Homélie du quatrième dimanche de l’Avent

20 décembre 2021

« Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. »

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Texte de l’homélie :

Frères et sœurs bien-aimés, qu’est-ce qui fait que notre vie sort de la banalité ? Qu’est-ce qui pourra nous aider à vivre le mystère de Noël, non pas de façon banale, mais extraordinaire ?
Marie et Élisabeth peuvent nous enseigner les dispositions spirituelles qu’il faut. En effet, l’épisode de la Visitation aurait pu être purement banal : une visite familiale toute simple. Mais de fait, on voit que cet épisode a une portée bien plus grande : Élisabeth reconnaît en Marie la mère de son Seigneur ; Marie se trouve confirmée dans sa maternité divine. Il y a à la fois toute une légèreté (dans le bon sens du mot) et une profondeur.

Pourquoi donc la salutation de Marie – qui était sans doute une salutation ordinaire - a-t-elle produit un effet extraordinaire ? Parce qu’elle était portée par l’Esprit Saint. Saint Luc nous le dit bien :

« Élisabeth fut remplie de l’Esprit Saint. »

Le protagoniste principal de la scène de la visitation, même s’il est discret, est bien l’Esprit Saint. C’est l’Esprit-Saint qui fait toute la différence.
Pour aller un peu plus loin : quel est l’écosystème propice à l’action de l’Esprit-Saint ? Quels sont les facteurs qui ont permis à l’Esprit-Saint d’agir ? C’est un peu comme une graine : elle a en elle-même le potentiel pour germer. Cependant il y a des conditions qui favorisent la germination : j’en retiendrai 3 : l’humidité, la chaleur et la lumière.

De même, je retiendrai trois éléments pour l’éclosion de l’action de l’Esprit-Saint dans nos vies :

  • la foi confiante (l’humidité)
  • la charité fraternelle (la chaleur)
  • la louange et la joie (la lumière).

La foi confiante

Le premier facteur est la foi de Marie. Comme l’exprime très bien Élisabeth :

« Heureuse, celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. »

Elle ne dit pas : « Bienheureuse toi qui as vu un Ange » ou « Toi qui as entendu un messager de Dieu ». Élisabeth nous éclaire sur la foi de Marie. Au don de Dieu, Marie a répondu par la foi. Il ne s’agit pas d’une foi purement intellectuelle : Marie s’abandonne totalement à Dieu. Elle lui fait totalement confiance et le laisse disposer d’elle-même.

Un acte de foi porte du fruit parce qu’il permet à Dieu d’agir. On le voit en Marie mais aussi en Pierre lorsqu’il obéit à Jésus et marche sur l’eau. C’est aussi ce que soulignent les évangélistes pour de nombreux miracles.

La foi de Marie est contagieuse ! Élisabeth reçoit le don d’un regard pénétrant (cf. prophète Balaam) qui lui permet de voir ce qui est invisible aux yeux de chair. Élisabeth est la première à dire : « La mère de mon Seigneur ».
C’est l’Esprit-Saint qui lui permet de reconnaître la présence de Dieu. Comme le dit saint Paul :

« Nul, sinon par l’Esprit Saint, ne peut dire : Jésus est Seigneur. » (1 Co 12,3)

L’Esprit Saint nous permet de découvrir dans nos vies et celle des autres, tous les autres, la trace de l’œuvre de Dieu.
Mais cette foi confiante suppose une intériorité, une certaine qualité d’écoute. Marie sait écouter Dieu. Elle ne se contente pas de l’« entendre » superficiellement. Il s’agit d’une véritable « écoute » faite d’attention, d’accueil, de disponibilité envers Dieu.

L’écoute suppose une réceptivité particulière qui permet de percevoir ce qui « bondit » en nous, les motions de l’Esprit Saint. Cela peut advenir dans les situations les plus diverses mais notamment dans l’écoute de la Parole de Dieu, dans les rencontres, …

Dieu nous parle beaucoup plus souvent que nous ne l’imaginons mais nous sommes trop souvent à l’extérieur de nous-mêmes, pris par un rythme qui a un effet centrifuge, pris par une attention excessive à nous-mêmes qui nous empêche le décentrement nécessaire pour une écoute de qualité.

Dans l’effervescence des préparatifs de Noël, il est important de garder des espaces de silence et d’intériorité pour rester attentifs à ce qui se passe de grand mais qui ne fait pas forcément beaucoup de bruit !

La charité fraternelle

Un deuxième facteur qui permet à l’Esprit-Saint d’agir est la charité fraternelle. L’amour qui l’habite lui donne d’interpréter l’indication de l’ange comme une suggestion d’aller lui apporter son aide :

« Élisabeth, ta cousine, a conçu, elle aussi, un fils dans sa vieillesse et elle en est à son sixième mois. »,
« Marie se mit en route rapidement vers une ville de la montagne de Judée. Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth. »

Après l’annonciation, Marie aurait pu rester chez elle pour goûter cette joie d’être la mère du Seigneur. Mais l’Esprit-Saint lui fait apparaître comme une évidence de se mettre au service d’Élisabeth. Cette parole de saint Paul se vérifie une fois de plus :

« Ne brisez pas l’élan de votre générosité mais laissez jaillir l’Esprit. » (Rm 12, 11)

On quitte le domaine d’une justice un peu étriquée où l’on ne donne – ric-rac – que ce que l’on doit donner. Il y a toute une gratuité. Il y a ce plus de la générosité.

