acheter de quoi manger.)
La Samaritaine lui dit :
— « Comment ! Toi qui es Juif, tu me demandes à boire, à moi, une Samaritaine ? » (En effet, les Juifs ne veulent rien avoir en commun avec les Samaritains.)
Jésus lui répondit :
— « Si tu savais le don de Dieu, si tu connaissais celui qui te dit : ’Donne-moi à boire’, c’est toi qui lui aurais demandé, et il t’aurait donné de l’eau vive. »
Elle lui dit :
— « Seigneur, tu n’as rien pour puiser, et le puits est profond ; avec quoi prendrais-tu l’eau vive ?
Serais-tu plus grand que notre père Jacob qui nous a donné ce puits, et qui en a bu lui-même, avec ses fils et ses bêtes ? »
Jésus lui répondit :
— « Tout homme qui boit de cette eau aura encore soif ; mais celui qui boira de l’eau que moi je lui donnerai n’aura plus jamais soif ; et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui source jaillissante pour la vie éternelle. »
La femme lui dit :
— « Seigneur, donne-la-moi, cette eau : que je n’aie plus soif, et que je n’aie plus à venir ici pour puiser. »
Jésus lui dit :
— « Va, appelle ton mari, et reviens. »
La femme répliqua :
— « Je n’ai pas de mari. »
Jésus reprit :
— « Tu as raison de dire que tu n’as pas de mari, car tu en as eu cinq, et celui que tu as maintenant n’est pas ton mari : là, tu dis vrai. »
La femme lui dit :
— « Seigneur, je le vois, tu es un prophète. Alors, explique-moi : nos pères ont adoré Dieu sur la montagne qui est là, et vous, les Juifs, vous dites que le lieu où il faut l’adorer est à Jérusalem. »
Jésus lui dit :
— « Femme, crois-moi : l’heure vient où vous n’irez plus ni sur cette montagne ni à Jérusalem pour adorer le Père. Vous adorez ce que vous ne connaissez pas ; nous adorons, nous, celui que nous connaissons, car le salut vient des Juifs. Mais l’heure vient – et c’est maintenant – où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et vérité : tels sont les adorateurs que recherche le Père. Dieu est esprit, et ceux qui l’adorent, c’est en esprit et vérité qu’ils doivent l’adorer. »
La femme lui dit :
— « Je sais qu’il vient, le Messie, celui qu’on appelle Christ. Quand il viendra, c’est lui qui nous fera connaître toutes choses. »
Jésus lui dit :
— « Moi qui te parle, je le suis. »
Là-dessus, ses disciples arrivèrent ; ils étaient surpris de le voir parler avec une femme. Pourtant, aucun ne lui dit : « Que demandes-tu ? » ou : « Pourquoi parles-tu avec elle ? »
La femme, laissant là sa cruche, revint à la ville et dit aux gens : « Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait. Ne serait-il pas le Messie ? »
Ils sortirent de la ville, et ils se dirigeaient vers Jésus. Pendant ce temps, les disciples l’appelaient :
— « Rabbi, viens manger. »
Mais il répondit :
— « Pour moi, j’ai de quoi manger : c’est une nourriture que vous ne connaissez pas. »
Les disciples se demandaient :
— « Quelqu’un lui aurait-il apporté à manger ? »
Jésus leur dit :
— « Ma nourriture, c’est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé et d’accomplir son œuvre. Ne dites-vous pas : ’Encore quatre mois et ce sera la moisson’ ? Et moi je vous dis : Levez les yeux et regardez les champs qui se dorent pour la moisson.
Dès maintenant, le moissonneur reçoit son salaire : il récolte du fruit pour la vie éternelle, si bien que le semeur se réjouit avec le moissonneur.
Il est bien vrai, le proverbe : ’L’un sème, l’autre moissonne. ’ Je vous ai envoyés moissonner là où vous n’avez pas pris de peine, d’autres ont pris de la peine, et vous, vous profitez de leurs travaux. »
Beaucoup de Samaritains de cette ville crurent en Jésus, à cause des paroles de la femme qui avait rendu ce témoignage : « Il m’a dit tout ce que j’ai fait. »
Lorsqu’ils arrivèrent auprès de lui, ils l’invitèrent à demeurer chez eux. Il y resta deux jours. Ils furent encore beaucoup plus nombreux à croire à cause de ses propres paroles, et ils disaient à la femme : « Ce n’est plus à cause de ce que tu nous as dit que nous croyons maintenant ; nous l’avons entendu par nous-mêmes, et nous savons que c’est vraiment lui le Sauveur du monde. »