Personne n’oblige Marie à rendre ce service. C’est son amour qui la presse. Comme le dit saint François de Sales :

« C’est le propre de l’Esprit Saint, lorsqu’il touche un cœur, d’en chasser toute tiédeur. Il aime la promptitude, il est ennemi des délais, des retards dans l’exécution de la volonté de Dieu… »

Rapidement comme pour les bergers ou les disciples d’Emmaüs.
La visitation est déjà une petite Pentecôte, et on peut le constater en reprenant ces mots décrivant la « grande » Pentecôte :

« Tous, d’un même cœur, étaient assidus à la prière. » (Ac 1, 14)

Vous savez mieux que moi que les téléphones portables ne fonctionnent que s’il y a du réseau. Si nous sommes en dehors du réseau, nous ne pouvons pas avoir de communications. De façon similaire, l’Esprit Saint est un don gratuit, cependant, il s’agit de se rendre réceptif, et cela se fait notamment par la charité qui unit les cœurs. La charité fraternelle est le réseau qui nous permet de « capter » les motions de l’Esprit-Saint !

Nous voyons qu’il s’agit d’une charité active de Marie pour Élisabeth car la charité ne soit pas rester blottie à l’intime de notre cœur mais doit s’exprimer par des actes concrets.

Nombreux sont ceux parmi vous qui auront la chance de vivre des retrouvailles familiales à l’occasion de Noël. Nous sommes invités à leur donner une qualité de charité fraternelle. Comme la charité de Marie a attiré la bénédiction sur Élisabeth, qu’elle attire aussi la bénédiction sur vos familles. N’oublions pas – comme le dit une hymne très ancienne utilisée lors du geste du lavement des pieds :

« Où sont amour et charité, Dieu est présent » « C’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres que l’on reconnaîtra que vous êtes mes disciples. » (Jn 13, 25)

La louange et la joie

Le troisième facteur que je veux évoquer et qui permet à l’Esprit-Saint d’agir, c’est la louange et la joie. C’est un peu une spirale : la louange ouvre à la joie et la joie déploie la louange dans notre vie.

La foi et la charité de Marie amènent la bénédiction sur Élisabeth : celle-ci perçoit la présence du Seigneur, entre dans la louange et est remplie de joie. Élisabeth s’écrie :

« Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni." »

La louange est le chant de la foi qui voit plus loin, plus profond, que le mal et la mort. Au passage, on ne peut pas s’empêcher de comparer la force de parole d’Élisabeth au mutisme de Zacharie ! Élisabeth a cette réaction d’émerveillement, de reconnaissance en présence du mystère qui s’accomplit. C’est tout le contraire d’une forme d’habitude, de lassitude d’âme, voire d’une certaine incrédulité.

Avec la louange vient aussi la conscience d’être aimé, d’être favorisé par Dieu :

« Comment m’est-il donné que vienne à moi la mère de mon Seigneur ? »

Il en va toujours ainsi du don de Dieu : je n’y ai aucun droit ; qui suis-je pour recevoir une telle visite ? Je ne suis pas digne de la recevoir. mais cette venue m’emplit de bonheur.

Il est beau de voir que la louange et la joie attirent le don de Dieu. Ce qui plonge dans la stupéfaction et l’émerveillement ceux qui assistent à la Pentecôte, c’est qu’ils entendent les apôtres publier, dans leur propre langue les merveilles de Dieu (cf. Ac 2, 11). Il y a alors comme un effet boule de neige.

Vous pourrez bien sûr vous réjouir des cadeaux que vous recevrez mais il y a aussi bien d’autres cadeaux que vous recevrez de Dieu et des autres. Il sera bon de laisser éclater votre joie par votre gratitude, votre reconnaissance et votre louange. C’est aussi ce qui donnera à ces fêtes une tonalité de joie comme dans l’épisode de la Visitation.

En conclusion, j’imagine que vous préférez cette ambiance de la Visitation à l’ambiance qui règne quelquefois dans certains lieux ou certaines situations où l’ambiance est lourde, pesante : on y entend des paroles de critique plutôt que des bénédictions, des plaintes plutôt que des louanges, une certaine tristesse plutôt que la joie, …

Alors, si vous voulez passer de belles fêtes de Noël, soyez attentifs aux facteurs qui favorisent l’action de l’Esprit Saint : la foi confiante, la charité fraternelle, la louange et la joie !
Que Marie vous aide à entrer dans ces belles dispositions !

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre de Michée 5,1-4a.
  • Psaume 80(79),2ac.3bc.15-16a.18-19.
  • Lettre aux Hébreux 10,5-10.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 1,39-45 :

En ces jours-là, Marie se mit en route et se rendit avec empressement vers la région montagneuse, dans une ville de Judée. Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth.
Or, quand Élisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant tressaillit en elle.
Alors, Élisabeth fut remplie d’Esprit Saint, et s’écria d’une voix forte :
« Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni.
D’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ?
Car, lorsque tes paroles de salutation sont parvenues à mes oreilles, l’enfant a tressailli d’allégresse en moi.
Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. »